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BIBLIOTHEQUE
DE L'ÉCOLE
DES CHARTES.
TOME PREMIER.
QUATRIÈME SÉRFE.
PARIS. — TYPOGRAPHIE DE FIRHIN DIDOT FRÈRES, RUE JACOB, 56.
BIBLIOTHÈQUE
DE L'ECOLE
Ml
DES CHARTES
REVUE D'ÉRUDITION
CONSACREE SPÉCIALEMENT A LÉTUDE DU MOYEN AGE.
SEIZIÈME ANNÉE.
TOME PREMIER.
QUATRIËMS SÉRIE.
PARIS,
J. B. DUMOULIN,
•5v^t^^^
LIBRAIRE DE LA SOCIETE DE L ECOLE IMPERIALE DES CHARTES,
QUAI DES AUGUSIIirS , l3.
M DCCC LV.
D
V
LOUIS XI,
M. DE TAILLEBOURG
ET
M. DE MAIGNÊ.
Dix-sept lettres missives antérieures à l'année 1480, toutes inédites
et récemment découvertes au château de Serrant, en Anjou, dans le
chartrier du duché de Thouars, sont imprimées ci-après : une de Marie
de Valois, dame de Taiilebourg, n" I ; une de son mari , n" VIII ; une
de M. de Maigné, n° XIV ; deux de Jean Chambon, lieutenant de Poi-
tou, n°* XIII et XV ; la dix-septième d'une dame inconnue \ et les onze
autres de Louis XL Parmi ces dernières, trois sont des copies contem-
poraines, n°* X , XI et XVI, et les cinq autres des pièces originales,
portant la signature du roi de France. Celle de madame de Taille-
bourg est olographe. M. de Maigné et Jean Chambon ont non -seule-
ment signé les leurs, mais encore écrit la formule de salutation. La
lettre de M. de Taiilebourg est une minute.* On peut aussi considérer
comme telle la réponse de la dame inconnue à la missive de Louis XI
datée d'Arras, le 28 juillet, n° XVII, réponse adressée par elle, sous
forme de lettre close scellée en cire rouge, a mons"" de Tailleboubg,
pour lui faire connaître les ordres qu'elle a reçus du roi, au sujet des
filles de ce seigneur. Comme la plupart des documents de cette nature
et de cette époque, nos lettres n'indiquent pas l'année à laquelle elles
appartiennent. Il a été très-difficile de déterminer cette date. Nous
1. Mous disons plus loin que celte dame est probablement l'aïeule paternelle de
François I", Marguerite de Rohan.
I. (Quatrième série.) 1
croyons avoir à peu près réussi pour celles qui portent les n*" V à
XVII ; du reste, le lecteur en jugera lui-même.
Les onze dernières missives se rapportent toutes à un même objet ,
l'intervention du roi de France dans les affaires privées de M. de Tail-
lebourg, sur lesquelles nous donnons quelques éclaircissements.
Les quatre premières ne constatent aucun fait remarquable ; mais,
quand même elles n'auraient pas l'incontestable mérite qui résulte de
leur caractère confidentiel et du nom de leurs auteurs, nous n'aurions
pas eu le courage de séparer ces vénérables textes, qui, après avoir été
protégés par la même poussière, en sont sortis le même jour, récla-
mant, pour ainsi dire, à la lumière comme dans l'obscurité, la commu-
nauté de sort qui existe entre eux depuis près de quatre siècles.
Marie de Valois nous montre dans la première lettre, nou-seulement
une écriture belle et hardie , mais encore un style qui fait honneur à
la fille de Charles VII et d'Agnès Sorel , ainsi qu'aux maîtres dont elle
a reçu les leçons dans le château de Taillebourg ï.
Les trois suivantes sont de Louis XL Celle du 23 juillet, n" II, est
datée du Puy-Notre-Dame, où les fidèles vont, encore aujourd'hui,
vénérer la ceinture de la Vierge 2 ; elle témoigne de son affection , plus
ou moins sincère, pour M. de Taillebourg, et de sa dévotion envers
la mère du Christ , dont l'église, située en Anjou pour le temporel , et
pour le spirituel en Poitou, servait de prétexte aux dévots pèlerinages
dans lesquels le roi allait épier ce qui se passait dans les États des princes
possesseurs d'apanages '^, les ducs de Guyenne et d'Anjou. Les lettres
des 6 août et 4 février, n*'* III et IV, doivent se rapporter aux négocia-
tions par suite desquelles le comte et la comtesse de Penthièvre trans-
portent au roi de France, en janvier 1480, tous leurs droits sur le du-
ché de Bretagne^. M. de Taillebourg, dernier représentant de la
famille de Coëtivy, avait peut-être des prétentions au duché lui-
même, comme nous verrons plus loin qu'il en élevait sur l'un de ses
principaux fiefs, la seigneurie de Raiz «>. En tout cas, Louis XI atten-
dait de lui des renseignements positifs « pour faire sa matère seure. »
i . H paraît probable que Pierre Daicon , en faveur duquel sa lettre est écrite, était
l'un de ses maîtres.
2. Voy. Notre-Dame de Béhuard, par M. Jules Quiclierat: Revue de l'Anjou,
année 1853, pag. 136.
3. Voy. Bodin, Recherches sur Saumur, F" édit., vol. I, pag. 200.
4. Voy. d'Argentré, liv. XIII, cbap. 18.
5. Du Paz ne porte pas les Coëtivy dans son tableau des prétendants à la succes-
sion de Raiz. Voy. Histoire généal. de plusieurs maisons illustres de Bretagne ,
pag. 233.
3
Les cinquième et sixième lettres , aussi de Louis XI , inléressent par-
ticulièrement les archéologues.
Les personnes qui visitent Saintes n'y admirent pas seulement les
édifices qui remontent à la domination romaine; de belles églises at-
tirent aussi leur attention, celle de Saint-Eutrope surtout. A l'entrée
de la magnifique crypte dans laquelle a été découvert, en 1843, le tom-
beau de l'apôtre de la Saintonge, patron de cette basilique, on remarque
sur chacun des gros piliers de droite et de gauche deux inscriptions
gothiques, l'une en relief, l'autre en creux*. Elles portent qu'à deux
reprises différentes , la crypte et l'église ont été restaurées et complé-
tées , grâce à la munificence de Louis XI , la première fois lorsqu'il
n'était que dauphin de Viennois , la seconde en 1477. Nos deux lettres
concernent la dernière et la plus importante de ces restaurations. Il est
probable qu'elle fut décidée pendant le séjour du roi à Saintes, au mois
de mai et dans les premiers jours de juin 1472; mais, avant de faire
commencer les travaux, Louis XI avait voulu qu'un devis en précisât
l'étendue et la dépense. Odon de la Baume, prieur de Saint-Eutrope,
sous l'administration duquel la première restauration a été exécutée,
remplit incontinent les volontés du roi, qui reçoit le devis à Thouars,
où il s'était arrêté au retour d'une excursion en bas Poitou.
Les deux lettres qu'il écrivit de cette ville à M. de Taillebourg, la
dernière principalement , prouvent que les projets et les chiffres du
prieur ne le satisfirent pas, à beaucoup près : il croit que le devis n'a
pas été loyalement dressé, et il accuse la Baume ou de vouloir le trom-
per, ou de s'être laissé tromper lui-même. Le défiant monarque ne
veut pas qu'on abuse de sa confiance et de son argent , soit en faveur
des églises soit en l'honneur des saints, même lorsque, par leur inter-
cession , il espère obtenir la guérison de quelque maladie ou infir-
mité 2. Il sait que les maîtres maçons ont des habitudes dont la tra-
1. M. Jules Marion les a publiées en même temps qu'il a décrit les monuments de
Saintes. Voy. Notes d'un voyage archéologique, pag. i2 ; et Bibl. de l'École des
chartes, 2* série, vol. III, pag.lSG.
2. Nous avons trouvé la pièce suivante , minute écrite sur papier, dans un des
principaux recueils de Mémoires du règne du roy Louis XI (Bibl. irap., Mss., coll.
Béthune, vol. 8445, fol. i 3) :
Martir Christi Eutropi, tua Deo placita prece , sana me semper et ubique ab ydro-
pica inUrmitale.Ora pro me, béate martir Eutropi, ut ab Eutropisi valeani per te
sanari.
Oracio.
Deus qui fidelibus tuis, per oracioncm beati Eutropii, martiris tui atque pontifîcis
canctis ejusdem memoriam facieutibus, de quacumque infirmitale vel adversitate
dition n'est pas perdue de nos jours, « espéciallement quant ilz ont
à faire à gens qu'ilz cuident qui ayeut bonne bourse ; « et il ajoute
(ce que devraient se dire tous les jours les personnes qui président
aux innombrables restaurations de nos monuments historiques) :
« et ne s'en fault pas fier eu euix. » C'est pourquoi Louis XI charge
M. de Taillebourg de faire vérifier, par un homme compétent et hon-
nête, quelle somme il faudra « pour garder que l'église ne tumbe ,
« et reffaire ce qui est mauvais et en dangier de cheoir. »
Catherine de Coëtivy épousera-t-elle M. de Maigué ? Quelle dot re-
cevra-t-elle de son père, M. de Taillebourg? Tel est l'objet des lettres
placées sous les n°* Vil à XV, la première du 10 novembre 1477, la
dernière du 18 avril suivant. Ces deux questions présentent un intérêt
historique assez restreint. M. de Maigné passait pour l'un des bons
chefs de guerre de cette époque; après.avoir combattu avec distinctiou
contre les Anglais, M. de Taillebourg vivait retiré dans ses terres delà
Saintonge; à la vue de Catherine, les vieux serviteurs de Charles VII
ont pu dire avec admiration : Belle comme son aïeule Agnès, dame de
Beauté 1 Néanmoins, le rôle de ces trois personnages ne sort guère
des recueils généalogiques et des histoires locales : il faut , pour ainsi
dire, que Louis XI vienne les prendre par la main pour les tirer de la
demi-obscurité dans laquelle ils ont été laissés par les historiens de son
règne.
Les graves préoccupations du monarque n'ont aucune part dans cette
correspondance : on dirait même qu'il s'est étudié à ne laisser voir que
son goût naturel pour les petites affaires , et fournir des pièces justifi-
catives à ce passage de Philippe de Commynes : « De maintes menues
« choses de son royaulme il se mesloit, et d'assez dont il se fust bien
« passé; mais sa complexion estoit telle, et ainsi vivoit i. » L'autre trait
du même historien : « Il estoit maistre avec lequel il fallolt charrier
« droict 2, » est aussi pleinement confirmé par le post-scriptura de no-
tre troisième missive : « Je suis de la nature des femmes : quant l'on
tt me dit quelque chose en termes obscurs, je veulx savoir incontinent
« que c'est. »
Olivier de Coëtivy (M. de Taillebourg), chevalier, conseiller et cham-
bellan du roi, prenait les titres de seigneur de Raiz, Taillebourg,
tenerentur, liberari concessisti, presta miclii, queso, famulo tiio, ut per amorem et
honorera ipsius , sana {sic) me ab ydropico morbo et ab omnibus malis, per Do-
minum.
1. commynes, édition de Mlle Dupont, vol. Il, pag. 273.
2. Ibid., pag. 216.
Royan, Moruac, Rochefoit-sur- Charente, etc., etc.; mais il ne parait
pas avoir possédé la première de ces seigneuries ; il jouit quatre ans à
peine de la troisième et de la quatrième, et perdit même momentané-
ment les deux autres, Taillebourg et Rochefort, à la suite de la guerre
du Bien public '.
Quoiqu'il fût le troisième des quatre fils d'Alain III de Coëtivy, sei-
gneur de Taillebourg, et de Catherine du Châtel, nièce de Tanneguy,
il avait recueilli toute leur succession. Prégent, son frère aîné, amiral
de France, après avoir combattu les Anglais partout où il y avait à dé-
fendre les droits de Charles VII 2, périt glorieusement, frappé par un
boulet de canon, au siège de Cherbourg, en 1450; et il ne laissait pas
d'enfants de sa femme Marie de Laval, fille unique et héritière du trop
célèbre maréchal de France Gilles deRaiz, dont le procès est l'un des
plus affreux épisodes de nos annales. Alain, entré dans les ordres, était
devenu cardinal-évêque d'Avignon, et Christophe, le plus jeune, mou-
rut sans postérité.
Olivier de Coëtivy, alors sénéchal de Guyenne, avait épousé, au
mois de novembre 1458, la seconde fille naturelle de Charles VII et
d'Agnès Sorel 3. Amenée dès son enfance dans le château de Taille-
bourg, Marie de Valois "* y était restée même après la mort de Prégent,
1. Voy. Documents inédits publiés par le ministre de l'Instruction publique, Mé'
langes, 1843, pag. 384. Bibl. de l'École des chartes , 3* série , vol. 1 , pag. 485. Un
arrêt du grand con.seil, 13 septembre 1466, lui donne le titre de seigneur de Taille-
bourg; et nous avons aussi trouvé, dans les archives de Thouars, son acte de foi et
hommage-lige rendu au roi, le 13 janvier 1476, pour le château et la seigneurie de
Rocliefort, tenus au devoir d'une espée blanche ou vingt solz tournois.
2. On lit dans les lettres patentes de ce prince, datées de Jumiéges, an mois de
janvier 1450, N. S. : — « Considérans les bons, grans, notables, agréables et recom-
« mandables services à nous faiz par nostre araé et féal conseillier Prigenl, sei-
« gneur de Raiz et de Coiclivy, chevalier, admirai de France, nous a tout son temps
« et dès son jeune aage continueiment faiz ou fait de nos guerres, à rencontre de nez
« anciens ennemis et adversaires les Anglois, tant au recouvrement de noz pays et
« seigneuries de France comme de nostre duchié de Guienne, en ce (jue y avons con-
« quis, fait de présent au recouvrement de noslre pays et duchié de Normandie et
« autrement en maintes manières , et espérons que plus face an temps à venir, vou-
« lans iceuk services recongnoistre et l'en rémunérer aucunement,.... à icelui nostre
« conseillier et chambellan.... avons donné, cédé, ... donnons, cédons... la baronnie,
« chastel, chasteUenie.... de Lesparre, assises en nostre pays de Guyenne, à présent
« détenues et occupées par nosd. ennemis et adversaires les Anglois, à nous apparte-
« nant par droit de confiscacion , faulte d'omme, aubenage ou autrement ... » Origi-
nal, Archives de Thouars.
3. Voy. Recherches historiques sur Agnès Sorel, par M. Vallet de Viriville; Bihl.
de l'École des chartes, 3" série, vol. I, j). 479-486.
4. M. Massiou, Hist. de Sainlonge, vol. III, p. 308, la nomme, à tort, Marguerite.
6
auquel le roi de France l'avait donnée à élever. Huit ans plus tard,
dans sa ; vingt-troisième année , elle en devint dame et maîtresse. Son
affection pour la famille dont elle ne s'était pas séparée, et où elle avait
trouvé, dans Catherine du Châtel , une véritable mère , veillant à son
éducation avec la plus grande sollicitude, contribua peut-être plus que
tout autre motif à faire choisir pour son époux le compagnon ou le té-
moin de ses jeux et de ses études. Charles VII, outre les 1,600 livres
tournois qu'il lui fit compter « pour avoir robes et abiliemens à son
« plaisir, le jour et feste de ses nopces , » l'avait richement dotée , par
lettres patentes enregistrées en la Chambre des comptes i. Elle apporta
en dot à M. de Taillebourg 12,000 écus d'or, ou 16,000 livres, et deux
belles seigneuries en Saintonge même, Royan et Mornac, confisquées
sur un vassal rebelle ou plutôt mécontent 2, qui était sorti de France.
Un fils et quatre filles naquirent de cette union : Catherine de Coëtivy
était la seconde ^.
Malgré les formules et protestations amicales contenues dans les let-
tres de Louis XI, il est certain que, dès son avènement, une profonde
mésintelligence avait éclaté entre M. de Taillebourg et son royal beau-
frère. Tous les personnages tombés dans la disgrâce de Charles VII,
dans lesquels le nouveau roi de France pouvait ou voulait voir des
compagnons d'infortune et d'exil, furent rappelés par lui. Le sire de
Pons était de ce nombre, et la faveur du monarque lui fit même recou-
vrer ses anciennes possessions ^ ; ainsi Royan et Mornac sont enlevés à
Olivier de Coëtivy et à Marie de Valois. Au mois de septembre 1462,
1. M. Vallet de Viriville les a imprimées, loc- cit. y p. 481.
2. Massiou, loc. cit., p. 303 et 318.
3. Charles, comte de Taillebourg, marié à Jeanne d'Orléans, sœur de Charles, comte
d'Angoulême, et tante de François l". Louise, leur fille unique, épousa Charles de la
Trémouille, prince de Talmont. Adelice, mariée à Henri, seigneur de Penmarch;
Marguerite à François de Pons, seigneur de Montfort ; et Gillette à Jacques d'Esloute-
ville, seigneur de Beyne , puis en secondes noces à Antoine de Luxembourg. Voyez le
P. Anselme, Hist. généalog., vol. Yll, pag. 845.
4. L'arrêt du grand conseil , eu date du 13 septembre 1466, à Montargis, expose
ainsi ses droits : « Le dit sire de Pons ( nostre amé et féal cousin Jacques, sieur de
« Pons) disoit que ou pays de Xaintonge, sur la mer, a deux belles places, nommées
« Royan et Mornac, lesquelles lui appartiennent en toute justice, et en avoit pris, de
« toute ancienneté, les fruiz et iceulx applicqué à son prouflit; et que pour certaines
« causes led. S' de Pons, dès pieçà , se absenta dud. pays, et par ce lurent lesd. pla-
« ces données ausd. S"" de Taillebourg et sa femme, par feu nostre très-chier seigneur
« et père, que Dieu abseuilhe ; et que depuis nostre advenerueut à la couronne, pour
« certaines grans causes qui a ce nous meuvent, nous lui avions rendues lesd. places
« et le restitué en tous ses biens et héritages en Testât qu'il estoit au temps qu'il s'es-
» toit absenté. . . •> Arch. de Thouars-
Louis XI leur donne, à la vérité, la seigneurie de Roehefort ' , ■ afin;
« dit-il, que durant le procès qui à ceste cause pourra mouvoir et
«< prendre long trait, ledit de Goetigny (sic) ayt mieux de quoy vivre
« et entretenir honorablement Testât de luy et de nostre dicte sœur na-
« turelle; » mais cette concession, outre qu'elle devait être et fut réelle-
ment toute transitoire , était une compensation très-insuffisante pour
deux terres évaluées à 600 livres de revenu 2. M. et madame de Tail-
lebourg profitent donc avec ardeur de la faveur que leur a accordée le
roi, de « faire action, poursuite et demande, par voye de justice, des-
« dits chasteaux , places, terres et seigneuries , à rencontre dudit
'< sieur de Ponts. » Ils s'adressent tantôt au grand conseil, tantôt au
parlement de Bordeaux. Leur bon droit y est constamment reconnu et
proclamé, mais le mauvais vouloir de Louis XI paralyse toujours le
succès de leur cause, et les empêche de pouvoir faire exécuter contre le
sire de Pons les nombreux arrêts de ces cours souveraines 3.
Olivier reprochait aussi au roi d'entraver et même de combattre, à
l'avantage du duc de Bretagne, ses droits à la succession de Raiz, dont
l'héritière , Marie de Laval , morte sans postérité de son second époux
M. de Loheac, avait sans doute, lors de son premier mariage, fait quel-
ques dispositions en faveur de la famille de Coëtivy *. Enfin, il n'avait
pas encore pu obtenir le remboursement de diverses sommes très-
fortes, entre autres le prix de la rançon et les frais de captivité de Jean
de Foix, comte de Candale et captai de Buch, fait prisonnier par lui à
la glorieuse bataille de Castillon , en Bordelais. Lorsque ce capitaine,
rompant enfin les liens qui le retenaient sous la domination anglaise,
se rallia à la France et rentra en grâce auprès de Louis XI, le roi, par
un traité formel, 17 mai 1462, avait garanti le payement de ses
dettes 5, et il ne les avait pas encore acquittées en 1477.
Rappelés dans plusieurs de nos missives, avec d'autres qu'il est au-
1 . Les lettres- patentes ont été imprimées par M. Vallet de Viriville, l. dt., p. 483.
2. Enquête faite le 7 novembre 1477. Origin., arch. de Thouars.
3. Voy. la note de la lettre VIII».
4. « Fut dit (mariage faisant) que de Coitivy prendroit le nom , armes et cry de
Raix.... Mais finalement Dieu le créateur se despleut de ceste maison, qui estoit
fort grande, tellement qu'il n'en sortit point d'enfans, et s'en alla en dissipation-
Dont il sortit mil et mil procez qui ont duré de nostre vivant, et n'y auroit aujour-
d'huy cent livres de rente ensemble si les prétendans en icelle ne se fussent condes-
cendus à mettre leurs portions entre les mains d'un puissant acliepteur (Albert de
Condy, maréchal de France), qni fait reflorir l'ancien titre de ceste seigneurie, ra-
massant les pièces démembrées, « D'Argentré, liv. XI, cliap. 47.
5. Le P. Anselme, vol. III, pag 382.
8
Jourd'hui assez difficile d'expliquer, ces détails sont exposés d'une ma-
nière plus précise dans la lettre VIII^ , par laquelle M. de Taille-
bourg répond aux demandes réitérées que le roi lui a faites de la main
de sa fille Catherine pour M. de Maigné. Antoine de Chourses , sei-
gneur de Maigné et d'Echiré , n'est pas d'une aussi petite maison que
M. de Taillebourg paraît le croire, lorsqu'il écrit au roi : « Puisqu'il
« est en vostre bonne grâce, suis sûr qu'il ne puyt faillir à estre le plus
« grant qui fust onques de son lignage, etc., etc. » Son père , Guy de
Chourses, seigneur de Malicorne , est le chef d'une des principales et
des plus anciennes familles du Maine. La terre et le titre sont passés ,
il est vrai, à son frère aîné Jean , né d'un premier mariage ; mais, du
chef de sa mère , Andrée de Varèze , issue des Chasteigner du bas
Poitou 1, veuve elle-même, et dont le premier mari était un Vivonne,
Antoine n'est pas plus dénué de bien que de naissance. Il possède , en-
tre autres , près de Niort, le fief dont il porte le nom. Louis XI a
résidé dans l'hôtel de Maigné, il a chassé dans ses bois avec son frère
le duc de Guyenne, après leur réconciliation faite au passage du Braud,
non loin de l'embouchure de la Sèvre Niortaise 2.
Antoine s'était fait remarquer du roi , tout récemment encore au
siège d'Arras, par son courage et ses talents militaires. Louis l'appelle
un des bons chefs de guerre qui soit aujourd'hui en son royaume
(n** VII). II lui a confié le commandement de six cents hommes d'ar-
mes, ainsi que des quatre mille francs-archers à la tète desquels était
naguère messire Capdorat 3 ; mais il ne borne pas là ses faveurs. At-
tendant de M. de Maigné de nouveaux services , il veut se l'attacher
davantage, même en faire son neveu.
Dans la missive si pleine de franchise qu'il adresse au lieutenant de
Poitou (n" XIV), on aime à voir les scrupules pleins d'honneur et la
générosité toute chevaleresque avec lesquels Antoine s'écrie : « Par Dieu I
« non pas la place (Royan) ne mademoiselle de Taillebourg ne vouU
« droye avoir, s'il ne luy plaîsoit me faire cest honneur et de bon vou-
« loir! »
Tandis qu'Olivier de Coëtivy s'épuisait en procédures et exploits ju-
diciaires pour recouvrer la dot de sa femme, Louis XI s'était fait re-
1. Le P, Ânseirne , vol. vil et Vili , et Duchesne, Hist. des Chasteigner, p. 513-
5t7.
2. Commynes, vol. UI, pag. 261 et 267.
3. Tête Dorée. C'est Aymar de Poisieux. On l'appelait aussi Cadural. Voy. Com-
mynes, vol. Iir, pag. 274.
9
mettre Royan et Mornac par l'héritier de Jacques de Pons, probable-
ment au moyen d'une indemnité. Peu de temps après, c'est-à-dire au
commencement de 1477, il en dispose en faveur d'Antoine de Chourses.
Le désappointement de M. de Taillebourg est trop naturel pour que
cette mesure ne l'ait pas rendu encore plus hostile au protégé du roi.
Ce dernier a beau lui répéter : « C'est ung gentilhomme qui vault
« beaucop , et de quoy vous et les voustres serez bien serviz au temps
« à venir ; » le père de Catherine n'est guère disposé à croire que M. de
Maigné ait vraiment reçu l'ordre de lui bailler Royan et Mornac
(n° XII). Cette promesse est en effet très-éloignée des intentions de
Louis XI , témoin la défense formelle qu'il fait à M. de Maigné de se
dessaisir des deux seigneuries.
Antoine de Chourses est plus habitué à aller droit à l'ennemi qu'à se
prêter aux exigences d'une intrigue, même lorsqu'elle doit lui faire
épouser une belle , noble et riche héritière. L'impression de plus en
plus défavorable que doivent éprouver à son égard et Catherine et son
père lui cause un profond désespoir. Malgré son désir de voir la ma-
tière venir à bonne conclusion, il faut toute la crainte qu'il éprouve
d'encourir la disgrâcç du roi , qui le menace de ne jamais se mêler de
ses affaires , pour triompher de sa répugnance à subir plus longtemps
un semblable rôle.
Jean Chambon, conseiller et maître des requêtes de Louis XI, était
aussi son lieutenant en Poitou. Les scrupules de son honnête conscience
ne fléchissaient pas devant la volonté du monarque ^ ; son intervention
dans le mariage de M. de Maigné devait donc être une garantie de
succès. Antoine avait pour lui autant d'estime que de confiance, aussi
lui parle-t-il à cœur ouvert; et M. de Taillebourg, dans les fréquents
rapports qu'il entretient nécessairement avec le lieutenant de Poitou 2,
avait pu apprécier son esprit conciliant et son caractère loyal. C'est
surtout par la persuasion qu'il cherche à triompher des scrupules de
l'un comme du mauvais vouloir de l'autre : à celui-ci il explique com-
ment le don de Royan et de Mornac à son futur gendre n'est qu'une
affaire de forme, une imagination du roi, à laquelle il faut d'autant plus
complaire qu'elle le rendra en réalité maître des places qu'il reven-
I. Voy. Notice sur Philippe de Commynes, par Mlle Dupont, pag. 62 et suiv.
2- Jean Cliambon s'était en plusieurs circonstances employé activement en faveur
de M. de Taillebourg, notamment de 1467 à 1470, pour lui faire recouvrer « la terre
•« et seigneurie des Goux, en la prévosté et suburbes de Xainctes. > Bibl. imp., cab.
des titres, Coëtivy.
10
dique depuis plus de seize ans; à celui-là il recommande la patience,
garantit que tout s'arrangera selon ses vœux, et promet de lui faire
obtenir le bon vouloir de la demoiselle et du père. La précaution qu'il
prend d^envoyer à Olivier de Coëtivy la lettre d'Antoine de Chourses ,
est certes un des meilleurs moyens qu'il ait pu employer pour le faire
revenir sur le compte du gendre que lui impose Louis XL
Chambon ne réussit pas moins à lever les difficultés qui résultent du
chiffre de la dot. Dès ses premières lettres en faveur de M. de Maigné,
le roi avait dit à M. de Taillebourg que ses filles ne lui coûteraient rien
à marier. Ce dernier lui répond qu'il ne s'attendait pas à tant de bon-
nes assurances; et, s'il y avait ajouté foi, son illusion eût été de courte
durée. Sur ce point encore, et en présence des promesses royales , pe
mandat de Chambon présentait de graves difficultés. Il amène cepen-
dant M. de Taillebourg à offrir 10,000 francs, plus 1,000 livres de
rente ; mais, en fait, il ne payera que la moitié de cette somme, le sur-
plus étant assigné sur ce qui lui a été alloué par le parlement de Paris
dans l'arrêt relatif à la succession de Raiz. Le roi n'est pas complète-
ment satisfait de ces propositions : la crainte de froisser le duc de Bre-
tagne l'empêchait de laisser mettre cet arrêt à exécution. Il écrit donc
au lieutenant de Poitou de gagner ce seul point , que la dot promise ne
soit pas imputée sur la succession de Raiz. Son affection pour M. de
Maigné lui fait même ajouter la curieuse mais timide demande : « Et si
« vous pouez faire des franz escuz , aussi cela seroit bien; » mais il est
peu probable que Chambon ait mis en avant cette nouvelle demande ,
dans la crainte de détruire le fruit de ses longues et pénibles négocia-
tions. C'est déjà un grand succès d'obtenir que les 10,000 francs soient
payés comptant , et que, sur les 1,000 livres de rente, il n'y en ait pas
plus de 600 imputées sur l'arrêt de Raiz ; c'est aussi la preuve évidente
qu'un changement notable s'était opéré dans la famille de Taillebourg
à l'égard d'Antoine de Chourses.
La lettre de Louis XI à madame de Malicorne, n°X, donne lieu de
penser que son fils lui avait fait partager ses scrupules à l'égard d'un
mariage dont les préliminaires blessaient sa droiture.
A l'égard de Catherine de Coëtivy, d'après toute cette correspon-
dance, son rôle se borne à obéir aux ordres du roi , pourvu qu'ils lui
soient transmis par son père. Afin de trouver moins de résistance de sa
part, et de la soustraire aux ennuis et à l'influence des discussions pré-
liminaires , Louis XI l'a éloignée de Taillebourg et, suivant l'usage
emprunté aux mœurs féodales , il l'a placée près d'une châtelaine il-
lustre et vénérée.
li
L'es deux dernières lettres montrent comment il agissait en sem-
blable circonstance. A notre avis, elles ne se rapportent pas à Cathe-
rine, et sont antérieures de quelques mois à la première où il soit parlé
de son mariage; elles concernent Adelice , sœur aînée de Catherine, et
une autre plus jeune qu'elle. Aucune des demoiselles de Taillebourg
n'était encore mariée, au dire de leur père lui-même , lorsqu'il répon-
dait au roi le 15 novembre 1477. Ces lettres n'en sont pas moins inté-
ressantes pour cela.
Après de longues recherches faites dans le but de découvrir le nom
de la dame veuve pour laquelle l'arrivée des deux nièces du roi est
un honneur très-onéreux, dont elle se décharge, du reste, aussitôt que
M. de Taillebourg envoie chercher ses filles, nous croyons pouvoir at-
tribuer la XVIl^ lettre à Marguerite de Rohan, veuve, depuis 1467,
de Jean d'Orléans, comte d'Angouléme, qui habitait alors Cognac
avec ses deux enfants, Charles et Jeanne , et qui mourut à la fin du
quinzième siècle i. Quoi qu'il en soit, le style de cette lettre a beaucoup
d'élévation; elle concourt, avec celle de Marie de Valois, à donner une
idée favorable de l'éducation des femmes au quinzième siècle ; enfin
elle a assuré la conservation du document qui prouve d'une manière
surabondante, comme nous l'avons déjà dit plus haut, la passion de
Louis XI pour les petites affaires.
La dignité du roi n'a rien à gagner, il est vrai, à la sollicitude avec
laquelle il s'occupe de ce que les filles doivent manger et boire, et de la
façon dont leur corset doit être serré ; mais quelle singulière liberté
d'esprit attestent le ton et les termes de cette lettre, dictée et signée au
milieu d'un pays tout en feu, dans la malheureuse ville d'Arras , qui ,
à deux reprises différentes , et après une résistance opiniâtre, a suc-
combé sous les armes du roi, où il a voulu entrer à cheval par la brè-
che, où il a fait dresser le gibet et l'échafaud, dont il a exilé en masse
les habitants, pour les remplacer par des familles arrachées à toutes
les provinces de la France, et dont enfin il supprime même le nom,
par lettres patentes enregistrées au parlement 2 !
Lorsque, vers le milieu de 1480, Olivier de Coëtivy alla rejoindre,
sous les dalles de la chapelle de Taillebourg, Marie de Valois, dont le
1. Le p. Anselme, vol. I, p. 209. Charles épousa Louise de Savoie, et fut père de
François 1". Jeanne fut mariée, le 24 mai 1484, avec le fils d'Olivier de Coëtivy,
comme nous l'avons dit plus haut.
2. Et comme le roi lit changer les habitans d'icelle , pour changer les couraiges, il
list changer le nom d'Arras, et la fist nommer Franchise. (Jean Molinct, cité par
Mlle Dupont.)
12
corps y était déposé depuis 1473, sa fille Catherine et Antoine de
Chourses étaient mariés depuis environ denx années. Lors du mariage,
probablement, et comme cadeau de noces, M. de Maigné acheta un
beau et volumineux manuscrit en parchemin, orné de nombreuses et
splendides miniatures, sur les grandes pages duquel il fit peindre en
bas ses armoiries et celles de sa femme i, en côté leurs initiales, A et
K 2 entrelacés. Ce manuscrit , conservé à la Bibliothèque impériale 3,
forme deux volumes grand in-folio; il contient la Légende dorée, que
Jean de Vignay avait translatée du latin en français pour Jeanne de
Bourgogne, reine de France, femme de Philippe de Valois.
Louis XI témoigna toujours une grande affection à son protégé, et
ii lui fit de nombreuses donations, entre autres, en 1479 et 1482, les
villes, seigneuries ou terres de Béthune, Antraigues, Roussy et Don-
zenac ^ ; il lui confia aussi des missions importantes. Deux lettres ori-
ginales signées par lui le même jour, 29 octobre 1480, relatives à des
démarches recommandées à ses plénipotentiaires auprès de Maximilien
d'Autriche, pour le succès des négociations qu'ils suivent, portent la
suscription : A MM. de Baudbicourt , Lb Riche^ , db Soullieks ,
MON NEPVEU DE Maigné , s'iL Y EST 5. En l'année 1480, le 22 juillet,
le roi lui avait conflrmé l'important office de capitaine et garde du
château d'Angers 6. A partir de cette époque , Antoine de Chourses
réside constamment dans cette place, ne la quittant qu'appelé à la cour
1. Parti : au premier d'argent à cinq fasces de gueules; au deuxième coupé : au
premier fascé d'or et de sable ; au deuxième d'azur à trois fleurs de lis d'or, au filet
d'argent posé en bande et brochant.
2. Mademoiselle de Taillebourg signait Katherine de Coettivy.
3. Mss. français, n. 6889, '• ^ ou Versailles, n" 40. Voy. les Manuscrits français
de la Bibliothèque du roi, par M. Paulin Paris, vol. Il, pag. 256.
4. Bibl. imp., cab. des titres, Chourses.
5. Bibl. imp., coll. Béthune, vol. 8448, fol. 3 et 5.
Louis XI écrit aussi « de Prayes lez le Puy-Nostre-Dame, le vj« jour de décembre, »
à M. Du Bouchage : « Je vous pry que M. de Maigné s'y en voyse iiicontinant , et
« qu'il rompe ses praticques... et selon qu'il trouvera il conduira la matière. Il le
• conduira par sa main, car la pratique vault mieulx en sa main que d'autres. »
Ibid., vol. 8449, fol. 8, v".
6. « Loys, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceulx qui ces présentes let-
tres verront, salut. Savoir faisons que, par considération des grans, louables et agréa-
bles services que nostie amé et féal conseillier et chambellan Anthoine de Choursses,
seigneur de Maigné, nous a fais par cy-devant, tant à l'entour de nostre personne, ou
fait de nos guerres que autrement; confiens à plain de ses sens, loyaulté, vaillance,
preudommie et bonne diligence; à iceluy, pour ces causes, et pour la grant, entière et
singulière coiifienre que nous avons de sa personne, avons donné et octroyé, donnons
13
par les affaires du roi. 11 était aux Moutils lors de In mort de Louis Xï,
et fut un des fidèles officiers qui reçurent son dernier soupir *.
Au raois de février 1475, ce prince avait institué la mairie d'Angers.
Aussitôt l'avènement de Charles VIII, un parti puissant, Messieurs de
la Chambre des comptes et Messieurs de la Justice, s'appliquent de
toutes leurs forces à empêcher la confirmation de ce privilège, ce qui
équivalait à une suppression pure et simple de la mairie. Les défen-
seurs de la ville sont peu nombreux, mais leur caractère, leur autorité,
ont une juste influence auprès de la régente, Madame de Beaujeu. En
sacrifiant quelques articles de la charte municipale, MM. de Maigné
et du Plessis-Bourré 2 surent faire maintenir l'œuvre de Louis XI. La
reconnaissance des échevins et des habitants d'Angers est consignée
dans plusieurs délibérations de la mairie pour l'année 1484. Des re-
mercîments solennels furent adressés à ces deux hommes d'État lors
de leur retour en Anjou ; des présents trop modestes pour être refusés,
mais qui n'en sont peut-être que plus honorables, leur furent faits
aussi : à Jean Bourré, le vendredi 15 octobre, du poisson de mer et
d'eau douce, qui avait coûté la somme de 10 livres 10 sols, et lui fut
offert à son château du Plessis-Bourré, par le prévôt et le procureur de
la ville; à Antoine de Chourses, le 24 mars suivant 3, deux pipes de
et octroyons de grâce espécial, par ces présentes, l'oflice de nostre cappitaine et garde
de noslre chastel d'Angiers, qu'il a tenu par cy-devant ou vivant de feu nostre oncle
René, roy de Sicile, duc d'Anjou, dernier décédé; vacant à présent parce que, depuis
que les pais et duchié d'Anjou sont advenus et esclieus en nos mains, par le trespas de
nostredit oncle, n'y a esté par nous aucunement pourveu.... Donné à la Mothe d'Es-
gry, le 22* jour de juillet, l'au de grâce 1480, » Ibid., coll. Housseau, vol. IX,
n. 4065,
t. « Aiijourd'huy, l**" jour de septembre l'an 1483, sont venues nouvelles certaines,
« à Messieurs de l'Église, du Conseil et de la Ville, de la mort du roy Loys, à qui Dieu
« pardoient; lequel trespassa le sabmedi pénultiesme jour d'aoust, l'an dessusdit, aux
« Montilz-lez-Tours , entre neuf et dix heures devers le soir, ainsi que on a sceu par
« lettres sur ce escriptes à mesd. sieurs par MM, de Maigné et maire d'Angers. Dieu
« en ait l'amme.» Chambre des comptes d'Angers, Arch. de l'empire, P. 1344, f. 191 .
2. Trésorier de France sous Louis XI et Charles VIII. Bodin, Recherches sur An-
gers, V édition, vol. 1, pag. 490, dit qu'il était \cfils d'tm cordonnier de la paroisse
de Bourg, près Angers, ce qui n'est pas exact. On lit en effet dans le testament de Jean
Bourré, en date du 11 avril 1505, et dont les archives de Maine-et-Loire possèdent
une copie laite le 19 juin 1592 : « Item, je veulx et ordonne qu'en la ville de Chasteau-
« gontier, dont je suis natif, et en l'église de Mgr Saint-Jehin l'Évangéliste, en laquelle
« sont inhumez mes feuz père et mère,... soit dict et célébré le nombre de ce messes
« basses, etc., etc. » Le château du Plessis-Bourré est un des plus beaux et des mieux
conservés de tout l'Aojou.
3. Le lundi de la sepmaine sainte, xxviij» jour de mars l'an MCCCCLXxxni (vieux
style), ou conseil tenu en la maison de la ville.... Sur ce que M. de Maigné, cappitaine
14
vin, achetées à raison de 16 livres tournois. Le payement de cette
somme, et des 6 sols 6 deniers pour le charroi des deux pipes jusqu'au
château d'Angers, fut ordonnancé le 8 avril; mais déjà M. de Maigné
n'existait plus K Agée de moins de trente ans, Catherine de Coëtivy
restait veuve de ce capitaine, ayant « en nom et comme tuteresse, le
« bail et gouvernement <le Anthoyne de Chourses, mineur d'ans 2, «
leur fils.
P. MARCHEGAY.
J. Madame de TaiUebourg à son mari.
A Monseigneur.
Monseigneur, je me recommande à vostre bonne grâce tant
et si très-humblement comme je puis. Et vous plaise savoir que
mon hoste , messire Pierre Daicon, porteur de cestes , est venu
devers moy, lequel m'a dit qu'il vouloit aller à Tours, pour cer-
taines affaires de l'église de Nostre-Dame de Coignes de la Ro-
chelle , dont il est chanoyne ; et m'a prié qu'il me pleust vous
escripre que l'eussiez pour recommandé envers monseigneur le
cardinal ^ , touschant certaine prébende que messire Falco a et
tient en leglise de Saint-Pierre de Xainctes et dont autres fois
escripvy à mondit seigneur le cardinal et dont aussi parlay au
du chastel d'Angers, arriva de court en ceste ville samedi derrenier, et que, durant
qu'il a esté en court , a fait plusieurs plaisirs et services à la ville, en plusieurs matiè-
res et affaires, a esté conclud.que MM. le maire, Jehan Muret , Jehan Barrault, Jehan
Aloff, Jehan Cochon procureur, Pierres Thevin, Jehan de la Rivière, yront devers luy
le remercier desd. plaisirs, services qu'il a faiz à la ville et lui prier et requérir que
tousjours il ait en recornmendacion les affaires de lad. ville. Et oultre lui sera donné
deux pippes de vin, lesquelles led. Barrault a olfert à baiUer. Et pour taster et gouster
led. vin, ont esté commis maistres Jehan Cochon et Pierres Thevin Conclusions de
la mairie d'Angers, année 1484, fol. 97-
1. Comptes de la ville d'Angers, vol. III, fol. 71 \°.
2. Bibl. irap., cabint:t des titres, Chourses.
3. Alain de Coetivy, cardinal -évoque d'Avignon, auquel se rapporte le billet sui-
vant, adressé par Louis XI à Jean Bourré : « Mons'" Du Plexis, faictes des lettres à nos-
« tre Saint Père pour le cardinal d'Avignon , en enssuivaut plusieurs autres que je ly
« en ay escriptes et selon que maistre Pierre Doriolle, qui les a faictes, vous dira, tant
« pour legacion de France que pour gages de voiage qu'il a fait; aussi d'avoir sa per-
« sonne et estât pour recommandé es premières evesché et abbaye vaquans en ce
« reaume. — Lovs. • Bibl. imp., supp. fr., n" 445, f. 17.
15
clavîiyre ' d'Aviguon. Si vous prie, Monseigneur, que il vous
plaise iuy estre aydant à luy faire avoir lad. prébende, si pos-
sible est, car, comme vous savez, nous luy sommes fort atenuz,
et principalement moy.
Slonseigneur, je prie à Dieu qu'il vous doint bonne vie et
longue, et brief revenir de par deçà.
Escript à Taillebourg, cestui samedi après disner , xiiu* jour
de janvier.
La toute vostre
Marie de Valoys.
Aujourduy avons mis Julienne en son mesnage, comme dire
vous pourra ledit porteur, qui y estoit.
II. Le roi à M. de Taillebourg.
A mon frère Mons"" de Taillebourg.
Mons"" de Taillebourg , mon frère mon ami , il y a longtemps
que je ne vous vy, et pour ce j'ay grant désir de vous veoir et
savoir comment vous vous portez. Je vous prie que vous rendez
audevant de moy à Tours, où j'espère estre de retour de mon
pèlerinage ^ venredi prouchain Je vous prie qu'il n'y ait point
de faultfj. Et adieu.
Escript au Puy Nostre-Dame, le xxiij® jour de juillet.
LOYS.
Tilhart.
m. Le roi à M. de Taillebourg.
A nostre amé et féal conseiller et chambellan le sire dé Taillebourg.
Mon frère , je vous envoyay l'autre jour une fourme d'un
scellé , afin que m'en envoyissiez ung pareil pour envoyer en
1. Receveur des deniers.
2. L'église du Puy Notre-Dame dépendait de l'abbaye du Montier-Neuf, de Poitiers.
Le prieuré ne fut érigé en collégiale qu'au mois de janvier 1482; mais Louis XI s'y
rendait souvent, lorsque les Bénédictins l'occupaient encore. On lit notamment dans
un fragment de registre de la fabrique du Puy Notre-Dame : « Le xv» jour dudit moys
(octobre 1475) ouyt le roy messe céans et offry trante ung escu. » Arch. de Maine-
et-Loire.
l(î
Bretaigue; et depuis ay advisé qu'il n'est pas en bonne forme
et l'ay fait corriger , ainsi que vous verrez. Et pour ce je vous
prye, tant que je puis, que vous le me renvoyez ainsi qu'il a
esté corrigé , le plus toust que vous pourrez , et vous me ferez
grant plaisir. Si desjà vous aviez baillé le premier dont je vous
escripvoye, je vous prye que pour cela vous ne laissiez point à
m'envoyer cellui dont, par ce porteur, vous escrips ; car je vous
promect que je feray rompre et canceller l'autre et le vous ren-
voyray. Et adieu mon frère.
Escript à Saint-Martin de Cande *, le v® jour d'aoust.
LOYS.
Bastart.
IV. Le roi à M. de Taillebourg.
A mon frère Mons' de Taillebourc.
Mon frère, j'ay receu voz lettres par lesquelles m'eserivez que
mes lettres vous ont fait bien joyeux; mais les vostres ne m'ont
pas fait joyeux, parce que vous m'eserivez qu'il fault bien d'au-
tres choses pour faire ma matère seure , touchant le transport
de mons*^ de Penthièvre , et ne m'escripvez point quoy ; si vous
prie que incontinent vueillez faire sercher , parmy vos besoi-
gnes, si avez aucune chose que touche cecy. J'ay fait délivrer à
ceste cause vostre procureur, et, le plus tost que pourrez, faites-
moy savoir nouvelles de ceste matière. Et adieu mon frère.
Escript au Plessis du Parc, le iiu^ jour de février ^.
Mon frère, je suys de la nature des femmes : quant l'on me
dit quelque chose en terme obscurs, je veulx savoir incontinent
que c'est.
LOYS.
Charpentier.
1. Louis XI y passa une partie du mois d'août 1476. — Dans la table générale des
Ordonnances des rois de France, on a imprimé par erreur Candé; ce qui peut don-
ner lieu de croire que Louis XI séjournait alors à Candé, en Anjou, et non pas à Can-
des, en Touraine.
2. Ce doit être en t479. Le transport eut lieu au mois de janvier de l'année sui-
vante.
17
V. Le roi à M. de Taillebourg.
 mon frère monsieur de Taillebourg.
Mon frère, je vous envoyé le double des repparacions de
l'église mons"" Saint Eutroppe de Xaintes, que le prieur m'a en-
voyées. Je vous prie que vous y envoiez homme bien entendu
et en ce connoissant, qui m'en saiche rapporter au vray la vérité
desdictes repparacions nécessaires, et se on me trompe point ; et
le m'envoyez incontinant. Et adieu.
Escript de Touars, le xxvj^ jour de décembre.
LOYS.
Choisy.
VI. Le roi à M. de Taillebourg.
A mon frère mons' de Taillebourg.
Mon frère, je vous ay envoyé ce que le prieur de mons"" Saint
Eutrope de Xaintes m'a dit qu'il faut, pour garder que l'église
ne tumbe etreffaire ce qui est pourry et mauvais et en dangier
de cheoir. Et pour ce que je ne sçay s'il l'a mis loyaument et s'il
me veult tromper, ou s'il y est trompé lui mesmes; car il l'a
fait diviser par les rnaistres maçons qui sont aud. lieu et, comme
vous savez , les ouvriers le devisent à leur avantaige pour y
gaigner le plus qu'ilz peuent , espécialement quant ilz ont à
faire à gens qu'ilz cuident qui ayent bonne bourse, comme moy,
et ne s'en fault pas fier en eulx; je vous pry , sur tout le plaisir
que me voulez jamais faire, que vous envoiez ung des vostres
qui se y congnoisse , et qu'il ne me trompe point et qu'il me
mande combien il me fault d'argent pour ce que je vous ay
dessus dit. Et ne prenez point garde aux autres lettres que vous
ay escriptes, car je ne les ay point divisées , mais cestes ycy je
les ay divisées de mot à mot. Je vous envoyé à ceste cause
mons"^ de Millandres, pour y estre avec voz gens. Et adieu, mon
frère.
Escript à Touars, le premier jour de janvier,
LOYS.
Choisy.
I. {Quatrième xérie.) 2
f8
VII. Le roi à M. de Tailïebourg.
A nostre très cher et amé frère le sire de Tailïebourg.
Mon frère, mon amy , je vous prie ne délayez plus que vous
ne me mandez ce que vous vouldrez donner à ma uiepce , vostre
fille. Et ne vous esbahissez plus de mons' de Maigné, car je vous
asseure que c'est ung des bons chefz de guerre qui soit aujour-
duy en ce royaume ; et a soubz lui les iiu" francs archiers que
avoit messire Capdorat, et si a soubz lui vj"^ hommes d'armes.
Toutes voies, si le mariage vous desplaisoit, je ne vous en voul-
droye plus escripre; et pour ce je vous prie que, à cesle fois,
vous m'en mandez tout en ung mot ce que vous en avez voulenté
de faire. Et adieu.
Escript au Plessis du Parc, le x^ jour de novembre * .
LOYS.
J. Mesme.
VIII. M. de Tailïebourg au roi.
Au roi mon souverain seigneur.
Mon souverain seigneur, tant et si très- humblement comme
je puis je me recommande à vostre bonne grâce. Et vous plaise
sçavoir, mon souverain seigneur, que j'ai receu les lettres qu'il
vous a pieu m'escripre , faisant mancion que je ne délaye plus
que je ne vous mande ceu que vouldroy donner à vostre nepce,
ma fille; et que je ne me esbaysse plus de mons*" de Maigné,
pour ce que moy assurez que c'est ung des bons chiefz de guerre
qui soit aujourduhy en ce royaulme , et qu'il a soubz luy les
nij™ francs archers que avoit messire Cadorat, et aussi vi'' hom-
mes d'armes. Aussi m'escripvez que si le mariage me desplaist
que ne m'en vouldroyez plus escripre et que sur ce, à ceste foy,
vous feisse assavoir ceu que j'ay volunté de faire.
Mon souverain seigneur, tout ce que vous plaistme doyt bien
estre agréable. Au regart de mons^ de Maigné , que je ne croye
1 . D'après les lieux où Louis XI se trouvait, lorsqu'il a écrit cette lettre et les sui-
vantes, elles se rapporteraient aussi bien à 1476 et 1477 qu'à 1477 et 1478; mais la
réponse de M. de Tailïebourg à celle-ci relate des faits qui doivent faire accorder
la oréference à cette dernière période.
19
beaucop de honneur et des biens eu sa personne, si foiz; el puis
qu'il est en vostre bonne grâce, suis sûr qu'il ne puyt faillir à
estre le plus grant qui fust onques de son lignage , voyre de la
part de madame sa mère ; car devers le père , je ne foiz doubte
qu'il ne soit bien aparenté.
Au regart de voz humbles servantes , mes filles , je ne moy
attendoye point tant de bonnes lettres qu'il vous a pieu m'escri-
pre , qu'elles me deussent riens couster à marier ; et me suys
tousjours attendu qui vous eust ])\eu les mettre à vostre bon
plaisir et les faire teul bien qui vous eust pieu. Aussi aucune
demande jamais ne m'a esté faicte ; et qui m'eust voulsu riens
demander je ne eusse sceu que respondre, pour ce que je n'ay
point entre mes mains ce que appartient à mes enfans et à moy.
Vous sçavez que vous me doyvés, à cause du compte de Can-
dalle, la somme de dix-huit mille escux, Oultre pins, sçavez que
feistes prandre à Paris la somme de quarante mille cincq cens
vieulx escux, que le duc de Bretaigne avoit conciné à vostre court
de parlement, dont la moitié appartenoit à mes enfans et à moy,
Oultre plus, ne sont mis à excécucions les arrestz que j'ay
obtenuz sur les terres et seigneuries de Rays, pour les empesche-
mens qui par vous ont esté faictz. Aussi je en ay obtenu six ar-
restz ' à rencontre de mons"" de Pons, touchant Eoyan et Mour-
nac , lesquelx n'ont peu estre mis à excucion pour les grans
rebellions et deshobéissance que ledit seigneur de Pons a fait à
rencontre de mess^" deux de voz présidens, et d'autres voz con-
seillers en leur compaignie , de vostre court de Parlement de
1. NOHS en avons retrouvé trois dans les archives de Thouars : le premier, du grand
conseil, 13 septembre 1466; les deux autres, du parlement de Bordeaux, 14 août 1476
et 6 septembre 1477. Ces derniers avaient ordonné qu'il serait pourvu à leur exécution
par la saisie dudit sieur de Pons et autres voies raisonnables ; mais , comme il l'avait
fait en 1466, il refusa de laisser pénétrer les commissaires dans les cliâteaux de Royan
et Mornac , disant qu'il les y laisserait volontiers entrer comme personnes privées.
K la suite de l'arrêt de 1476, M. de Taillebourg ayant fait crier les assises de Royan
« ses officiers n'y osèrent aller les tenir, pour ce que ledit seigneur de Pons avoit en-
« voyé certain grant nombre de gens de guerre à Saint-Pierre de Royan , pour courir
« sus aux officiers dudit seigneur de Taillebourg, s'ilz y fussent allez. Et de ce se van-
« toient les gens dudit seigneur de Pons communément et nothoireraent. » (Enquête
du 7 novembre 1477.) Néanmoins ces arrêts eurent pour conséquence de lui faire
rendre Royan au roi, qui en confia la garde à M. de Saint-Mégrin ; mais il garda Mor-
nac , et c'est devant cette ville que l'un des présidents de Bordeaux et un sergent
royal furent si mal reçus , comme le dit M. de Taillebourg, en voulant faire exécuter
l'arrêt du 6 septembre 1477.
2.*
20
Bourdeaux. Et encore n'a pas hnyt jonrs que l'un de voz prési-
dens s'en est venu honteusement de devant la place de Mouruac,
et ung de voz seregens oultragé. Et pour ce, les chouses susdictes
considérées , je ne vous sauroye que dire , car le tout tient en
vous, pour faire la raison ainsi qu'il appartient. Vous tennés
entre voz mains ladicte place de Royan. Quant il vous plaira,
sur ce et aultres chouses, aurés esgart en vostre conscience, car
vous me faictes souffrir beaucoup de dommages.
Mon souverain seigneur , je pri Dieu qu'il vous doint bonne
vie et longue, et accomplissement de voz désirs.
Escript à Taillebourg. le xv" jour de novembre.
IX. Le roi à M. de Taillebourg.
A mon frère mousr de Taillebourg.
De par le roy.
Mons' de ïaillebourt , pour ce que je désire que le mariage
de ma nyepce, vostre fille, et de mons"" de Maigné se face et
acomplisse , j'envoie par devers vous maistre Jehan Chambon,
pour icellui traicter et y prandre conclusion, auquel j'ay parlé
au long de la matière, et aussi du fait de voz arrestz. Si le croyés
de ce qu'il vous dira de par moy.
Donné au Plessiz du Parc, le xv* jour de décembre.
Mon frère, je vous prie que ceste matière preigne lin à ce cop,
car je le désire fort, ainsi que vous dira led. maistre Jehan
Chambon.
LOYS.
J. Mesme.
X. Le roi à madame de Malicorne.
 madame de Malicorne.
Madame, je me recommande à vous. J'ay veu les lettres que
vous m'avez escriptes et sceu, par le lieutenant dePoictou, qui
est passé par Tours à son retour, le bon vouloir que vous avez,
dont je vous remercye tant que je puis ; mais je vous prye que
vous hastez de faire ce mariage le plustost que vous pourrés, car
je vouldroye que il me eust beaucoup costé et il fut fait, et vous
21
asseure que, de ma part, je m'y emploieray autant que si c'estoit
pour ma propre fille. Et adieu, madame.
Escript au Plessis du Parc lez Tours , le premier jour de jau-
vier.
Signé : Loys.
Et pour le secrétaire, J. Mesme.
XI. Le roi au lieutenant de Poitou.
Monsieur le lieutenant , je vous remercye tant que je puis ;
mais il fault que vous gaignez ce seul point à mou frère , c'est
assavoir qu'il ne mette ne les v*" frans des x"", ne les v*' livres des
mil sur l'arrest qu'il a enRaix. Et si vous pouez faire des frans
escuz, aussi cela seroit bien.
Les Bretons dient que la cause fut tirée de première instance
en parlement , et les fault oyr sur cela , et la chose sera longue,
comme vous savez; mais il ne fault pas que mous' de Taille-
bourg sache que je vous aye rien mandé de cecy, car il cuideroit
que je ne voulsisse pas tenir la main pour luy, touchant l'arrest
de la terre de Raix. Et pleust à Dieu qu'il l'eust et il m'eust costé
beaucop; mais, comme vous savez, je ne puis pas mal conten-
ter le duc , et fauldra qu'il l'ait par la raison , qui sera longue.
Et vous hastez de besoigner , carj'ay bien à besoigner de vous
pour mon procès de Thoars.
Escript an Plessis du Parc, le premier jour de janvier.
Ainsi signé : Loys.
J. Mesme.
XIL Le roi à M. de Tailîebourg.
A mon frère mous'" de Tailîebourg.
Mon frère, j'ay sceu par maistre. Jehan Chambon ce qu'il a
besoigné avecques vous , touchant le mariage de ma nyepce,
vostre fille, et de raons"" de Maigné ; et suis content des dix mille
frans et mille livres de rente, prinse la moitié de la rente sur le
fait de vostre arrest, à l'exécucion duquel suis délibéré vous te-
nir la main, ainsi que plus amplement ay chargé audit Chambon
vous escripre. Je vous prie que , incontinaut ses lettres veues,
vueillés envoyer par deçà homme ayant procuracion et puissance
22
de vous pour passer le traicté dudit mariage ; et mandés à ma-
dicte nyepce , vostre fille , qu'elle face ce que je luy comman-
deray.
Et touchant l'exécucion de vostre arrest , envolez voz gens en
parlement quant bon vous semblera, affin d'avoir d'eulx les
provisions qui vous seront neccessaires , car de ma part voul-
droye jà qu'il fut exécuté.
Mon frère, je vous prie que, à toute diligence, m'envoiez voz
gens et procuracion , car j'ay envoyé quérir mondit sieur de
Maigné pour tout accomplir ; et vous asseure que c'est ung gen-
tilhomme qui vault beaucop , et de quoy vous et les voustres
serez bien serviz au temps avenir.
J'ay Tnandé à madame de Malicorne qu'elle envoie procura-
cion pour consentir audit mariage , affin de mieulx asseurer le
fait du douère de madicte nyepce. Mondit seigneur de Maigné
venu , luy commanderay qu'il vous baille Royen et Mornac * .
Et adieu.
Donné au Plessiz du Parc, le xvij™'' jour de janvier.
LOYS.
Parent.
XIII. Le lieutenant de Poitou à M. de Taillebourg.
A mon très honnoré et doublé seigneur mons*' de Taillebourg.
Mons^"", je me recommande à vostre bonne grâce tant humble-
ment que faire puis. Je suis venu devers le roy , auquel ay fait
mon rapport de ce que avoye besoigné avecques vous ; lequel est
bien contant , comme il vous escript : c'est assavoir les mille
livres de rente , dont les six cens sur le fait de l'arrest de Raiz et
le demourant en Xaintonge , et des dix mille frans à une foys
paier.
Ce fait , suis entré au fait de l'exécucion de vostre arrest, et
vous asseure qu'il m'y a, bien au long , ouy. Je luy ay recité le
temps que le procès commamça, la forme du procéder, combien
le procès a duré , les arrestz qui s'en sont ensuiviz , comme la
court avoit ordonné que l'exécucion se feroit en Poictou ^ et en
1. M. de Maigné avait été mis eu possession du reveau de Royan à partir de Pâques
(6 avril) 1477. A cette époque, le roi laissait encore M. de Pons jouir de Mornac. Ar-^
chives de Tliouars.
2. Sur les terres de Pouzange, Tiffauge, Palluan , etc.
23
Anjou ' , sur les terres qui furent de feu inessire Gilles de Haiz
€t de feu monsg*" de la Suze, son frère, et que jà Ton a voit eom-
mamcé l'exécueiou et que ledit arrest ne touchoit en riens les
privilèges du duc , et comment le duc Pierre ^ avoit douné
congé de faire voz enquestes en Bretaigne.
Et après qu'il m'eust bien oy et entendu , m'a fait responce
qu'il estoit très contant que feissiez exécuter vostre dit arrest,
et que c'estoit bien prins de faire l'exécucion hors de Bretaigne,
s'ils n'y vouloieut obéyr ; et m'a chargé vous escripre que feis-
siés toutes les poursuites que pourries envers mess" de parle-
ment de faire exécuter vostre dit arrest, et que il vous y tiendra
la main. Et pour ce me semble, mons^"" , que à toute diligence
devez envoyer voz gens, garniz de la procuracion que le roy de-
mande pour le fait dudit mariage, et avec ce pour de là tirer à
Paris devers vostre commissaire , pour parachever le fait de
l'exécution de vostre dit arrest. Ledit traicté fait, le roy m'en-
voye à Paris, pour aucunes matières , et nous eu pourrions aller
ensemble voz gens et moy ; et me semble que vous serviray à
Paris de quelque chose.
Le roy m'a dit que mous"" de Maigné venu , luy commandera
qu'il vous baille Royen, et avec ce vous fera délivrer Mornac. Et
ne luy ay point parlé des xviu™ escuz, piour la cause que diray à
voz gens ; mais nous ferons bien tout. Et après autres paroUes ,
ainsi que m'en voulaye départir de luy , m'a dit de luy mesmes ,
de rechief, que'avois esté bien ad visé de faire vostre exécucion
sur les terres qui sont hors de Bretaigne, et que vous escrivisse
que le missiez avant.
Mons^"", n'oblyés pas à escripre à ma damoiselle vostre fille
qu'elle face ce que le roy luy commandera en ceste matière,
ainsi qu'il vous escript et aussi m'a chargé de vous escripre. Et
à tant, prie à Dieu, monsS"", qu'il vous donne ce que désirés.
Escript à Tours , le xviu^ jour de janvier.
Vostre humble serviteur,
Jehan Chambow.
1. Notamment sur Cliaiilocé.
2. Pierre II , duc de Bretagne.
24
XIV. M. de Maigné au lieutenant de Poitou.
A monsr le lieutenant de Poictou.
Mons"" le lieutenant, je me recommande à vous tant et de si
bon cueur comme je puis. J'ay receu voz lettres , avecques le
double des contractz et la procuracion de la matière où vous
vous estes tant empesché, qui a commamcement , par ce que j'ay
veu , de venir à bonne conclusion : dont Dieu doint , par sa
grâce, que les parties se puissent bien accorder , et y trouver si
bonne fortune que chascune des parties s'en puisse louer.
Mons"* le lieutenant, je ne vous sauroye jamais recompenser de
l'onneur que m'avez pourchassé et de la grant peine que y avez
prinse; mais se j'estoye homme qui peusse jamais avoir sens ou
puissance de vous faire quelque service , je vous donneray à
congnoistreque je vous suys tenu, au moins je le croy jusques
ci. Dieu veille que je puisse trouver les choses telles que jamais
ne bouge de ce propoux.
Touchant ce que m'avez escript que mons"" de Taillebourg est
fort desplaisant qu'il n'a Royan entre ses mains, par le dampne-
ment de mon âme , il m'en desplaist autant ou plus qu'il fait à
luy ; et s'il estoit mien nuement, veu le désir qu'il en a, il l'au-
roit plus tost anuyt que demain. J'en parlay ver au roy , qui
me deist que se je le bailloye, qu'il me laisseroit courir après
mon esteur * , et que jamais ne se mesleroit de mes besoignes, si
les choses qui estoient commencées devant n'estoient faictes. Je
vous pri , mons'' le lieutenant, que luy en veillez escrire et me
recommandez très humblement à sa bonne grâce; et l'asseurez
hardiment qu'il ne mette point en ymaginacion que je soye
cause de la détencion de la dicte place : car, par Dieu, non pas
la place, s' elle estoit en ma puissance, ne de ma damoiselle sa fille
ne vouldroye avoir, pour quelque bien qui m'en peust advenir ,
s'il ne luy plaisoit me faire cest honneur, et de bon vouloir.
Pour ce que maistre Guillaume Aymeret m'a envoyé ung mé-
moyre que le procureur de mondit seigneur luy a donné, pour
avoir lettres adreçans aux commissaires pour l'exécucion de ces
arreslz, et que aussi qu'il venoit ambassade de Bretaigne pour
ceste matière , le roy m'a fait response que, pour ambassade ne
\. Esloi , eslour, o//aire, joule, terme de tournoi.
25
autre qui luy en veille parler , il ne baillera lettre ne ne souf-
frera aller contre ce qu'il en ordonna autrefoiz et aussi ce qu'il
en a escript derrenierement à la court, et m'a dit qu'on face
diligenter la matière.
Mons"" le lieutenant, de ma part vous pouez eslre bien seur,
pour l'augmentation de la maison , je m'y emploieray comme
celuy qui a vouloir d'y faire service et à qui le bien et l'onneur
de la maison touche.
J'escriz à mons"" maistre Guillaume Aymeret aucunes choses.
S'il vous plaist, vous y aurez advis, car je croy qu'il ne vous en
est pas souvenu, ne à son frère mons"" de Chandenier.
Mons"^ le lieutenant, je vous recommande toujours la matière,
vous offrant la pouvre puissance de Tomme.
Etatant, je pri à Dieu qu'il vous veille donner accomplisse-
ment de voz désirs.
Escript Arras, le xj" jour d'avril.
Le plus que put vostre,
A. DE Choursses.
XV. Le lieutenant de Poitou à M. de Taillebourg.
A mon très honnoré et doublé seigneur mons*^ de Taillebourg.
Monsg"", je me recommande à vous tant humblement que faire
puis. Depuis que suis venu en ceste ville de Paris, ay escript
unes lettres à mons"^ de Maigné , touchant voz affaires et aussi ce
que avoie fait depuis que estoit party devers le roy. Il m'a
escript unes lettres que ay baillé à ce porteur, pour vous mons-
trer; et, comme vous escripvy d'Amboyse, ne vous donnés ma-
laise de Royen, car là où il est, est en vostre puissance. Il fault
complaire à l'ymaginacion du roy, qui est telle que voyés par
les lettres de mondits"" de Maigné , lequel, comme suis certain,
vouldroit que l'eussiez entre voz mains. Il me semble que devriez
envoler, à toute diligence , vostre procureur de par deçà pour le
fait de vostre arrest de Raiz , comme tousjours vous ay escript,
et vous le pourrés veoir par ce que mondit sieur de Maigné me
escript.
Touchant voz lettres de Rochefort, M" Henry vous en escript.
Vostredit procureur venu , adviserons une autre forme de les
26
reffaire. Je croy bien que je ne bougeray d'icy encore» d'un
moys. Et à tant prie à Dieu , mons8% qu'il vous doint ce que
desirez.
Escript à Paris, le xviiJ* jour d'avril.
Vostre humble serviteur ,
J. Chambon.
XVI. Le roi à madame de. . . ?
Madame, je me recommande à vous tant que je puys, et vous
prye qu'il vous plaise avoir mes deux niepces pour recomman-
dées. Je ne suis pas phisicien, mais il me semble qu'on ne les
doyt point garder de boyre entre deux heures , quant elles au-
ront soif, et leur faire mectre beaucoup d'eau en leur vin, et
qu'elles ne boyvent que petiz vins de Touraine ; et ne leur don-
ner point de salleures ne de viandes là où il y ayt espices, mais
boully et toutes viandes moictes % et ne leur donner point de
fruict, réservé des raisins qui soient bien meurs. Il me souvient
qu'on dit que les surains ^ sont bons , mais il y en a d'autres
qui sont bien maulvays, et font venir le flus de ventre. Madame,
je le vous recommande ; et , s'il vous plaist , vous ne lairrez pas
estraindre la grande. Madame, je ne vous sçay autre chose que
escripre, fors que tenez vous sceure que je ne vous fauldray tant
que je vive; et si vous fault riens , ne le faictes que demander,
car je me tiens tenu et obligé de le faire. Et adieu , Madame.
Escript à Arras le xxviu® jour de juillet.
XVII. Madame de. . .au roi.
Sire , en me recommandant très-humblement à vostre bonne
grâce, vous mercye semblablement des lettres que vostre plaisir
a esté de m'escrire, et des belles et honnestes parolles que , de
vostre grâce, il vous y plaist dire , dont je me tiens fort obligée
à Dieu et à vous ; car bien besoign ai-ge de vostre bonne ayde,
et sans icelleje ne puys riens, pour ce que mon cas est tel que
je suys si despourveue de toutes choses que je ne sçay plus que
1. Fraîche.
7.. Espèce de raisin blanc.
27
faire, sinon avoir recours à vous pour me mettre hors de la
grant neccessité où je suys, qui m'est si forte à porter que je
n'en puys plus, tant pour la presse des debleurs et serviteurs
de feu monsS'^ mon mary, dont Dieu veille avoir l'âme, ausquelz
n'ay de quoy satisfaire et chascun jour me pressent, que pour
mon vivre et celuy de mes enffans ; car ce que j'ay pour ceste
heure entre mains est si pou que je n'en saraye honnestement
vivre, veu que ce que j'ay par decza n'est pas grant chose , et ce
qui est en Bretaignea esté toujours empesché par mon absence,
en manière qu'il couste plus à poursuyr qu'il ne vault. Et pour
ce, Sire, que je vous tiens pour mon plus grant et seur reffuge ,
et à qui je vueill de tout mon cas avoir recours comme à celuy
à qui j'ay toute mon espérance, vous supplye très humblement
qu'il vous plaise donner provision en nos nécessités, tant en
mémoire de celuy que j'ay perdu que pour la pitié de ses enf-
fans et de moy, qui sans vostre bonne grâce ne pouvons plus.
Et au regart de mes damoyselles de Taillebourg , dont vostre
plaisir est en vos dictes lettres parler, elles ne sont plus icy ,
car presque aussi tost que la fortune me fut avenue , leur père
les envoya quérir, et je ne les eusse osé refuser.
LE TRESOR
DE
SAINT-MARTIAL DE LIMOGES
AU XIII" SIÈCLE.
On a compris de nos jours quels services les anciens catalogues
d'objets d'art peuvent rendre à l'archéologue, et quelle lumière ces do-
cuments répandent sur l'histoire des mœurs et des usages de l'époque
à laquelle ils se rapportent. D'importantes publications ont déjà été
faites sur ce sujet, et de grands travaux sont actuellement en cours
d'exécution. Aussi avons-nous pensé qu'il ne serait pas inutile de pu-
blier un texte inédit de ce genre , qui se rattache à l'histoire d'une des
plus anciennes et des plus célèbres abbayes de la France. C'est l'in-
ventaire, composé dans la première moitié du treizième siècle, des or-
nements et des joyaux qui étaient conservés dans le trésor de Saint-
Martial de Limoges.
Cet inventaire, connu seulement par les quelques extraits qu'en
ont donnés les Bénédictins continuateurs du Glossaire de du Gange i,
paraît pour la première fois en entier dans ce recueil. Nous l'avons
tiré du n° 1139 des mss. latins de la Bibliothèque impériale, dont il
occupe les feuillets 28 et 29. Les Bénédictins en ont fixé la rédac-
tion à l'année 1227 ; nous ne saurions dire à l'aide de quels documents
ils sont parvenus à déterminer cette date d'une manière aussi précise ,
mais nous n'en contesterons pas l'exactitude, et nous l'adopterons sur
la foi de ces savants religieux. Nous n'avions pour l'établir avec certi-
tude que le nom de l'abbé Raimond Gaucelm, élu en 1225 et mort en
1245. Si nous avions pu constater avec exactitude à quelle époque
Matthieu d'Uzerche est entré en fonctions comme trésorier du monas-
tère, ou seulement découvrir l'année de sa mort, la connaissance de
l'un ou de l'autre de ces faits aurait résolu la question. En l'absence
1. Aux mots Cortibaldus , Cutella , Diasprus, Estamineta, Molle /erreumy
Textum et Vinaigeriae.
29
de ces renseignements nécessaires, nous nous arrêterons à la date pro-
posée par les Bénédictins, parce que nous ne doutons pas que leurs
calculs ne soient fondés sur des documents peut-être aujourd'hui per-
dus, ou qu'il ne nous a pas été donné de consulter.
Hec est summa ornamentorum tesaurarie, quam tempore
BaIMXJNDI ABBATIS *, MaTTHEUS de UsERCHIA ^ CUSTODIENDAM
ACCEPIT.
xlvi casulas; xxx^ festales de cerico ' et xv feriales.
Centum et iiij"'' cappas *.
Tresdecim dalmaticas.
Novem cortibaus ^ festals et xYlii'" feriales.
Vestimenta '^ de cerico iiij""" decim.
Vestimenta parata ' ixj. Yestimenta plana centum e xlij.
Unum vestimentum paratum de estamiuea *.
Colares ^ xix.
Très stolas cum pernis ■ *'.
Sex stolas de aurifrigio^* cum suis manipulis.
1. c'est l'abbé Raimond Gaucelm, qui fut élu le 6 juillet 1225, et qiii mourut le
5 septembre 1245. Voy. D. Bouq., t. XVIII, p. 237, et Gall. Christ., t. II, col. 562.
2. Un des obituaires de Saint-Martial nous fait connaître quelques particularités
sur le compte de ce Matliieu d'Uzerclie : « Nonas (febr.), ob. Matheus d'Usercha, mo-
nacbus sancli Marcialis, qui fecit ibi cappam et casulam deauratam de samiz rubeo,
et quatuor vestimenta et uuum prosarium. » Bibl. imp., n" 5245 mss. lat., fol. 138 y".
3. Pour serico, de soie.
4. Une note écrite de la main de Bernard Itier en 1216, nous apprend qu'à cette
époque le monastère ne possédait pas moins de cent six cliapes. Bibl. imp., n° 1338
mss. lat., fol. 260 vo.
5. Ce mot désigne une espèce de tunique que portaient les diacres et les autres mi-
nistres inférieurs d» culte. v.Raynouard, Glossaire de la langue romane.
6. Un vêlement complet se composait d'une cliasuble, d'une aube, d'une étole et
d'un manipule. Voy. Mélanges historiques publ. par ChampoUion, 1. 1, p. 627.
7. Parés, par opposition à plana, unis.
8. Étoffe très-légère. Il y eu avait en laine et en soie. Voy. D. d'Arcq, Comptes de
l'argenterie, p. 374.
9. Collets de soie brodés d'or, quelquefois ornés de perles, de pierres précieuses
et de plaques d'émaux , qui étaient au moyen âge l'accessoire ordinaire de l'amict.
Ils retombaient comme les collets de nos habits modernes. V. le glossaire de M. de
Laborde, placé à la suite de sa Descr. des émaux du Musée du Louvre.
10. Poar per lis.
11. D'orfroi, c'est-à-dire bordés d'un galon ou d'une frange d'or ou d'argent.
30
vii'*'" manipules cuin periiis.
Très balteos ' cum pernis.
Tria paria candelabrorum argenteorum.
Duo turibula argentea ^.
Tria texta aurea ^. Quatuor texta argentea. Duo libri evange-
liorum argenteorum.
Vita sancti Marcialis * cum argento.
Quatuor philacteria ^ : duo sunt aurea cum ligno crucis;
unum servatur in tabulis argenteis * ; et duo sunt argentea ;
unum ad signandum ^ populum * et aliud cum oleo sancte Ca-
terine *.
1. c'est le baudrier, la ceinture , une des pièces de l'habillement sacerdotal. Il est
ainsi décrit par Guillaume Durand {Rational. divin, offic.) : « Baltheus .i. zona vel
cingulum latius quasi digitis quatuor sic relicuiatus ut quasi pellis vipera videretur,
contextum de bisso, cocco, purpura et jacinte. »
2. Une note écrite de la main de Bernard Itier en 1216 porte que le nombre des
encensoirs de Saint-Martial s'élevait à quatre, deux de plus que dans notre inven-
taire. Bibl. imp., n" 1338 mss. lat., fol. 260 v".
3. Il s'agit ici du livre des évangiles, peut-être seulement de la couverture ou de
l'étui enrichi d'or et de pierres précieuses qui le renfermait. V. du Cange.
4. Le catalogue de la bibliothèque de Saint-Martial , rédigé au treizième siècle par
Bernard itier ou par un de ses successeurs, nous apprend que le monastère possédait
cinq manuscrits de la vie de son illustre patron. — Bernard Itier, dans une note, si-
gnale le moine Adémar comme ayant fait écrire une vie de saint Martial en lettres
o o
d'or : « Ânno gratie h", xxx ini, obiit Ademarus monacus qui jussit fieri vitam sancti
Marcialis cum litteris aureis et in Jérusalem migravit ad Christura. » Ms. ii° 1338,
fol. 36 r°.
5. C'étaient, suivant Giiiilaume Durand {Ration, divin, offic), des vases d'or,
d'argent, de cristal ou d'ivoire, destinés à recevoir les cendres ou les reliques des
saints.
6. Tabernacles à deux battants en forme de diptyques, dans lesquels on plaçait
les reliques des saints. On trouve dans l'inventaire de la Sainte-Chapelle la niention
d'une table d'argent doré « qui se clost et ferme à deux clamydes ou guischetz , de-
dans laquelle il y a plusieurs et diverses reliques;» notre texte désigne sans doute
quelque chose de semblable. Voy. du Cange, au mot Tabula.
1. Pour donner la bénédiction, « signalio, benedictio quac fit signo crucis, » dit
du Cange.
8. Le ms. porte propulum, faute évidente du copiste.
9. Une lettre de Roger, abbé de la Trinité du Mont, à Rouen, fait connaître quelle
était celte huile de sainte Catherine. Sous la date du 24 août 1197 , il annonce
aux prêtres de l'église Notre-Dame, près la cour de Valenciennes, l'envoi d'ime
portion : « de illo oleo precioso quod sine humani ingenii artificio et absque alterius
olei naturalis mixtura, sed per divine virlulis et pietatis voluntatem, définit a
tribus parvis ossibus sanctissimi corporis beatissime virginis Katherine , que ha-
bemus in ecclesia nostra. » Bibl. iropér., Chartes et diplômes, 98, 25. Citons en-
Très calices ' in quibus cantatur '.
Très parvos calices ad olferendam i'aeiendam *.
Concha * argentea cum talpa '\
Major cntella et minor argentœae.
Unum coclear magnum argenti *.
Vas argenteum cum quo ostie in refectorio portantur, quod
"W"" La Concha ' donavit.
core un passage de Boelhius (Scotorum historia, éd. sans date de Jod. Badius
Ascensius, fol. xi) : « Ab lioc oppido (Edimburgum ) plus minus diiobus passuun)
oiillibus. Ions cui olei gnltae innatant scalnrit, ea vi ut, si niliil inde collegeris,
nihilo plus confluât; quantumvis autem abstuleris, nihilo plu>( remaneat. Natum esse
aiunt effuso illic oleo Divae Catharinse quod ad Divam Margaritam ex Monte Siual
adierebatur. Fidem rei fadunt, fonti nomen divœ Catliarinse inditum, atque in ejus-
dem bouorem sacelliim, juxta divae Margaritse jussu edificatum. Valet hoc oleum
contra varias cutis scabrities. »
Mous ajouterons ici la note des reliques contenues dans une châsse du monastère
deSaint-Martial : « Reliquias eas babet capsula argentea a sinistro latere allari senio-
ris posita ; sanctorum Mari et Leodegarii, sancta Sussanna, de terra quam Dominu»
calcavit, sancti Pauli apostoli et sancli Martini episcopi, s. Briccii episcopi et s,
Menne niartyris, sancti Eusebii martyris et s. Fastoris, sancti Pétri apostoli et s.
Mariae, s. Albini et s. Sulpicii et s. Susanna, s. Eparchii. » fiibl. imp., n" 178à mss.
lat., fol. 2 r".
1. D'après une note rédigée par Bernard Itier en 1216, le monastère de Saint>Mar-
tial possédait alors quatorze calices d'argent. Ms. lat. 1338, fol. 260 v".
2. Qui servent à la célébration des saints mystères; c'est dans ce sens qu'on dit
chanter la messe. Voy. du Gange, au mot Cantare.
3. Ces calices servaient sans doute à recueillir les dons en nature offerts pour la
célébration du saint sacrifice.
4. Un bassin, une conque.
5. Couvercle, « a Vasconio tapo vel talpo, operire, » dit du Gange au mot Talpa,
qui cite notre texte à l'appui de cette interprétation.
6. Serait-ce la grande cuiller dont les Grecs se servent pour distribuer l'eucharistie?
Voy. le glossaire de M. de Laborde.
7. Voici les détails que nous avons pu recueillir sur ce religieux : Il figure comme
operarius sur une liste des moines de Saint-Martial dressée vers l'an 1209 (ms. lat.
n" 1993, fol. 119 r"). Bernard Itier le place au nombre des prédicateurs qu'il a en-
tendus, dans une note rédigée en 1210 (ms. n" 1338, fol. 230 r°). Il devint sacristain
en 1216 (D. Bouq., t. XVllI, p. 234 E). Il était grand sacristain en 121« (ms. lat.
n° 3237, fol. ICI v°). Il exerçait encore les mêmes fonctions en 1223, à la Pentecôte
(ms. n° 2400, fol. 1 et 2). Il fut, le 6 juillet 1225, un des électeurs de l'abbé Raimond
Gaucelm (D. Bouq., t. XVIII, p. 237 G). Il figure encore à divers titres dans les mss.
1121, fol. 247 v°; 2262, fol. 166 V; 5137, fol. 147 y", et 5321, fol. 14 v°. Enfin le
ms. lat. n" tl39 contient (fol. 1 r°, 9 v°, 30 et ,31 r") la mention des dons qu'il fit au
monastère, avec un état sommaire des travaux exécutés par ses soins, et un compte
des fonds qu'il avait dépensés. L'obituaire de Saint-Martial (n° 5243, fol. 112 r°) fixe
sa mort au vi des ides de juin.
32
Urceum argenteum et aspersorium *,
Duo parva coclearia ^ de argento '.
un'"" cornua * de ebore ; quedam sunl cum argento.
Duo candelabra deaurata que W" La Concha fecit.
Lxvi pallia * et tria pallia que singulis diebus festivis ponaa-
tur ante majus altare.
Due arauœe de cerico *.
^que jjgjjg Gaifîers '.
1. Un vase propre à recevoir l'eau bénite, avec son goupillon.
2. Sur les usages de ces cuillers d'église, voy. le glossaire de M. de Laborde.
3. Outre cette argenterie destinée spécialement aux usages sacrés , le monastère de
Saint-'Martial possédait une fort belle argenterie de table; c'est ce que prouve le do-
cument qui va suivre : « Anno Incarnali Verbi m°. ce", xx»*^"., dominica quadrage-
sinoe qua cantatur Letare Jérusalem, coniputata fuerunt coclearia argentea conven-
tu8 in capitulo sancii Martialis, Johanne de Faurias refectuario manente, et fuit
surama coclearioruni cenlum quinque (ce dernier mot est effacé), exceptis decem quae
in debito remanebant. Pondus argeiiti fuit uudecini marcbarum et dimidia , et qarta
pars uncie. » (Ms. lat. 1139, fol. 228 v» et 28 r° )
4. Qu'était-ce que ces cornets d'ivoire dont on trouve souvent la mention dans
les inventaires anciens, notamment dans celui de la Sainte-Chapelle, au n" 94 : « Deux
grands cornetz d'ivoire antiens, etc.? » {Revue archéolog., ann. 1848.) C'est ce que
nous ne pouvons dire d'une manière précise; on sait que le mol cornu désigne égale-
ment un cornet pour mettre l'encre, un cor ou oliphant, ou simplement un vase en
forme de corne. Voy du Cange au mot Cornu.
5. C'est ce qu'on appelait, au treizième siècle, parement d'autel (voy. dans la Rev.
archéol , année 1848, l'inventaire de la Sainte-Chapelle, art, 157 et suiv.), frontal à
parer autel {Mélanges historiques , par Champoilion, t. I, p. 427), et aussi touaille
(voy. du Cange, au mot Pallium).
6. Nous n'essayerons pas d'expliquer ce mot , qui semble réveiller l'idée d'un tissu
excessivement délié. Voy. du Cange au mot Aranea, et Fr. Michel, Recherches sur
les étoffes de soie, t. H, p. 207
7. Notre ms. n'autorise pas la leçon gans Gaifier, qui a été adoptée par les conti-
nuateurs de du Cange. Peut-être s'agit-il de ces « vexilla quinque preciosa quœ
appellantur banum Gulferii de Turribus * » signalés par Geoffroi de Vigeois, qui rap-
porte l'usage où étaient les moines de Saint-Martial de les porter dans leurs proces-
sions le jour des Hameaux (Labbe, Nova Bibl. manuscr. libr., tom. II, pag. 312).
Cependant il ne faut pas oublier qu'au dire d'Adhémar de Chabannais (Labbe, Nov.
Bibl. manuscr. libr.) , Pépin offrit à Saint-Martial la bannière d'or qu'il avait enlevée
à Waiffre dans le combat. D'un autre côté , on lit dans la Chronique de Saint-Denis ,
sous l'aimée 726, que le roi de France prit « les aournemens d'or et de pierres pré-
cieuses que Waiffre mettoit en ses bras aus festes sollempnex, que on apele encore les
* Il résulte d'une note écrite de la main de Bernard Hier que ce Gulferius mourut en 1210 :
« Hanc prefationem scripsit Bernardus Iterii hujus loci arraarius vu"" anno quo factus fuit ipse
armarius in festo apostolorum Symonis et Jude, anno gratie m°. ce", decimo, Gulferio de Tur-
ribus defuncto et tumnlato a Alasac. » Ms. lat. n° a455, fol, i r°.
33
Due vinatgerie de argento ' .
Duo texti deaurati, qui fuerunt P. abbati '.
Tria scrinia ; duo reliquit Aimericus Arelli '.
Molle ferreum cum quo fiunt ostie \
Duo pectenes eburnei ^ cum quibus dominus abbas et ebdo^
madarius se pectunt.
Mitra W"' episcopi " .
Tria auricularia et unum auriculare novura quod fecit W" La
CoDcha.
vous Gaifier*; » le chroniqueur ajoute qu'ils furent suspendus comme trophées
«ians l'église de Saint-Denis, et qu'on les voyait encore de son temps derrière le mat-
ire-autel (D. Bouq., t. V, p. 223 E). Nous ne croyons pas que notre texte désigne de
riches bracelets de ce genre , et il est difficile d'attacher au mot ban un autre sens
que celui de bannière, d'élendard. Il est probable que les infortunes de Waiffre, et la
guerre d'extermination qu'il avait eu à soutenir contre l'usurpateur, avaient laissé eu
Aquitaine des souvenirs qui , sous l'influence des idées superstitieuses du moyen âge,
s'étaient transformés en une espèce de culte religieux. C'est ce qui expliquerait com-
ment , au treizième siècle, on faisait des bannières auxquelles on donnait le nom de
ce prince malheureux. Du Cange, au mot Gaiferus , cite un texte qui viendrait à
l'appui de cette induction ; il est tiré d'un fragment d'obituaire (ms. lat. 5239, fol. 3) :
« VIII Kal. junii (ob.) Dulrannus. Iste jussit fieri bannum qui vocatur Gaiferus, etc. «
1. Les burettes qui contiennent le vin pour le sacrifice de la messe. V. du Cange,
au mot Vinageriae, qui cite ce passage de notre inventaire.
2. Peut-être s'agit-il de l'abbé Pierre du Barri , qui est cité comme ayant fait deux
petits textes d'argent. Ce personnage, d'abord abbé de Saint-Augustin, gouverna le
monastère de Saint-Martial depuis 1 161 jusqu'en 1174 (v. le ms. lat. 1338, fol. 161 r",
174 r", et 252 r").
3. C'est lui qui est mentionné comme trésorier (thesaurarius) en l'année 1218 (ms.
lat. n<>3237, fol. 101 v"); il figure encore en cette qualité en 1223, à la Pentecôte
(ms. 2400, fol. 1 et 2). L'obituaire de Saint-Martial (n° 5243, fol. 127 r") fixe sa mort
au VI des ides de décembre.
4. Un moule de fer à fabriquer les hosties.
a. C'était alors l'usage que les prêtres donnassent quelques soins à leur chevelure
avant de se présenter à l'autel pour y célébrer les saints mystères. Voy. du Cange,
au mot Pecten. Guillaume Durand atteste aussi cet usage.
6. C'est peut-être la mitre d'un évêque de Limoges, Guillaume d'Uriel (1098-1 100),
qne B. Hier mentionne dans sa liste des évoques du diocèse : «Willelmus prior hujus
cenobii » (fol. 237 r" du ms. 1338).
* M. Paulin Paris, d'accord avec les mss. des grandes chroniques signalés par l'abbé Le-
beuf comme les plus anciens, a adopté dans son édition la leçon n bons Gaiffier, » qui est celle
du ras. de la bibliothèque Sainte-Geneviève coté i324 (n° rouge), fol. io6 r", col. 2. Un autre
ms. de la même bibliothèque coté iSaS (n° ronge), porte » les bons bras Gaiffier;» un
ras. de la bibliothèque Mazarioe, qui paraît être du quatorzièioe siècle, et coté H. 522, porte
H brasse'ez GaifSer; u uue édition gothique de l'an 1476 :•<< bons Gaiffiers ; » d'autres, post«-
riruresi à cette date : « gans GaifBers. »
I. (Quatrième série.) 3
34
Navicula argent! ' in qua ponitur iucensum.
Octo baculi processionales : duo sunt argentei.
Très baculi pastorales : duo sunt eburnei.
Duo candelabra deaurata de letonio Espanol ^.
x""" intersigna ^ minora et xj'""'" intersignum crismatis.
v''"* cortine magne : due ponuntur in xl™" ante crucifixum
sancti salvatoris; tercia super majus altare; quarta ante cruci-
fixum sancte crucis ; \'* ponitur ante ostium cori ; altéra ponitur.
\idelicet vj*% singulis noctibus super majus altare.
Cutella argenti '' iu qua dominicis diebus sal ponitur et alla
multa sunt ibi ^
ORNAMENTA SEPULCRI S. MARCIALIS.
Sex casule festales : una pulcra que fuit capellano sancti
Micaelis ^ ; altéra est quam rex Anglie ' dédit ; tercia est
de samiz*, quam G. Trobat ® fecit; quarta est rubea cum
1. Une navette. C'est le vase destiné à contenir les grains d'encens. On lit dans
l'inventaire des reliques de la Sainte-Chapelle, n° 115 : « Une petite nef à mettre en-
cens. »
2. Sur le métal d'Espagne , voy. Vie de Gauzlin, publiée par M. Delisle dans les
Mém. de la Société archéologique de VOrléanais, t. 11, p. 267 et 269.
3. « Signtim , insigne , gall. enseigne , bannière, « dit du Cange au mot Intersi-
gnum.
4. L'écuelle dans laquelle on met le sel le dimanche, pour la bénédiction de l'eau.
Cet article est rapporté dans du Cange, au mot Cutella.
5. Ici se trouve dans le manuscrit un blanc d'environ trois lignes.
6. C'est à Pierre de Verteuil , bibliothécaire de Saint-Martial, qu'on devait la cons-
truction de la chapelle de Saint-Michel; il mourut en 1211. Voy. D. Bouq., t. XVIH,
p. 229 B.
7. Peut-être Henri m, roi d'Angleterre, qui est mentionné dans la chronique de
B. Itier comme l'auteur de plusieurs dons d'objets précieux offerts à l'abbaye de
Saint-Martial. D. Bouq., t. XVIll, p. 224 D.
8. Étoffe de soie se rapprochant beaucoup du satin.
9. Il était, eu 1218, chevecier du sépulcre (capicerius de sepulcro), ms. lat. 3237.
Une note de B. Itier nous apprend qu'il l'était encore en 1223, à la Pentecôte (ms.
n" 2400, fol. 1 et 2). Il est question de lui dans le ms. lat. 1139 , fol. 25 et 28 r°, et
dans lems, 1785, fol. 1 v°, à la date de 1221. Peut-être est-ce lui que la chronique
de B. Itier désigne comme prévôt de chambre en 1214; la variante W. Prova vel
Proua, qui indique l'incertitude du rédacteur, semblerait autoriser cette hypothèse
(voy. D. Bouq., t. XVIII, p. 232' D). Enfin il figure à divers titres dans les mss. 1338,
toi. 227 V; 1121, fol. 247 V; 1993, fol. 119 v"; 1785, fol. 2 v" ; 2770, fol. 178 v.
35
scuto '; due sutit albe de diaspro ^. — Alie due sunt de pur-
pura septimanales.
V''"*^ cappe : una est alba ; altéra rubea , quam G. ïrobat fecit ;
très sunt septimanales.
De vestimeutis usque ad xxv'^"% et plura alia ornamenta tara
argentea quam aurea.
1. Peut-être un écusson; à moins qu'il ne faille lire scuta, mot qui , suivant du
("ange, désigne une espèce de vêtement ecclésiastique.
2. Sur le diapré, voy. Fr. Michel, Recherches sur les étoffes de soie, t. I, p. 236
et suiv.
H. DUPLÈSAGIER.
OBSERVATIONS
SDR LES
ACTES D'AFFRANCHISSEMENT
DU CARTULAIRE
DE NOTRE-DAME DE PARIS.
La plupart des actes d'affranchissement du cartulaire de No-
tre-Dame de Paris renferment de nombreuses restrictions appor-
tées à la liberté des affranchis. Notre savant et regrettable
maître, M. Guérard, a particulièrement remarqué un acte de
l'année 1255, dans lequel, dit-il, « les conditions de l'affran-
« chissement paraissent fort onéreuses , bien qu'il soit dit dans
« la charte qu'elles n'ont pas été faites dans l'intention de char-
« ger la liberté, non causa onerandx Ubertatis * . » Cette formule
se rencontre en termes identiques , ou tout à fait équivalents ,
dans plusieurs actes semblables du même cartulaire ^ ; elle est
purement de style , ainsi que je vais le démontrer ; mais il n'est
pas sans intérêt de la noter, comme se référant aux principes
du droit romain.
 Rome, le préteur refusait l'action en justice au patron à rai-
son de tout ce qui avait pu être imposé à l'affranchi au moment
de l'affranchissement, onerandx Ubertatis causa. Cette locution
consacrée est ainsi expliquée par Ulpien : « Onerandae libertatis
'■ causa facta bellissime definiuntur, quae ita imponuntur, ut, si
« patronum libertus offenderit, petantur ab eo , semperque sit
« metu exactionis ei subjectus, propter quem metum quodvis
« sustineat patrono prœcipiente ' . »
1. Cartulaire de l'église Notre-Dame de Paris, préface, pag. cxcriii, el t. il,
p. 378.
2. Cartulaire N.-D., II, p. 99, 173, 380-386; lll, p. 139, 171, 342.
3. Loi 1, § 5, au DigesJe, Quarum rerum actio non datur (XLIV, 5).
37
Des actes graves d'oppression contre les affranchis avaient
motivé cet édit du préteur ' , et la loi yElia Sentia l'avait con-
firmé ^.
La prohibition des conditions imposées onerandœ lihertatis
causa, avait donné naissance à une théorie savante sur la nature
des services (operœ) qui pouvaient être exigés de l'affranchi.
Cette théorie, aussi bien que tout le système du droit de pa-
tronat, est étrangère à la société du moyen âge. Ce système n'y
avait plus aucune raison d'être , car la transition entre la servi-
tude et la liberté n'a pas besoin d'être ménagée là où , d'une
part, le lien de servitude se relâche, et où, d'autre part, la po-
pulation libre est tenue dans un rapport d'étroite sujétion.
Aussi voyons-nous , dès les premiers siècles du moyen âge ,
le patronat romain remplacé par le mundeburdium , pouvoir qui
s'étend aussi bien sur les hommes libres de naissance ^ ; et, le
langage du droit se modifiant avec les institutions elles-mêmes ,
l'affranchissement, dans tous les recueils de formules, est appelé
ingenuilas ^ .
Au treizième siècle , là propagation des sources anciennes du
droit romain remet en honneur les locutions classiques. Mais
l'emploi de ces locutions ne constitue encore qu'un artifice de
style , et n'indique aucun retour aux institutions romaines. Le
rapport qui survit à l'affranchissement n'est pas celui de patron
à affranchi, mais celui de seigneur justicier à sujet ^ et celui de
1. Loi 2 pr., au Digeste, De operis libertorum (XXXVIH, 1) : « Hoc edictum
« Praetor proponit coarctandae persecutionis libertalis causa impositorum. Animad-
« vertit enim rem istam , libertatis causa impositoruni prsestationem, inirum in mo>
« dum excrevisse, ut premeret atque oneraret libertinas peisonas. »
2. Loi 32, § 1, au Digeste, Qui et a quibus (XL, 9) -. « Non protiibentur lege ^Elia
« Sentia patroni a libertis raercedes capere , sed obligare eos. » L'édit du préteur
était-il antérieur à la loi jElia Sentia P Je n'en ai pas la preuve positive, mais ce
que j'en dis est conforme à la marche ordinaire du droit, et notamment à ce que rap-
porte Gaius (in, 56) des antécédents de la loi Junia Norbana.
3. Voyez toutefois les observations de M. Pardessus, Loi salique, Dissertation VU,
pag. 529 et 530.
4. Voyez notamment dans les recueils de formules récemment publiés par M. de
Rozière, Strasbourg, XIII, Saint-Gall, II et III, et l'observation très-juste de M. de
Rozière sur la première des formules wisigothiques , page I, note 2. Remarquons
d'ailleurs qu'un développement parallèle s'était produit dans le droit byzantin. Justi-
nien (Novelle 78, ch. 1 et 2) avait accordé aux affranchis le titre et les prérogatives
honorifiques de l'ingénuité, mais sans porter aucune atteinte aux droits des patrons.
5. Le nom de sujet , au seizième siècle, était officiellement employé pour désigner
38
propriétaire à tenancier '. Dans l'acte du mois de mai 1255, par
exemple, le chapitre, après s'être réservé, par une clause de
style, « honorera, debitam reverenciam et ea que soient liberti
« patronis suis exhibere , » retient , d'une façon beaucoup plus
sérieuse, « census, redditus, corveias, reddibiciones et omnes
« alias consuetudines prius débitas. » Il retient , en première li-
gue, la taille annuelle à volonté ^, qui est en opposition directe
avec la théorie romaine sur les operse libertorum ; et , de prime
abord , on ne voit pas bien ce que les affranchis gagneront à
payer la taille à volonté et toutes les autres redevances en qua-
lité de sujets ou hommes de poesté, au lieu de les payer, comme
précédemment, en qualité de serfs ou hommes de corps. L'avan-
tage, toutefois, est considérable : hommes de corps, ils faisaient
partie intégrante du domaine, et pouvaient être poursuivis en
cas de fuite ' ; hommes de poesté et tenanciers libres, ils peuvent
s'exonérer de leurs devoirs de sujets en quittant le ressort de la
justice "*, et de leurs redevances foncières, en se démettant de
leurs tenures ''.
La différence devint plus sensible avec le cours des temps : la
« ceux qui demeurent dans l'étendne de la seigneurie d'un seigneur ayant justice. »
(De Perrière, Dictionnaire de droit et de pratique, v" Sujets.) Voy. l'art. 71 de la
Coutume de Paris, et les actes cités par Ferrière. Cette locution subsistait encore an
dix-buitième siècle; mais on voit, par les explications que donne Ferrière, qu'elle
avait besoin d'apologie pour ne pas porter ombrage à la .souveraineté du roi. Au trei-
zième siècle, la relation de seigneur justicier à sujets est exprimée par le nom
d'hommes de poesté. Voy. Beaumanoir, cb. 45, n° 30. — Ragueau et de Laurière,
Glossaire , \° Posté ou Poesté — Voy. toutefois Boubier, ch. 51 , n° 176 (édition de
1742, t. Il, p. 28).
1. Cette double relation est nettement distinguée dans les actes d'affrancbissement
publiés par M. Guérard {Polyptyque d'Jrminon , Appendix , w" XL et XLI) , par la
formule suivante : « Salvis nobis et ecclesie nostre omnimoda justitia et dominio. »
On lit également dans les actes du cartulaire de Kotre-Dame : «... In terra et justi-
« cia ecclesie B. Marie. » (N.-D.. II, p. 100 et p. 378.)
2. N--D., II, 379: «Talliam, singulis annis, si placuerit capitulo ante dicte. »
Plus précisément encore , dans un acte d'avril 1280-81 {N.-D., II, lOt) : « Talliam ad
« voluntatem sive ad beneplacitum dictorum decaui et capituli. «
3. Que le droit de suite existât sur les serfs du cbapitre de Notre-Dame, c'est ce
qui me parait résulter formellement de la qualification d'hommes de corps. Mais, s'il
était besoin d'autre preuve, on pourrait l'établir par induction de l'acte IX de V Ap-
pendix {N.-D., 111, 356).
4. N.-D., H, 379 : « . . . Dum lamen in terra ejusdem capituli bostisias vel posses-
« siones babuerint seu fuerint résidentes. »
5. Voyez des exemples de ces démissions ou abandons dans les Olim, n"' 24 et 25.
39'
taille jusiicière était un impôt levé en vertu du droit de souve-
raineté; la taille de corps, une redevance exigée en vertu du
droit de propriété. Or, jusqu'à la lin du dix-huitième siècle,
même dans le célèbre édit du 8 août 1779, le roi respecta le
droit de propriété des seigneurs sur la personne de leurs serfs * ;
au contraire, le roi restreignit en toute occasion le pouvoir des
seigneurs justiciers : dès le seizième siècle, notamment, il leur
enleva le droit de taille sur leurs sujets. « A nous seul appar-
ff tient lever les deniers en nostre Royaume , » dit l'ordonnance
de Moulins (art. 23), « et faire autrement seroit entreprendre sur
« nostre Majesté. » — »< En conséquence de laquelle ordonnance, »
dit Loyseau ^, « Bodin estime que le droit prétendu par plu-
« sieurs seigneurs, et qui est autorisé par plusieurs coustumes,
« de lever tailles aux quatre cas ^ sur leurs sujets , est mainte-
<> nant aboly. » — « Et tiennent les gens du roy en parlement, »
nous dit Coquille \ « qu'au roy seul appartient lever presta-
« tions personnelles sur ses sujets : les dits gens du roy ex-
« ceptent si c'est prestation personnelle, procédant de servitude
« de personne, et la raison est que les serfs sont censez immeu-
1. « Retenu par les égards que nous aurons dans tous les temps pour les droits de
•< la propriété, que nous considérons comme le plus sûr fondement de l'ordre et de
« la justice » {Préambule de redit du 8 août 1779.) Toutefois le roi recon-
naît qu'il est un excès dans l'exercice du droit des seigneurs sur leurs serfs qu'il ne
peut différer d'arrêter et de prévenir. « Nous voulons paiier du droit de suite sur les
« serfs ou mainmortables, droit en vertu duquel des seigneurs de fiefs ont quelquefois
« poursuivi dans les terres franches de notre royaume, et jusque dans notre capitale,
« les biens et les acquêts des citoyens éloignés depuis un grand nombre d'années
« du lieu de leur glèbe et de leur servitude, etc. » En conséquence, le roi ordonne
(art. 6) « que le droit de suite sur les mainmortables demeurera éteint et supprimé
« dans tout le royaume , dès que le serf ou inainmorfable aura acquis un véri-
« table domicile dans un lieu franc. » Précédemment, on admettait généralement
contre la poursuite du seigneur la prescription de dix ou vingt ans ; l'édit restreint
ce délai au temps nécessaire « pour acquérir un véritable domicile dans un lieu
K franc, » mais il ne supprime pas le droit de suite d'une manière absolue. Voyez, au
surplus, la Revue bibliographique de droit français et étranger, t. il, p. 31.
2. Loyseau, des Seigneuries, cli. 111, n" 47 Bodin, République, liv. I, ch. 10.
— Voy., en sens contraire, Ferrerius in queest. 57 Guidonis Pap.e, et le résumé de la
controverse dans Legrand, sur Troyes, tit. I, ait. 3, glose 2, n" 6.
3. A plus forte raison la taille à volonté. Ajoutons toutefois qu'au seizième siècle
la taille à volonté est universellement présentée comme devant être à volonté rai-
sonnable. Voy. notamment Pasquier, Inslitïites, liv. 1, di. 27.
4. Coquille, sur Nivcnwis, cli. Vlll, art. 5.
40
« blés. Loi Longse, ti.., de diversis et temporalibus prsescriptioni-
« bus '. »
En résumé, le rapprochement dont le cartulaire de Notre-
Dame nous^ fourni l'occasion accuse la marche différente qu'a
suivie, chacune dans son développement, la société romaine et
la société du moyen âge.
Les savants modernes ont cependant trouvé , aux premiers
siècles de Rome , les germes d'une espèce de féodalité ^ ; et , à
prendre ce mot dans le sens le plus large , je crois leur pensée
juste et profonde. La féodalité, en effet, si l'on entend par là
une certaine subordination hiérarchique des personnes et des
terres , n'est pas un état social exclusivement propre à l'Europe
du moyen âge. C'est, au contraire, un phénomène régulier, mar-
quant une phase déterminée de la civilisation à certaines épo-
ques de l'histoire des peuples. A Rome, les éléments d'un état
de ce genre se rencontrent aux premiers siècles : la subordina-
tion des personnes dans le rapport de clientèle , dans le droit de
patronat , et peut-être dans le droit de gentilité ^ ; la subordina-
tion territoriale dans les concessions précaires de Vager publi-
cus ^. Mais cette féodalité naissante est vite étouffée dans son
germe : le rapport de clientèle disparaît dans la lutte des deux
ordres ; le droit de patronat est contenu par les lois ; le droit dé
gentilité tombe en désuétude sous les premiers Césars ^ ; les te-
nures du domaine public, régularisées par les lois agraires ®,
aboutissent à l'emphytéose , et le contrat de louage , réglant
d'une manière simple et uniforme la tenure des terres privées ',
1. L. 3, au Digeste, de div. et temp. (XLIV, 3).
2. M. de Savigny, Possession, § 12 a et § 42.
3. Si l'on admet l'opinion défendue en Allemagne par Hugo {Rechtsgeschichte ,
XI, 263, et Civilistisches Magazin, vol. VI, p. 465), en France par M. Ortolan {Revue
de législation , 1. 1 de I840, p. 257, et Institutes , liv, III, lit. 2), et par M. Holtius
{Recueil de l'Acad. de législation de Toulouse, t. III, p. 43). — En sens contraire,
\oy. M, Giraud {Revue de législation, t. III de 1846, p. 385, et 1. 1 de 1847, p. 242),
M. Troplong {ibid., 1. 1 de 1847, p. 5), M. Laferrière, Histoire du droit, t. I, p. 451.
4. Niebulir (l. H, p. 167 de la 2"= édition allemande, t. III, p. 199 de la traduction
de M. de Golbéry). -- M. de Savigny, Possession, § 12 a et § 42. — M. Giraud , Re-
cherches sur le droit de propriété chez les Romains , pag. 159 à 209.
5. Gaius, m, 17.
6. Voy. M. Laboulaye {Revue de législation, 1846, t. II, p. 385, et t. III, p. 5).
7. L'emphytéose, à l'origine, n'était pas usitée pour la tenure des terres privées.
Ghïus, ni, 145, L. 1 pr,, au Digeste, Si ager vecligalis (VI, 3).
41
met obstacle à la complication des rapports qu'engendre à la
longue la division du domaine '.
A Rome, la société arrive donc de bonne beure à cet état rc-
gulier, où l'état des personnes et la constitution de la propriété
sont réglés par la loi. De là les proportions grandioses et la
valeur scientifique de sa jurisprudence.
Au moyen âge, le droit se dégage laborieusement de l'infinie
variété des conventions et des coutumes, et il a fallu plusieurs
siècles de luttes pour le coordonner dans l'unité du droit mo-
derne.
Voilà comment je conçois l'étude comparée du droit romain
et des institutions du moyen âge. Éclairée par la critique, cette
étude peut être féconde; car il est peu de matières où le droit
romain n'ait été invoqué , et où il n'ait fini par modifier, à la
longue, les institutions de notre pays. Mais il faut se garder àr
conclure de là à l'origine romaine de ces institutions. Je trouve
dans la matière même des Operx liber torum , un exemple de la
méthode vicieuse que suivaient trop souvent, en pareil cas, les
jurisconsultes du seizième siècle.
L'affranchi s'obligeait par serment à la prestation des operœ.
Cnjas et Ragueau ^ ne manquent pas, à ce propos, de rappro-
cher les operce du droit dejurée, usité sous certaines coutumes.
Ce droit était certaine redevance annuelle, acquittée, en Cham-
pagne, par celui qui voulait être justiciable immédiat du comte
« pour l'honneur qu'il recevoit, sortant iraischement d'une ser-
« vitude, d'estre mis au rang de ceux qui estoient anciens bour-
« geois ^ » Si l'on veut chercher dansPasquier l'étymologie de
ce mot, on y verra qu' « au demeurant ce droit de jurée fut
« ainsi nommé parce qu'il est vraisemblable que ceux qui se
« rendoient justiciables du comte, faisoient un nouveau serment
« pardevant le juge des lieux , ou bien que ceux qui estoient
« tous les ans esleuz pour faire le département sur ceux qui
« estoient contribuables à cette redevance , faisoient le serment
1. La division du domaine dont parle Gains (II, 4") n'a aucnne espèce d'analogie
avec la distinction du domaine direct et du domaine utile. Cette derrdère distinction
est étrangère au droit romain pur.
2. Cujas, Observât., XVII, 14. — Ragueau et de Laurière, Glossaire, v" Jurer.
— A la même époque, tous les jurisconsultes citent à profusion le titre De operis li-
Imtorum à propos des tailles et des corvées.
3. Pasqiiicr, Recherches, IV, 7.
42
« d'y procéder sans faveur. » Ni pour le fond, ni même pour la
forme, il n'y a, comme on voit, matière à aucun rapproche-
ment entre les operse libertorum et le droit de jurée des bour-
geois de Champagne,
Gabriel DEMANTE.
SIGNATUUES DU ROI JEAN.
■ «»■ <m
Il y a quelques années , M. Paulin Paris ^ découvrit dans un ma-
nuscrit de la Bibliothèque impériale 2 une signature du roi Jean. ISous
venons aujourd'hui signaler un second autographe de ce malheureux
prince. 11 nous est fourni par une lettre close qu'il envoya à son fils
pendant sa captivité , et dont nous donnons le texte d'après l'original
en papier conservé à la Bibliothèque impériale, dans la collection de
dom Grenier 3.
A nostre très-cher fils le duc de Normandie dalphin de Vien-
nois.
De par le roy.
Charles, comm^e pièça vous eussions fait dire de par nous par
Jehan de Dainville, nostre escuier, que l'office de la chastellenie
de Lonchamp * en la forêt de Lions nous avions octroiée à Guer-
riot Haubergon , nostre vallet trenchant, \acant par la mort de
Jehan Boudarl '^^ qui le tenoit, et, avant ce que vous sceussiez
nostre volenté, eussiez le dit office donné à Jehan de Montigny ;
mais, non obstant ce , feistes response au dit Jehan de Dainville
que, se il nous plaisoit que le dit Guerriot eust le dit office,
vous voulies que il l'eust et le li feries mettre au délivre. Si sa-
vons bien que le dit Guerriot n'en fist onques puis nulle pour-
suitte, combien que il ait plus cher le dit office que nul autre
profit ailleurs, et pour cause. Si nous plairoitbien que il l'eust,
et vous saurions bon gré de le li mettre au délivre , pour ce que
nous le li donames et que à lui seroit bien séant et aussi que de
li et de son service nous nous tenons à bien content. Et au dit
Jehannin de Montigny faittes et pourveez d'aucun autre prof-
fit ailleurs. Donné à Londres, le XIX" jour de juillet. Jehan.
t. Manuscrits françols, I, 79.
2. Fonds français, n» 674;}.
3. Vol. 238 (autrefois paq. 27, art. %, A).
4. Longchamp, déparleraeiit de l'Kure, canton d'Élrépagui .
5. Sur ce porsoniiaî^e, voy, le P. Anselme, VIII, 619. '
44
La lettre est sans date d'année ; mais, comme ie roi Jean resta sur le
sol anglais du 4 mai 1357 au 5 juillet 136o ^ et que nous savons qu'il
passa le mois de juillet 1359 au château de Hereford 2, il est certain
que notre lettre appartient à l'année 1357 ou à l'année 1358.
1. Douet d'Arcq, Comptes de Vargenterie, p. 278.
2. Ib., p. 279.
A. GIRAUD.
SÉANCE PUBLIQUE
DE L'ACADËMIË
DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
C'est le 18 août dernier que l'Académie des inscriptions et
belles -lettres a tenu sa séance publique, sous la présidence de
M. Lenormant. Si, cette année, l'École des chartes n'a obtenu que
de modestes succès aux concours ouverts par l'Académie , elle
n'en regarde pas moins la dernière séance comme une solennité
dont le souvenir doit être religieusement conservé dans ses an-
!)ales. Aucun de nous, en effet, n'est resté indifférent à l'hom-
mage rendu à la mémoire de notre illustre confrère Eugène
Burnouf. C'est donc un devoir pour nous de reproduire ici les
principaux passages du discours de M. Naudet.
Après avoir, dans la première partie de sa Notice historique ,
raconté la vie de M. Burnouf père, et décrit la position précaire
dans laquelle il se trouvait quand son fils Eugène naquit, le 8
avril 1801, M. le secrétaire perpétuel a continué en ces termes :
.... Mais à peine Eugène Burnouf commença-t-il à se connaître,
qu'il n'avait plus à être témoin ni à souffrir sa part de ces misères. Tout
souriait autour de lui , chez lui ; tout respirait l'allégresse dans le bien-
être de la fortune présente, dans la sécurité de l'avenir garanti par le
mérite et le courage. Le père de famille venait d'être rendu à la dignité
de sa vocation, à sa patrie littéraire, à sa liberté studieuse; et l'enfant,
plus favorisé que lui, n'eut pas à recevoir du secours d'autrui le bienfait
de l'éducation ; il trouvait dans la maison paternelle le maître qu'il eût
choisi entre tous, s'il avait eu à choisir.
Ses progrès furent brillants et rapides , mais non hâtés prématuré-
ment, par urgence et par contrainte. A un tel disciple, il n'était pas
besoin de l'instance du pédagogue ; et un tel mentor voulait que, dans
cette intelligence dont il observait avec bonheur les qualités rares et
la vigueur naissante, l'instruction fût le fruit du libre amour d'appren-
46 -
dre. Hélas ! E. Burnouf n'a que trop bien rempli, trop persisté à remplir,
à dépasser de tels vœux.
Son père , attentif à interroger tous ses instincts précoces et à leur
offrir les objets d'application les plus divers et les plus solides, le con-
duisit, en sortant du collège , aux leçons de l'École des chartes. Elle
n'existait alors qu'en germes, en rudiments, et ne laissait point soup-
çonner, ne soupçonnait pas elle-même les heureux développements
que son organisation recevrait un jour, et qui l'ont placée, depuis
quelques années, au rang des établissements les plus notables d'ins-
truction publique. Toutefois les conversations, je ne dirai pas les cours,
du savant abbé de l'Épine , et les essais de lectures paléographiques
sous sa direction , avaient bien quelque analogie avec les déchiffrements
d'autres manuscrits dont le jeune étudiant devait un jour pénétrer les
obscurités; et ce fut pour lui, sans qu'il s'en doutât, comme une
gymnastique préparatoire pour des travaux plus ardus.
Il suivit , dans le même temps , les cours de l'École de droit avec
plus de persévérance et d'éclat, et il y signalait la fin de ses exercices
par une thèse dont elle a gardé le souvenir. Ainsi s'ouvrait devant lui
la carrière du barreau, où son père désirait l'engager, et à laquelle
paraissaient l'appeler ses facultés baillantes et solides. Mais , par les
habitudes de la maison , par les entraînements involontaires et conti-
nuels des discours et des exemples , M. Burnouf déconcertait lui-même
ses projets pour l'état de son fils. Tous les entretiens roulaient sur la
philosophie du langage , sur les grammaires comparées, sur l'histoire
de la parole, et le jeune élève en droit y prenait un plaisir singulier,
et s'y faisait déjà remarquer par la sagacité de ses réflexions et de ses
aperçus.
C'était le temps où M: de Chezy venait d'inaugurer l'enseignement
public du sanscrit en Europe. M. Burnouf père se fit aussitôt le plus
assidu de ses disciples, et en 1819, dans la sixième édition de sa Gram-
maire grecque , il déposait le fruit de ses récentes études , révélant à
ses collègues de l'Université la communauté d'origine des dialectes
helléniques avec le sanscrit. La révélation se faisait aussi pour E. Bur-
nouf, et l'inspiration s'ensuivit, et le changement des desseins pour
l'avenir. Son père ne voulut pas le contrarier, et c'eût été un irrépa-
rable dommage pour la lumière des lettres qu'il en fût arrivé autrement.
Les avocats ne manqueront jamais aux passions des plaideurs et à la
gloire de l'éloquence; mais l'érudition ne rencontre pas aussi aisément
de ces esprits merveilleusement doués, et, par fortune rare, unis à on
caractère de modestie et de constance qui les élève et les maintient
47
dans les régions supérieures aux tentations d'intérêt et d'ambition ,
auxquelles les exposerait plus que d'autres l'énergie même de leurs émi-
nentes facultés.
Les leçons de M. de Chezy achevèrent très-heureusement
de ruiner les projets de profession lucrative qu'on avait formés pour
E. Burnouf. Son père avait commencé par mégarde et malgré lui d'en
faire un philologue ; M. de Chezy en fit un indianiste qui ne fut pas de
son école.
Chezy, douce et mélancolique nature , imagination élégante et clas-
sique , s'était épris surtout des formes et de la poésie de ce langage qui
lui semblait une émanation de l'Éden; et, soit esprit de système, soit
désir d'attirer plus facilement son auditoire à cette littérature incon-
nue, il n'en montrait les beautés que parées de gaze et de broderies, et
il s'appliquait à ramener aux proportions et au dessin de la physiono-
mie française ces étranges et gigantesques figures, substituant un idéal
artificiel à l'idéal véritable.
E. Burnouf se proposa un objet plus viril et plus sérieux , il voulut
rechercher les traces de la filiation des peuples , les liens de parenté
entre l'Orient et l'Occident, et les titres héréditaires des races euro-
péennes, conservés dans les analogies des signes de la pensée ; démêler
et promulguer les lois de décomposition des idiomes originaires dans
les langues anciennes et dans les langues modernes , retrouver enfin
par la grammaire les grandes époques de l'histoire de la famille hu-
maine.
A la fin du siècle dernier, l'Angleterre , grâce aux succès de ses ar-
mes et de sa politique dans la presqu'île du Gange, obtenait sur la
France un avantage scientifique dont elle n'avait pas sans doute alors
le loisir d'être sensiblement touchée. Elle devança la France dans la
connaissance et la pratique de la langue sacrée des Hindous.
Nous dûmes à E. Burnouf de reconquérir la priorité dans plusieurs
branches de cette science, et la supériorité à certains égards. Des dic-
tionnaires, des grammaires, des livres en quelque sorte usuels, des tra-
ductions de poèmes , étaient le fruit d'un estimable labeur aidé par les
brahmanes et borné à la littérature sanscrite. Ce qui avait été jus-
qu'alors le but final des études ne fut pour E. Burnouf qu'un instru-
ment.
Il se sentait attiré et poussé vers les parties inconnues et les moins
accessibles de la science, non par un caprice d'orgueil pour la difficulté
à vaincre, ni par une manie d'innovation et de singularité, mais par
la conscience en quelque sorte d'une obligation spéciale et personnelle,
48
et par l'autorité d'une voix intérieure qui l'avertissait qu'il y avait là
une vérité à découvrir, appréciable seulement au petit nombre, et en-
veloppée d'ombres si épaisses, cachée dans les profondeurs si abstruses,
que, pour l'atteindre ou seulement la poursuivre, il fallait un homme
qui, à la vivacité pénétrante et à la ténacité invincible de l'esprit,
joindrait une parfaite abnégation de la renommée facile et populaire.
Imaginons que dans un de ces pays lointains de la haute Asie , dont
les habitudes de langage sont séparées des nôtres par la différence si
profonde des systèmes d'écriture et de prononciation et des procédés
de syntaxe et de grammaire , on entende parler de latin pour la pre-
mière fois, et que pour la première fois on en lise, on en explique des
exemples écrits ; imaginons qu'un docte brahmane apprenne la vieille
itinité d'une manière si nette et si sûre , qu'ayant rencontré ensuite
des manuscrits de théologie subtile, de scolastique obscure en langue
italienne, il sache tout d'abord, à travers les altérations des radicaux,
les déformations des désinences, les idiotismes de création relativement
récente et les mélanges de sources étrangères , deviner les rapports
originels des deux langues, puis déterminer les lois de dégénérescence
et de transfiguration de la première en la seconde, et enfin composer
du dépouillement des manuscrits un dictionnaire et une grammaire, et
reconstruire ainsi une langue ignorée chez lui : on admirerait un tel
prodige de logique et.de sagacité.
Voilà ce que fit E. Burnouf pour la langue pâlie, issue du sanscrit,
comme l'italien du latin ; voilà son coup d'essai à l'âge de vingt-cinq
ans. Il faut dire qu'il s'était associé dans cette entreprise un de ses con-
disciples au collège de France, nom célèbre aussi, M. Lassen, pour qui
ne furent point interrompues dans la suite ses communications ami-
cales et confidentielles.
Dès lors E. Burnouf comptait entre les maîtres de premier ordre
dans l'estime des juges compétents. L'Université voulut l'engager dans
Tes rangs de ses professeurs, non pas pour un enseignement ordinaire ,
mais pour la fondation d'une chaire dont on n'avait pas encore eu l'idée,
quoiqu'elle dût être la hase et le couronnement de toutes les autres
dans l'ordre des lettres.
....E, Burnouf, dansson cours de l'Écolenormale, créa l'enseignement
de la grammaire comparée en France. Le professeur était tout au plus
l'aîné de son auditoire ; il le domina tout d'abord, à défaut de l'autorité
des ans, par l'ascendant de l'intelligence. Cette jeunesse de l'Ecole ,
instruite assez pour acquérir l'instruction supérieure et définitive , et
pour juger ceux qui la lui donnent, sévère, mais équitable, comme on
49
l'est à cet âge, goûta avidement et reçut avec respect cette doctrine
austère, forte et lucide. C'était pour eux la science nouvelle, dont ils
n'avalent point vu d'exenople dans les livres, ni de modèle dans les
cours publics , et qui leur offrait le double intérêt de la solidité du fond
et de l'excellence de la méthode. Avec quel soin ils recueillaient dans
leurs cahiers la substance de ces entretiens si utiles ! Avec quelle fidé-
lité ils se sont transmis de promotion en promotion et se rappellent
encore cette tradition écrite , comme parole du maître et oracle de
l'École !
L'épidémie de 1832 éprouva cruellement le collège de France; trois
de ses professeurs, dans la maturité de l'âge, du talent, des succès, trois
inaugurateurs de cours sans précédents en Europe, succombèrent. Mais
le sein de la France est inépuisable à réparer les désastres causés par
les fléaux de la nature ou par les fautes des hommes: à Champollion ,
le révélateur de l'antique Egypte, succédait Letronne , l'interprète de
l'Egypte grecque et romaine; à l'ingénieux Abel Rérausat, un homme
qui a reçu du ciel le don des langues, et qui a pris le pas devant tous
les sinologues de l'Occident ' ; à de Chézy, E. Burnouf.
Je n'ai pas eu le bonheur d'assister à son cours; mais j'ai souvent
ouï dire à ceux qui l'ont suivi qu'on ne connaît pas tout à fait E. Bur-
nouf , quand on n'a point entendu cette parole tour à tour familière et
élevée, aiguisée et douce, grave et passionnée, toujours claire, naturelle
et facile ; ces démonstrations sur des sujets obscurs, toujours compré-
hensibles aux cerveaux les moins ouverts ; ces réflexions profondes et
inattendues sur l'histoire du langage ; ces aperçus vastes et nouveaux
sur la marche de l'esprit humain ; cette logique si forte et si agile à
saisir les rapports les plus capricieux, les subtilités les plus fugitives ,
les fantaisies les plus rêveuses de la pensée indienne , que cette force
devenait une beauté , cette agilité une grâce qui charmait l'auditoire
en l'instruisant.
Mais l'instruction qui semblait couler par un jet si naturel de cette
source abondante ne se livrait pas gratuitement à celui qui la prodi-
guait aux autres. De ces leçons qui se répétaient deux fois par semaine ,
il n'y en avait pas une qui ne lui coûtât sept ou huit heures de prépa-
ration : exemple à méditer pour qui, dans le ministère du professorat,
se croirait dispensé d'un labeur assidu par la science acquise et par les
dons de l'esprit, E. Burnouf continua ainsi vingt années, non-seule-
ment avec la régularité soutenue du devoir , mais avec la passion ar-
(t) M. Stanislas Julien.
I. {Quatrième s^rie.) . 4
50
dente de l'apostolat , pour un petit nombre d'auditeurs , ces apparentes
improvisations, qui, par l'unité du plan et par l'élégante correction du
discours, furent comme un grand et excellent livre.
Pourquoi n'en a-t-il pas répandu dans le monde et conservé pour
l'avenir quelques pages au moins par l'impression ? Mais il était trop
enfermé dans le silence laborieux de son cabinet pour se livrer aux
distractions de la publicité. Et , quand il avait rempli son devoir de
professeur, la liberté des travaux de son choix ne se portait pas sur des
terrains ameublis et préparés pour la moisson; il lui fallait des landes
et des forets sauvages à défricher.
Observons que pour lui s'effaçaient les différences de pays et de na-
tions dans le domaine de la science; il n'y voyait que le patrimoine
universel et indivis du genre humain , et il s'abstenait d'entreprendre
ce qui lui paraissait bien entrepris ailleurs , soit par un sentiment de
délicatesse à l'égard des personnes, soit pour éviter, dans l'intérêt com-
mun, un double emploi des forces.
C'est ce qui détermina plus tard , lorsqu'il eut à choisir le sujet d'une
publication sous les auspices du gouvernement, sa préférence pour un
des Pouranas , à l'exclusion des Védas. Il n'était pas possible que l'Im-
primerie impériale ne demandât pas à l'illustre professeur de sanscrit
la traduction d'un ouvrage pour sa splendide collection orientale. Des
savants d'Allemagne et d'Italie avaient commencé ou annonçaient les
éditions traduites des principaux monuments de la littérature sacrée
de rinde: tranquille de ce côté, il prit pour lui la part la plus humble
et la plus fastidieuse , le Baghavata-Pourana , et il la traita comme si
elle eût été la plus magnifique. L'exécution la rendit telle en effet.
Vers la fin du siècle dernier, la France délicate , voluptueuse et fri-
vole de Louis XV s'entretint pendant quelques jours, les uns avec ad-
miration, les autres avec une pitié railleuse, d'un savant, d'un héros
qui, n'ayant pas assez de bien pour payer son passage aux Indes,
s'enrôla dans une troupe de marine, puis traversa quatre cents lieues
de pays inconnus et sans routes, sous le soleil des tropiques, souffrit
la faim, la soif, le plus triste déniîment, plusieurs maladies ordinaire-
ment mortelles dans ces climats , les humiliations de la mendicité et
de la servitude, lutta contre les périls et les dégoûts que lui suscitaient
des haines superstitieuses, tout cela pour rapporter dans sa patrie les
textes avec une traduction des livres religieux de la Perse antique.
Anquetil-Duperron publia , en 1771, sa traduction du Zend-
Avesta, et déposa à la Bibliothèque du roi dix-huit manuscrits zends,
ou pehlvis , qui devaient servir à vérifier l'exactitude de sa version ;
51
car il voulait , avant tout , uniquement la vérité, qu'elle vint de lui ou
par un autre, dùt-il encourir les rigueurs de la critique.
... Longtemps son livre fut, pour tous ceux qui écrivaient sur
l'histoire des adorateurs d'Ormuzd , une autorité fondamentale et in-
dubitable. Cependant on n'avait encore du Zend-Avesta qu'une ver-
sion dont personne, en comptant le traducteur lui-même, ne lisait bien
l'original , personne en Europe ni en Asie, personne chez les Perses
mêmes de l'Inde, qui le gardaient comme gage et symbole de leurs
croyances.
Enfin , poussé par son instinct d'investigation et par un de ces pres-
sentiments que le ciel envoie à ceux qui ont su s'y préparer, E. Burnouf
examina les manuscrits zends d'Anquetil-Duperron, Il avait, de plus
que lui, une traduction sanscrite du Zend-Avesta, mais qui n'était
encore qu'une traduction de la traduction pehlvie, tant la connaissance
de la parole primitive s'était retirée du commerce des hommes dans
une profondeur ténébreuse. E. Burnouf aperçut, malgré les altérations
subies dans ces transmissions successives, l'identité d'origine entre le
zend et le sanscrit. Le voilà sur la route, il ne se reposera pas qu'il n'ait
touché le but.
Il veut réhabiliter et d'abord ressusciter une littérature qu'on com-
mençait à rejeter dans le néant des inventions apocryphes et des décep-
tions ridicules.
Cuvier refait , avec un os maxillaire ou un fragment de tibia , toute
une espèce perdue. E. Burnouf, résolvant chaque mot du texte zend
en ses parties les plus élémentaires, recherchant à la trace, ressaisissant
les radicaux dans les Védas, dans le grec, dans le latin, et jusque dans
les idiomes germaniques, dégageant les accessoires modifîcatifs et les
expliquant par l'analogie, recompose et ranime la parole morte, la
la pensée ensevelie dans la poussière des nations éteintes. Il a dit à
ce livre inaccessible et muet depuis des milliers d'année : « Tu sor-
tiras de ton antique silence , tu seras entendu des races vivantes, »
et le miracle s'opère. Demandez aux orientalistes, à ses savants amis
qui ont assisté aux progrès de ce travail immense dans ses résultats
d'une si minutieuse exactitude dans le détail ; demandez-leur par quels
prodiges de sagacité et de persévérance il a pu arracher à ce sphinx
de l'antiquité des secrets qu'il tenait cachés sous le voile de caractères
indéchiffrables et de signes inconnus, déchirer maille par maille ce
tissu mystérieux, qui avait désespéré les curieux et pieux efforts de tant
de générations , tirer de ces obscures énigmes l'histoire lumineuse
et authentique d'une langue et d'une religion , et parvenir à nous
4.
52
donner le dictionnaire et la grammaire de l'idiome qui se parlait chez
les ancêtres de Zoroastre et de Darius, fils d'Hystaspe.
E. Burnouf avait alors trente-deux ans.
La solution de ce problème lui donnait la clef d'un autre non moins
compliqué, non moins important. Que pouvaient signifier les pages
écrites sur les rochers de Persépolis et d'Hamadan en traits bizarres,
inextricables, devant lesquelles tant de siècles avaient passé sans y
comprendre rien, depuis que TAsie, hellénisée par la conquête d'A-
lexandre et le règne des Séleucides, avait vu ensuite les derniers restes
des traditions persanes fuir au loin l'invasion de l'islamisme ou se
perdre sous son empire? Sur des rapprochements ingénieux de cir-
constances locales et de quelques récits des auteurs grecs, sur des
présomptions tirées de la place et du retour de certains mots, on avait
tenté un essai d'interprétation probable, hasardeuse; Grotefend avait
deviné les noms de Darius et de Xerxès; Saint-Martin et le docteur
Rask de Copenhague , le titre de roi des rois. Mais, pour déterminer
la valeur de ces caractères et de ces syllabes, connaissait-on l'ortho-
graphe des mots? Savait-on à quelle langue ils appartenaient? On
conjecturait très-habilement, très-doctement, mais on ne savait pas
lire. L'interprète des textes zends débrouilla ces obscurités, et remplaça
les hypothèses par l'explication démonstrative. 11 connut, lui, le
langage de l'inscription. Il rétablissait les mots orthographiquement,
et des mots rétablis il déduisait les caractères, il lisait; il était près
de rendre aux vieilles annales de [la Perse un ordre nouveau de mo-
numents historiques, autant que les actes officiels peuvent enseigner
le vérité de l'histoire, autant que le témoignage de l'historiographe
peut égaler le récit de l'historien.
Là E. Burnouf est encore le premier, et nul ne peut, même en se
prévalant d'une priorité de publication, lui disputer l'initiative, la
priorité de la découveite.
On ne sait ce qu'il faut le plus admirer en lui , de cette force
d'intuition qui triomphait des sujets les plus réfractaires, ou de cette
application consciencieuse à préparer la matière de ses ouvrages. Pour
l'édition, avec traduction en regard, du Baghavata-Pourana , vingt
mille vers scandés, vérifiés un à un , toute la métrique notée, toutes les
variantes recueillies. Pour ses autres livres, des centaines de manus-
crits zends, sanscrits, palis, et des divers dialectes, disséqués mot
par mot, tous les mots transportés en caractères parfaitement peints
sur des cahiers dans un ordre alphabétique, avec l'indication des
radicaux et l'explication des formes grammaticales; des traductions
53
littérales de la plupart de ces écrits, liturgies, poëraes ou histoires;
enfin plus de dix mille pages in-folio remplies de ces études élémen-^
taires d'un maître consommé, dont lui seul était capable : voilà ce
qu'il laisse inédit. Je lésai vues, je les ai touchées, ces précieuses reli-
ques de celui qu'on a justement appelé un érudit de génie, et qui était
persuadé que le génie ne peut vivre et mûrir qu'à la chaleur continue
du travail.
. . . C'est à une telle probité de méthode que nous devons, avec le
Lotus de la bonne loi, V Introduction à r histoire du bouddhisme^ expo-
sition et histoire d'une espèce de religion athée, embrassée aujourd'hui
par deux cents millions de sectateurs, qui n'a cessé d'agiter et de réfor-
mer l'Asie orientale depuis plus de vingt-cinq siècles.
... Un Anglais, ou plutôt, par la libéralité de son caractère, un
citoyen du monde savant, M. Hodgson, avait procuré, par son entre-
mise, et aussi par ses propres dons, à la Société asiatique de Paris, qua-
tre-vingt-huit manuscrits rassemblés dans le Népal, foyer primitif du
bouddhisme ; c'étaient les textes originaux de la doctrine. On n'avait eu
jusqu'à présent que des traductions pâlies, cinghalaises, thibétaines,
mongoles.
Il fallait non-seulement lire, interpréter, comparer des centaines de
traités nébuleux et confus, mais discerner les âges des traditions qu'ils
renferment, à la brièveté élémentaire ou aux amplifications successives
des préceptes de mœurs et de liturgie, à la simplicité native ou à l'élé-
gance plus ou moins ornée de l'exposition, aux formes plus ou moins
vieillies du langage, et, de plus, exercer cette critique d'une philologie
si délicate, d'un sentiment littéraire si fin, sur des écrits et des idiomes
tels, que c'est avoir déjà beaucoup profité que d'en pouvoir comprendre
bien quelques-uns. Voilà ce qu'il fit avec un plein succès.
Il n'est pas possible de satisfaire à tout et à tous ; le monde se plai-
gnait de lui , et le monde avait raison à son point de vue. Pourquoi
refuser au commerce de la société les dons heureux qui pouvaient en
faire l'ornement et l'agrément à la fois ; ce bon ton, cette bonne grâce
de manières et de langage, cette solidité de conversation revêtue d'élé-
gance, instructive sans pédanterie, aimable sans affectation, ce ton
exquis d'une douce malice qui se jouait avec tant de finesse et de légè-
reté sur ses lèvres pour s'échapper en traits inattendus et piquants, et,
ce qui réussit plus que toute autre chose auprès des hommes qui veulent
qu'on les amuse, l'art de se moquer d'eux sans qu'il y paraisse ? Abel
Rémusat l'avait connu tout jeune encore, et s'était attaché à lui pur
goût et par sympathie ; c'étaient deux esprits de même race.
54
Mais le monde réclamait inutilement. Le moyen d'aller veiller le soir
dans les salons? Il serait rentré souvent à l'heure où sa matinée com-
mençait; car il ne se croyait matinal qu'en se mettant à l'ouvrage à
trois heures après minuit. Il ne sortait guère que pour vaquer à ses de-
voirs d'académicien et d'inspecteur des caractères orientaux à l'Impri-
merie impériale. Et ne trouvait-il pas chez lui, dans les entretiens de
quelques amis et au sein de sa famille, tout ce qui plaît à l'esprit et au
cœur?
Cependant de tels hommes, quelle que soit leur modestie, ne peuvent
pas s'ignorer eux-mêmes; ils ont conscience de ce dont ils sont capa-
bles, et, partant, de ce qu'on a droit d'exiger d'eux. E. Burnouf pressen-
tait tous les services qu'il rendrait à l'Académie par l'aménité attrayante
de son esprit, par la vertu pratique autant que spéculative de son in-
telligence, par le tempérament conciliant de son caractère, si la compa-
gnie venait un jour à lui confier le soin de son régime intérieur. Dans
sa pensée, le bien qu'il pouvait faire devenait un devoir; ses amis l'en-
courageaient dans ce dessein ; et ce fut une des fortes préoccupations,
une des visées dominantes de sa vie académique, et à laquelle il fit même
de certains sacrifices.
Une circonstance extraordinaire vint tout à point pour vérifier cette
destinée et autoriser une si légitime prétention.
Au lendemain du renversement d'une tyrannie très-débonnaire, lors-
que surgit une liberté qui faisait peur, le gouvernement rendit à l'Ins-
titut ses comices trimestriels intérieurs des cinq Académies. Certains
moralistes arithméticiens ont remarqué que la facilité des délibérations
n'augmente pas toujours eu proportion du nombre des délibérants, et
que, même chez les gens d'esprit, l'intelligence commune de l'assemblée
n'est pas toujours égale à la somme des intelligences individuelles.
E. Burnouf se trouvait, cette année, président de l'Institut. Ceux qui ne
le connaissaient pas auraient pu craindre que, sortant pour la première
fois de l'ombre de son cabinet, il n'éprouvât quelque embarras à domi-
ner ce forum ou plutôt ce sénat littéraire. Il commença par atteindre le
modèle de la perfection. Empêcher les discours de se heurter confusé-
ment sans froisser l'amour-propre de personne et sans tenir le frein trop
serré à la discussion, ramener dans le droit chemin et à l'unité les opi-
nions qui se dispersent et se fourvoient, faire respecter l'autorité de la
présidence par la seule force de la raison manifeste, saisir l'à-propos du
moment où la délibération se débrouille et s'éclaircit, pour marquer le
point de transaction auquel tout le monde voudra se réunir : tel fut pour
E. Burnouf, dans une épreuve imprévue, le triomphe de cette logique
55
et de cette parole qui lui tinrent lieu soudainement de l'expénence et de
la maturité.
Dès lors il fut Institué, dans l'opinion unanime de l'Académie, l'héri-
tier présomptif de notre vénérable secrétaire perpétuel. Mais quatre ans
après, lorsque s'ouvrit la successioii, ses travaux l'avaient épuisé; il n'a-
vait plus la force de paraître ni à l'Académie, ni au Conseil supérieur de
l'instruction publique, dont il était membre depuis quelques mois. Nous
ne pûmes que déposer un honneur tardif sur le lit d'un mourant; il suc-
combait, non à la peine, comme quelques-uns l'ont semblé dire, mais à
l'ardeur de sa noble passion.
N'ajoutons pas à nos regrets de l'avoir perdu, la douleur d'imaginer
qu'il ait mené une vie de souffrance et de captivité volontaire. C'est se
méprendre étrangement sur la nature de ces âmes d'élite, de penser
qu'il leur en coûte pour vivre ainsi, et de les appeler les martyrs de la
science et les victimes de leur dévouement. Le monde et les lettrés
mondains peuvent juger de la sorte : le travail est, en effet, à leurs
yeux un effort pour monter, un moyen de parvenir, le prix d'acquisi-
tion plus ou moins onéreux d'un avantage de fortune ou d'ambition,
et non une habitude naturelle , un besoin , une jouissance. Croira-t-on
que ce fût par un vœu d'ascétisme et par une contrainte morale que
E. Burnouf s'enfermait de longues heures dans la solitude de son cabi-
net? Ahl que l'on serait détrompé , si l'on pouvait , témoin invisible ,
assister aux méditations du savant inspiré, voir cette allégresse et cette
ardeur profonde de la pensée en travail pour résoudre un grand pro-
blème ; l'enthousiasme de cette évocation de l'esprit des peuples endor-
mis sous leurs antiques ruines et qu'il semblait impossible d'en faire
jamais sortir; ces tressaillements de bonheur à l'apparition de la vérité
qui se découvre, et cette joie ineffable de connaître, qui retombe sur
l'âme comme une délicieuse rosée après une chaleur brûlante, comme
une intermittence de repos après l'effervescence de la fièvre : on com-
prendrait alors qu'il cède sans ménagement et jusqu'à l'imprudence à
l'attrait irrésistible d'une studieuse volupté , à l'amour de son œuvre
qui grandit et qui va s'achever.
En vain les médecins inquiets lui ordonnent de se distraire ; en vain
les amis,, la famille alarmée, le supplient de prendre un peu de relâche,
quelques semaines, quelques jours seulement: «Non, un peu plus
tard ; encore ce mémoire à finir , ces épreuves à corriger , » jusqu'à ce
que la plume tombe de sa main défaillante pour toujours.
Et nous les pleurons ces égoïstes sublimes, qui abrègent une exis-
tence si précieuse à tous par les jouissances de l'étude et par l'intempé-
60
raiice du travail. Non, ne les plaignons pas; ne plaignons pas ce
confrère illustre dont la perte nous est si amère. Ce n'est pas avoir
acheté à trop haut prix, d'une grande part de ses jours, de telles féli-
cités pendant la vie, une telle gloire après la mort. Le deuil, la
plainte est pour sa famille , à qui sa présence était si charmante et
si nécessaire ; pour ses disciples, qui n'entendront plus l'oracle de sa
parole; pour le monde savant, qui espérait de lui encore tant de ri-
chesses nouvelles; pour l'Académie, qu'il aurait gouvernée si utilement,
avec une autorité supérieure autant qu'acceptée, et qui ne peut plus
attendre de ceux qui lui succèdent que le service du dévouement.
Je me souviens que, le jour où nous assistions à ces funérailles si
tristement prématurées , nous nous représentions quelle eût été la
douleur du père de E. Burnoui, si, ce que l'âge rendait possible, il
avait vu cette tombe s'ouvrir sous ses yeux. Heureux père, à qui la
mort est venue assez à temps pour lui épargner l'inconsolable douleur
de survivre à un tel fils, à son fils ! Heureux , lorsqu'il sentit son re-
gard s'éteindre doucement, de n'avoir vu de ce fils tant aimé, et si digne
de l'être, que les succès éclatants , les progrès assurés , les espérances
sans autre horizon qu'une lumière toujours croissante ! Et maintenant
ces deux belles intelligences , qui se comprirent si bien , qui s'entr'ai-
dèrent si affectueusement pendant la vie , sont unies et s'embrassent
dans l'éternel repos; leurs noms seuls peuvent être séparés dans la
mémoire des hommes par la différence qu'ils mettent entre l'estime et
!a gloire, entre le profond savoir et le génie inventeur , entre ceux qui
font l'honneur d'une famille et ceux dont le pays s'honore , et qui ont
acquis le droit de lui léguer leurs veuves à doter, en lui laissant leur
gloire. La Francp, depuis le commencement de ce siècle, compte
trois noms dans la science envers qui une généreuse initiative du gou-
vernement a pris soin d'acquitter la dette nationale, Cuvier, Cham-
pollion, E. Burnouf.
Après l'éloge des Burnouf, on a écouté avec intérêt le rapport
fait par M. Berger de Xivrey, au nom de la commissipn des anti-
quités de la France. Les médailles du concours ont été décernées
à M. Cochet, pour f,ii Normandie souterraine ; à M. Bouthors,
pour ses Coutumes locales du bailliage d'Amie^is; et à M. Maury,
pour son Mémoire (ms.) sur les forêts de la France. — Des
mentions très-honorables ont été accordées à M. d'Arbois de Ju-
bainville, pour son Pouillé du diocèse de Troyes ; à M. Rossignol,
pour son Histoire de la Bourgogne ; à M. Salmou , pour ses
67
Chroniques de Touraine; à M. Taillandier, pour son Histoire de
Blandi; à M. Anatole de Barthélémy, pour ses Mélanges sur la
Bretagne ; à M. Morin , pour sa Numismatique féodale du Dau-
phiné; à M. l'abbé Pascal, pour son Gabalum christianum. —
Parmi les mentions honorables, nous citerons celles qu'ont obte-
nues M. Boutaric, pour son mémoire ms. intitulé : Organisation
judiciaire du Languedoc au moyen âge ; et M. Lecaron , pour
son Histoire (ms.) du commerce par eau de la ville de Paris, et
de la corporation des marchands hanses ou municipalité pari-
sienne.
L'École des chartes a donc, au concours de 1854, remporté
trois mentions très-honorables et deux mentions honorables. Les
extraits suivants du rapport de M. Berger de Xivrey montrent
que , sans la variété et la force extraordinaire de ce concours ,
nous eussions dû nous attendre à des succès plus brillants :
Le mémoire manuscrit sur V Organisation judiciaire du Languedoc
est un de ces travaux solides dont les assertions ne s'appuient que sur
des sources authentiques parfaitement vérifiées. Les élèves de l'École
des chartes, d'où est sorti l'auteur, M. Boutaric, savent faire de ces
documents un utile emploi. Il n'est pas de concours où nous n'ayons à
proclamer quelque succès de cette école laborieuse , dont l'Académie
ne cesse de suivre les travaux, non-seulement par un patronage offi-
ciel , mais par l'intérêt qu'elle met à la sûre épreuve du vrai. La com-
plication de l'organisation judiciaire, dans une partie de la France où
ces juridictions très-multipliées se référaient si souvent, soit au droit
romain, soit à la jurisprudence des petits royaumes espagnols, est
démêlée ici par le secours des pièces judiciaires^ documents qui, comme
le remarque l'auteur, ont été peu employés par dom Vaissète. Mais ce
docte historien avait fait un fréquent usage d'un genre de pièces dont
l'absence est une lacune sensible chez M. Boutaric. Ce sont les actes
rédigés en langue romane. Il est impossible d'examiner à fond l'histoire
du midi de la France, sans tenir compte de ces sources locales, si
nombreuses et si fécondes en renseignements, qu'on ne rencontre pas
ailleurs.
La variété du concours se fait sentir au rapporteur par la difficulté
des transitions pour passer d'un sujet à un autre dans l'énumération
de ces différents mémoires. Celui que M. Lecaron vous a adressé en
manuscrit est l'Histoire du commerce par eau et de la corporation des
58
marchands hanses de la ville de Paris , ou municipalité parisienne
au moyen âge. L'auteur est encore sorti de l'École des chartes ; on s'en
aperçoit aisément à ce qu'il y a d'authentique et de bon aloi dans les
documents qu'il met en œuvre. Il prend à l'origine et suit jusqu'à l'or-
donnance de 1415 l'organisation du commerce de la ville de Paris,
dont le premier magistrat municipal fut toujours honoré du titre de
prévôt des marchands , depuis saint Louis au moins jusqu'à la révo-
lution de 1789. M. Lecaron a bien proportionné son travail; il passe
rapidement sur l'obscurité des premiers commencements. Mais le peu
qu'il en dit aurait pu être plus soigné; et l'on est en droit, par exemple,
de reprocher à un esprit judicieux d'avoir attribué à la rapide conquête
de Jules César ces voies romaines d'une solidité indestructible , œuvre
des époques d'une domination tranquille et bien établie.
... En 1842, le concours parut trop faible pour l'application
d'une première médaille : cette année nous avons regretté de n'en
avoir pas le double. Nous aurions décerné la quatrième à M. d'Arbois
de Jubainville , archiviste de l'Aube. Il est placé en tète des mentions
très-honorables pour sa publication du Pouillé du, diocèse de Troyes.
Ce pouillé, dressé en 1407, est comparé par l'éditeur avec une même
statistique diocésaine rédigée eu 1754. A cette publication sont encore
jointes vingt-quatre pièces justificatives, bien choisies, sur le revenu
du clergé de Troyes en divers temps, sur le prix du blé dans la même
ville pendant quarante-quatre années du quatorzième siècle et vingt-
cinq du dix-huitième, etc. Du rapprochement de ces différentes pièces
l'éditeur tire des inductions sûres pour établir le fait de la diminution
continuelle des revenus ecclésiastiques, et mesurer la marche décrois-
sante de la valeur de l'argent. Peut-être manque-t-il un peu de clarté
pour faire apprécier aisément les bases des calculs longs et compliqués
nécessaires à ce travail.
Voici encore un ancien élève de l'École des chartes, M. André Sal-
mon. L'ouvrage qui lui mérite la troisième mention très-honorable est
la publication des Chroniques de Touraine. Ce recueil ouvre la série
de documents originaux que la Société archéologique de Touraine se
propose de publier sur cette province. Sur seize chroniques dont se
compose ce volume, six sont entièrement inédites, et deux n'ont été
précédemment imprimées que par fragments. Tous ces textes sont
donnés ici en entier. M. Salmon fait précéder les seize chroniques d'au-
tant de notices très-substantielles , où il établit solidement l'authenti-
cité de ces documents, en montre l'utilité historique, fait connaître
les voies par lesquelles ils nous sont parvenus, et donne sur les auteurs
les renseignements qu'il a été possible de rassembler. Des tables abon-
dantes fournissent les indications nécessaires sur les lieux, les per-
sonnes et les faits. Tout porte la trace d'une exactitude scrupuleuse,
et l'on passe aisément à l'auteur un style négligé et quelque inexpé-
rience des matières archéologiques.
Une autre mention très-honorable revient à M. Anatole de Barthé-
lémy, le cinquième élève de l'École des chartes distingué dans ce con-
cours. Il y apporte ses Mélanges historiques et archéologiques sur la
Bretagne. Cependant il emploie moins l'archéologie, comme le titre
l'annoncerait, que la géographie et les études généalogiques, cette fois
traitées sûrement, avec une érudition qui vérifie tout et qui sait où
puiser les vérifications. Ce n'est qu'une brochure, subdivisée en quatre
dissertations, mais toutes d'un intérêt incontestable. Nous signalerons
principalement ce qui se rapporte à l'évêché de Tréguier et à l'abbaye
de Bégard.
L'accentuation romaine était le sujet du prix ordinaire de
l'Académie. Deux mémoires avaient été présentés. Celui de
M. Raphaël Garucci a été couronné.
Le premier des prix fondés par le baron Gobert a été accordé
à M. Ch. Weis, auteur de VHistoire des réfugiés protestants de
France, depuis la révocation de Védit de Nantes jusqu'à nos jours
(2 vol. in-12); le second, à M. Francisque-Michel, auteur des
Recherches sur le commerce , la fabrication et l'usage des étoffes
de soie {2 vol. in-4°).
Sont mises au concours, pour l'année 1855, les questions
suivantes :
1** Restituer, d'après les sources, la géographie ancienne de VInde,
depuis les temps primitifs jusqu'à l'époque de l'invasion musulmatie.
2° Quelles notions nouvelles ont apportées dans V histoire de la
sculpture chez les Grecs, depuis les temps les plus anciens jus-
qu'aux successeurs d'Alexandre, les monuments de tous genres,
d'une date certaine ou appréciable, principalement ceux qui , depuis
le commencement de ce siècle, ont été placés dans les musées de
l'Europe?
3** Étudier l'état politique, la religion, les arts, les institutions de
60
toute nature dans les satrapies de l'Asie Mineure sous les Perses et
depuis , particulièrement dans les satrapies déjà héréditaires ou qui
le devinrent après la conquête d'Alexandre, c'est-à-dire le Pont ^
la Cappadoce , la Lycie et la Carie.
4° Faire l'histoire des biens communaux en France, depuis leur
origine jusqu'à la fin du treizième siècle.
Voici le sujet du prix à décerner en 1856.
Rechercher l'origine de l'alphabet phénicien ; en suivre la propa-
gation chez les divers peuples de l'ancien monde; caractériser les
modifications que ces peuples y introduisirent , afin de l'approprier
à leur organe vocal, et peut-être aussi quelquefois en le combinant
avec des éléments empruntés à d'autres systèmes graphiques.
BIBLIOGRAPHIE.
Recherches historiques sur l'origine; l'élection et le couronnement
du pape Jean XXII, par M. Bertrandy. Paris, Treuttel et Wùrtz, in-S",
71 pages.
Le titre de cette brochure promet un fragment de l'histoire pontificale ;
mais les événements qui y sont racontés se rattachent si étroitement à
notre pays, que c'est aussi un chapitre intéressant de l'histoire de France
au quatorzième siècle. Clément V venait de mourir après avoir vécu à la
dévotion de Philippe le Bel. Ce roi voulut trouver la même obéissance
dans le successeur de Bertrand de Got ; les Italiens désiraient, de leur côté,
restaurer l'indépendance du saint-siége et le rétablir au Vatican, que Clé-
ment V avait abandonné pour Avignon. Les cardinaux, assemblés pour
élire un pape, ne purent s'accorder et se séparèrent, malgré les démarches
et les intrigues du roi de France. Louis le Hutin, qui régnait depuis peu,
avait de puissants motifs de souhaiter que la chaire de saint Pierre fût oc-
cupée. Marguerite de Bourgogne, son épouse, que ses désordres avaient
fait reléguer au Château-Gaillard, était un obstacle au nouveau mariage qu'il
avait arrêté avec Clémence de Hongrie. Déjà la fiancée royale était débar-
quée en France, et il n'y avait pas encore de pape ; par conséquent, le di-
vorce ne pouvait être prononcé entre le roi et Marguerite : cette malheu-
reuse princesse mourut alors si à propos qu'on peut soupçonner un
crime.
M. Bertrandy raconte ensuite comment le comte de Poitiers, qui fut de-
puis Philippe le Long, rassembla à Lyon les cardinaux, sous prétexte de
célébrer un service pour le repos de l'âme du roi son frère, dont il venait
d'apprendre la mort ; comment il les enferma dans un couvent^ sous la
garde du comte de Forez et du sire de la Voûte, auxquels il avait fait ren-
dre hommage et prêter serment de fidélité pour les fiefs qu'ils tenaient de
la couronne, s'assurant ainsi de leur obéissance à ses ordres. Le résul-
tat de ce conclave fut l'élection de Jacques Duèze, qui prit le titre de
Jean XXII. C'était un Français, natif de Cahors. Les auteurs italiens, et
une tradition populaire conservée encore de nos jours dans le Querci, le
font fils d'un savetier. Baluze lui assigne une origine noble. M. Bertrandy
prouve, au moyen de documents inédits, que son père^ Arnaud Duèze, était
un des principaux bourgeois de Cahors.
Nous ne suivrons pas l'auteur dans le récit de la vie de Jacques Duèze
jusqu'à son pontificat ; nous nous contenterons de signaler une rectification
qu'il fait au Gallia christiana, qui appelle à tort Philippe de Caturco,
évêque d'Évreux et chancelier de France sous saint Louis, Philippe de
Chaource. Le vrai nom de ce prélat est Philippe de Cahors. M. Bertrandy
a publié, à la suite de son travail, plusieurs documents inédits tirés de la
62
Bibliothèque impériale et des Archives de l'empire. Nous y remarquons
des comptes de dépenses des envoyés du roi auprès des cardinaux (les
sommes importantes qu'on y voit figurer attestent que l'or était un moyen
d'action dont la cour de France connaissait toute la valeur); l'acte d'hom-
mage du sire de la Voûte, que M. Bertrandy a interprété habilement, les
lettres d'anoblissement par Philippe le Long de Pierre Duèze, frère du
nouveau pape, et surtout une pièce en langue française, contenant une dé-
nonciation contre le cardinal Cajetan, neveu de Boniface VIII et par con-
séquent ennemi de la France. Un ecclésiastique l'accusa d'avoir envoûté
le roi Louis X dans l'intention de le faire périr. L'original de ce document
se trouve dans les Mélanges de Clairambauit à la Bibliothèque impériale.
On ne peut douter de son authenticité; il n'en est pas de même de l'accu-
sation qu'il renferme. Elle n'a pourtant rien d'impossible pour qui connaît
les mœurs du temps. La croyance aux sortilèges était générale, et les mem-
bres les plus éminents du clergé n'étaient pas exempts de cette supersti-
tion. Guichard, évêque de Troyes, avait été quelques années auparavant
l'objet d'une accusation semblable. On lui imputait la mort de la reine,
femme de Philippe le Bel, et il finit misérablement ses jours en prison. On
trouve, dans cette pièce, de curieux détails sur les profanations qui ac-
compagnaient les bizarres cérémonies de Venvoultement.
Dans le travail de M. Bertrandy, on louera sans réserve la recherche la-
borieuse des documents, la sagace interprétation des textes, la défiance
contre toute hypothèse hasardée, l'appréciation impartiale des faits. Ce
qu'on peut blâmer, c'est la prétention et le dramatique du style. A quoi
bon ces exclamations, ces interrogations qui continuent quelquefois pen-
dant des pages entières? Le style de la dissertation historique doit être
simple, clair et sobre ; le but est d'instruire et de prouver. M. Bertrandy
prouve et instruit; qu'il laisse donc là de côté cette fausse chaleur et ces
prétendus ornements, qui sont tout au moins déplacés.
Il prépare, nous a-t-on dit, une histoire complète de Jean XXIL L'essai
dont nous venons de rendre compte nous fait espérer que ce sera un livre
sérieux, instructif et nouveau. Car tout n'a pas été dit sur les papes d'Avi-
gnon : nous ne les connaissons guère que par les pamphlets de M. de
Sismondi, et Jean XXII est un de ceux que l'historien genevois a le plus
maltraités.
E. BOUTARIC^
Pathologie cursus complefus... , accurante J. P. Migne. Tomi
CXLVII, CLIV, CLVI, CLX et CLXVII. — 1853 et 1854. — Grand in-8°
à deux colonnes.
Nous nous reprochons de n'avoir pas fait assez exactement connaître à
nos lecteurs les rapides progrès de la collection que M. l'abbé Migne publie
sous le titre de Patrologiae cursus conipletus. En effet, beaucoup des ou-
vrages compris dans ce vaste recueil touchent l'histoire d'aussi près que la
63
théologie; et les réimpressions de M. Migne peuvent, jusqu'à un certain
point, dispenser de recourir aux éditions originales, qu'il est souvent im-
possible de rencontrer en province, et qu'à Paris même on ne consulte pas
toujours sans difûculté.
Le plan de la Patrologie a été largement conçu. Tous les auteurs y sont
rangés dans l'ordre chronologique, et leurs ouvrages sont fidèlement don-
nés d'après les meilleures et les plus récentes éditions. Le dépouillement
des principales collections, et notamment des recueils de pièces anecdotes,
a permis de rapprocher et de réunir, pour la première fois, les opuscules
jusqu'alors dispersés d'un grand nombre d'écrivains. Pour servir d'intro-
ductions, des notices biographiques et littéraires ont été empruntées à
d'excellents critiques : à Fabricius, à Cave, à Ughelli, à Mansi, aux Bol-
landistes , à Mabillon, aux auteurs du Gallia christiana, à ceux de VHis-
toire littéraire de la France.
En reproduisant textuellement les travaux de ses devanciers, le compila-
teur a singulièrement simplifié sa tâche ; mais il n'en a pas moins trouvé
plus d'une fois l'occasion de montrer qu'il n'est pas étranger, tant s'en faut,
aux meilleures habitudes de l'érudition.
Pour apprécier l'utilité du Patrologiœ cursus completus, il suffit d'en
ouvrir quelques tomes et de parcourir, seulement par les titres, les princi-
paux ouvrages qu'ils renferment. Prenons donc quatre ou cinq des volumes
parus depuis un an.
TOMUS CXLVII. — 1853; 1328 *coL
I (col. 1). JEAN D'AVRANCHES : Jean , évêque d'Avranches, et en-
suite archevêque de Rouen , a composé, vers 1085, sous le titre de Liber
de ofjiciis ecclesîasticîSj un traité bien connu de tous les savants qui étu-
dient la liturgie et la symbolique chrétienne. Deux éditions en ont été
publiées au dix-septième siècle. La première est introuvable; la seconde,
assez rare et fort chère. C'est celle-ci que M. Migne a reproduite, en
conservant les notes de Jean Le Prévost, et l'Appendice dans lequel le
savant chanoine a fait entrer de précieux documents, qui, pour la plupart,
n'ont point été imprimés ailleurs. Ce sont, entre autres, des extraits d'an-
ciens rituels et les titres de fondation de deux collèges de Rouen , remon-
tant au treizième et au quatorzième siècle. — Aux notes de Jean Le Prévost,
le nouvel éditeur a ajouté : 1» la charte de 1074, portant érection de l'ab-
baye de Saint-Victor en Caux ( il eût été bon d'avertir le lecteur que cette
pièce n'est pas à l'abri du soupçon ) ; — 2° une transaction conclue en 1061
entre l'évêque d'Avranches et l'abbé du Mont Saint-Michel; — 3" les actes
du concile de Rouen, célébré en 1072; — 4° les actes des archevêques de
Rouen, tels que Mabillon les a donnés dans ses Analecta.
II (col. 279). ARNOUD, clerc de Milan : Reproduction des Gestes des
64
archevêques de Milan^ publiés par Bethmann et Wattenbach, dans le
tome VIII des Scriptores de Pertz.
III (col. 333). THIERRI , chanoine de Paderborn : Commentaire sur
l'Oraison dominicale, d'après le Thésaurus de Pez.
IV (col. 339). BERTHOUD, prêtre de Constance : Annales, d'après le
t. VII des Scriptores de Pertz,
V (col. 443). JEAN, abbé de Fécamp : Extraits, d'après Mabillon, de son
Lîbellus de scripturis et verbis patrum collectus, et de son Libellus de
dioina contemplatione. — Lettres recueillies par Mabillon et Martène. —
Charte de Roger, comte de Saint-Paul, pour l'abbaye de Fécamp, — Préface
des Collectiones patris Joannis, cognomento Hominis Dei, de verbis se-
niorum, d'après Martène. — Chronique de Fécamp et catalogue des abbés
de ce monastère, d'après Labbe.
VI (col. 485). BRUNO, clerc de Magdebourg : Livre de la guerre de
Saxe, d'après Pertz.
VII (col. 585). TOMELLUS : Histoire du monastère de Hasnon, d'après
Martène.
VIII (col. 599). RENALLUS, maître de Barcelone : Fragment d'un poème
sur l'eucharistie, qu'Augustin Theiner a découvert dans un manuscrit de
la bibliothèque Barberini.
IX (col. 601). MARIANUS SCOTUS : Partie de sa chronique, d'après
le travail que Waitz a inséré dans le t. V des Scriptores de Pertz. L'éditeur
de la Patrologie aurait dû rétablir les deux premiers livres de Marianus et
les additions de Florent de Worcester, que M. Waitz a dû négliger comme
ne présentant point d'intérêt pour l'Allemagne.
X (col. 803). LANDULFUS, clerc de Milan : Histoire de Milan, suivie
d'un catalogue des archevêques de cette ville, d'après l'édition de Beth-
mann et dé Wattenbach (t. VIII de Pertz); avec les prolégomènes de Mu-
ratori et la dissertation de Jean-Pierre Puricelli : « Utrum sanctus Am-
brosius clerc sua Mediolanensi permiserit ut virgini nubere semel
posset. »
XI (col. 1003). SAINT GÉRAUD : Vie de ce saint abbé par un contem-
porain, d'après Mabillon. — Vie et miracles de saint Adalard, abbé de
Corbie, d'après le même. — Deux pièces relatives aux associations de l'ab-
baye de Sauve-Majeure, d'après Martène.
XII (col. 1083). FOUCARD, moine de Saint-Bertin : Vie et miracles de
saint Bertin, avec la relation de l'abbé Bove, d'après Mabillon. — Vie de
saint Jean de Beverlei, d'après les Bollandisles. — Vers sur saint Vigor de
Bayeux, d'après d'Achery. — Vies de saint Omer et de saint Oswalde, d'a-
près Mabillon.
XIII (col. 1199). EUSÈBE BRUNO, évêque d'Angers : Lettre à Beren-
ger, publiée en 1656 par François de Roye.
XIV (col. 1205). GEBUIN, archevêque de Lyon : Lettre à Raoul de
Tours, d'après la Bibliothèque des Pères.
XV (col. 1211). GAUTIER, évêque de Meaux : Lettre de Hugue, évêque
deNevers, pour l'abbaye de Vendôme, d'après Mansi.
XVI (col. 1213). ALPHAINUS, archevêque de Salerne : Poèmes, sermon
et vie de sainte Christine, d'après Ughelli et Ozanam.
XVII (col. 1281). GUAIFFIER DU MONT-CASSIN : Poèmes d'après
Ozanam. — Vie de saint Secundin, d'après Ughelli. — Vie de saint Luce,
pape, d'après les BoUandistes.
XOMUS CLIV. — 1853; 1456 col.
I (col. 1). HUGUE DE FLAVIGNI : Chronique, d'après Pertz.
II (col. 403). Vie de saint Wolphelme, abbé de Brauveiler près Cologne,
d'après Mabillon.
III (col. 433). EKKEHARD : Chronique, d'après W^aitz (collection de
Pertz).
IV (col. 1063). Gestes des évêques de Trêves, d'après Waitz (ibid.).
V (col. 1337). Chronique de saint Hubert en Ardennes, d'après Beth-
mann et Wattenbach (ibid.).
TOMUS CLVI. — 1853; 1268 col.
Ce volume est la reproduction littérale de l'édition que d'Achery a don-
née, en 1651, des OKuvres de Guibert de Nogent. On y retrouve les notes
et les appendices qui donnent tant de prix à l'édition bénédictine. Toute-
fois la chronique de Robert du Mont a été retranchée : mais les lecteurs
de la Patrologie ne s'en plaindront pas, puisque le volume dont nous allons
parler contient, grâce à la critique allemande, un texte de Robert bien
supérieur à celui que d'Achery avait pu établir au dix-septième siècle.
TOMUS CLX. — 1854; 1252 col.
I (col. 1). SIGEBERT DE GEMBLOURS. — Chronique, avec les addi-
tions et les continuations. C'est la reproduction du travail de Bethmann,
qu'on sait être au-dessus de tout éloge. — Livre des écrivains ecclésias-
tiques, d'après Fabricius. — Gestes des abbés de Gemblours, vie et mira-
cles de Wicbert, et vie de Déodric, évêque de Metz, d'après Pertz. — Courte
vie de saint Sigebert, d'après Duchesne. — Vie de saint Malo, d'après Su-
rius. — Vie de saint Théodard, d'après les BoUandistes. — Deux vies de
saint Lambert, d'après Chapeaville et les BoUandistes. — Sermon sur
sainte Luce, d'après Meurisse {Hîst. de Metz). — Deux lettres sur les
Quatre-Temps, d'après Martène. — Fragments d'un rhythme sur sainte
Luce et d'une vie de saint LuUe, d'après Mabillon.
II (col. 333). Chronique des Polonais, d'après Szlachtowski et Koepke
(dans Pertz).
I. {Quafrième jérie.) 5
66
III (col. 935). BERENGOSUS, abbé de Saint-Maximin de Trêves : OEii-
vres d'après la Bibliothèque des Pères.
IV (col. 103.^). JEAN DE MARSI : Discours et lettre, d'après Ba-
ronius.
V (col. 1039). EUDE, évêque de Cambrai : Opuscules, d'après la Biblio-
thèque des Pères. L'éditeur de la Patrologie y a joint l'homélie sur l'évan-
gile du mauvais fermier, découverte par Martène, et huit chartes publiées
par Le Mire.
VI (col. 1159). GAUTIER, évêque de Châlon : Huit chartes ou lettres,
d'après le Gallia christiana.
VII (col. 1171). RAOUL TORTAIRE : Miracles de saint Benoît, en
prose et en vers, d'après Mabillon et les Bollandistes.
TOMUS CLXVL — 1854; 1600 col.
I (col. 1). COME DE PRAGUE. — Chronique des Bohémiens, avec les
continuations, d'après Koepke, dans Pertz.
II (col. 387). ALBERT D'AIX. — Histoire de la croisade, d'après
Bongars.
III (col. 715). FRANCON, abbé d'Afflinghem : Traité en douze livres
sur la grâce, avec deux lettres, d'après la Bibliothèque des Pères.
IV (col. 831). HUGUE DE RIBEMONT : Lettre à G. d'Angers, d'après
Martène.
V (col. 835). PONCE, abbé de Cluni : Statuts, lettres et chartes se
rapportant à son administration, d'après Baluze, Martène et la Bibliothèque
de Cluni.
VI (col. 851). PIERRE DE LÉON et GRÉGOIRE : Deux lettres de ces
légats pour l'abbaye de Saint-Vast, d'après Martène.
VII (col. 853). JEAN MICHAELENSIS : Règle des Templiers, d'après
Labbe.
VHI (col. 873). GAUTIER DE TÉROUANNE et GALBERT DE BRU-
GES •• Vie et martyre de Charles le Bon, comte de Flandre, d'après les
Bollandistes, dont les observations préliminaires sont reproduites.
IX (col. 1049). BAUDRl DE BOURGUEIL : Histoire de la croisade,
d'après Bongars. — Translation du chef de saint Valentin à Jumièges, d'a-
près les Bollandistes. '— Vie de saint Hugue, archevêque de Rouen, d'après
le Neustria pia. — Lettre aux moines de Fécamp, d'après le même recueil.
— Poésies, d'après Duchesne et Mabillon. — Actes de saint Valérien, d'a-
près Chilïlet [Hist. de l'abbaye de Tournus). — Charte de l'an 1109 pour
Saint-Florent de Saumur, d'après d'Achery. — Dans d'autres volumes de la
collection, on trouve la vie de Robert d'Arbrissel, et un Traité sur la visite
des malades, qu'on a parfois attribué à saint Augustin, mais qu'il faudra
restituer à Baudri, si l'on s'en rapporte à un manuscrit de la bibliothèque
Lambeth, récemment examiné par D. Pitra. — On ne saurait reprocher à
G7
l'éditeur de la Patrologle de n'avoir pas donné les opuscules inédits de
Baudri, qui sont conservés au Vatican ; mais il aurait peut-être dû ne pas
négliger quelques pièces précédemment publiées, qu'on cherche vainement
dans sa collection.
X (col. 1213) HONORIUS II, pape : 112 lettres, tirées de différents re-
cueils, et classées d'après l'ordre proposé par Jaffé ; plus, trois lettres adres-
sées à Honorius.
XI (col. 1319). VIVIEN DE PRÉMONTRÉ : Harmonie, ou Traité du
libre arbitre et de la grâce, d'après Martène.
XII (col. 1335)/ G., abbé : Lettre à A., prieur de Saint-Victor de Mar-
seille, d'après Martène.
XIII (col. 1339). ABBAUD, abbé : De fractione corporis Christi, d'a-
près Mabillon.
XIV (col. 1347). BRUNO, évêque de Strasbourg : Lettre au prévôt Ge-
rhodus, d'après Bernard Pez.
XV (col. 1349). FRÉDÉRIC, archevêque de Cologne : Six lettres ou char-
tes, d'après Martène.
XVI (col. 1357). RICHARD, abbé de Préaux : Prologue d'un commen-
taire sur le Lévitique, d'après Martène.
XVII (col. 1361). SAINT ETIENNE, abbé de Cîteaux : Commentaire des
Bollandistes sur la vie de saint Etienne. — Opuscules de cet abbé, suivis
des statuts connus sous les noms de Charta charitatis et de Usus antiquio-
res, avec l'histoire des origines du monastère et de l'ordre de Cîteaux
{Exordium cœnobii etordinis Cistercîensis) , le tout publié d'après Mabil-
lon, Manrique et le Nomasticon Cisterciense.
XVIII (col. 1507). JEAN, moine : Lettre à Adalbéron, archevêque de
Trêves, d'après Martène.
XIX (col. 1513). DROGON, cardinal d'Ostie : Opuscules, d'après la Bi-
bliothèque des Pères.
XX (col. 1565). SAINT HUGUE, évêque de Grenoble : Cinq lettres, d'a-
près Mabillon et les Mémoires pour V histoire du Dauphiné.
L. D.
Notices et extraits des documents manuscrits conservés dans les dé-
pôts publics de Paris, et relatifs à rhistoire de la Picardie, par M. Hip.
Cocheris. Tome P'. Paris, Durand , 1854, 1 vol. in-S" de 693 pages.
Les recherches bibliographiques occasionnent une énorme dépense de
temps et d'activité , sans pour cela rapporter à ceux qui s'y livrent les avan-
tages qu'ils auraient retirés d'études moins arides. D'un autre côté, les
travaux qui en résultent sont, entre les mains des savants, des instruments
d'une inappréciable valeur. La patience des bibliographes ne saurait donc
être trop admirée ni trop encouragée, et c'est une véritable cruauté que de
relever chez eux avec complaisance des omissions et des méprises qu'il leur
était souvent impossible d'éviter.
68
Nous tenions à faire ces observations générales avant de parler de l'ou-
vrage qu'un de nos confrères a entrepris, et que la Société des antiquaires
de Picardie a encouragé par une médaille et par l'insertion dans ses Mé-
moires. On pourrait sans doute reprocher à l'auteur l'altération de quelques
noms propres et de quelques chiffres , la rédaction vicieuse de plusieurs
notices analytiques, et l'omission d'articles dont la place semblait marquée
d'avance. Mais, au lieu d'insister sur ces imperfections, que les suppléments
et les tables feront en partie disparaître , il nous semble juste de donner des
éloges à la simplicité du plan conçu par M. Cocheris, et au zèle persévérant
qu'il met à le remplir.
C'était déjà une lourde tâche que de rechercher dans les immenses dépôts
de Paris et d'indiquer sommairement les pièces concernant la topographie
et l'histoire d'une aussi vaste province que la Picardie. Notre confrère est
allé plus loin : il a minutieusement examiné toutes les pièces qui rentraient
dans son cadre; il les a décrites dans leurs moindres détails; souvent il en
discute la valeur, et, par des exemples bien choisis, montre le parti qu'on
en peut tirer.
Une section préliminaire comprend les pièces relatives à la Picardie en
général ; toutes les autres sont rangées suivant l'ordre alphabétique des
lieux qu'elles concernent. Les pièces relatives à un même lieu sont partagées
en groupes distincts, suivant qu'elles se rattachent à la topographie , à
l'histoire civile , à l'histoire religieuse , à l'histoire littéraire. De plus, pour
la plupart des localités, M. Cocheris a, sous le titre de : Recueil de chartes
originales ou copies de chartes tirées des collections des bibliothèques de
Paris et des Archives de l'empire, ouvert un chapitre dont le titre fait
assez bien connaître l'objet.
Les cartulaires ont été traités avec une prédilection particulière ; 48 pages
d'un caractère compacte sont consacrées à celui de l'abbaye de Beaupré,
13 à celui de Bucilli , 65 à ceux de Chaaiis , 34 à ceux de Saint-Corneille de
Compiègne, et 96 à ceux de Corbie. C'est assez dire que M. Cocheris a
indiqué un à un tous les actes conservés dans ces précieux recueils. S'il n'a
pas toujours donné à ses analyses une exactitude et une précision sufû-
sante, il a pris, en revanche, un soin extrême d'ajouter au bas des pages
les équivalents modernes des noms de lieu contenus dans les documents
qu'il décrit. Ces seules annotations ont demandé beaucoup de travail, et
«eront fort utiles à tous ceux qui s'occupent de la géographie du moyen
âge.
On doit encore savoir gré à M. Cocheris de s'être par moments un peu
écarté de son plan primitif pour donner , soit de longs extraits , soit même
le texte intégral de. quelques pièces importantes. Les coutumes de Corbie
qu'il a publiées (pag. 556 et suiv.) présentent un véritable intérêt, et ser-
vent à compléter le beau recueil de M- Bouthors, L. D.
69
HisTOiBE DE Chartres, par E. de Lépinois. Tome 1"^. Chartres, Gar-
nier, 1854. — 1 vol. iii-8" de 668 pag., avec planches.
La ville de Chartres compte déjà bon nombre d'historiens. Mais M. Lé-
pinois, par la méthode qu'il a suivie, a renouvelé un sujet que bien des
gens auraient pu croire épuisé. Ce qui distingue son livre, c'est l'abondance
des renseignements, tous puisés aux sources originales et souvent inédites,
tous classés dans un ordre satisfaisant.
Après avoir chronologiquement retracé l'histoire de Chartres depuis les
origines gauloises jusqu'à l'avènement des Valois, M. Lépinois passe suc-
cessivement en revue les institutions religieuses , civiles et commerciales
de la cité. S'il nous était possible de faire un choix parmi les innombrables
détails que l'auteur a principalement recueillis dans les collections de titres
et dans les registres capitulaires , nous signalerions de savantes recherches
sur les croisés du pays chartrain, sur les affranchissements, sur les grandes
familles nobles ou bourgeoises, sur l'administration intérieure et les usages
du chapitre de la cathédrale, sur les corporations industrielles et sur la
topographie de la ville. — L'auteur a plus d'une fois tiré un parti fort
heureux d'un poëme écrit au treizième siècle sur les miracles de Notre-
Dame, et dont il nous fait espérer la prochaine publication. Les détails
qu'il en a tirés (p. 194) sur une colonie de Bretons établis dans un quartier
de Chartres, sont fort remarquables , et permettent d'entrevoir ce qu'était
la bretonnerie de Paris et de plusieurs autres villes.
Entre les documents dont M. Lépinois a donné, dans son Appendice, un
texte correct , nous avons remarqué ; l'article du nécrologe de la cathédrale
relatif à Philippe-Auguste; -^ les titres énonçant à quelles conditions
étaient inféodés les offices de charpentier, de portier, de closier et de maré-
chal de l'évêque ; — le tarif des menues coutumes qui se prélevaient sur la
vente des marchandises au treizième siècle; — la transaction conclue, en
1306, entre le comte et le chapitre; — un tableau du prix du blé, année
par année, pour tout le quatorzième siècle.
Le livre dont nous entretenons nos lecteurs est écrit avec la simplicité
qui convient aux ouvrages d'érudition. Nous regrettons seulement que
l'auteur ait adopté pour certains noms propres une orthographe bizarre et
peu régulière (le roi Lother, Walter, Gauzfrid, Guilhem, saint Taurain,
lesKordmans, Marmoutiers, etc.). — Autre peccadille. Les faits du do-
maine de l'histoire générale ne sont pas toujours traités avec autant de ri-
gueur que les détails particuliers à la localité. Ainsi , le concile de Clermont
est de 1095, et non de 1096 (p. 78). — Les officialités n'existaient pas au
commencement du douzième siècle (p. 82). — Le naufrage de la Blanche-
]\ef arriva en 1120, non en 1119; les princes s'étaient embarqués à Bar-
fleur, non à Rouen (p. 91). — Ce fut le i^" novembre, et non le 1" octobre,
que Philippe-Auguste fut sacré (p. ilO). — On ne peut pas dire que le séné-
chal Thibaud apposa son sceau au testament de ce roi (p. 1 15). — La pris«
d'Acre n'eut point lieu le 20 août 1191 (p. 115).
70
Ces imperfections, que RI. Lépiuois n'aura guère de peine à l'aire dispa-
raître dans ses prochains ouvrages, n'empêcheront pas son livre de prendre
une place fort honorable dans la collection déjà si nombreuse de nos his-
toires de villes et provinces. L. D.
Histoire de la Chambre des comptes de Bretagne , par H. de Four-
mont. Paris, de Signy et Dubey, 1854. — Un vol. in-8*> de vi et 446 pag.
Dans la monographie qu'il a consacrée à l'histoire de la Chambre des
comptes de Bretagne, M. de Fourmont prend ce tribunal au temps où les
documents locaux commencent à en faire mention, et, le suivant pas à pas
à travers toutes les phases de son existence, il le conduit jusqu'en 1791,
époque de la suppression définitive des chambres des comptes par l'Assem-
blée nationale.
L'auteur a divisé son travail en deux parties. Dans la première , il exa-
mine l'histoire politique et administrative de la Chambre des comptes de
Bretagne , ses attributions et son organisation intérieure aux diverses épo-
ques, La deuxième, d'un intérêt beaucoup plus restreint, comprend la liste
chronologique des membres de la Cour, depuis le duc Jean V jusqu'à la
grande révolution ; elle se termine par une notice qui aurait mieux sa place
dans la première partie , et qui concerne les fonctions respectives des offi-
ciers de la Chambre, les formes de leur nomination, de leur réception, et
l'honorariat.
A la fin du livre se trouve une table indiquant, d'après l'ordre des cha-
pitres, les matières comprises dans la première partie et dans la notice de
la seconde; une autre table renferme, par ordre alphabétique, les noms
des membres de la Chambre dont il est question dans le cours de l'ou-
vrage.
Le travail de M. de Fourmont n'est irréprochable ni pour le fond ni pour
la forme. L'auteur est quelquefois plutôt le panégyriste de la Chambre des
comptes de Bretagne que son historien; il exagère un peu les sympathies
que doit inspirer la vieille indépendance armoricaine. Ou pourrait désirer
une indication plus détaillée des sources, une étude plus approfondie des
questions qui se rapportent au sujet, une appréciation plus nette des faits,
plus de méthode dans la distribution des détails, des citations moins lon-
gues et moins multipliées, sauf renvoi à des pièces justificatives qui se-
raient placées à la fin du volume, la suppression ou la modification de cer-
tains passages peu importants du reste, et peu nombreux, où l'auteur
paraît compléter ses recherches par les rêves de son imagination.
Nonobstant les imperfections que nous venons de signaler, Vflisfoire de
la Chambre des comptes de Bretagne , par M. de Fourmont, est m\ ou-
vrage intéressant et utile à consulter ; elle retrace, dans un cadre étendu et
avec des développements assez considérables , toute l'existence d'une insti-
tution importante dont les historiens généraux de la province ont d'ordi-
naire peu parlé; les renseignements contenus dans le texte sont le plus
71
souvent empruntés à des documents originaux et en grande partie inédits.
— De semblables publications constituent des éléments précieux pour l'his-
toire de nos anciennes provinces, et par là même pour l'histoire générale de
la France. Ch. Tb.
Essai sur l'histoire du commerce maritime de Narbonne, par M. Cé-
lestin Port. Paris, Durand et Dumoulin, 1854. — In-8° de 208 p.
Les lecteurs de cette revue ont déjà entendu parler de l'ouvrage de notre
confrère, qui, dès ses premiers débuts, et par une simple thèse écrite pour
un examen , et pour se conformer aux prescriptions du règlement de l'É-
cole, a dernièrement mérité l'honneur si disputé d'une des trois médailles
décernées par l'Académie des inscriptions au concours des antiquités de la
France. Nous ne pouvons rien ajouter aux éloges qui résultent de la déci-
sion d'une aussi grande autorité , et qu'a formulés d'une manière si flat-
teuse le rapporteur de la commission académique. Nous nous bornerons à
faire connaître, autant qu'il est possible d'y parvenir par une analyse suc-
cincte, le bon travail de M. Célestin Port.
Dès avant la conquête romaine , Narbonne florissait par son commerce.
Elle dut au génie de Rome un port au midi, et au nord une route facile
qui lui manquait ; dès lors ce commerce prit des développements inouïs
jusque-là.
Sidoine Apollinaire s'adresse à elle avec admiration : « C'est à toi, dit-il,
que les marchands de l'Aurore, que les mers de l'Ibérie envoient leurs tré-
sors ; pour toi voguent les flottes de Sicile et de Libye ; et tous les vais-
seaux qui traversent les fleuves et les mers ne parcourent le monde que
pour revenir à tes rives. » Mais déjà les barbares définitivement vainqueurs
envahissaient l'empire. Il n'est pas nécessaire de songer longtemps aux
fléaux qui, dès les premières années du cinquième siècle, commencèrent à
frapper le monde romain : on comprend aussitôt ce que dut rapidement
devenir un commerce alimenté par la civilisation et les richesses d'un peu-
ple ruiné et ramené si douloureusement à la barbarie. A ces causes d'uni-
verselle misère, se joignirent pour Narbonne des malheurs locaux. Les
Wisigoths, les Bourguignons, les Francs, la prirent et la saccagèrent tour
à tour. A deux reprises , elle tomba aux mains des Sarrasins. Cependant
son génie commercial persévéra au milieu des obstacles et des ruines , et
quand cette féodalité qu'on a tant maudite eut rendu un peu de stabilité au
monde occidental , Narbonne se retrouva ce qu'elle avait été , plus grande
peut-être qu'elle n'avait été jadis et aux beaux temps de la civilisation
antique. Investie du droit de s'administrer elle-même , elle joint à l'éclat
vulgaire des libertés communales un luxe que ses lois somptuaires cons-
tatent éloquemment, et qui rend manifeste à tous les yeux les abondantes
richesses de sa population. Ces richesses , elle les doit sans doute un peu à
son industrie, à ses teintures , à ses florissantes fabriques de draps , mais
c'est surtout son commerce qui les produit. On peut voir dans le livre de
M. Port rénuinération des objets qui, vers la fin du treizième siècle, se
trouvaient sur le marché de Narbonne; la liste en serait trop longue pour
trouver place dans cet article ^ Ces marchandises, elle ne se contente pas
de les vendre aux acheteurs qui viennent les chercher, elle les porte elle-
même au loin : à Gênes, à Nice, à Savone, à Vintimille, à Pise, à Venise,
en Sicile, à Chypre, à Rhodes, à Constantinople , en Syrie, en Asie, en
Egypte, à Tunis, dans le Maroc, l'Aragon, la Catalogne. C'était au dou-
zième, au treizième siècle, au commencement du quatorzième. Mais le
terme de cette prospérité approchait : par les privilèges d'Aigues-Mortes,
puis de Montpellier, les rois français donnent à Narbonne, dans son voisi-
nage, une rivale à la concurrence de laquelle il n'est pas possible de résis-
ter. L'expulsion des Juifs prive le pays des ressources immenses qu'il tirait
de l'industrie et des richesses de cette race si féconde et si active. Le pillage
sur mer était devenu une des branches de commerce de Gênes et de l'Ara-
gon, et leurs pirates faisaient de Narbonne une de leurs principales vic-
times. Enfin, en 1320, l'Aude emporta la digue qui, détournant ses eaux,
la forçait à passer par Narbonne. Narbonne perdit cette voie de communi-
cation si facile, par laquelle les navires de commerce étrangers pénétraient
dans son sein, par laquelle elle envoyait les siens à la mer.
Depuis lors, cette malheureuse ville n'a plus fait que languir. Narbonne,
qui, au treizième siècle, avait 6,229 feux, n'en conserve que 250 en 1378.
La destinée commerciale, c'est-à-dire la grandeur de Narbonne, est ter-
minée.
Cette esquisse serait trop incomplète si , nous bornant au tableau qu'elle
résume, nous ne signalions pas des chapitres fort intéressants sur les con-
suls d'outre-mer, sur les marques, sur les impôts qui frappaient le com-
merce de Narbonne. Mais nous sommes obligé de respecter les limites né-
cessaires de cet article. Il y a des ouvrages que l'on ne peut facilement
résumer, et celui-ci est du nombre ; car il n'élait guère possible de nous
apprendre, dans un travail aussi peu volumineux, plus de choses intéres-
santes et utiles que ne l'a fait M. Port. Nous ne pouvons que renvoyer à
son livre^ H. d'A. de J.
1. Les prisonniers sarrasios étaient une des marchandises qu'on trouvait à vendre
ou à acheter sur le marché de Narbonne. (Voir pag. 71-72.) Un sentiment de notre
confrère que nous ne partageons pas , c'est la surprise qu'il éprouve en voyant que
l'Église « n'a pas beaucoup tonné contre ce commerce honteux. » Chaque époque a
ses nécessités. Souvent ces nécessités sont dures, mais elles n'en existent pas moins.
A part quelques rapports commerciaux qui n'étaient qu'un accessoire, les chrétiens
et les musulmans du douzième et du treizième siècle n'avaient entre eux d'autres re-
lations normales que celles de la guerre. Quand on faisait un prisonnier, il n'y avait
ordinairement d'autre alternative que de le tuer ou de le réduire en esclavage. Lequel
était le plus humain?
73
LuDOVicus Ilenricus Briennx cornes, etc., de pinacotheca sua, ad
Constantinum Hugenium. 1662. (Réimprimé à Paris, in-8", chez Guirau-
det et Jouliaust, par les soins de MM. Arnauldet, P. Chéron et A. de Mon-
taiglon, 1854.)
Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne, secrétaire d'État sous
Louis XIV, mort fou en 1698, et auteur de Mémoires que M. F. Barrière
a publiés en 1828, aimait les objets d'art et savait les apprécier. Il avait
réuni une nombreuse et précieuse collection de tableaux, dont il se défit
plus tard, quand l'idée lui vint de se retirer à l'Oratoire. Une description
de cette collection, composée par lui-même en latin, et adressée au poète
diplomate Constantin Hiiygbens, a été imprimée en 1662, à Paris, chez
Pierre le Petit (in^" de 15 pag.). On y voit que Brienne possédait, entre
autres, des ouvrages de Raphaël , Dominiquin, Lanfranc, Guide, Albert
Durer, Paul Véronèse, Titien, Carrache, Guerchin, Albane, Jules Romain,
Stella, Claude Lorrain, Téniers, Van-Dick, Caravage, Giorgion, Andréa
del Sarto, Tintoret, Rubens, Bassano, etc.
Trois amateurs de l'art et de son histoire viennent de réimprimer
l'exemplaire, peut-être unique, de l'opuscule du comte de Brienne; ils ont
enrichi leur édition d'une préface , de notes qui permettent de suivre jus-
qu'au temps actuel plusieurs des tableaux dont le texte fait mention , et
d'un extrait curieux des Mémoires de Brienne , relatif au goût du cardinal
Mazarin pour la peinture, et à la collection de tableaux et de statues que
le ministre avait formée. Cette publication mérite d'être accueillie avec fa-
veur ; elle est le fruit d'une idée heureuse que nous voudrions voir se réali-
ser complètement. Espérons que les éditeurs ne s'arrêteront pas en si bon
chemin. F. Bourquelot.
LivES of the princesses of England, by Mrs. Anna Everett Green ;
t. V '. London, H. Golburn, 1854. - In-80, fig.
Ce volume touche à la biographie de trois princesses royales d'Angle-
terre : r Marie Tudor, troisième fille de Henri VU et d'Elisabeth d'York,
née en 1496, morte en 1533; 2o Catherine, sa sœur, quatrième fille de
Henri VII, née et morte en 1503 ; 3° Elisabeth, reine de Bohême, etc.,
fille de Jacques 1", née en 1596. L'étendue de la notice historique consa-
crée à cette dernière princesse n'a pas permis à l'auteur de la comprendre
tout entière dans ce tome cinquième. De ces trois biographies , la première
est donc celle qui captive de préférence l'attention et l'intérêt du lecteur
français. Marie d'Angleterre appartient à la France par le titre de reine,
que lui valut son mariage éphémère avec le roi Louis XII, et par les sou-
venirs romanesques qui s'attachent à sa courte carrière de souveraine.
Sans négliger complètement ce côté de la physionomie morale du person-
1. Voir, pour les quatre premiers volumes de cet ouvrage, Biblioth. de V École
des chartes, 3» série, t. I, p. 279, et t. IV, p. 83.
74
nage, madame Green a touché ces points délicats d'une main chaste et sé-
vère. L'auteur s'est livré à des recherches assidues et approfondies sur les
documents originaux relatifs à cette princesse, qui nous ont été conservés
dans les archives et dans les bibliothèques de la France et de l'Angleterre.
Les particularités historiques qui ont été le fruit de ces investigations sont
propres à intéresser les érudits des deux pays. On sait que l'une des plus
anciennes grammaires * de notre langue eut pour auteur John Palsgrave ,
natif de Londres, et maître es arts de l'université de Paris 2. Palsgrave,
après avoir été le maître de français de la princesse Marie, l'accompagna,
en qualité de chapelain, à la cour du roi son époux. Le livre de madame
Green ajoute ^ quelques rectifications et quelques renseignements de détail
au peu de notions biographiques réunies jusqu'à ce jour sur la personne de
ce grammairien. On y trouve également quelques notions relatives à Pierre
Gringore , autre personnage littéraire , plus célèbre ;, jusqu'à ce jour, dans
le domaine du roman, que réellement connu dans celui de l'histoire. Lors
de l'entrée de la reine à Paris, le 6 novembre 1514, Pierre Gringore, qui
déjà précédemment avait rempli, sous les auspices de la ville, les fonctions
d'auteur dramatique et d'entrepreneur de représentations théâtrales , fut
chargé de la direction des mystères qui servirent à la célébration de cette
fête publique. Le manuscrit original qui contient le récit de ces solennités
fut offert par l'auteur, Pierre Gringore , à la reine , et se conserve aujour-
d'hui dans la bibliothèque cottonienne, au British Muséum de Londres ''.
Madame Green a reproduit dans son ouvrage ^ un résumé de ce récit, qui
paraît différent de celui qu'a publié Godefroy dans le Cérémonial français.
L'indication de cet ouvrage de Gringore manque à la liste de ses oeuvres
imprimées, que contient le Manuel du Libraire. Il est demeuré également
inconnu de M. Henri Lepage, auteur d'une intéressante notice sur ce per-
sonnage ^. V. DE V.
Charles le Bon. Causes de sa mort, ses vrais meurtriers^ Thierry
d'Alsace des comtes de Metz, seigneur de Bitche et comte de Flandre;
par le comte van der Straten Ponthoz. Metz, 1853. — 47 et XL p. in-S".
L'histoire tragique du comte de Flandre, Charles le Bon, est fort popu-
laire, grâce aux trois récits contemporains de Gautier de Térouanne, de
1. L'Esclaircissement de la langue française , etc., Londres, 1533, in-4°, réim-
primé par M. Génin dans la Collection des documents inédits, 1852, in-4°,
2. On peut consulter, comme une nouvelle source d'information, les registres cor-
respondants de la faculté des arts, qui portent les numéros to, 12, 13, 83 et 85. Voir
le catalogue que j'ai publié dans mon Histoire de l'instruction publique , pag. 356
et 357.
3. Voy. pag. 36 et 50.
4. Vespasien, B. Il (ou II?).
5. P. 56.
6. Pierre Gringore, Nancy, 1849, in-S'-
75
Galbert de Bruges et de Suger, qui, vingt fois copiés, publiés, traduits ou
arrangés, ont trouvé place, dans ces derniers temps, jusque dans la Biblio-
thèque des chemins de fer de M. Hachette. M. le comte van der Straten
Ponthoz, supposant sans doute le fait de l'assassinat en lui-même sufû-
samment connu , a jugé inutile d'en remettre les détails sous les yeux de
ses lecteurs ; son seul but a été de démontrer que les Straten, loin d'y avoir
pris part, comme les en accusent plusieurs historiens modernes, étaient au
contraire à la tête du parti dévoué au comte, et que c'est par une déplora-
ble méprise que leur nom, introduit au seizième siècle dans la proclama-
tion qu'on faisait tous les ans devant la cathédrale de Bruges , en souvenir
du crime et de sa punition, a depuis figuré , avec cette tache, dans toutes
les annales et chroniques flamandes. Ce but, M. van der Straten l'a com-
plètement atteint , en corroborant par une foule de témoignages l'opinion
que les boUandistes déjà avaient soutenue en tête de la Vie de Charles, dans
le premier volume de mars des Acta Sanctorum; mais il a cru devoir ajou-
ter, outre quelques pages sur le successeur de Charles, Thierry d'Alsace,
une polémique assez vive contre les tendances démocratiques des historiens
modernes, et une protestation en faveur des nobles féodaux, dignes ancê-
tres des nobles actuels.
L'ouvrage entier d'ailleurs sent son grand seigneur amateur. Il est im-
primé avec luxe, orné d'un portrait de Charles le Bon et Au fac-similé d'une
miniature qui représente sa mort; enfin, enrichi d'un immense tableau gé-
néalogique des maisons de Flandre et d'Alsace et de l'analyse critique de
cent quatorze ouvrages relatifs à Charles le Bon. Quelque respectable que soit
ce chiffre, il eût été fort facile de l'augmenter encore, à la manière dont pro-
cède l'auteur; car dans sa liste on trouve, à côté des ouvrages les plus sé-
rieux, des compilations peu dignes de se trouver en si bonne compagnie.
A. H.
Publications historiques de l'Académie impériale de Fienne, pen-
dant les années 1852 et 1853.
Fidèles à notre promesse, nous continuons à analyser les travaux his-
toriques de l'Académie impériale de Vienne, sur lesquels, à deux reprises
déjà (Bihl. de l'École des Chartes, 3* série, t. III, p. 285, t. IV, p. 520),
nous avons appelé l'attention de nos lecteurs.
Pour ce qui est des Fontes rerum austriacarum, le premier groupe,
celui des sources relatives à l'archiduché d'Autriche , continue à être seul
représenté ; il paraît, il est vrai, que le tome premier des sources relatives
à la Hongrie , à la Croatie , à l'Esclavonie et à la Transylvanie est sous
presse, et va nous apporter sous peu uncartulaire de ce dernier pays; mais,
en attendant, les volumes récemment publiés rentrent tous les trois, comme
les précédents, dans les Diplomataria et Acta ausiriaca. Ils donnent qua-
tre nouvelles collections de pièces, dont deux, le Codex tvangianus (t. V,
1852, XXVII et 560 p. in-8°) ou cartulaire de l'évêché de Trente, commencé
76
sous Frédéric II, par l'évêque Frédéric deWangen, et \e Cartulaire du
monastère de femmes de Saint-Bernard en basse Autriche (t. VI, 1853,
p. 125-346 in-8o), nous touchent assez peu pour que je puisse me conten-
ter de les indiquer en passant. Par contre, je m'arrêterai un peu plus long-
temps aux deux autres. C'est d'abord (t. VI, 1853, p. 1-123 in-8°) la
Summa de literis missilibus in curiis principum et aliorum nobilium,
c'est-à-dire une collection de 290 formules diplomatiques et juridiques,
qui fait partie du Processus judiciarius, ou Manuel théorique et pratique
du notariat, composé en 1337 à Vienne par le notaire impérial Pierre de
Hall en Sourbe {Petrus de Hallis), et que l'éditeur, M. Firnhaber, a tirée
du manuscrit de Gôttweih, qui est l'autographe de l'auteur. Les chartes
données comme modèles par Pierre de Hall paraissent toutes avoir été
prises sur des originaux authentiques de la fin du treizième siècle, et, autant
qu'on peut en juger par certaines d'entre elles dont nous avons les origi-
naux, avoir été copiées fort fidèlement; l'éditeur n'a cependant repro-
duit intégralement que celles qui offraient de l'intérêt pour les mœurs, us
et coutumes du temps, et s'est contenté d'indiquer les titres des autres.
Quant au quatrième.ouvrage, le Copey Buc.h'der gemainen Stat fVienn, ou
Procès-verbaux de la ville de Fienne, 1454-1464 (t. VII, 1853, 439 p. in-S")»
c'est une collection de 295 diplômes ou rapports, tous inédits, tirés des
procès-verbaux de la municipalité de Vienne, et qui jettent une vive lu-
mière sur l'histoire politique et civile des pays autrichiens, principalement
à l'époque des querelles entre l'empereur Frédéric III et son frère Albert
(1457-1463). Dans ses Analecta monumentorum omnis sévi Findobo-
nensia, 1762, t. II, p. 827-1403, Kollar avait déjà donné, sous le nom de
Publici actorum Commentarii civitatis Findobonensis , la première par-
tie de ces procès-verbaux, relative à Ladislas le Posthume et à Frédéric III,
mais sa mort en avait non-seulement interrompu la publication, mais
aussi causé, à ce qu'il paraît, la perte, probablement irréparable, du manus-
crit original. C'est d'après une copie du dix-huitième siècle, trouvée par lui
à Rlosterneubourg , que M. Zeibig publie aujourd'hui tout ce qu'il a trouvé
de pièces inédites dans la seconde moitié de la compilation du greffier
viennois du quinzième siècle. Parmi ces curieux documents, je n'en citerai
qu'un seul, à savoir l'historique de l'ambassade envoyée en France en 1457,
pour demander, pour Ladislas le Posthume, la main de la princesse Made-
leine de France (p. 125-129). On y voit les évêques et seigneurs hongrois,
bohèmes et allemands, l'archevêque de Colocza en tête, se mettre en mou-
vement avec une suite de sept cents chevaux, et rejoindre la cour à Tours,
eu passant par Strasbourg, Nancy, la Champagne ', Orléans et Amboise.
Le mariage ne tarde pas à se conclure, et est célébré par des danses, des
comédies en plein air et des dîners sans fin. Mais des songes fâcheux du
1. La Cliaiiipagne i>'ap|)cl]e dans uolie iclation Tschannppangy . Tous les auli\s
noms sont à ravenanl.
77
roi et de la jeuue princesse tempèrent l'allégresse universelle, qui se change
tout à coup en un deuil profond, quand arrive la nouvelle inopinée de la
mort du roi Ladislas, décédé le 23 novembre 1457. On n'ose prévenir de
ce coup terrible le roi, déjà malade, de peur que l'émotion ne le tue; mais
les petits enfants pleurent et gémissent dans les rues, en se disant les uns
aux autres : « Hélas! hélas! le roi Lasslab est mort. » Les ambassadeurs
désespérés, après un magniûque service célébré à Saint-Martin, reprennent
le chemin de leur patrie, en passant par Paris, où une procession de douze
mille étudiants vient à leur rencontre.
A ces trois volumes de Fontes, nouvellement publiés, vient s'ajouter le
tome \" d'une publication qui , plus restreinte par son sujet, paraît cepen-
dant devoir également devenir extrêmement volumineuse. Je veux parler
des Monumenta habsburgica, vaste recueil de pièces et de lettres relatives
à l'histoire de la maison d'Autriche, et destinées à éclairer d'un jour nou-
veau les relations de tout^genre de cette illustre maison, depuis les premières
négociations du mariage bourguignon (1473), jusqu'à la mort de l'empereur
Maximiiien II (1576). Le présent volume (1853, XXXVI et 565 p. in-S"),
qui commence la seconde section , consacrée à Charles V et à Philippe II, va
d'octobre 15i3 à décembre 1521, et contient 170 pièces tirées des archives
impériales de Vienne, dont les deux tiers ont rapport à l'année 1521. Ce
sont, en général, des correspondances de l'empereur Charles avec son
chancelier, Mercurin de Gattinara, ses ministres et ses ambassadeurs; les
affaires de France , d'Angleterre , de Portugal et d'Allemagne , s'y trou-
vent tour à tour débattues; il y a surtout un nombre considérable de dé-
pêches relatives à la médiation offerte par Wolsey à Calais en 1521. L'édi-
teur, M. Ch. Lanz, déjà connu par des publications analogues sur le même
règne, devait mettre en tête du volume une introduction détaillée; mais le
guignon habituel de l'Académie impériale de Vienne s'est jeté en travers»
sous forme de maladie, et, en attendant le volume suivant, qui doit nous
l'apporter, nous n'avons pour nous guider au milieu de ces documents que
des tables des matières et des noms propres , absolument comme dans les
Fontes.
Les Acta conciliorum seculi XV sont moins avancés encore que les
Monumenta habsburgica; en effet, on n'a pas même terminé encore l'im-
pression du premier volume des Actes du concile de Bâle, par lesquels l'A-
cadémie a résolu de commencer. Elle-même elle ignore encore quelle sera
l'étendue de cette publication, faite in-4'' pour qu'elle se rattache plus étroi-
tement au concile de Constance de von der Hardt. Les matériaux s'accu-
mulent à fur et à mesure qu'on avance, et notre Bibliothèque impériale
surtout, dans laquelle est venu se fondre le riche héritage littéraire de Ba-
luze, est une mine presque inépuisable de découvertes. Par bonheur, le
principal éditeur, M. Palacky, y a trouvé dans la personne de notre con-
frère, M. Léopold Delisle, un collaborateur aussi complaisant qu'érudit,
comme il se plaît à le constater dans son rapport officiel.
78
Quant aux Archives pour la connaissance des sources historiques au-
trichiennes (1852-1853, in-8°) , je passe sous silence tous les mémoires ou
collections de pièces d'un intérêt par trop local, et me contente de citer
l'un ou l'autre travail qui m'a frappé davantage. Ainsi MM. Duemniler et
André de Meiller y ont donné de curieuses études topographiques, l'un sur
les Marches S. E. de l'empire franc sous les Carlovingiens (795-907),
l'autre sur la vieille Autriche entre les années 800 et 1000, en employant
tous les deux à la fois les historiens, les diplômes et les codices traditio-
num. Le même M. de Meiller a réuni une série de droits municipaux au-
trichiens du douz-ième et du treizième siècle, tandis que M. Pichler a fait
un recueil de règlements des marchés de Saltzbourg au quinzième et au
seizième siècle, d'après des documents en grande partie inédits , et publié
nn récit de la funeste bataille de Mohacz, fait par un témoin oculaire,
qui n'hésite pas à représenter le roi Louis comme une pauvre brebis que
mène à la boucherie la noblesse hongroise. La même idée se retrouve dans
une autre pièce du seizième siècle donnée par M. Zeibig, et qui est tout
simplement un Dialogue des morts, composé en latin pour l'instruction
politique du nouveau roi de Hongrie, Ferdinand de Habsbourg.
Signalons enfin quelques-uns des mémoires contenus dans les Comptes
rendus des séances de la classe philosophico-historique de V Académie
(1852-1853, in-8°). Dans un travail sur les diptyques et les calendarii
du moyen âge, M. Zappert a réuni les renseignements les plus circonstan-
ciés et les plus divers sur les différentes espèces d'obituaires. M. Hopf pré-
sente, comme spécimen d'une histoire de l'Attique au moyen âge, un Pré-
cis des destinées de la seigneicrie de Karystos enEubée, depuis \20b jus-
qu'en 1470, d'après des documents presque exclusivement inédits. M. Phil-
lips a soumis à une étude longue et approfondie^/a Fie et les œuvres de
Gautier Map , mais surtout son de Nugis curiaHum, publié en 1850 par
M. Wright pour la Camden-Society. Enfin, M. Wattenbach publie, d'après
un manuscrit de Gotha, une Passio Sanctorum IV coronatorum , bien
plus complète que tout ce qu'on a eu jusqu'ici sous ce nom, et que, d'accord
avec M. de Karajan, il n'hésite pas à attribuer au quatrième siècle de no-
tre ère. A. H.
Geschichte der deutschen Privatrechts ; — Histoire du droit privé
allemand, par J. H. K. Fôrster. Kënigsberg, 1853.
Nous ne donnons place à cet ouvrage dans notre bulletin que pour en-
gager nos lecteurs à ne pas l'acheter sur la foi du prospectus. On croirait ,
en le lisant , qu'il a quarante ans de date; l'auteur ne semble pas se douter
que Pertz a publié les Capitulaires ; Merkel et Gaupp, les lois barbares
citées perpétuellement d'après les éditions de Georgisch , Lindenbrog et
Canciani ; la Lex saxonum , de Gartner , est , à ses yeux , une « très-bonne
édition» (p. 34). Pour donner une idée des nouveaux résultats auxquels
est arrivé M. le conseiller d'appel Fôrster, citons quelques exemples,
79
pris dans les premières pages seulement. Pag. 1 : La loi des Wisigoths
est la plus ancienne des lois barbares; — p. 2 : La lex salica reformata
est beaucoup plus germanique que \e pactus antiquior ; le major de la
loi salique est un -nédecin; — p. 6 : Les antrustions sont des membres de
la noblesse. — Ici l'auteur nous avertit, dans une note, que Waitz a une
autre opinion!
Uber die kistorische Entwickelung des Systems des deutschen Rechts;
— Études sur le développement historique du système du droit ûllC'
mand, par V. Platner. ï. I et II. Marbourg, 1854.
Cet ouvrage ne tient pas non plus ce que le titre promet : les recherches
historiques y sont rares et peu intéressantes. Le plan de l'auteur, qui
traite successivement des principes généraux de droit sur la preuve , les
ordalies, les actions, l'erreur, l'usufruit, etc., etc., lui aurait permis
cependant de faire des monographies étendues qui eussent justifié le titre
et la préface; tandis que son livre n'a de valeur que comme collection de
textes et de matériaux sur les questions qui y sont traitées.
Ad. t.
Anselminus de Ohto super contractibus emphytheosîs et precarii
et libelli atque investiture; textum ex libris mss. primus recensuit et
commentariis quinque imtruxit^Kwà. Jacobi. Vimarise, Bœhiau. —
95 pag. in-8.
Anselme est le fils du consul de Milan Obertus ab Orto , dont on a, dans
le II« livre des Libri feudorum, une lettre à ce même Anselme. On sait
peu de chose sur sa vie ; il était vraisemblablement praticien. On a déjà
de lui un Instrumentum actionum. Les deux ouvrages ont, du reste, peu
d'importance et de valeur. Cette édition a été faite sur une copie préparée
par M. Merkel, d'après quatre mss.: le ms. 4676 de laBibl. impériale, du
treizième siècle; le ms. 1435 du Vatican, également du treizième siècle ; le
ms. n° 73 du collège des Espagnols , à Bologne , du douzième siècle; et un
ms. du quatorzième siècle , conservé à Saint-Marc de Venise : dans trois,
le Traité d'Anselme est à la suite des livres des fiefs. Le Commentaire de
M. Jacobi est beaucoup plus intéressant que le texte qu'il publie; il traite
avec érudition : Iode emphyteusi; 2° de juribus cognatis emphyteuticario ;
3° de precaria vel prestario, vel commendaticia; 4° de jure libellario vel
livellario; 5° de investitura vel concessione. Ad. T.
Gebmanïstische Abhandlungen. — DissEBTATiONS sur le droit
germanique^ par E. Th. Gaupp. Manheim, Bassermann et Mathy, 1853,
— VII et 139 p. in-8.
Dans la première dissertation , l'auteur traite du wehrgeld et des com-
positions dans l'ancienne loi des Frisons ;,et il soutient que, dès l'époque
de la rédaction de la loi, le wehrgeld , dont il est qiiestion dans le premier
80
titre , n'était plus payé au simple , mais au triple. — La deuxième disser-
tation est consacrée à rechercher si la Lex antiqua wisigothique est de
Reccared, comme le prétendent Blume et Merkel, ou du roi Euric , comme
l'a déjà soutenu l'auteur ; les nouveaux arguments qu'il produit donnent
au moins une grande probabilité à cette opinion. — Dans la troisième dis-
sertation, sur quelques principes du droit allemand , l'auteur se livre à des
recherches sur la manière de compter la parenté, et sur les droits de pro-
priété de la femme pendant le mariage. — La quatrième dissertation est
une critique des travaux récents sur l'époque de la rédaction du Miroir de
Saxe : Gaupp réfute l'opinion de Sachsse, de F. Walter, de Daniels, et in-
cline à rapporter cette rédaction à la fin du douzième siècle ou au commen-
cement du treizième. — La cinquième et dernière dissertation traite de
l'importance du Miroir de Saxe et du Miroir de Souabe pour les temps
postérieurs. Comme tous les travaux de Gaupp, ces dissertations se font
remarquer par leur simplicité, leur clarté et leur caractère éminemment
scientifique. Ad- ï.
Le Comte Lucawob, apologues et fabliaux du quatorsième siècle ,
traduits pour la première fois de l'espagnol, et précédés d'une notice
sur la vie et les œuvres de Bon Juan Manuel, ainsi que d'une disserta-
tion sur l'instruction de l'apologue d'Orient en Occident, par M. Adolphe
de Puibusque. — 1 vol. in-S" de 500 pages. Paris, Amyot, 1854.
Don Juan Manuel était un infant de Castille , petit-fils du roi Ferdi-
nand III. Il joua un grand rôle sous le règne d'Alfonse XI , d'abord en-
traîné dans les guerres civiles que suscita la minorité de ce prince, long-
temps persécuté , et enfin rétabli dans ses honneurs , où il eut l'occasion
de s'illustrer par ses exploits contre les Maures. Il mourut en 1347, lé-
guant aux dominicains de PeiïaUel les manuscrits de plusieurs ouvrages
qu'il avait composés. Le Comte Lucanor était du nombre. A la fin du sei-
zième siècle, Argote de Molina, ayant par hasard déterré ce livre, le trouva
si beau qu'il se hâta de le faire imprimer. On en connaît deux autres édi-
tions données depuis à Madrid et à Stuttgart. Telle est, en peu de mots, la
destinée du livre dont M. Ad. de Puibusque vient d'enrichir notre langue.
Le Comte Lucanor, malgré le peu de retentissement qu'il a eu jusqu'à
présent, même en Espagne, peut passer pour l'une des plus remarquables
productions de l'ancienne littérature castillane. C'est un livre de morale
pratique, conçu sur le plan du Pantcha-Tantra , et, jusqu'à un certain
point, imité de ce vieux code de la sagesse indienne. Il est divisé en cin-
quante chapitres, qui sont autant de conversations entre le comte Lu-
canor, personnage imaginaire, et un confident appelé Patronio. Le comte
Lucanor est un seigneur appliqué à bien faire, mais défiant de lui-
même au plus haut point. Toutes les fois qu'il a un parti à prendre ,
il consulte Patronio, et Patronio lui répond, à la manière orientale, par
un conte ou par une fable, dont il résume la morale dans un distique. Au-
81
tant de chapitres, autant de paraboles, et de là le nom d'Ejemplo que le
texte espagnol donne à chacun d'eux. Trente-cinq exemples peuvent être
classés parmi les fabliaux, anecdotes ou légendes; quinze rentrent directe-
ment dans le genre de l'apologue. Dix de cette dernière catégorie ont une
origine indienne facile à constater. D. Juan Manuel a rencontré Ésope et
Phèdre dans trois autres, mais probablement d'nprès des paraphrases ara-
bes de ces fabulistes. Parmi les contes, il y en a trois qui ont la France
pour théâtre, ou des Français pour acteurs. Voici leurs titres : « De ce qui
advint au comte de Provence, et comment il fut délivré de captivité par le
conseil que Saladin lui donna (n" 25). — Du jugement que rendit un car-
dinal dans un procès entre le clergé et les frères mineurs de Paris (n° 31).
— Pourquoi un sénéchal de Carcassonne perdit son âme (n" 40). »
M. dePuibusque est à la fois un littérateur et un savant. Il n'ignore au-
cun des procédés de la critique. Son Histoire comparée des littératures
espagnole et française a donné la preuve de son érudition et de son bon
goût. Les mêmes qualités recommandent sa traduction du Comte Lucanor.
Ce livre, d'une lecture agréable par l'élégance avec laquelle a été rendu le
style simple et mâle de Don Juan Manuel, est encore une source des plus
utiles renseignements pour l'histoire de l'apologue. Indépendamment d'un
traité complet sur ce que l'Espagne a fourni en ce genre , on y trouve, à la
suite de chaque exemj)le, un commentaire particulier sur les diverses for-
mes que le même sujet a reçues dans d'autres langues.
N'oublions pas de dire que M. de Puibusque, laissant de côté les édi-
tions, toutes vicieuses et incomplètes, a pris pour base de son travail les
manuscrits de Madrid : attention consciencieuse dont il a été récompensé
par la découverte d'un chapitre qui avait échappé à Argote de Molina,
J. Q.
Andbé Boulle, ébéniste de Louis XI F. Alençon, 1854, in-S» de
13 pag., extrait du Journal d' Alençon et tiré à 25 exemplaires, par
M. Charles Asselineau. — Jean de Schelandbe, par le même. Paris,
1854, in-S" de 30 pag., extrait de l'Athenœum français et tiré à 100 exem-
plaires.
Ces deux brochures se rapportent à des sujets différents ; mais, comme
elles sont l'œuvre du même auteur, on nous permettra de les réunir dans
une notice commune. La première est plutôt une note qu'un travail. On
sait l'art particulier de Boulle, dont le nom est passé dans la langue, à
l'état de substantif technique, pour signifier l'incrustation, sur un fond
d'écaillé, de dessins de cuivre découpé et gravé, tandis que l'incrustation
de dessins d'écaille sur un fond de cuivre , qu'on se mit à faire ensuite en
renversant la donnée du premier inventeur, est désignée sous le nom de
contre-bouUe. M. Asselineau a réuni les quelques renseignements que l'on
possède sur cet habile artiste. Malheureusement, ils sont peu nombreux et
l)ien courts. L'abbé de Fontenay , dans son Dictionnaire des artistes
Il {Qunlrihne série.) q
82
(I, 236), ne fait que copier le Diclionnaire de IVoland le Virloys (I, 23r>) ;
et Lempereur, dans son Dictionnaire manuscrit des artistes^ compilation
assez insignifiante conservée au cabinet des estampes de la Bibliothèque
impériale, ne fait (I, 148) que reproduire l'excellente note de Mariette,
qui , d'abord publiée dans le Cabinet de l'amateur et de l'antiquaire, se
retrouve à sa place alphabétique (I, 166) dans la publication, encore inache-
vée, de son Abecedario ; quand celle-ci sera terminée, on y trouvera, non
pas de nouveaux renseignements sur l'homme, mais d'autres détails sur sa
merveilleuse collection de dessins et d'objets d'art, que Mariette connaissait
bien, dont il déplore tant la perte, et qu'il cite très-souvent. A ces rensei-
gnements, ]M. Depping a ajouté, dans la Correspondance administrative
(II, 843) , faisant partie des Documents inédits^ une lettre de Pontchartrain
à Mansart, datée du 29 août 1704, et relative aux contraintes que les
créanciers du malheureux artiste voulaient exercer contre lui jusque dans
l'enceinte privilégiée des galeries du Louvre. De cette lettre, M. Asselineau
a tiré la conclusion inexacte que c'était précisément pour le protéger de ces
poursuites que le roi lui avait donné cet asile. M. de Chennevières a publié,
dans les Archives de l'art français (I, 222-4), les brevets de deux loge-
ments accordés à Boulle , et les dates sont trop antérieures à cette lettre
de 1704, pour qu'il y ait entre les deux faits le moindre rapport. Le pre-
mier, daté du 20 rnai 1672, et donné par la reine Marie-Thérèse à Saint-
Germain, accorde au sieur André-Charles Boulle, ébéniste, faiseur de
marqueterie, doreur et ciseleur, le logement occupé par Macé, c'est-à-dire
Jean Macé, habile ébéniste, natif de Blois. Le second , daté du 29 octobre
1679 , et donné par le roi , lui accorde le logement laissé vacant par la
mort de Petit, et ce n'est pas un changement; car la phrase : « Voullant que
ledit Boulle en jouisse conjointement avec celui qui lui a été accordé par
brevet du 28 may 1672, » prouve bien qu'il ne quittait pas le premier. La
faveur et les occupations de Boulle avaient grandi dans l'intervalle, et c'est
afin de lui donner plus de place pour ses travaux que Louis XIV lui ac-
corda, chose rare, le don de deux des logements du Louvre; aussi les
chefs-d'œuvre que l'artiste fit pour Louis XIV ont-ils été très-nombreux.
Et son travail ne se bornait pas à des meubles; on connaît, par exemple,
le fameux cabinet de marqueterie de l'appartement du grand Dauphin, sur
lequel on peut conférer les Mémoires de Dangeau (I, 27).
A un endroit, M. Asselineau suppose, quoique avec doute, d'après le
titre de graveur qui est donné à Boulle, qu'il ne serait pas impossible de
retrouver des épreuves de planches qu'il aurait gravées. Le mot ne me pa-
raît pas impliquer ce sens ; il doit s'appliquer seulement au travail de gra-
vure en creux que Boulle employait sur les incrustations de métal dont il
décorait ses ouvrages. Puisque j'en suis sur les titres donnés à Boulle, je
ferai remarquer que Roland le Virloys, sans doute d'après une pièce au-
thentique, lui donne, avec les titres de sculpteur en mosaïque et d'artiste
ébéniste, ceux d'architecte, de peintre, d'inventeur de chiffres et de gra-
veur ordinaire des sceaux royaux. On sait aussi par Piganiol {Descr. de
Versailles, éd. de 1751 , II, 311) les dates exactes de sa naissance et de sa
mort : il naquit à Paris le lO novembre 1G42, et mourut le 29 février 1732.
Mais en somme, et malheureusement, ce qu'on a sur Boulie ne suffit pas
encore pour constituer les éléments d'une biographie ni d'une notice de ses
ouvrages. Ces éléments existent bien, mais il faudrait les rechercher dans
les comptes des bâtiments du roi, conservés au* Archives, cette mine iné-
puisable où se trouve réellement l'histoire entière de tous les arts sous
Louis XIV , et qu'il faudra bien un jour ou l'autre se mettre à publier, si
l'on ne veut rester volontairement dans l'ignorance, et se priver, de gaieté
de cœur , de tant de documents nouveaux sur des hommes et sur des tra-
vaux, que l'histoire des arts dans notre pays et le soin pieux de leur gloire
nous commandent de connaître.
La notice sur le poète Jean de Schelandre est nécessairement plus com-
plète, et se fait lire avec intérêt. La partie biographique est tirée de
["Histoire des poètes français , de CoUetet , où l'on a déjà tant et si habi-
lement puisé, notamment M. Sainte-Beuve, dans son Tableau de la poésie
au seizième siècle , qui est encore inédite , et qui , si excellents et si abon-
dants qu'aient été les emplois qu'il en a faits , mériterait d'être imprimée
elle-même, pour donner une bonne fois et complètement tout ce qu'elle
peut contenir de renseignements. Jean de Schelandre, seigneur de Sau-
mazènes, et flis de Schelandre, gouverneur de Jamet, qui attaqua Verdun
en 1587, est né en 1585 dans le Verdunois, et mourut en 1635. Calviniste
comme d'Aubigné , il a aussi avec lui ce point de ressemblance, qu'écrivant
au dix-septième siècle, et quand Malherbe était déjà venu, il a conservé
toute la forme du seizième. M. Asselineau analyse d'abord ce que dit CoUe-
tet de la vie et de quelques œuvres de cet auteur que M. Asselineau n'a pas
rencontrées , et à ces renseignements de CoUetet, il faut ajouter le fait d'un
voyage en Angleterre^ indiqué dans la Nouvelle Biographie générale de
MM. Didot (II, col. 603), à l'article Daniel des Anchères, anagramme sous
lequel Jean de Schelandre a publié quelques-uns de ses ouvrages. On y
voit que la première édition de la pièce de Tyr et Sidon, publiée en 1608 ,
fut dédiée à Jacques I" par l'auteur, qui annonçait dans sa préface l'in-
tention d'aller en Angleterre solliciter le patronage du roi. « Ce dessein »
continue l'auteur de l'article, «fut exécuté dès l'année suivante, à en
«juger par les trois premiers de sept tableaux de pénitence. Paris, 1609,
« in-4°. L'exemplaire qu'Anchères présenta au roi se conserve actuellement
« au Musée britannique ; la page du titre n'est pas imprimée, mais écrite à
« la main avec des lettres d'or sur vélin , et on remarque au bas les iui-
« tiales I. R. (lacobus Rex), » On comprend mieux par là la raison d'être
de son poëme de la Stuartide, publié en 1611. Il est en même temps pro-
bable que les trois premiers tableaux de pénitence , publiés en 1609, se
retrouvent dans les sept excellents tableaux de ia pénitence de saint
Pierre, que, d'après CoUetet, M. Asselineau indique comme publiés à
6.
84
Sedan en 1636, un an après la mort de Schelandre. Après cette sorte d'in-
troduction, M. Asselineau en vient à ce qui est la plus personnelle et la
meilleure partie de son étude, à l'analyse de la pièce de Tyr et Sidon, qui
est une seconde édition des Funestes amours de Belcar et de Meliane ,
publiés en 1608, si l'on peut prendre pour une seconde édition une œuvre
dans laquelle une première tragédie est arrivée à se transforn)er en deux
tragédies. Nous ne pouvons suivre ici l'auteur, parce que nous n'aurions
à faire que l'analyse d'une analyse ; il nous suffira de dire que la sienne
est laite avec talent et relevée par des citations bien choisies. Cependant,
malgré de la force et une certaine originalité dans le style, Schelandre ne
restera connu que des curieux; mais, dans un choix de poésies de son époque,
quelques extraits donneraient de lui une idée plus grande qu'on ne le croi-
rait en voyant l'oubli où son nom est demeuré. M, Asselineau cite notam-
ment deux sonnets vraiment excellents, et, en fait d'art, l'importance ma-
térielle des choses n'est rien , en comparaison de leur qualité : un bijou
inventé avec bonheur et un vase de terre d'une forme exquise, peuvent être
supérieurs à un grand édifice de mauvais goût. A. de M.
LIVRES NOUVEAUX.
Juillet — Août 1854.
t. Patrologiaî cursus complelus, sive Bibliotheca universalis, etc. Séries
secunda. Accurante J. P. Migne. T. CXXVII - CXXIX.
Anasiasius bibliotliecarius, Steplianus V, Formosus, Stephaniis VI, Erchembertus
Angilbertus, S Tiitilo , Grimiaiciis, Wolfardus, Anamodus. 3 vol. in-S", ensemble de
132 feuilles. Prix des 3 vol. : 21 fr.
Tomus CXXX, Isidorus Mercator, Marcus Valerius Probus. Tomus unicus. In-8<» de
39 feuilles 1/4. Prix : 7 fr.
Tomns CXXXII. Régine Pnimiensis, Hucbaldus Elnonensis|; JoannesX, Léo VI,
Stephanus VII , Léo VIT, Stepbaniis VIII; S. Radbodus Trajectensis, Waidrammns
Argentinensis, Salmo Constantiensis, Stephanus Leodiensis , Walteriiis Senonensis,
Dado Virdunensis, episc; Hervœus Rhemensis, Agio Narbonensis, Seulfus Rbemensis,
archiep.; Odilo monacbus S. Medardi Snessionensis, Radbodus Dolensis, AbboSan-
germanensis, Cyprianus Cordiibensis. Tomus unicus. In-8° de 35 feuilles 1/4 — 7 h-.
Tomus CXXXIII. S. Odo Cluniacensis ; MarinusII, Agapetusll, JoannesXII; S. Odo,
episcopus Cantuariensis, Rorico Lauduncnsis; Artlialdus, Odalricus, Rhem. archiep.;
Cappidus Straviensis ; Cosmas Japygiis Materiensis, Joanues Italus, Laurentius Cas-
sin.; Sigeliardus, monach. S. Maximini; Fridegodiis, Bened. monach. Tomus unicus.
In-S" de 32 feuilles 1/4. — 7 fr.
Tomus CXXXIV. Atto , Vercellensis episcopus ; Léo VIII ; Bruno Coloniensis, Wi-
boldus, Cameracensis , archiep.; Utho, Argentinensis episc; Adalgerus , episc. incerla».
sedis ; Guillelmus, Cabilonensis monach. Tomus unicus. In-8° de 32 feuilles. — 7 fr.
Tomus CXXXV. Flodoardus, canonicus Remensis; Joannes XIH et Benedictus VI,
sancta Mathildis, Gumpoldus Mantuanus, Eraclius Leodiensis, Udalricus Augustaniis,
«pisc.opi. Tomus unicus. ln-8" de 34 feuilles 3/4. — 7 fr.
Tounis CXXXVI. Ratiierius.Veron. episc; Liutprandus Creraonensis; Foiqninus,
85
s. Bel Uni monacli.; Gunzo, diac. Novar.; Ricliardus, abbas Floriacensis ; Adalberl»i«,
Mctensis schol. Tomus uiiiciis. In-S" de 42 feuilles 1/4. — 7 l'r.
Tomiis CXXXVll. Hrolsuitliae moniaiis Gandersheimensià opéra omnia. Bene-
dicti VII, Joannis XIV, Gregorii V epistolœ et conslitutiones. Tomus unicus. In-8° de
38 feuilles 1/4. — 7 fr.
Tomus CXXXVIII. Ricberu8,S. Remigii monachus; auctores incerli anni ; monu-
inenta diplomatica; monumenta liturgica; monnmentu monaâtica. Tomus unicus.
In-8" de 42 feuilles 1/4 — 7 fr.
Tomus CXXXIX. Silvester II , Joannes XVIII, Sergius IV, Benediclus VIII ; Arnulfus
Hem., OElfricus Cantuar. aicliiep.; Thielmarus Merseburg, Notgerns Leod.,Henri-
cus Parm. , Bruno Lingon., Arnoldus Halberst., ejiiscopi; S. Abbo Floriac, Alber-
tus Miciac , Herigerus Lob., Constanliaus S. Sympb., Gospertus OErgen., abbales;
Aimoinus Floriac, Tielpaldus Tegern., Benediclus S. Andr., Piircbardus Aug. Div.,
Rorico Moissiac. , Joannes Diac. Venet., Bridfertus Rames., monacbi. Tomus uni-
cus. In-s^de 52 feuilles. — 7 fr.
Tomus CXL. S. Henricus, imperator; Tbangmariis, presbyter Hildesbeimensis ; Al-
pertus, monaclius S. Symphoriani Metensis; Burcliardus , Vormatiensis episcopus;
Adelboldus, Trajectensis episcopus; sancfus Romualdus, ordinis Camaldulensis insti-
lutor. Tomus unicus. In-S" de 35 feuilles 1/2. — 7 fr.
Tomus CXLI. Ademarus S. Cibardi nionacbus, Bernardus Andegavensis, S. Fulbei-
lus Carnotensis episcopus, etc. Tomus nnicus. In-S" de 36 feuilles 3/4. — 7 fr.
Tomus CXLII. S. Bruno Herbipolensis episcopus, S. Odilo abbas Cluniacensis, Berno
abbas Augiensis, Gregorius VI, Clemens II, romani pontifices ; Rodulfus Glaber, Wippo
presbyter, etc. Tomus unions. 45 feuilles 3/4. — 7 fr.
Tomus CXLIII. Hermaniius Conlractus monacbus Augiae Divitis, Humbertus S. R. F.
cardinalis, S. Lco IX, Victor II, Steptianus IX, Nicolaus II, RR. PP.; Stepbaniis car-
dinalis, B Maurilius Rolliomageusis, Gervasius Remensis, Raimbaldus Arelatensis,
Leodegarius Viennensis, S. Anno Coloniensis, arcbiepiscopi , etc. Tomus unicus. 50
feuilles 1/4. — 7 fr.
Tomi CXLIV, CXLV. S. Peiri Damiani. 2 vol., ensemble de 71 feuilles 1/2. — 14 fr.
Tomus CXLVI. Otlilo monacbus S. Emmerammi, Adamus canonicus Bremensis, S.
Joannes Gualbertus abbas Vallumbrosanus, Gundecbarus Eicbstettensis episcopus, etc.
Tomus unicus. 44 feuilles 3/4. — 7 fr.
Tomus CXLVIII. Sancti Gregorii VII epistol% et diplomata pontificia. Tomus unicus.
4 feuilles. — 7 fr.
Tomus CXLIX. Victor HT, rom. pont., S. Anselmus Lucensis, Wuilleimus primus
Anglorum rex, Guitmundus arcbiepiscopus Aversanus, S. Anastasius monacbus et ere-
niita, etc. Tomns nnicus. 49 feuilles 1/4, — 7 fr.
Tomus CL. B. Lanfrancus Cantuar., Raynaldus Rem., arcbiepiscopi; Deusdedit S.
R. E. card. , Gerardus II Camerac, Herimannus Met. , Bonizo Placent., Durandus
daromont., Bernardus Lutev., Radbodus II Tornac. et Noviom., Agano Augustodun. ,
Rufmus incertœ sedis, episcopi, etc. 52 feuilles 3/4. — 7 fr.
Impr. de Migne, au Pelit-Montrouge. — A Paris, aux ateliers catholiques , barrière
d'Enfer.
2. Le droit du seigneur au moyen Age, par L. Veuillot. Paris, Vives. In- 18
de 13 f. 7/9 (3fr. 50 c.).
3. Clément XIII et Clément XIV, par le P. de.Ravigoan. Au Mau.s ,
chez Julien , Lanier ; à Paris, même maison, ln-8" de 30 f. 1/4 (6fr.)-
86
Il paraîtra un volume supplémentaire contenant les documents historiques et cri-
tiques.
4. The Bible. — La Bible au moyen âge , avec des remarques sur les
bibliothèques, les écoles et l'état social et religieux de l'Europe au moyen
âge, par Leicester A. Buckingham. Londres. In-S" de 306 p. (8fr.).
5. Lateinische Hymnen. — Hymnes latines du moyen âge, publiées d'a-
près les missels et expliquées par le docteur Mone, t. L Fribourg. Herder.
gr. in-8°de 479 p. (7fr.).
6. Die Sagen von Merlin. — Les traditions sur Merlin, avec des poésies
galloises, bretonnes, écossaises, italiennes et latines de et sur lui. Pub!,
par San-Marte(A. Schulz). Halle (1853). Gr. in-8° de 357 p. (7 fr. 25 c.).
7. Die Sage. — La tradition de sainte Ursule et des onze mille vierges,
par Osk. Schade. Hanovre, Rùmpler. Gr. in-S» de 132 p. (3 fr.).
8. Waltharius, poëma S. X , ex éd. Provan, repetendum curavit Neige-
baur. Monachii , Franz. (1853). Gr. in-8'' de 48 p. (1 fr. 35 c).
9. De pecuniis publicis. Quomodo apud Romanos quarto postChristum
sseculo ordinarentur. Breviter disseruit F. Levasseur. Paris, Franck , rue
Richelieu, 67. In-8° de 6 f.
10. Du traité de Salvien sur le gouvernement de Dieu. Thèse, par An-
toine Flobert. Colmar, irapr. de madame veuve Decker. In-8° de 2 f.
11. Description de cinq monnaies franques inédites, trouvées dans le ci-
metière mérovingien d'Envermeu , précédées de considérations historiques
sur les systèmes monétaires en usage chez les Franks aux cinquième et
sixième siècles, par E. Thomas. Dieppe, impr. de Delevoye. In-S" de 3 f. 1/4,
pins une pi.
12. Vie de saint Grégoire, évêque de Tours, par l'abbé A. Dupuy. Pa-
ris, Louis Vives. ln-8° de 38 f. 1/4 (5 fr.).
13. Flodoardi historia Remensis ecclesiae. — Histoire de l'église de
Reims, par Flodoard, publiée par l'Académie impériale de Reims, et tra-
duite avec le concours de l'Académie, par M. Lejeune. Reims, Régnier,
2 vol. in-80, ensemble de 66 fr.
OEuvres de Flodoard. Tomes I et II. C'est pour la première fois que l'Histoire de
l'église de Reims, comme la Chronique de Flodoard, est publiée en français, con-
jointement avec le texte. La Chronique, texte latin, avec une traduction nouvelle,
par feu M. l'abbé de Bandeville, formera nn volume in-S". Elle sera suivie de la Chro-
nique de Richer, complétant et continuant celle de Flodoard. Un vol. in-8°.
14. Die Biographien. — Les biographies des troubadours en langue pro-
vençale, publiées par le docteur Mahn. Berlin , Dùramler (1853). In-8° de
62 p. (2 fr.).
15. Altfranzoesische Lieder. — Poésies en vieux français, publiées et
commentées par Ed. Maetzner, avec glossaire. Berlin, Dùmmler (1853).
Gr. in-8" de §02 p. (10 fr.).
87
16. Essai sur la fondation de l'école de Saint-Victor de Paris, par l'abbé
Hugonin. Paris, Eug. Belin. In-S"* de 12 feuilles.
17. Notice biographique et littéraire sur les deux Poréc, par M. Al-
leaume, ancien élève de l'École des chartes, etc. Caen, Hardel. In-8"> de G f.
Ouvrage couronné par l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen,
séance du 24 novembre 1853. Extrait des Mémoires de l'Académie.
18. Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789,
par M. Henri Martin. Nouvelle édition, t. XIX. Paris, Fume. In-S^de^SS f.
1/4, plus une carte (5 fr).
Ouvrage terminé.
19. Le cabinet historique, revue trimestrielle, contenant, avec un texte
et des pièces inédites, intéressantes et peu connues, le catalogue général
des manuscrits que renferment les bibliothèques publiques de Paris et des
départements touchant l'histoire de l'ancienne France et de ses diverses lo-
calités, sous la direction de Louis Paris. F* livraison. Août 1854. Paris,
rue d'Angoulême-Saint-Honoré, 25. In-8" de 8f. Prix annuel pour Paris
et les départements : 12 fr.
Le Cabinet historique paraîtra tous les trois mois, par caliiers de 8 feuilles ou 128
pages (3 feuilles de texte historique et 5 feuilles de catalogue, contenant rindicatic>\
de 800 manuscrits environ).
20. Histoire de la conquête de la Normandie, par Philippe-Auguste, en
1204, par A. Poignant. Paris, Sagnier et Bray. In-S" de 15 f. 1/2, plus
une vignette (tiré à 300 exemplaires).
21. Vie de Jeanne d'Arc; par Abel Desjardins. Paris, F. Didot frères.
In-18 de II f.
22 Journal d'un bourgeois de Paris sous le règne de François I" (1515-
1556), publié pour la Société de l'histoire de France, d'après ini manus-
crit inédit de la Bibliothèque impériale, par Ludovic Lalanne. Paris, Jules-
Renouard. In-8« de 32 f. 3/4 (9 fr.).
23. Mémoires de Théodore Agrippa d'Aubigné, publiés pour la pre-
mière fois d'après le manuscrit de la bibliothèque du Louvre, suivis de frag-
ments de l'Histoire universelle de d'Aubigné et de pièces inédites, par
M. Ludovic Lalanne. Paris, Charpentier. In-18 de 13 f. 5/9 (3 fr. 50 c.)
L'auteur se propose de compléter les OEuvres de d'Aubigné par la publication de
trois autres volumes, qui comprendront ses ouvrages principaux, savoir : la Confes-
sion de Sancij, le baron de Fœnesle, et le pocme satirique intitulé : les Tragiques,
ouvrages depuis longtemps rares ou introuvables.
24. Hôtel de Ville de Paris, mesuré et dessiné par Victor Caillât, avec
une histoire de ce monument et des recherches sur le gouvernement mu-
nicipal de Paris, par Leroux de IJncy, T"" et 2" partie. Liège, Noblet,
éditeur. In-fol. de 1 f. servant de titre, et 14 pi.
25. Précis historique et archéologique sur Vie sur-Aisne, suividu poëine
88
de sainte Léochade par Gaultier de Coinsi , par l'abbé Poquet. Paris, Vic-
tor Didron. In-S" de 4 f. 3/4.
26. Les fortifications de Soissons aux différentes époques de son histoire,
soixante-six ans avant .Tésus-Chrisi, 1850, par Jules Leclercq de La-
prairie. Laon, inipr. de Fleury. In-8° de 3 f.
27. Notice historique sur Neuville-en-Laonnais, par M. Melleville. Paris,
Dumoulin. In-8° de l f. 3/4.
28. Extraits originaux d'un manuscrit de Quentin de la Fons, intitulé :
Histoire particulière de l'église de Saint-Quentin, publiés pour la première
fois par Charles Gomart, t. L Paris, Dumoulin. In-8» de 33 f., plus 4 pi.
et fac-similé (10 fr.).
29. Les abbés de Scint-Bertin, d'après les anciens monuments de ce
monastère, par M. Henri de Laplaue. Saint-Omer, inipr. de Chauvin fils.
In-S" de 27 f. 1/2.
Publication de la Société des antiquaires de la Morinie • F« partie, 648-1450,
comprenant radministration de 63 abbés, pendant nne période de 798 ans. La 2* par-
tie embrassera un espace de 341 ans. Elle comprendra le gouvernement des 20 der-
niers abbés, 1460 à 1791.
30. Spécimens des antiquités architecturales de la Normandie, par Au-
guste Pugiu, architecte archéologue. Le texte historique et descriptif,
par John Britton; traduit par L. Delobel, lieutenant-colonel d'artillerie.
Liège, Noblet ; Paris, Borrani et Droz. In-4<' de 3/4 de f.,'plus 20 pi. (2 fr.).
L'ouvrage se composera de 80 plancbes avec texte. Il sera divisé en 20 livraisons
de 4 plancbes cliactme, accompagnée d'une notice. Prix de la livraison : 2 fr.
31. Essai d'une bibliothèque historique de l'Angoumois , par J. F. Eu-
sèbe Castaigne. Angouléme, impr. de Lafraise (1847). In-8'' de 6f. 1/4.
32. Les souvenirs historiques du château d'Angoulême, parChancel.
Angouléme, impr. de Grobot. In-8° de 9 f. 1/2, plus une pi.
33. Monographie de l'insigne basilique de Saint-Saturnin, puhliée sous
les auspices de la Société impériale d'archéologie du midi de la France
Paris, Victor Didron. In-16 de 10 f., plus une pi.
34. Ariége, Andorre et Catalogne. Guide historique, pittoresque et des-
criptif aux bains d'LTssat et d'Aix, contenant l'histoire de l'ancien pays de
Foix et de ses comtes jusqu'à Henri IV, et l'histoire de la vallée d'Andore
jusqu'à nos jours, parL. Boucoiran. Paris, Giraud. In-8'' de 13 f., plus 20
dessins imprimés à deux teintes (7 fr. 50 c.).
35. Description du musée lapidaire de la ville de Lyon. Épigraphie an-
tique du département du Rhône, par le docteur A. Comarmond. Lyon,
Dumoulin (1846-1854). Gr. in^" de 64 f., plus 19 pi.
36. Histoire de Saint-Étienne et de ses environs, avecl 2 planches litho-
graphiées , par Eugène Bonnefous. Livraisons 4 à la (in. Paris, Dentu.
In-S" de 26 f. 1/4, plus 10 lithogr.
Ouvrage terminé.
80
37. Esquisse historique sur la viJîe de Craponne, par M. l'abbé Ad. Mai-
trias. Craponne, Savinel. In-8" de 11 f. 3/4.
38. Monograpliie de la cathédrale de INevers, suivie de l'histoire desévê-
(jues de Nevers, par M. l'ahbé Crosnier, etc. JSevers, l\Iorel. Gr. in-S» de
27 f. 1/4, plus 7 pi.
39. Notice historique et statistique sur la ville de Dole, par A. Rousset.
Besançon, Bintot. In-S» de 18 f. 3/4.
40. Esquisses historiques de l'ancien comté de Ferrctte, dans la haute
Alsace, par Charles Gontzwiller (1853). Colmar, impr. de madame veuve
Decker. In -8" de 5 f. 1/4.
41. Les ducs de Lorraine, 1048-1737. Costumes et notices historiques.
Le tout recueilli, dessiné, décrit et gravé sur cuivre, d'après les sceaux, les
monnaies, les tombeaux de ces priuces , les vitraux, les peintures murales
ou autres, les manuscrits et les documents authentiques, par Jean Cayon.
Nancy, Cayon-Liébault, éditeur. In-4« de 9f. 1/2, plus 35 pi. (20 fr.).
42. Histoire de la ville de Chalons-sur-Marne et de ses monuments, de-
puis son origine jusqu'à l'époque actuelle (1854), par L. Barbât, l"^* livrai-
son. Paris, Didron. In-4'' de 3 f., plus un pian et 3 lith.
L'ouvrage formera 20 livraisons. Le prix de cliaque (texte et pi.) est fixé à 2 fr.
43. Histoire de la ville de Châlons-sur-Marne et de ses institutions , de-
puis son origine jusqu'en 1789, par M. Edouard de Barthélémy. Châlons,
Laurent, in-8"' de 23 f., plus un plan (6fr.).
44. Histoire de Charleville , par Jean Hubert, etc. Paris, Dumoulin.
In-12del3f. 1/3 (3 fr.), plus 2 pi.
45. Altdeutsches Namenbuch. — Dictionnaire des noms propres en
allemand, par le docteur Foerstemann, t. I. Noms de personnes, 1" livrais.
A— Athan. Nordhausen, Foerstemann. 159 p. jn-4''(4fr.).
46. Ludwigs des Froinmen. — Le voyage de fiançailles de Louis le
Pieux, landgrave de Thùringe, poëme héroïque de la fin du douzième siècle,
relatif au siège de Saint- Jean d'Acre, publié, d'après le manuscrit unique,
par Fr. von der Hagen. Leipzig, Brokhaus. 340 p. gr. in-S" (10 fr. 65 c).
47. Beitrâge sur Geschichte. — Publications relatives à l'histoire de la
langue et littérature allemandes au moyen âge, par le docteur Pfeiffer, t. l.
La chronique des chevaliers teutons, par Nicolas de Jeroschin. Stuttgart,
Rôhler. 388 p. gr. in-8<> (13 fr. 35 c).
48. Seb Brant's Narrenschiff . — La nef des fous de Séb. Brant , publiée
par Fr. Zarncke. Leipzig, AVigand. cxliii, et 495 p. gr. iu-8° (26 fr. 25 c.).
49. aiurners Llenspiegel. — L'espiègle (Tyil Eulenspiegel) de ïh. Mur-
ner, publié par Lapi<enberg. Leipzig, Weigel. 484 p. avec grav. gr. in-S"
(16 fr.).
50. llandhiich. — ^hin'iel de l'art ecclésiastique du moyen âge aile-
90
mand, par H. Otte. 3"^ édition. Leipzig, Weigel, 382 p. gr. in-8", avec 13
grav. sur acier et 362 sur bois (16 fr.).
51. Urkundensammiung.— Collection de diplômes relatifs à riiistoirede
la famille de Maltzan, par Lisch, t. IV et V (1476-1554). Schwerin (1852-
1853). XXI et 928 p., avec pi. gr. in-S**.
L'ouvrage complet : 44 fr.
52. Histoire du Limbourg, suivie de celle des comtés de Daelbem et de
Fauquemont, des annales de l'abbaye de Rolduc, par M. S. P. Ernst, curé
d'Aden, etc., publiée avec notes et appendices , et précédée de la vie de
l'auteur, par Ed. Lavalleye, t. VII et VIII. Liège, 1853 (13 fr.).
L'ouvrage complet : .50 fr.
53. Horae belgicœ, éd. Hoffmann Fallersiebensis. Pars IX et X.
Hannov. Rùmpler. Gr. in-8'' (8 fr.).
54. Fondation de la république des Provinces-Unies. Marnix de Sainte-
Aldegonde, par Edgard Quinet. Paris, Delahaye. In-18, format anglais, de
7 f. 4/9 (2 fr.).
55. Romance of. — Romance de Jean et de Blonde. d'Oxford, par Ph.
de Reims, poëte anglo-normand du douzième siècle, publiée d'après le ma-
nuscrit unique par Leroux de Lincy. Londres (1853). Gr. in-8o.
56. The nursery rhymes. — Les chants de nourrice de l'Angleterre, re-
cueillis principalement dans les traditions orales. Publiés par Halliwell.
Londres, 333 p. in-S" (5fr.).
57. Ein Beitrag. — Essai sur l'histoire du roi Henri II d'Angleterre et
sur la vie qu'on menait à sa cour, par G. Phillips. Vienne, Braumiiller,
(1853). 84 p. gr. in-8° (2 fr.).
Extrait des comptes rendus de l'Académie impériale des sciences, J853.
58. Albanesische Studien. — Études albanaises, par J. G. de Hahn, avec
carte. 3 parties. léna, Mauxe. 365, 169, 241 p. gr. in-8°.
59. Dante et les origines de la langue et de la littérature italiennes.
Cours fait à la Faculté des lettres de Paris, par M. Fauriel. Paris, Durand.
2 vol. in-8", ensemble de 95 f. 3/4 (14 fr.).
60. Jérôme Savonarole, sa vie, ses prédications, ses écrits, d'après
les documents originaux et avec des pièces justificatives en grande partie
inédites; par F. T. Perrens. Paris, Hachette, 1853. — 2 vol. in-S" de
68 f. 1/4 (15 fr.).
61. Histoire du royaume des DeuxSiciles , abrégée par i\l. E. de ïre-
gain. Paris, Amyot.— In-8° de 38 f. 1/2 (6fr.).
62. Charles-Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère
de Yuste, par M.Mignet. Paris, Paulin. In-S^de 30 f. 1/4.
63. Ilistoria gênerai. — Histoire générale des Itides; par Gon/. Forn.
de Oviedoy Valdès, premier chroniqueur du nouveau monde. Publiée par
.1. A. de los Rios. T. 1 et II. Madrid, 1852. — cxii et 632 p., vu et
511 p. iu-4'' avec cartes.
î)l
CHRONIQUE.
Août — Septembre 1854.
Nous publions le texte de deux décrets qui prouvent tout l'intérêt que
Son Exe. le ministre de l'instruction publique veut bien porter à notre ins-
titution. Le premier reconnaît notre Société comme établissement d'utilité
publique. Le second accorde à MM. les répétiteurs de l'École un titre qui
répond mieux à leurs fonctions, celui de professeurs adjoints.
« NAPOLÉON , par la grâce de Dieu et la volonté nationale , empereur
des Français ,
A tous présents et à venir, salut.
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de
l'instruction publique et des cultes;
Vu la demande formée par la Société de l'École des Chartes , à l'effet
d'être reconnue comme établissement d'utilité publique;
Notre conseil d'État entendu ;
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
ABT. I.
La Société de l'École des Chartes est reconnue comme établissement d'u-
tilité publique.
Ses statuts , joints au présent décret , sont approuvés.
ART. 2.
Notre ministre secrétaire d'État au département de l'instruction publi-
que et des cultes est chargé de l'exécution du présent décret.
Fait au palais des Tuileries le 29 août 1854.
Signé NAPOLÉON,
Par l'Empereur :
Le ministre secrétaire d'Etat au département de l'instruction
publique et des cultes ,
H. FORTOUL.
Pour amplialion , pour le chef du secrétariat ,
P. COLLIN.
92
SÏATLTS
DE LA SOCIÉTÉ DE l'ÉCOLE DES CHAUTES.
SFXÏION I.
But de la Société.
AET. 1.
La Société de l'École des Chartes a pour but de créer entre les anciens
élèves de cette École une confraternité studieuse et de réunir leurs efforts
pour la publication de mémoires et documents relatifs principalement à
l'histoire de France au moyen âge.
SECTION II.
Composition de la Société.
ART. 2.
Peuvent seuls être membres de la Société :
1° Les archivistes paléographes;
2" Les anciens élèves pensionnaires ou boursiers de l'École des Chartes.
AItT. 3.
Pour entrer dans la Société , il faut :
lo Avoir fait recevoir un article destiné à être inséré dans son recueil ;
2" Être présenté par deux membres.
ART. 4.
L'admission ne peut avoir lieu qu'aux deux tiers des voix des niembres
présents, et si le candidat a obtenu au moins douze voix.
ART. 5.
Les membres nouvellement admis n'ont voix délibérative dans les séan-
ces de la Société qu'un an après leur élection.
SECTION III.
Travaux et administration de la Société.
ART. 6.
La Société publie un recueil spécialement destiné aux travaux de ses
membres, et intitulé: Bibliothèque de l'École des Charles.
ART. 7.
Elle se réunit à des époques (ixcs qu'elle détermine.
93
A UT. 8.
Elle est administrée par un Conseil qu'elle nomme, et qui se compose :
1" Du bureau;
2» De la Commission de publication ;
3" De la Commisi-ion de comptabilité;
4" De l'Arcbiviste-trésorier.
ART. 9.
Les membres du Conseil sont élus pour une année. Ils sont rééligibies.
ART. 10.
Le bureau de la Société se compose du Président , du vice-Président et
du Secrétaire.
ART. 1t.
Le Président dirige la Société et la représente; il convoque, quand il le
juge nécessaire , et préside la Société , le Conseil et les Commissions.
En cas de partage , sa voix est prépondérante.
ART. t2.
Le Secrétaire fait les convocations, rédige les procès-verbaux des séan-
ces ; il est chargé de la correspondance.
ART. 13.
La composition et la direction littéraire du recueil appartiennent exclu-
sivement à la Commission de publication.
ART. 14.
La Commission de comptabilité contrôle la gestion de l'Arcbiviste-tré-
sorier, autorise les dépenses ordinaires qu'occasionnent Timpression et
l'envoi du recueil , et donne son avis sur les autres dépenses qui doivent être
\otées par la Société.
Chaque année, le Président de cette Commission présente à l'approbation
de la Société les comptes arrêtés par elle.
ART. 15.
L'Arcbiviste-trésorier est le comptable delà Société et le dépositaire de
ses collections.
SECTION IV.
Dispositions générales.
ART. 16. ,
Aucune délibération , auctm vote, ne peuvent avoir lieu dans les réu-
nions de la Société si le nombre des membres présents n'est pas de dix au
moins.
94
ABT. 17.
Le siège de la Société est fixé à Paris.
ART. 18.
Aucune modification ne pourra être apportée aux présents statuts qiie
dans une Assemblée générale , convoquée spécialement.
Pour expédition conforme :
Le chef du Secrétariat ^
Charles FORTOUL.
— NAPOLÉON , par la grâce de Dieu et la volonté nationale , Empereur
des Français ,
A tous présents et à venir, salut.
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de
l'instruction publique et des cultes;
Vu l'ordonnance royale du 31 décembre 1846;
Vu l'avis du conseil de perfectionnement de l'École Impériale des
Chartes ,
Avons décrété et décrétons ce qui suit :
ART. 1.
Les Répétiteurs de l'École Impériale des Chartes porteront à l'avenir
le titre de Professeur adjoint.
Le Répétiteur général aura le titre de Professeur adjoint , auquel il
joindra celui de sous-Directeur des études.
Le Secrétaire trésorier, chargé des suppléances, prendra le titre de
Professeur suppléant.
ART. 2.
Toutes les dispositions contraires au présent décret sont et demeurent
abrogées.
ART 3.
Notre ministre secrétaire d'État au département de l'instruction publique
et des cultes est chargé de l'exécution du présent décret.
Fait à Boulogne, le 30 septembre 1854.
NAPOLÉON.
Par l'Empereur :
Le ministre secrétaire d'État au département de l'instruction
publique et des cultes ,
H. FORTOUL.
95
— Le ministre de l'instruction publique et des cultes, vu le décret du
30 septembre dernier,
Arrête :
MÎM. de Mas-Latrie, Vallet, Tardif et Bourquelot, Répétiteurs à l'É-
cole Impériale des Cbartes , sont nommés Professeurs-adjoints à ladite
École.
M. de ]\Ias-Latrie conserve en outre le titre de sous-Directeur des
études.
— M. Borel , secrétaire archiviste trésorier, répétiteur chargé des sup-
pléances, est nommé Professeur suppléant.
Fait à Paris, le 12 octobre 1854,
H. FORTOUL.
— Kotre confrère M. Paillard de Saint-Aigian , sous-préfet de Dun-
kerque (Nord), est nommé préfet du département du Cantal.
— Notre confrère M. Anatole de Barthélémy, secrétaire général de la
préfecture des Côtes-du-Nord , est nommé sous-préfet de Belfort ( Haut-
Rhin).
— Notre confrère M. Héron de Villefosse a été choisi par l'Académie
des inscriptions, pour remplir la place d'auxiliaire que la mort de M. Du-
chalais avait laissée vacante.
— Le Moniteur du 16 septembre contenait le décret suivant :
Abt. 1. Le département des estampes, cartes et plans de la Bibliothèque
impériale formera , à l'avenir, deux départements distincts :
Le département des cartes et collections géographiques ;
Le département des estampes.
Abt. 2. Sont attachés aux départements des cartes et collections géo-
graphiques :
Un conservateur;
Deux conservateurs adjoints.
Sont attachés au département des estampes :
Un conservateur;
Deux conservateurs adjoints.
Abt. 3. M. Jomard , conservateur au département des estampes, cartes
et plans, est nommé conservateur au département des cartes et collections
géographiques ;
M. de Pougerville, conservateur adjoint au département des imprimés,
est nommé conservateur adjoint au département des cartes et collections
géographiques -,
I\f. Franck, conservateur adjoint au département des estampes, cartes
90
et plans , est nommé conservateur adjoint au département des cartes et
collections géographiques.
Abt. 4. M. Duchesne, conservateur au département des estampes,
cartes et plans, est nommé conservateur au département des estampes;
MM. Duchesne-Taussin et Devéria, conservateurs adjoints au départe-
ment des estampes , caries et plans , sont nonnnés, en la même qualité, au
département des estampes.
Art. 6. INI. Reinaud, conservateur adjoint au département des manus-
crits, est nommé conservateur au même département, pour les manuscrits
orientaux.
Art. 6. M. Lavoix, employé au département des médailles, est nommé
conservateur adjoint au même département.
— Par arrêté du ministre de l'instruction publique et des cultes , en da<te
du 29 août, M. Beulé, docteur ès-lettres , ancien membre de l'École d'A-
thènes, attaché au cabinet du ministre de l'instruction publique, est
chargé du cours d'archéologie près la Bibliothèque impériale.
— Nous avons déjà parlé des mesures prises par le Conseil général du
département de l'Aube pour assurer le classement et la conservation des
archives municipales et hospitalières. Déjà, grâce au zèle de notre confrère
IM.d'Arhois de Jubainville , d'importants progrès ont été réalisés. Parmi
les résultats de la dernière inspection , nous pouvons annoncer la décou-
verte des archives de l'abbaye de Villenauxe, précédemment connue sous
Je nom d'abbaye de Nesle. Depuis plus d'un siècle , on répétait que les ar-
chives de cet établissement avaient péri dans les guerres du seizième siècle.
Quel n'a donc pas été le bonheur de M. d'Arbois , quand il a rencontré la
meilleure partie de ces archives à la mairie de Villenauxe! Elles se compo-
sent de plusieurs milliers de pièces originales, dont les plus anciennes re-
montent au douzième siècle, et d'un cartulaire transcrit au commence-
ment du quinzième, lequel, entre autres actes anciens, contient un diplôme
de l'empereur Lothaire.
CARTULAIRES FRANÇAIS
EN
ANGLETERRE.
Vers 1820, plusieurs manuscrits disparurent des archives de Maine-
et-Loire, entre autres deux cartulaires originaux, très-importants par
le grand nombre et la date reculée de leurs chartes , de même que par
les diverses provinces et localités auxquelles elles se rapportaient : le
Livre Noir de Saint-Florent , près Saumur , et la Grande Pancarte de
Fontevraud. Des recherches furent faites à différentes reprises, mais
toujours sans succès; et l'archiviste, M. Jubin-Dedouvres , fut obligé de
reconnaître qu'il y avait eu soustraction, soit par un jeune homme qu'il
employait comme garçon de bureau , soit par une personne à laquelle
de hautes recommandations avaient donné de grandes libertés dans les
archives. L'opinion générale attribuait le vol au premier. Trouvant in-
suffisante la somme allouée à son service, il aurait succombé à la ten-
tation d'augmenter son salaire par la vente de volumineux registres en
parchemin. Cependant des manuscrits aussi précieux ne pouvaient en-
trer dans une collection publique ni même privée sans qu'il fût possible
d'en suivre la trace ; la transmission des documents n'était pas encore
dissimulée par les mystères et les habiletés qu'on a employés depuis.
On en arriva donc à conclure que l'auteur du vol, pour éviter d'être
découvert, avait dû démembrer nos cartulaires et finir par les vendre
à des relieurs, dont le ciseau les a coupés pour garnir les dos et les coins
de grammaires et de catéchismes. Cette conviction était si profonde ,
que le successeur de M. Jubln, après avoir fait lui-même d'activés
recherches , crut ne pouvoir mieux signaler son entrée en fonctions
qu'en travaillant à reconstituer les deux cartulaires dont on déplorait
I. (Quatrième série.) 7
98
le perte. La considération que ces manuscrits n'existaient plus fut d'un
grand poids auprès de l'Académie des inscriptions et belles-lettres ,
lorsqu'elle attribua, en 1844, une médaille d'or aux Archives d'Anjou,
pour la reconstitution , feuillet par feuillet , du Livre Noir de Saint-
Florent.
Toutefois les manuscrits des archives d'Angers n'étaient pas dé-
truits , probablement parce qu'ils n'avaient pas été volés par le garçon
de bureau. Vendus à un libraire de Paris, ils étaient passés en Angle-
terre, et ils y avaient formé le noyau de la collection particulière la
plus riche en manuscrits qui existe de nos jours, celle de sir Thomas
Phillipp's, baronnet. En 1849, mon confrère M. André Salmon profita de
la noble et gracieuse hospitalité de Middie-Hill pour transcrire plu-
sieurs documents relatifs à la Touraine. S'il ne constatait que plus tard
l'existence de la Grande Pancarte de Fontevraud, il m'écrivait déjà le
1 5 août : « Sir Th. Phillipp's m'a donné à admirer le joyau de sa biblio-
« thèque, le fameux Livre ISoir de Saint-Florent. Les plus belles et
« savantes reconstitutions de cartulaires ne valent pas, mon cher ami,
« la vue de ce magnifique document , auquel je ne trouve à reprocher
« qu'une chose, c'est qu'il ne soit pas à Angers ou même à Paris. Quoi
« qu'il en soit, il est sauvé à jamais... Sir Th. Phillipp's a parcouru avec
« intérêt tes Archives d'Anjou , qu'il serait très-désireux de posséder,
« comme aussi de voir l'auteur ; je lui ai prorais les deux , c'est-à-dire
« un exemplaire de ton livre le plus tôt possible , et ta visite pour l'an-
« née prochaine. »
Cette lettre arriva à Angers pendant la session du conseil général.
Instruits aussitôt de la découverte du Livre Noir et de l'empressement
avec lequel sir Th. Phillipp's offrait de le communiquer et d'en laisser
prendre copie , MM. les conseillers du département émettent , le 31
août, le vœu que M. le ministre de l'instruction publique « alloue à
« l'archiviste de Maine-et-Loire une somme de 800 francs, en lui don-
« nant la mission spéciale d'aller rechercher et copier en Angleterre les
« documents relatifs à l'Anjou, notamment le IJvre Noir de Saint-Flo-
« rent et le Grand Gartulaire de Fontevraud. » Le 20 mars 1850 , M. le
ministre accordait la mission sollicitée, et, en l'annonçant à l'archiviste,
il ajoutait : « Tout en vous occupant du but spécial de votre mission, je
X désirerais, Monsieur , qu'il vous fût possible de rapporter de votre
« voyage une notice des autres eartulaires de France que vous pourrez
■ découvrir en Angleterre. Cette notice, qui n'ajouterait que faiblement
« à la durée de votre tâche , servirait de complément à l'indication des
X cartulaires que mon collègue M. le ministre de l'intérieur a publiée ,
99
c et au catalogue des manuscrits des bibliothèques des départements
" dont le ministère de l'instruction publique a commencé la publica-
« tion. Je recevrai avec un vif intérêt vos communications à ce sujet. »
Le travail qui suit est le résultat de cette mission, qui a duré près de
deux mois, du 27 juin au 20 août 1850. Sans y faire entrer de nom-
breux renseignements destinés à des travaux personnels sur l'Anjou et
le Poitou , je me suis renfermé dans le cercle de mes instructions. Dans
la Première Partie , j'ai fait le catalogue de seize cartulaires concer-
nant la France i , que j'ai rencontrés au Musée britannique. Ils sont
énumérés d'après l'ordre prescrit pour le classement des Archives Dé-
partementales. La Seconde Partie contient, suivant l'ordre alphabétique
des localités auxquelles ils se rapportent, l'indication de vingt-deux
titres^ nécrologes, comptes et autres documents qui sont le complé-
ment des cartulaires de France. Enfin la Troisième Partie concerne
spécialement sept cartulaires d'abbayes angevines et de quelques-uns
de leurs prieurés en Angleterre.
Pour ce dernier travail, je n'ai pas profité seulement des nombreuses
et admirables collections du Musée britannique, administrées avec un
ordre si parfait, une libéralité si exemplaire, et sur lesquelles il m'avait
été possible de travailler dès le jour de mon arrivée à Londres , grâce
à l'extrême obligeance de M. Holmes, conservateur adjoint des ma-
nuscrits, auquel j'étais recommandé par M. Ch. Lenormant.
D'honorables professeurs d'Oxford , pour lesquels Dom Pitra, béné-
dictin de Solesmes , m'avait donné des lettres , m'ont fait pénétrer
dans le chartrier du collège de la Madeleine , afin de consulter le car-
tulaire du prieuré de Selé, dépendant de Saint-Florent de Saumur.
Sir Th. Phillipp's a exercé à mon égard cette hospitalité vraiment
anglaise dont on conserve toujours un touchant souvenir.
Je ne dois pas oublier non plus le savant conservateur adjoint des
Rôles. Sir Francis Palgrave ne s'est pas contenté de faire mettre à
ma disposition les documents et surtout les Rôles de la Tour de Lon-
dres ; par son initiative aussi bienveillante qu'éclairée, j'ai pu rapporter
à la bibliothèque d'Angers trente-six des plus importants volumes pu-
bliés par la Commission des Records.
1. Dans son rapport à M. le ministre de l'instruction publique, Dom Pitra a décrit
le cartulajre du prieuré de «omnène , diocèse de Grenoble. Voy. Archives des mis-
sions scientifiques, t. I, p. 492.
7.
JOO
PREMIÈRE PARTIE.
I. Royaume des Deux-Siciles.
Musée britannique. Mss. Harley, n" 902, fol. 108«133.
Mémoire ; inventaire sommaire de lettres , bulles et autres en-
seignements ; conclusions ; copies de bulles et lettres par lesquels
apert le bon droict que très-chrislien roy de France, Charles,
y III'' de ce nom , a au royaulme de Sicile.
In-folio en papier de 26 pages, daté du 7 février 1493 (vieux
style).
Ce manuscrit est de la main de Guillaume de Sailly , l'un des
clercs ordinaires de la Chambre des comptes, qui certifie les
bulles et chartes copiées par lui conformes aux originaux con-
servés dans ladite Chambre.
Parmi les pièces transcrites , se trouve un inventaire des ti-
tres touchant le royaume de Sicile, fait au château d'Augers , le
27 janvier 1491, vieux style, par Léonard Baronat,
IL Université de Paris.
Musée britannique, Additionul Mss., n" 17304. — Acquis le
12 février 1848 de Boone, qui le tenait de Moore, de Paris.
Liber privilegiorum et slatutorum universitatis Parisiensis.
In-4° en parchemin ; 220 folios écrits. Écriture du quatorzième
au dix-septième siècle. 172 pièces, d'après 17ndf?a; (qui donne
les passages cités par Duboulay); du 11 mai 1218 (bulle d'Ho-
noré lïl, fol. 29 v°) au 20 avril 1 652 (acte du rectorat de Claude
delà Place, fol. 213).
Ce manuscrit est en assez bon état, sauf un petit nombre de
feuillets qui sont fatigués ou usés. Il a une belle et ancienne
reliure en veau vert , parmi les ornements de laquelle figurent
des fleurs de lis. On a, sur les deux ailes du volume, coupé la
portion sur laquelle étaient apposées les armoiries. L'écriture
est disposée en pleine page, dont chacune contient 28 lignes
pour les folios cotés anciennement 1-155, 172 et suivants; et
33 lignes pour les folios 1 56- 171.
La partie ancienne , celle du quatorzième siècle , la seule qui
mérite d'attirer l'attention , est d'une bonne et belle écriture. Les
101
litres et les chapitres des diverses pièces y sont tracés à l'encre
rouge , et les initiales enluminées en or, azur et \iolet. La pre-
mière page a un encadrement et une initiale enluminée à per-
sonnages , qui ont beaucoup souffert, ainsi que la miniature qui
représente le crucifiement, placée au folio 8, v*^.
En tête de ce cartulaire, on lit le commencement de l'Evan-
gile selon saint Jean, fol. 1, après lequel viennent le Calenda-
rimn academicum; puis les formules de serment, privilèges
royaux, bulles en grand nombre, décrets, statuts et nomina-
tions de recteurs, dont le dernier est Claude de la Place.
III. Duchés d'Aquitaijne et de Gascogne.
Musée britannique, Mss. Cotton, Julius , E. l.
Literse, Chartse et Tractatus Vasconiseet Aquitaniêe, tempore
Henrici I, Edwardi I et H et Henrici III.
In-4"; parchemin; 356 folios, y compris les feuillets de
papier qui séparent les divers cahiers ou registres formant ce
volume. Écriture du quatorzième siècle. Il y a 299 pièces, d'a-
près la table , écrite sur papier et remontant au dix-septième
siècle, qui est placée eu tète du volume; mais plusieurs sont
souvent comprises sous un seul numéro. Elles vont de 1027
(Charte de Guillaume, duc d'Aquitaine, en faveur de Sainte-
Croix de Bordeaux) à 1325.
Bon manuscrit, composé de plusieurs parties , et dans lequel
sont aussi reliés quelques titres originaux. Au bas du premier
folio, on lit: Scribitur par manum Thome de Chesy, dont on
reconnaît la main en divers endroits, du folio l*"" au 177". L'é-
criture est disposée en pleine page. Elle est fine et serrée, et
contient de 40 à 42 lignes à la puge pour les folios 1 à 279. Pour
le reste du volume, elle est d'une main toute différente, et d'au-
tant plus régulière , que les caractères y sont gros et allongés.
Ce manuscrit est un véritable Cartulaire d'Aquitaine , et on
peut, pour l'importance , le comparer aux cartulaires de Phi-
lippe-Auguste.
Il contient non-seulement des chartes des souverains de-
France et d'Angleterre , et de leurs grands vassaux, mais en-
core des bulles et des actes émanés tant des communautés reli-
gieuses et municipales que des particuliers de toutes classes ;
Ï02
Je tout rédigé en latin, en français et en provençal. Ces docu-
ments se rencontrent surtout aux folios 1-72.
Aux folios 77-255, on trouve principalement des états des
revenus , issues et coutumes des divers sénéchaussées , bail-
liages , paroisses , villes et châteaux , au commencement du qua-
torzième siècle ; le tout entremêlé et appuyé de titres en grand
nombre, copiés à la suite de l'article auquel ils se rapportent.
Des inventaires de titres, qui concernent notamment Bor-
deaux, sont copiés aux folios 156-159 et 264-268.
Enfin , le reste du volume contient des Mémoires et des En-
quêtes relatifs aux coutumes légales du pays.
Le temps m'a manqué pour procéder à un examen aussi mi-
nutieux que le mérite ce manuscrit, qui doit être signalé à toutes
les personnes qui veulent étudier l'histoire de l'Aquitaine sous
la domination anglaise.
Bréquigny en a donné la copie à peu près complète dans sa
collection conservée à la Bibliothèque impériale. Mais j'ai cons-
taté, notamment pour plusieurs Cartse antiquse du Musée bri-
tannique, l'incorrection de ses textes ; et peut-être en est-il ainsi
de sa transcription du Tractatus Vasconias.
IV. Comtés de Poitou et de Toulouse.
V. Comté d'Avignon.
Musée britannique, Additional Mss. , n"' 17308 et 17309,
reliés en un seul volume. Acquis le 12 février 1848 de Boone,
qui les tenait de Moore de Paris.
1" (f. 1-4 ) : Ordinatio pro exécutions comitis Pictavensis. —
Ordinatio fada pro exequtore comitis Pictavensis et Thôïose , de
redditibus familial suse et piis locis assigriatis.
Petit in-folio ; parchemin ; 4 feuillets. Écriture de la fin du
treizième siècle. — 1 lettre de Philippe le Bel. {Parisius^ A. D.
1 275 , mense januarii.)
Manuscrit bien conservé. Bonne écriture , disposée en pleine
page. Le comte de Poitou et de Toulouse est Alphonse , frère de
saint Louis.
2° Voyez plus loin, art. XI.
3** (f 14-25) : Feoda comitis Pictavensis in comitatuYenaissini.
— Titre courant en rubrique : Feoda Venaissini.
Format un peu inférieur à celui des deux premières parties du
103
volume; parchemin ; 1 1 feuillets. Écriture de la seconde moitié
du treizième siècle. — 16 pièces , du 8 au 23 novembre 1253.
Manuscrit bien conservé. Bonne écriture disposée sur deux
colonnes, de quarante-sept lignes chacune.
Ce manuscrit est plutôt un registre d'assises qu'un cartulaire.
Il contient des notices sommaires des aveux et déclarations
rendus , du VI des ides de novembre au X des calendes de dé-
cembre 1253, à Alphonse , comte de Poitou et de Toulouse , re-
présenté par Guillaume Bermond , notaire de G. ^ évèque de
Carpentras, par les ecclésiastiques et laïques qui tiennent des
fiefs dudit comte dans les diocèses de Saint-Paul-Trois-Châteaux,
Orange , Avignon et Vaison. Ces aveux sont divisés en seize
chapitres, en tête de chacun desquels est une courte rubrique,
indiquant le nom du vassal ou de son fief. Le premier concerne
l'abbesse du Boschet (de Bosqueto), nommée domna Raimunda.
VI. Seigneurie d'Arlay en Bourgogne.
Musée britannique, Additional Mss. , n° 17305. Acheté de
Boone, le 12 février 1848.
(Au dos) : Cartulaire des sires d'Arlay. (Dans le Mst.) : £n
cest livre sunt escriptes (otes les latres que H. et P. baron mon
signor Hugue de Chalon, sires d'Arlay, a, quex que elles soient
ne de quel matière que elles parlaient, soient de herietagCy d'a-
chat de terre, de fiez ou d'autre chose, don les latres s'enseguent
ci-après. Et premerement des fiez, etc., etc.
In-4'', relié en veau rouge; parchemin. 206 folios, y com-
pris la table placée en tète, et qui en contient 1 1 . Ancienne-
ment le Mst. en contenait CCII , sans la table. Écriture de
1327 à 1350. Les chartes sont au nombre de 618, dont 2 sont
incomplètes (dans l'origine il y en avait 622), de 1202 à 1327.
Magnifique conservation pour le parchemin et l'écriture.
Manquent les feuillets cotés anciennement VTn"XV ,
vin"vii, viinx, ix", ix"i, ix"vii et ccii.
L'écriture , disposée en pleine page , de cinquante lignes cha-
cune, parait de trois mains différentes. Elle est très-bonne,
quoique fine et serrée. Les dernières analyses contenues dans la
1. Goillaiime IV, Bcioard.
104
table ont été écrites au quinzième siècle , époque du foliotage.
L'initiale de chaque titre est en encre rouge.
Les renseignements qui suivent pourront donner une idée de
l'importance de ce cartulaire , pour l'histoire de la Franche-
Comté et pour celle de la féodalité.
Chap. I. Lettres des fiefs, au nombre de 269
IL — d'achats et de conquises 173
IIL — de gagières 12
IV. — d'eschange 21
V. — de donacions et confirmacions 23
VI. — de quitances, acordances et convenances. . 60
VIL — de confirmacion , d'alienaeion, et des com-
paignies 64
A partir du folio 188, jadis coté IX''''II, l'ordre méthodique
n'est plus aussi bien observé ; et on rencontre notamment beau-
coup de chartes qui se rapportent aux fiefs.
Le tableau suivant indique les principaux personnages des-
quels les chartes sont émanées :
Philippe IV, le Bel , en 1302 et 1305.
Louis X , le Hutin ,1315.
Philippe V, le Long, 1317.
Albert , roi des Romains.
Adolphe , roi des Romains , 1294.
Raoul, duc de Bavière, 1294.
Thibaut, comte de Palatin , de Champagne et de Bar.
Marguerite, reine de Navarre.
Marguerite , reine de Jérusalem et de Sicile, 1289.
Humbert , dauphin de Viennois.
Divers ducs de Bourgogne.
Albert , duc de Saxe, 1291,
Divers comtes palatins de Bourgogne.
Mahaut, comtesse d'Artois et de Bourgogne, 1304.
Othon, marquis de Brandebourg , 1291.
Boniface, pape, 1296.
Divers archevêques de Besançon, notamment Guillaume , en 1257
et 1260.
Sifrid , archevêque de Cologne , 1291.
Gérard , archevêque de Mayence, 129 1 .
105
Boëmoud, archevêque de Trêves, 1291.
Guillaume, évêque de Lausaime, 1288.
On trouve plusieurs lettres missives aux folios 39, reclo et
verso et 1 1 8. Ce cartulaire contient aussi bon nombre de charte»
en langue vulgaire , notamment des années 1237.1241, 1242,
1245, 1246, 1247, 1250, aux folios 19, 21 v°, 22 v°, 21, 48
v", 63 v", 21, 51,34.
Il en existe même une de 1202 (f. 76 v), et une autre de 1206
(f . 6 1 v°) ; et précisément en raison de leur antiquité , ces deux
documents doivent être l'objet d'un examen minutieux de la
part de personnes compétentes.
Les principales localités dont les noms reviennent le plus sou-
vent dans le cartulaire sont : Bar, Briançon, Châîon-sur-
Saône, Commercy, Joux, Lons-le-Saulnier, Montbeliard, Neuf-
chatel, Poligny, Salins, etc.
Cette dernière ville était la capitale d'une puissante baronnie,
que Hugues, duc de Bourgogne, acquit en 1239, et qu'il échan-
gea immédiatement avec Jean , comte de Bourgogne et de Chà-
lons, contre ce dernier comté (cart., fol. 135). Dans une charte
du 29 janvier 1307 (fol. 71 v° à 73 v"), intitulée : Lettres des
convenances entre mons. de Châlon et ces de Besançon (c'est-à-
dire les citiens et communs), Jean de Chàlons se dit sires d'Allay,
vicuens et maires de Besençon. Il avait été mis en possession de
cette mairie dès 1293 , par ordre d'Adolphe, roi des Romains,
dont la lettre est copiée dans le cartulaire au folio 179.
VII. Seigneurie de la. Forêt en Poitou.
Musée britannique, Additional Mss. , n" 17316. Acquis de
Boone, le 12 février 1848.
Copie des archives de la Forêt.
In-folio , relié en veau. Papier beau et fort. 454 feuillets..
Écrit à la fin du dix-huitième siècle. Il contient environ 200 piè-
ces, du 19 juin 1406 au 4 octobre 1773.
Beau manuscrit , fait avec soin et même avec luxe. Magnifique
écriture ; quelques parties en rubrique i on y trouve des plans
d'ensemble et de détails très-bien exécutés.
Le premier, qui est très-grand, est collé sur soie.
En tète du volume est une Table analytique des titres , et à la
106
4
fin une Table alphabétique des matières. Aucune d'elles n'est
comprise dans la pagination.
La terre et seigneurie de la Forêt , située paroisse du même
nom, était composée des fiefs de Vieille-Forge et du Menon , en
Angoumois, et de celui de la Motte de Lorigné , en Poitou.
Vin. Ville de Greux et de Oomremy en Champagne.
Musée britannique , Addil. Mss., n° 17313. Acquis le 12 fé-
vrier 1848, de Boone, qui le tenait de Moore de Paris.
Privilèges de Greux et Dompremy .
ïn-folio, papier, 19 folios. Au dos du dernier, on lit : Procé-
dures pour la cour des Aides. Cotte F. Copie datée du 1 1 mars
1596, faite et signée par Mongeot, greffier en chef de l'élection
de Chaumont , qui dit avoir rendu l'original aux habitants de
Greux. 14 pièces, de 1429 à 1495.
Les marges, fort mutilées, ont été restaurées avec soin.
M. Moore a intitulé ce manuscrit, sur un feuillet de carton qui
est relié en tèt^ : Cartulaire des privilèges octroyés aux villes de
Greux et Dompremy par les rois de France, en reconnaissance
des services de la Pucelle.
Au dix-septième siècle, il a été mieux désigné sous le titre de :
Coppie collationnée des privilèges et exemptions accordés par
Charles VII, roi de France, aux habitants de Greux, en faveur
des services rendus à V Estât par Jeanne Barque, surnommée la
Pucelle d'Orléans .
Cf. sur les privilèges de Greux et de Domremy, deux articles
de M. Vallet de Viriville dans la Bibliothèque de l'École des
Chartes, 3* série, V, 271, et dans le Bulletin de la Société de
l'histoire de France, année 1854 , p. 103.
IX. Bullaire anglais.
Musée britannique. Addit. Mss., N"' 15351-15401. Déposé
d'abord en 1829 parmi les papiers d'État (State Papers Office), ce
recueil a été transféré au Musée britannique sur l'ordre de sir
James Gr.iham, secrétaire d'État, partie en 1843, partie en
1845. On lui a donné le titre suivant :
Monumenta Britannica , ex autographis Romanorum pontifi-
107
cum regestis cseterisque documentis deprompta, Marinus Mari-
nii Tabulariis Vaticanis prœfectus, conïegit , digessit.
En Anp^leterre il est généralement désigné sous le nom de
Vatican Papers ; son véritable titre devrait être Bullarium An-
glicanum. — In-folio. — Papier. — 51 volumes , dont 48 de
texte (n*» 15351-15398), et 3 de tables (n"' 15399-15401). Le
dernier contient un Index chronologique fait en 1839, au State
Papers Office, par M. Robert Lemon. Le nombre des volumes
suffit pour donner une idée de la quantité des bulles, qui vont
de 1216 à 1759 (avènement d'Honoré III, à la 2^ année de Clé-
ment Xlir); plus 3 pièces des années 1087 et 1093 (chartes de
Guillaume le Conquérant), et 1191 (bulle de Célestin III).
Ce magnifique recueil , pour lequel le gouvernement anglais
a , dit-on , beaucoup dépensé, paraît avoir été fait avec le plus
grand soin.
Dans son 3Ionitum lectori, W Marini, préfet ou garde des
archives du Vatican , dit qu'il a été formé, « de consilio equitis
«Bunsen Borusiae, apud sanctam sedem oratoris,» pour être
envoyé à Londres, « ad clarissimum virum Guillelmum Hamil-
« ton. » Il termine par la recommandation suivante, de l'exécu-
tion de laquelle il est bien permis de ne pas se porter garant , pas
plus en France qu'en Angleterre : « Pro certo habemus hoc
« nostrum opus typis mandatum non iri , nisi ad hoc, ut monui-
« mus, noster accédât consensus. Lihenter vero hocerirnus con-
« cessuri , habita a sumnio pontifice venia , quam speramus ea
« daturum benignitate qua opus ipsum conficiendum jam an-
« nuit, prœlaudato Hamilton postulante. »
Les deux volumes de tables faites par Tabbé Marini , n°' 15399^
15400, conHennent de bonnes analyses de chaque bulle, avec
l'indication du numéro d'ordre et de l'année du pontificat. Il est
du reste assez difficile de les consulter, parce qu'en faisant re-
lier la collection , on y a établi un ordre chronologique rigou-
reux, qui n'existait pas lorsque les Fatican Papers sont arrivés
au Stale Papers Office.
JVI. Lemon a remédié à cet inconvénient par son Index désigné
plus haut (n" 15401), dans lequel il rétablit la concordance entre
le texte et les tables de l'abbé Marini. Il serait à désirer que
le travail si recommandable de M. Lemon fut complété par une
table des noms de personnes et de lieux , dans le genre de celles.
108
qui ont été faites avec tant de soin pour les publications de la
commission des Records ' ,
Il existe à Paris, h la Bibliothèque impériale, une collection
du même genre, concernant la France, et dans laquelle j'ai re-
trouvé toutes les bulles relatives à Bérengère de Sicile, veuve de
Richard Cœur de lion, qui sont fort intéressantes pour l'histoire
de l'Anjou et du Maine. Les actes sont aussi classés par pontifi-
cats et par ordre de date.
Quelques auteurs ayant prétendu que, dans les copies délivrées
par la cour de Rome, les textes ne sont pas toujours strictement
ni complètement reproduits, les deux collections de Paris et de
Londres, transcrites à des dates très-éloignées l'une de l'autre
et reproduisant souvent les mêmes pièces du treizième au quin-
zième siècle, fournissent un excellent moyen de contrôle et de
correction. Il y a d'ailleurs un intérêt réel à les comparer, en ce
qu'une pièce peut avoir échappé à l'un des compilateurs, et se
rencontrer dans le travail de l'autre.
X. Archevêché de Tours.
Musée britannique, Mss. Fonds Lansdowne , n" 349.
Registrum ecdesise Turonensis, codex ssec. XIII.
Dans le catalogue imprimé, page 107, il est intitulé : The Re-
gister Book of the cathedral of Tours, written on vellum in the
H'** century, etc., etc.
In-S" carré, relié en veau. Parchemin. 56 feuillets. Écriture :
1° de 1201 à 1225 pour le cartulaire proprement dit (fol. 1-48) ;
2" de 1225 à 1250 pour les annexes (fol. 49-56). — 28 chartes,
de 1094 à 1242.
Manuscrit bien conservé, quoique le parchemin soit un peu
racorni ou maculé.
Le texte est complet; l'écriture est partout disposée en pleine
page. Dans le cartulaire, qui est de la même main et contient
de vingt-cinq à vingt-six lignes à la page, elle est nette et soi-
gnée. La première ligne est en lettres majuscules allongées , et
chaque charte ou bulle est précédée d'un titre en rubrique.
1. cf. dans les Archives des Missions, année 1850, la description que dom Pitra
a faite «les Momtmenta Britannica.
109
D.ius ce qui fait suite au cartulaire, il y a moins de soin el (i*;
rép;ulî»rité , et on y reconnaît plusieurs écritures , notamment
aux folios désignés ci-après :
49 recto, Charte de Guillaume de Monlsoreau ; 49 verso, De-
voirs dus par le seigneur de Bille; 50 r., à 53 v., Devoirs dus
par divers seigneurs; 53 v., à 55 r., Devoirs dus par le sei-
gneur d'Amboise, et Charte de Juhel, archevêque de Tours (mars
1242), et enfin fol. 56, r. : Sentences d'absolution pour Te prieuré
de Lezay (1238); et au verso : 1" Devoirs dus à l'archevêque de
Tours par un personnage dont le nom, aujourd'hui illisible, com-
mence par un G. 2° Remise par ledit archevêque à Guillaume
Lepeigne de la taille des acquêts faits par lui dans la paroisse de
Vernou (1233).
Les chartes comprises dans le cartulaire sont :
Compositio Majoiis Monasterii.
Concoi'dia ecclesie B. Mauritii et B. Martini Turonensis et Corma-
ricensis monasterii (1174).
Compositio monasterii Millebecencis (1177).
Confirraatio corapositionis Cormariacensis.
Compositio ecclesie Cainonensis (1197).
Confirmatio domiai pape, de subjectione S. Pétri Puellaris.
Compositio de Cainone, inter archiepiscopum Turonensem et regem
Ricardum lirmata , (il90).
Confirmatio Philippi , régis Francorum , super compositione inter B.
arciiiepiscopum Turonensem et Ricardum regem ADglorum(ll90).
Confirmatio corapositionis Cormariacensis.
Quitatio Henrici, régis Anglie, super domibus archiepiscoporum
Turonensium.
De pace archiepiscopi cum domino de Monte Sorello (il97 et 1205).
De hominagio Castri Rudulphi (1202).
— comitisSacri Cesaris (i205).
Confirmatio capelle Guillelmi de Rocha (1 205).
Littere Guillelmi de Rocha super eadem (i205)
— arehidiaconi — (1205)
Privilégia Romanorum pontificiim, de subjectione Dolensis ecclesie :
— Privilegium Eugenii III; Urbani D; Anastasii IV; Eugenii III;
Lucii II;
Privilegium Lucii II;
110
Senteutia doraini pape Innocentii III, de subjectione Dolensis eccle
sie (1118).
Haecsunt feoda domini archiepiscopi Turonensis.
Les pièces contenues dans le reste du manuscrit ont été indi-
quées plus haut.
M. Salmon a décrit ce cartulaire dans ses Notes sur quelques
manuscrits concernant la Touraine qui se trouvent en Angleterre,
p. 4 et s. — Il doit exister au Vatican, dans le fonds de la reine
de Suède, un cartulaire à peu près semblable à celui du fonds
Lansdowne. LeMs. de Rome se trouve en grande partie copié à
la Bibl. imp., résidu Saint-Germain , Anecdota, 1. lïl \
XI. ÉVÈCHÉ DE MaGUELONNE.
Musée britannique, Addit. Mss. N"' 1708 et 1709. Voy. plus
haut, art. IV et V, la description des parties 1 et 3 de ce volume.
2° (F. 5-13). Cartse ad episcopatum Magalonensem spectan-
teSy etc. , etc.
Petit in-folio. Parchemin. 9 folios. Écriture de la seconde
moitié du treizième siècle. 24 chartes, 1208-1256.
Manuscrit bien conservé. Bonne écriture disposée en pleine
page.
Les chartes sont copiées à la suite l'une de l'autre , précédées
d'une rubrique et du numéro d'ordre.
La première pièce concerne l'hommage fait, le 29 mars 1255 ,
par le roi d'Aragon à l'évêque de Maguelonne pour le fief de la
ville de Montpellier.
La deuxième contient un traité passé le 7 février 1257 (n. s.)
entre l'évêque et les consuls de Montpellier.
La troisième est l'aveu des fiefs de Montpellier et de Palude ,
rendu par l'évêque au roi de France, le 28 avril 1255.
La quatrième est une charte de PhiHppe- Auguste, datée de
Montreuil-Bellay en Anjou , 1208, et contenant concession de
privilèges audit évêque.
La cinquième est un vidimus de la charte précédente par Phi-
lippe le Hardi.
Les suivantes sont tous actes en latin , concernant les fois et
1. Note communiquée par M. L. Oelisle.
111
homma^'es dus à l'évêque on par lui; et les rapports dudit évo-
que avec Simon de Montfort, qui, en vertu des lettres du roi de
France données à Melun en 1216, avait été mis en possession
des domaines et fiefs de Raimond, comte de Toulouse.
La vinjît-deuxième charte contient le serment de fidélité de la
ville et commune d'Alais (de Electo) au roi de France, en no-
vembre 1240.
Enfin la vin^t-quatrième est intitulée : De exponssione Isarni
de sancto Paulo et de Podio Laurencio et castri de sanlo Pauïo
ad voluntatem domini régis (Louis , roi de France). Elle porte
pour date : apud S. Paulum, XVIIÏ kal. junii.
XIL ÉVÈCHÉ DE TOUL.
Musée britannique, Mss. Harley. N° 4465.
Folios 253 à 321 , et 374 à 412 : Copies, extraits et analyses
de cartulaires, titres et traités concernant l'église de Toul, en
Lorraine.
In-folio. Papier. 107 folios. Écriture du dix-septième siècle.
Plusieurs centaines de chartes du neuvième siècle au quator-
zième.
Ce manuscrit, qui contient reliés ensemble, sans ordre mé-
thodique, des notes et des documents relatifs a l'église de Toul ,
est assez difficile à consulter, et même à lire pour la partie prin-
cipale, qui se rapporte au dix-septième siècle, dont l'écriture
est très-fine et le papier fort mal collé.
Voici, pour la portion du manuscrit qui appartient au dix-
septième siècle, l'indication précise des chartes que nous y avons
reconnues sur Tévêché de Toul :
l" Aux folios 285-292 , une cinquantaine de copies ou extraits,
et à peu près autant d'analyses de bulles et chartes des douzième,
treizième, quatorzième siècles , ex libro Privilegiorum ecclesi»
Tullensis.
T Aux folios 318-321 , six copies de chartes du treizième
siècle.
3" Aux folios 374-412 , un grand nombre de copies (je ne les
ai pas comptées, faute de temps), de chartes du onzième au qua-
torzième siècle.
Cette dernière partie est intitulée : Transcriptum seu Copia
112
ac summarium pïurimorum , eorumque antiquiorum , ecclesix
TuUensis privilegiorum.
Au milieu des parties qui sont relatées plus haut (fol. 322-
334), on a relié une notice historique sur l'abbaye de Saint-Léon
deToul, écrite en latin , dressée suivant le plan adopté par la
congrégation de Saint-Maur, et qui mérite d'être signalée, si
elle n'existe pas à la Bibliothèque impériale.
Dans le même manuscrit , fol. 559-566, je trouve aussi un ca
hier de 8 feuillets, écrit à la fin du quinzième siècle, contenant
8 pièces, de 1049 à 1471, savoir : 3 bulles, dont 2 de Léon IX
(1049-1053), et la 3« de Pascal II (1 1 13) ; et 4 chartes épisco-
pales, de 1182 à 1471.
XTII. Abbaye de Commercy en Barrois.
Musée britannique, Mss. Harley, N° 4465, fol. 555-558.
Copie collationnée de chartes concernant l'abbaye de Commercy^
en Lorraine.
Mst. en papier, de 4 folios, écrit en 1484.
4 chartes des années 1134, 1188, 1228, 1235.
XIV. Abbaye de Montebourg en Normandie.
Musée britannique, Addit. Mss. N" 15605.
Cartulaire de l'abbaye de Montebourg, en Normandie^ 1452.
In-folio en parchemin de 30 feuillets écrits, en 1452, pour
les fol. 1-24; vers 1460, pour les suivants. — 32 pièces, sans
compter les chartes des rois d'Angleterre, ducs de Normandie,
comprises dans les vidimus , dont quelques-uns en renferment
3,4 et même 6. En revanche, plusieurs pièces sont mutilées, et
et d'autres en doubles. La date de ces pièces est comprise entre
1080 et 1460.
Au folio 24 du Mst, on lit : Iste liber est monasterii de Mon-
tisburgo, ordinis sancti Benedicti, Constanciensis diocesis, quem
rêver endus pater Guillermus die lus Guerin, ejusdem monasterii
abbas, conscribi fecit per religiosum virum fratrem Symonem
Maubertjdictimonasteriicommonachum^annoDominiMCCCCLII.
La seconde partie de ce cartulaire, folios 25 à 30, est de la
même main, et elle a été écrite peu de temps après la première,|à la-
quelle elle a été annexée. Les pièces qu'elle renferme sont toutes
113
relative» aux droits d'usage et de chauffage de» moines dans les
forêts royales.
Au bas de chaque copie de charte on lit : Collation faite, avec
les signatures G. Le Falois et B. Lesanc. Quelquefoisja formule
de certification est plus longue.
La conservation de ce manuscrit est assez bonne, tant pour
le parchemin que pour l'écriture, formant aussi une seule colonne,
et contenant de 39 à 49 lignes par page. Cette écriture est, du
folio 8 jusqu'au 19% plus fine et plus serrée qu'au commence-
ment du cartulaire, mais sans cesser d'être nette et bien lisible.
L'initiale de chaque charte est enluminée et encadrée; les cou-
leurs sont le rouge et le bleu.
A partir du folio 21. v", le premier mot de chaque pièce est
écrit en plus gros caractères.
A partir du folio 25, chaque charte ou acte est précédé d'une
analyse, faite aussi par Simon Maubert, qui a écrit tout ce
cartulaire. La première lettre de la charte qui est en tête de
de cette seconde partie est la plus grande et la plus ornée de tout
le volume.
Le catalogue du Musée britannique donne la description sui-
vante de ce manuscrit :
« Fragment of the Cartulary of the Bénédictine abbey ofSt-Mary of
Montebourg in Normandy , diocèse of Coutances^ containing copies
of charters from kingsof France, viz., Philip HT, Philip IV, Louis IX,
Louis X and Charles VI; reciting in many instances and confirming
grantsfrom William I, Henry I and Stephen , kings of England, as
well as from varions noblemenof France and England; aiso of charters
of Edward (Ill)king of England (comprising oneof Henry I), Richard
bishop of Coutances, 1157; sir Robert le Chamberlenc, seigneur de
Tencarville, 1295, and others ; together with an account of the monas-
tery, 1447, and certificates of their rights in the forests of Normandy
and Picardy, 1402-1460. Every instrument is certified as eollated
with the original by N. Le Sane , and Guillaume Le Valois, wlio affix
their signatures, and who , at fol. 10, sign a further certificate of the
authenticity of the documents hère transcribed, dat. 9 Sept. 1452.
A note at the foot of fol. 24, B, states that this book was written by Si-
mon Maubert, one of the monks, at the command of William Guerin
abbot, in the same year, 1452. Portions of the volume are wanting
after ff. 8, 9, 15 and 16. In Latin &j\d French. On vellum. Folio. «
I. {QuaMème xérip.) g
114
Voici la table sommaire des pièces qu'il contient :
1381, mai. — Charles VI : Vidimus et confirmation d'un autre
vidimus et confirmation, par un de ses prédécesseurs Louis X (1315),
d'une charte de Henri , roi d'Angleterre , datée de Caen , et contenant
énumération des domaines et droits qu'il donne à l'abbaye.
1307, juillet. — Philippe le Bel : Confirmation des droits dans la
forêt de Brix.
1317, octobre. — Philippe V : sur le même objet.
1276, septembre. — Philippe III : Amortissement de cens en bled.
1294, décembre. — Philippe le Bel : Vidimus et confirmation d'une
lettre de Laurent Herout, son clerc et député (1294, août), qui amortit
divers cens et revenus de l'abbaye.
1299, juillet. — Philippe le Bel : Confirmation de droits dans la forêt
de Brix.
1315, juin. — Louis X : Vidimus des chartes de : 1° Petrus de
Caisneio; 2° Alienor, uxordefuncti Roberti de Haia; 3° Willermus de
Revers; 4° Christianus Cambellanus (1284); 5° le vicomte de Valoin-
gnes (1284); 6" Guillelmus Mansel senior et Guillelmus Mansel junior,
fratres (1283).
.... Philippe VI : Confirmation des lettres par lesquelles Godefroy
leBlont, bailli du Cotentin, a vidimé deux mandements de Charles
le Bel, le premier du 10 octobre 1326.
XIV* siècle. — Fragment , sans queue ni tète , d'un acte écrit en
français.
Fin d'une charte d'un roi d'Angleterre, dans laquelle sont énumérés
de nombreux témoins.
1315, juin. — Louis X: Vidimus d'une charte d'Etienne, roi
d'Angleterre (1136) , contenant diverses donations et confirmations.
1268 , mars. — Saint-Louis : Vidimus d'une charte , sans date, de
Henri , roi d'Angleterre.
1280 , juin. — Philippe le Hardi : Vidimus de la charte précédente.
1315, juin. — Louis X : Vidimus de quatre chartes de Henri, roi
d'Angleterre.
1381 , avril. — Charles VI : Vidimus de la pièce précédente.
1157. — Richard, évêque de Coutances : Énumération des dons faits
à l'abbaye (la fin manque) .
1 2 juillet , X^ année du règne. — Edouard Ilï , roi d'Angleterre :
Vidimus de deux chartes du roi Henri ?
1417 , avril. — Aveu et dénombrement rendus au roi pour le tempo-
115
rel de l'abbaye. — Réception dudit aveu par le vicomte de Va-
lognes.
1451 , septembre. — Aveu des religieux pour leurs domaines du
Bessin.
1451 , février. — Réception de l'aveu et du serment de l'abbé Guil-
laume , à la chambre des comptes.
1 280, juin. — Philippe le Hardi : Vidimus d'une charte de Guillaume
le Conquérant.
1290, décembre. — Le bailli du Costenliu.
1295, janvier. — Robert le Chamberlenc, seigneur de ïanquar-
ville.
1300, septembre. — Le bailly du Costentin : Amortissement du
fief et seigneurie de Saint-Fioscel.
1402, 26 mai. — L'enquesteur des eaux et forêts du roy en Nor-
mandie et Picardie : Reconnaissance des droits de l'abbaye dans les
forêts du Cotentin, et vidimus de sept chartes des rois de France et
d'Angleterre.
1402 , octobre. — Guillaume , comte de Tancarville, vérifie les let-
tres du susdit enquesteur.
1412, 20 mars. — Robert de Pelletot, chevalier, maître des eaux et
forêts du roy en Normandie et Picardie : Reconnaissance des droits de
l'abbaye.
1459, juin. — Pierre de Guignât, écuyer, aussi maître des eaux et
forêts : Droits d'usage de l'abbaye.
1337 , juillet. — Philippe VI : Forêt de Brix.
1317, octobre. — Philippe V : Forêt de Brix.
1460, octobre. — Tyebault le Letteron, lieutenant du susdit
Pierre de Guignât : Reconnaissance des droits de l'abbaye.
Au folio 30 verso est la copie, faite à la fin du siècle dernier,
d'une note portant la date de 1758, et concernant les reliques
de l'abbaye.
La plupart des pièces anciennes de ce cartnlaire se retrouvent
dans un cartulaire plus considérable de l'abbaye de Montebourg,
conservé au château de Plein-Martiis (Manche) \
1. Noie communiquée par M. L. Delisle.
8.
lie
XV. Abbaye de Saint-Acheul, eu Picardie.
Musée britanuique, Addit. Mss. N" 15604.
Cartularium abbaliêe Sancti Acheoli juxta Ambianum.
10-4", — parchemin, pour les folio 1-155, sauf les intercala-
tions signalées plus bas; papier 156-192. — 192 folios écrits.
Avant le foliotage actuel, il y en a eu deux autres, en chiffres
romains. Le dernier, qui présente des corrections assez nom-
breuses, est celui dont les lettres sont les plus petites. — Écriture
du XIV^ siècle pour les folios 2-152 (Cartulaire), — du XVIP
siècle pour les feuillets de papier 1, 153-192, qui y ont été an-
nexés. — 189 chartes, de 1087 à 1307 pour le cartulaire, et
jusqu'en 1370, avec l'appendice.
Ce manuscrit est relié en veau rouge et d'une bonne conserva-
tion, tant pour l'écriture que pour le parchemin, dont les quel-
ques feuillets endommagés ont été restaurés avec le plus grand
soin. Pour relier l'appendice avec le cartulaire, il a fallu en
rogner ou plier les feuillets.
L'écriture paraît, pour le cartulaire, appartenir à la même
main. Elle est assez grosse, facile à lire, élégante et disposée
en pleine page de 30 lignes chacune.
Le sommaire de chaque charte et son initiale sont en rubrique,
de même que le titre courant des chapitres sous lesquels les
actes sont classés. En général, la première lettre de chaque cha-
pitre est enluminée.
Il manque à ce manuscrit trois folios, qui étaient cotés ancien-
nement cxxviii, cxxxvi etcxLvi. Par compensation, en fai-
sant relier le volume, on a malencontreusement inséré, dans
le cartulaire même, deux feuillets de papier sur lesquels sont
collées des notes insignifiantes, qui ont d'ailleurs l'inconvénient
d'interrouipre l'ordre et la suite établis parmi les chartes. Tls
portent les numéros 32 et 52 dans le foliotage nouveau du Mst.
Il serait d'ailleurs facile de faire disparaître cet inconvénient,
puisque ces derniers numéros n'ont été tracés qu'au crayon.
Plusieurs transpositions de feuillets ont aussi été malheureu-
sement faites, et nous les signalons par les numéros du foliotage
moderne; ainsi, le 145* devrait suivre le 146% et surtout
le 152* doit venir après le 150*. Cette dernière rectification est
d'autant plus importante qne le folio 152, écrit de la même
main que tout le lesle du cartulaire, contient une charte de
l'an 1307, dont le titre courant, Littera episcopi Ambianensis
Nova, donne la date, au moins approximative, de ce manuscrit.
En outre, il faut revenir du folio 152 verso au 151" recto pour
avoir la fin d'une pièce copiée à la suite de la charte de 1307.
Les feuillets et cahiers de papier reliés avec le cartulaire
contiennent notamment, en tête du volume, diverses notes en
français sur la date et l'authenticité de ce Mst, ainsi que la
table d'une partie de son contenu; et à la fin, 1° l'extrait de la
sentence du 15 juillet 1522 qui autorise le présent cartulaire ;
2° copie de trois de ses chartes; 3° arrêt portant homologation
du concordat passé entre l'abbé Charles de la Grange et ses
religieux, lOjuin 1655, pour servira M. Nicolas Lestocq, docteur
de Sorbonne abbé de Saint-Acheul, contre les chanoines réguliers
de ladite abbaye.
Le cartulaire est divisé en dix chapitres, plus l'appendix.
1. Liltere papales, folios 2-5 ; onze bulles.
IL Littere archiépiscopales, fol. 6, verso et 7, deux chartes de 1097
et 1145.
in. — Episcopales, fol. 7 v°-31, trente-huit chartes, de 1005 à
1296.
IV. Littere compromissorum, fol. 31 v^-ST, trente-deux chartes, de
1173 à 1296.
V. Littere, compromissa, sentencie officialis, fol. 57-70. Nombreu-
ses pièces relatives à un procès contre l'abbaye et le bailli d'Abbeville,
en 1256 et 1257.
yi. Sentencie et littere officialis, fol. 70-111. Soixante-quatorze
pièces, de 128 à 1303.
VII. Littere regum, fol. 1 12-114, six chartes de 1281 à 1299.
VIII. Littere comitum, fol. 115-116 v", cinq chartes de 1239 à
1289.
IX. Littere militum, fol. 1I6, v°-l46, soixante-dix chartes, de
1203 à 1289. Plusieurs sont en langue vulgaire, la plus ancienne est
de l'an 1258.
X. Chirograffa,îo\. 147-150, huit pièces de divers personnages,
de 1226 à 1287 ; quelques-unes en langue vulgaire la plus ancienne de
1251. La dernière charte, septembre 1260 , est du maire et des éclie-
vins d'Abbeville i.
AppendiXj fol. 151 et 152, quatre pièces, de 1270 à 1322.
1. Ego rirminiis de Rogelian, major, et scahini Abbatisville, notiim facimns uni-
ns
Les archives de la Somme possèdent une copie du cartulaire
de Saint-Acheul, sur le premier feuillet de laquelle il est écrit
que l'original a été perdu vers 1744 \
XVI. LÉPROSERIE DE BOLLE VILLE, EN NORMANDIE.
Musée britannique, Addition Mss. N" 17307. Acquis, le 12 fé-
vrier 1848, de Boone.
Cartulaire du prieuré de Bolleville en Normandie. 1436. (Lé-
proserie de Bolleville ; diocèse de Coutances.)
In-4° en parchemin. — 55 folios écrits. — CoUationné en
1436, 1459 et 1467-68, sauf deux pièces, transcrites après 1471
(folio 47 et 54 v.), qui ne sont ni signées ni visées. — 118
pièces du milieu du douzième siècle à l'année 1471.
Conservation parfaite. L'écriture, disposée en pleine page,
chacune de 3 1 lignes , est un peu fine, mais très-belle pour la
première partie, dont toutes les chartes commencent par une
majuscule en encre rouge. La première est plus ornée.
En tète du Mst on lit : Cy ensuyt la déclaration et double de
pluseurs char tries , lettres, roules et ensignemens de partie
des droytures appartenantes a la prieur ey de Bollevile, iceuls
chartries et ensignemens veus, visités et collationnés aux origi-
naulx par Jehan Amechin, tabellion en siège de Lessey, le XVIIP
jour de septembre l'an mil CCCCXXXVI; ayncy que les teneirs
ensuient, premièrement : Notum sit omnibus.
Nous avons remarqué dans ce manuscrit :
versis presens cirographiitn inspecturis, quod, cnm munis firraitatis nostre qui est ré-
tro tenemenlum virorum religiosorum abbatis et conventus Sancti Acheoli jiixta Am-
bianiim, situm anle atrium Sancti Sepulchri, inler tenementum Pétri de Mousterolo
et tenementum Wlfranni Clabaut, ruina frangeretnr, de consilio proborum virornm
et assensu no&tro communi interveniente, inter nos et dictes abbatem et conventum,
taliter est ordinatum quod ipsi dictum mnrum fractum , prout rétro tenementum
suum predictum prolendit, ad sumptus suos proprios reficere seu reparare tenentur
de cetero ad usns ornnes suos tam supra dictum murum quam juxta faciendos com-
peteiiter , retenta et nichilominus omni juriditione quam in dicto muro usque nunc
habuimus, sicut in aliis firmitatibus ville nostre Abbatisville , pro utilitate et defen-
sione communitatis nostre faciendis. In cujus rei testimonium et munimen, presens
chirographum fecimus annotari ; cujus unam partem diclis abbali et convenlui , ad
utilitatem et defensionem suam, tradidimus observandam, et alia pars pênes nos, ad
deffensionem nostram similiter, sigillo dictorum abbatis et conventus roborata, re-
mansit observanda.
Àctum est boc anno Domini mcclx", mense septembris, per manuni magistri Johannis.
1. Voy. Catalogue des Cartulaires des archives départementales , p. 15.
119
IN" 1 : Titre de fondatioQ par Richard de la Haie, du temps d'Ai-
gare , évêque de Coutances.
N. 2 : Charte de Richard du Hommet.
N. 4 : Charte de Richard, évêque de Coutances, en 1157.
N. 5 : Cliarte de Hugues, archevêque de Rouen.
N. 6 et 33 : Chartes de Henri II.
N. 7 : Charte de Guillaume du Hommet, 1239.
N. 19 : Charte de Girard deCanville.
N. 76 : Ruiledu pape Honoré III.
N. 80 : Charte de Guillaume de Mortemer, en 1292.
SECONDE PARTIE.
I. Cambray.
Charte originale de l'an 1145. Additional charters, n* 5857.
II. COMPIÈGNE.
Necrologium abbatix S. Johannis in Bosco ab anno circiter
1224.
Beau manuscrit original du treizième siècle, in-4'', en par-
chemin, de 27 folios, provenant de la collection Joursanvault,
lot 927.
Il a servi à recevoir des notes nécrologiques jusque vers l'an-
née 1528 (v. fol. 9). Au folio 6, vers la fin du quatorzième siècle,
on a écrit, sous la date du XIII kal. aprilis : « Obiit Johannes
cornes de Tancarvilla, qui temporibus suis fecit magnam elemo-
sinam in honore B. Johannis BaptivSte,patroniistiu8 monasterii. »
Additional Mss., n° M 534.
III. Coutances.
Histoire ecclésiastique du diocèse de Coutances , contenant la
vie des évêques de ce lieu et ce qui s'est passé de plus remar-
quable sous l'épiscopat de chacun (par Toustain de Billy).
• Volume in-folio , en papier, de 313 feuillets, relié en veau
rouge ; écrit par six ou sept mains différentes , entre lesquelles
la copie du manuscrit original paraît avoir été partagée.
Lhistoire commence avec le pontifical de S. Ereptiol et S. Exu-
120
pérat , au quatrième siècle, et s'arrête en 1708 à celui de Charles-
François de Loménie de Brienne.
A la suite, on a relié une copie, en deux feuillets cotés 312
et 313, de la lettre par laquelle l'évêque Robert de Harcourt
fonde, le 6 janvier 1303 (vieux style), dans son église cathé-
drale, les trois chapelles de Saint-Louis, de Saint-Gilles et des
Docteurs. Harley, n° 4599.
IV. FÉCAMP (Abbaye de).
« Temporalia abbatise de Fiscanno in diocesi Londinensi,
anno 1291.» Harley, n" 60, art. 72.
V. Lire (Abbaye de) , en Normandie.
Conventio cuni abbate de Linterna super decimis infra par-
rochiam de Tudeham , anno I29I. Arundel, n" 19, fol. 33.
VL Neuville au Temple (Commanderie de) en Champagne.
« C'est le registre appelé Denisot, ouquel sont contenus
et déclairez les droitz , seignories , cens , rentes , revenues , pos~
sessions et aultres héritaiges appartenans et appendans à la com-
manderie de Neufville au Temple..., assis... ou diocèse de Chaa-
lons, en Champaigne, comme ailleurs. »
In-4; papier, 144 feuillets. Copie faite, au quinzième siècle,
sur l'original qui remontait à l'année 1231. Additional Mss.,
n" 1730.
VIL Nîmes.
Obituarium monasterii Sancti Egidii, diocesis Nemausensis,
Provient de la bibliothèque des Frères Prêcheurs de Cham-
béry, et a été acheté à Payne et Foss, le 12 juin 1847.
Petit in-folio long, relié en velours bleu , écrit sur parchemin
magnifique, 63 folios.
L'obituaire occupe les folios 1-21, r". Il ne contient que des
noms, dont les derniers écrits sont du quinzième siècle, mais
qui, pour la plupart, remontent au douzième.
Aux folios 21 v°-61 v°, est copiée la règle de S.Benoît. En
tête est une belle miniature, de grandeur moyenne et à fond d'or,
qui représente saint Benoît remettant sa règle à saint Maur,
121
derrière lequel sont les deui moines envoyés avec lui en France.
Saint Benoît est assis à gauche. Sa main droite, baissée, tient
un rouleau; l'autre, dont les doigts sont fermés, sauf l'index,
est élevée. La figure du saint est belle et vénérable. Il a les che-
veux, ainsi que la barbe, blancs et écourtés, et porte la tonsure
comme les trois antres personnages. Sa robe est couleur bleu
foncé; celle de saint Maur est violette. Ses deux compagnons
sont vêtus, l'un en rouge, l'autre en blanc. Ils sont debout, mais
inclinent respectueusement la tête. Saint Maur est représenté
dans la force de l'âge. La physionomie de ses deux compagnons
est plus jeune.
A la fin de la règle, se trouve l'inscription suivante, en capi-
tales majuscules, avec l'M oncial, lettres doublées et abréviations.
La première ligne , dont les lettres sont une fois plus grandes
que les autres, est en encre verte, ainsi que la troisième et la
cinquième. La seconde et la quatrième ligne sont écrites en
rouge.
Ad lionorem Sancti Egidii ,
Petriis Guillelmus fecit liiinc
libnim in tempore domni Pétri
abbatis , anno incarnat! verbi MC
XXVIIU, régnante Lodoico rege.
Une note au crayon de sirFred. Madden, placée sur la feuille
de garde en parchemin, porte qu'un autre manuscrit de la même
main existe dans le fonds des Addition. Mss., n** 16918.
Au folio 62 v°, sont rapportées quatre concessions de messes
ettrentains, remontant au douzième siècle. Le soixante-troisième
et dernier contient, au recto, une bulle du pape Lucius II, da-
tée de Velletri, le jour des calendes de février, adressée à l'abbé
Ermenganus , et maintenant , sans tenir compte de l'appel formé
par ses moines, la discipline établie par ledit abbé. Sur le
verso sont des actes, en partie effacés et illisibles, qui se rap-
portent à l'an 1276, et concernent les services religieux faits
pour les bienfaiteurs du monastère. Addit. Mss., n° 16979.
VII. Paris.
1 . Table ou ample notice des trois cartulaires de l'archevêché
de Paris, des deux cartulaires de Saint-Mngloire et du cartulaire
122
de Saint-Maur des Fossés , contenant un exact extrait de toutes
les pièces qui y sont contenues. »
Manuscrit du dix-huitième siècle, in-foL, en papierde 230 fo-
lios , relié en veau avec armoiries , provenant de la collection
Joursanvault, lot 1039.
Archevêché de Paris. Grand cartulaire, fol. 1-55; petit car-
tulaire, fol. 55 bis v"-lOO; troisième cartulaire, fol. 101-122.
Ahbaye de Saint-Magloire. Grand cartulaire, fol. 123-157;
.petit cartulaire, fol. 160-167.
Abbaje de Saint-Maur-des-Fossés. Cartulaire (écrit en 1284
par le prévôt Guillaume , d'après le commandement de l'abbé
Pierre), fol. 168-229.
Au folio 230, on trouve un commencement de Table du cartu-
laire du prieuré de Saint-Éloi (de Paris) et la copie d'une charte
du roi Louis VI (le Gros), de l'an 1114.
En ce qui concerne l'archevêché de Paris, ces Tables sont au-
jourd'hui insignifiantes, grâce à la publication de ces cartulaires
par M. Guérard ; mais elles pourraient être utilement consultées
pour bien faire connaître ceux de Saint-Magloire et de Saint-
Maur, dont elles donnent, indépendamment d'analyses détaillées,
une table alphabétique des chartes. {Addit. Mss., u" 1 1535.)
2. Voici la traduction textuelle de l'article consacré à ce ma-
nuscrit dans le catalogue du Musée britanniqve :
« Chronique de l'abbaye de Saint-Martin des Champs, à Paris, en
vers français, contenant des copies de trois chartes, octroyées par
Henri P*" et Philippe P"" (rois) de France, (écrite) sur vélin au onzième
siècle, accompagnée d'une copie moderne et d'une lettre de M. le comte
deBastardà M. Techener, ayant pour but de justifler le dommage
causé au manuscrit. »
Cette lettre se rapporte à une polémique contre M. Champol-
lionFigeac , alors conservateur au département des manuscrits
de la Bibliothèque royale. On ne peut attribuer qu'à une distrac-
tion le mot français (french verse), appliqué au texte de cette
chronique, qui est écrite en latin.
C'est un in-4° en parchemin, de 5 feuillets.
Au point de vue artistique, ce manuscrit est très-curieux. On
y trouve des dessins au trait qui représentent des monuments,
ainsi que des personnages, entre autres saint Martin , les rois
123
de France , Henri V et Philippe P', accompagnés d'un grand
nombre de clercs et laïques.
Il y a une lacune entre le premier feuillet du manuscrit coté
actuellement 4, et le deuxième.
Des trois chartes, insérées dans le texte de la chronique, l'une
est du roi Henri , les deux autres de son fils Philippe.
Elles sont imprimées dans l'Histoire de Saint-Martin des
Champs, par Marrier, et dans la Gallia Christiana (vol. Vil,
Instr.). Ce manuscrit a été vendu par Techener, le 16 novem-
bre 1839. Il provient de la collection Joursanvault, lot 1035.
Àddil. iUss.jn" 11662.
IX. Saint- Berto (Abbaye de), à Saint-Omer.
« De Societate inita cum ecclesia Cantuariensi. « Arundel^
n°68, f. 71.
X. Troyes.
1. Compte de l'Hôtel-Dieu de Saint-Nicolas de ïroyes. Âdd.
Mss. 14855.
2. Necrologium ecclesiae Trecensis.
In folio, parchemin j quatorzième siècle, avec quelques addi-
tions; 58 folios ; mais incomplet des sept derniers jours du mois
de décembre. Ibid., nM5802.
3. Recueil de comptes de la cathédrale et de l'Hôtel-Dieu de
Troyes.
Fol. 1-15. Compotus cellarii ecclesiae Trecensis prouno anno
a Nalivitate S. Johannis, 1298-1299. Reliquiae compotorum ab
anno 1386 ad 1397.
Fol. 16-28. Compotus ejusdem, anno 1302-1303.
Fol. 29-34. Compotus Domus Dei S. Nicholai Trecencis pro
uno anno a festo B. Gregorii , 1304-1305.
Fol. 35-40. Compotus ejusdem, 1305-1306.
Fol. 41-45. Compotus ejusdem, 1306-1307.
Fol. 46-76. Compotus camerae Trecensis ecclesiae a festo
B. Pétri et Pauli anni 1346, pro uno anno.
Fol. 77-99. Compte de recette et de dépense de l'évèché de
Troyes pour un an , à partir de la Saint-Jean, 1365.
Fol. 100-105. Compte de lu dépense pour les causes de lé-
124
glise de Troyes pour un an , à partir de la Saint-Pierre, 1394.
Fol. 106-159. Compte de recette et de dépense pour l'œuvre
de l'église de Troyes , pour un an , à partir du dimanche après
la Madeleine, 1401.
Fol. 163-183. Antre compte pour le même objet, à partir du
même jour, 1409.
Fol. 184-215. Compte du cellier de l'église de ïroyes pour
un au, à partir de la Saint-Jean , 1445.
In-folioen parchemin, de 215 feuillets. /6id.,n*> 15803.
4. Compotuscensuum, laudum et ventarum ecclesiae Trecensis
pro uno anno a festo S. Eemigii anni MCCXLTI. In-folio, par-
chemin, 94 feuillets. Ibid., n° 15804.
5. Kecepta census Testardi de Maignillo, soluti Trecis , die
festi S. Remigii. fn-fol. parchemin. 58 feuillets. /&id., n*' 15805.
6. Compte de la fabrique de l'église de Saint-Etienne de
Troyes pour un an, à partir du 1" juillet 1401. Folios 1-42.
Compotus fabricae ecclesiae S. Stephani ïrecensis, a prima die
julii MCCCLXXF, pro uno anno. Fol. 43-66.
In-foL, parch., 66 feuillets. Ibid., n" 15806.
7. Compotus executionis (testamenti) bonae mémorise Adae de
Bruillicuria , quondam decani majoris ecclesiae Trecensis, et
Sanctorum Stephatii et Urbani, ecclesiarum ïrecensium, cano-
nici. In-fol., parch., 24 feuillets. Jbid., n° 15807.
8. Compte des biens de feu Jean Guéraut, chanoine de Saint-
Pierre et Saint-Etienne de Troyes , rendu audit chapitre par ses
exécuteurs testamentaires, 1379. In-fol., parch., 23 feuillets,
Ibid., n" 15808.
9. Compte de la grand'chambre de l'église de Troyes, pour
un an, à partir de la Saint-Pierre et Saint-Paul, 1401. Grand
in-fol., parch., 53 feuillets. Ibid., n*» 15809.
10. Compte de cellier de l'église de Troyes, pour un an, à
partir de la Saint-Jean, 1403. In 4°, parch., 33 feuillets, in-
terfoliés de papier, par Monteil , avec mauvaise copie. Ibid.,
n° 15810.
11. Compte du cellier de l'église de Troyes, pour un an, à
partir de la Saint-Jean, 1416. in4% parch, 82 folios. Ibid.,
n° 15,811.
12. Testament d'Etienne de Givry , évoque de Troyes, 26 avril
1426, et compte relatif à son exécution , clos le 24 novembre
1429. Grand in-fol., 34 feuillets. Ibid., nM58l2.
195
TROISIÈME PARTJE.
I. Abbaye de Tontevraud.
Conservé avant 1820 dans les archives de Muine-et-Loire,
qui possèdent encore aujourd'hui les neufs premiers feuillets,
la table alphabétique et la reliure (Voir Archives d'Anjou, vol. 1,
pages 210 et suiv.), ce cartulaire fait maintenant partie de la
bibliothèque de sir Thomas Phillipp's, baronnet, à Middie-Hill,
Worcestershire, et il y est classé sous le n** 67. Il a été acheté vers
1 822 au sieur Royer de Paris, avec le Livre Noir de Saint-Florent.
Son véritable titre est : Pancarta et Carlularium abhatissse et
ordinis Fontis Ebraudi, ou Grand Cartulaire.
Aujourd'hui il est intitulé, au dos de la reliure : Cartulaire
original des anciennes fondations pieuses de Fontevraud f, sur
vélin, manuscrit du onzième siècle, unique.
C'est un grand in-folio, haut de 0'",39, et large de 0,27. Le
parchemin est beau et fort. Il y a 137 feuillets, cotés à la fin du
dix-septième siècle, pages 257-530 ; et plus anciennement (en
chiffres romains), folios 136 à 269. Le folio 163 est en blanc.
Le manuscrit est composé de cahiers de 4 feuillets doubles, ou
quaterniers. Les quatre premiers sont numérotés xviii-xxi;
les suivants, à partir du folio 174, i-xiiii.
L'écriture remonte , pour la plupart des chartes , au milieu
du douzième siècle. Les vingtième et vingt-unième quater-
niers, fol. 157-161, sont du commencement du treizième, et
de la même main que les neufs feuillets couservés à la préfec-
ture. Les copies les plus récentes sont du quatorzième siècle :
fol. 156 v" (charte de l'an 1150), 161 et 162. Le nombre des
chartes est de 361, numérotées anciennement en marge, par le
P. Laidier, 572 à 915, plus le titre en rubrique de la 362®. Les
anciens numéros, auxquels se rapporte la table alphabétique ,
ont été grattés par le sieur Royer, ainsi que les chiffres des pa-
ges, sans doute pour faire croire que le cartulaire était complet
ou à peu près. On n'y trouve pas une seule charte française. Lît
plus ancienne est de 1 105 environ, et la plus moderne de 1322.
Du temps du P. Lardier, et probablement jusqu'à la suppres-
sion de l'abbaye et au bouleversement de son magnifique char-
126
tier, ce cartulaire se composait encore de 265 feuillets, paginés
1-530. Aujourd'hui il ne se trouve plus que 137 feuillets ou
274 pages. Sir Th. Phillipp's possède donc seulement un peu
plus de la seconde moitié de la regrettable Pancarte dont je n'ai
pu découvrir que les dix-huit premières pages dans un des
greniers de la préfecture. Quoi qu'il en soit, et malgré la faveur
éclairée et hospitalière avec laquelle le noble baronnet de Middle
Hill a bien voulu accueillir ma demande d'en prendre copie , la
perte de ce fragment du cartulaire de Fontevraud n'en est pas
moins déplorable pour l'Anjou.
Celui qui a volé ce manuscrit a cherché et réussi à détourner
l'attention de l'archiviste, M. Jubin-Dedouvres, par le même
moyen dont il a usé pour le Livre Noir de Saint-Florent, près
Saumur. La couverture, avec les quelques feuillets détériorés
par l'humidité et ceux dont l'écriture paraissait trop récente,
ont été laissés à la préfecture. Tout ce qui semblait avoir une va-
leur mercantile est passé dans les mains du sieur Royer. C'est lui
qui a fait relier les 137 feuillets du cartulaire de Fontevraud,
en leur donnant le titre reproduit ci-dessus.
L'état de ce manuscrit ne laisse rien à désirer. L'écriture est
disposée en pleine page, dont chacune contient, suivant les
cahiers ou quaterniers, 17, 19 et 22 ou 23 ligues. Pour le XXP,
il y en a 33 ; pour le XX* de 37 à 40. Elle est partout belle et
régulière , quoique plus ou moins grosse. On croit reconnaître la
même main pour les quaterniers II- VI; XVIII et XIX (folios
136-150 et 172-204). Les lettres y sont de petite dimension,
avec des hastes très-hautes. Les majuscules se rapprochent du
type carlovingien. Souvent elles ont été employées pour écrire
en entier les noms vénérables de Robertus et Petronilla, celle-ci
première abbesse, celui-là fondateur de Fontevraud. Pour les au-
tres quaterniers et feuillets, j'ai cru reconnaître cinq ou six mains
différentes. Dans les quaterniers I, IX-XIV, l'écriture est plus
grosse, et présente des lettres à hastes ondulées, ornées de
traits en spirale. Ces divers caractères, et l'emploi de récriture
allongée pour un grand nombre de rubriques et de dates, se-
raient de nature à faire attribuer le cartulaire de Fontevraud au
commencement du douzième siècle et même à la fin du onzième ,
si les chartes elles-mêmes n'en fixaient la date.
En général, les pièces ont des rubriques ou titres, sauf du folio
157 au 162^ Un grand nombre de ces pièces sont accompagnées de
127
notes marginales, souvent importantes pour la topographie, et
pour lesquelles chaque siècle a apporté sa coopération , depuis
le treizième jusqu'au dix-septième. On recounaît facilement dans
quelques-unes la main du savant P. Lardier.
Sur les 361 pièces contenues dans ce cartulaire , 87 ont été
copiées par M. André Salmon. Pour mon compte, j'en ai trans-
crit 226, et j'ai coUationné le texte de 48 chartes trouvées, soit
à Paris , soit à Angers.
L'orthographe du manuscrit a été scrupuleusement reproduite
dans la copie faite sous mes yeux pour les Archives de Maine-et-
Loire, sur du papier dont le format est le même que celui des
feuillets en parchemin appartenant au cartulaire, et à laquelle
j'ai fait ajuster l'ancienne couverture du manuscrit original.
II. Abbaye de Fontevraud.
Prieuré de Westwode, diocèse de Worcester, en Angleterre.
Musée britannique, Mss. Fonds Cotton. Vespasien, E. IX.
Registnim cartarum monasterii de Westwode, in comitatu
Wigornensi.
Petit in-quarto, nouvellement relié en cuir de Russie, avec
armoiries, et écrit sur parchemin. — 8 feuillets composent le
cartulaire, qui est placé eu tète du volume. Leurs marges ont
été restaurées avec soin. Les folios 1 recto et 8 verso sont restés
en blanc. — L'écriture appartient au milieu du XIIP siècle :
après 1226 (voir la 49^ charte). — 67 chartes, en général très-
courtes, dont les témoins ne sont pas nommés malgré la formule :
Biis testibus. A la suite de plusieurs pièces on a écrit, aussi
au XIIP siècle : hec caria est in cophino. 44 de ces pièces ont été
imprimées dans la nouvelle édition du Monasticon Anglicamim ,
vol. VI, page 1004.
Manuscrit bien conservé. Bonne écriture, un peu fine et serrée,
disposée en pleine page, dont chacune compte 41 ligues. Il n'y
a pas de rubriques , mais seulement des indications sommaires
placées en tète ou en marge des chartes.
III. Abbaye de Saint- Florent, près Saumur,
De même que le cartulaire de Fontevraud, le Livre Noir était
conservé avant 1820 dans les archives de Maine-et-Loire; aujour-
128
d'iiui il fuit aussi partie de la bibliothèque de sir Th. Phillipps,
sous le n° 70.
Il est intitulé Cartularium Sancli Florentii apud Salmurum
(anciennement Codex vetustarum donatiomim, Nigernuncupatus).
Au folio I recto, on lit, en petites capitales à l'encre rouge : In
hoc corpore continentur antiquorum precepta regum Ludovici^
Pipini, Karoli Calvi, de abbatia S. Florenlii Glonnensis cœnobii
aeu de alio cœnobio quod constructum est in loco qui dicitur
Salmurus, a Teutbaldo comité.
C'est un in-folio ayant en hauteur 0™ 31, et en largeur 0™ 233.
L'écriture est disposée sur deux colonnes dont chacune a 3i
lignes.
Il se compose de 141 feuillets en parchemin beau et fort.
Les deux derniers sont mutilés. Il manque au 140* 5 ou 6 lignes
dans l'angle inférieur, et au 141^ la 2'^ colonne du recto, ce qui
rend incomplète la dernière pièce du cartulaire; heureusement
on en trouve le texte eu entier dans le Livre d'Argent (fol. 53)
et dans le Livre Rouge (fol. 24) (charte de Henri II, roi d'An-
gleterre et comte d'Anjou). Antérieurement au foliotage, qui
remonte au XV^ siècle, il existait entre le 8* et le 9** feuillet une
lacune qu'on peut remplir à l'aide du rôle de Touraine * (charte 9).
La plus grande partie des chartes a été copiée vers le milieu
du XP siècle, 1040-1060. Postérieurement et à différentes épo-
ques, diverses mains y ont transcrit, sur les feuillets laissés en
blanc par l'écrivain primitif, les actes d'une date plus récente.
Les plus modernes se trouvent aux folios 34 recto et verso, 140
verso et 141 recto.
Elles sont au nombre de 290, du 30 juin 824 à 1 1 60 environ.
Ce cartulaire était jadis relié en bois couvert de cuir noir,
ce qui l'a fait nommer le Livre noir (Codex niger, ) pour le
distinguer des autres carlulaires de la même abbaye: Livre blanc,
Livre d' argent , Livre rouge. Afin de dissimuler sa sortie des
archives de Maine-et-Loire, l'individu qui l'a volé y a laissé la
reliure, après en avoir enlevé le corps du manuscrit. Sir Thoinas
PhiUipp's, le considérant avec raison comme l'un de ses plus
précieux volumes et de ceux qui ont fait naître chez lui la
passion des manuscrits, à laquelle il a consacré tant de soins,
I. Tous ces maniisci ils existent, dans les arrtiives du département de Maine-et-
Loire. V. Archives d'Anjou, ma. T et Catalogue des carlulaires des Archives
départtmenlales.
129
de temps et d'argenf, lui a donné une reliure magnifique, en
maroquin rouge doré et gaufré, garnie à l'intérieur de tabis.
r/écriture est partout très-belle, sauf aux deux derniers feuillets,
où elle est courue et peu soignée, circonstance qu'aggravent
encore l'usure, les taches et la mutilation du parchemin.
Les chartes sont en général précédées d'une analyse ou d'un
titre en rubrique. J.es initiales de chaque pièce sont aussi géné-
ralement en rouge et d'assez forte dimension. Celle de la première
charte est surtout belle et soignée.
Les copistes ont reproduit, en fac-similé, les chrismes, mono-
grammes et croix; même les notes tironiennes des actes origi-
naux qu'ils avaient sous les yeux. Dans la partie ancienne du
manuscrit, les souscriptions sont en lettres plus fines. A partir
dti folio 8, il y a aussi en rubrique des titres courants, qui dési-
gnent l'auteur de la charte, le pays ou la localité auxquels elle
se rapporte; quelquefois en encre noire, soulignés ou non en
rouge. Après le folio 67, ils deviennent plus rares, surtout en
rubrique. On voit au bas du verso des folios 67, 75, 83, 91, 99,
102 et 110, le numérotage par quaterniers, depuis X jusqu'à XVI.
Il n'y a pas de réclame au verso des feuillets.
Des notes écrites en marge des chartes, soit par dom Huynes,
soit par d'autres religieux de Saint-Florent, et même par M. Gué-
mas, l'un de mes prédécesseurs aux archives de Maine-et-Loire,
ont été assez grossièrement effacées.
Ce manuscrit offre, dans sa partie la plus ancienne, un spéci-
men bien curieux de l'art musical au moyen âge. Les VersicuU
de eversione monasterii S. Florentii^ copiés aux folios 6, 7 et 8,
ont leurs premiers couplets notés, et sans aucun doute la mu-
sique est contemporaine des paroles , qui remontent au milieu
du IX siècle. Dom Pitra, bénédictin de Solesmes, et avant lui
mon ami et confrère M. André Salmon , de Tours, ont calqué
les strophes notées. Quelques extraits du texte ont été publiés,
d'après la copie de dom Huynes. {Hist. Mss. de Saint-Florent ^
fol. 31 , aux arch. de Maine-et-Loire.) La collation sur le Livre
Noir m'a permis de compléter et de corriger ce texte.
La copie des chartes du Livre Noir n'a pas été faite par moi
seul. Au mois d'août 1849, M. André Salmon, pendant un
premier séjour à Middle-Hill, avait transcrit les pièces qui lui
avaient paru se rapporter à l'histoire des serfs et à celle de la
Touraine, en tout 62 chartes. Vers le même temps, dom Pitra,
I. {Quatrième série. 9
130
enthousiasmé par l'aspect et l'importance d'un document sur
lequel j'avais le premier attiré l'attention {Archives d'Anjou., vol. 1,
pages 227 et suivantes), et encouragé par sir Th. Phillipp's, forma
le projet de le publier dans son Spicilegium Solismense. Mais,
prenant pour bons Ions les textes, manuscrits ou imprimés, des
pièces que j'avais retrouvées, il ne s'occupa que de celles dont je
n'avais fait aucune mention , en cherchant à reconstituer le Livre
Noir; encore eu laissa-t-il échapper quelqnes-unes. Ayant appris
par les journaux ses projets à l'égard du Codex Niger, je me
rendis à Solesmes, emportant toutes les copies de chartes faites
d'après les textes trouvés à la préfecture et dans la collection
de dom Housseau (à la Bibliothèque impériale), ainsi que celles
dans lesquelles j'avais complètement reproduit le travail de
M. Salmon. En entrant dans l'abbaye, je pensais qu'il me reste-
rait fort peu de chose à faire sur le manuscrit dont la communi-
cation m'avait été offerte par sir Th. Phillipp's, à la demande
de M. Salmon. Bientôt, en conférant mes textes avec ceux de
dom Pitra, je pus reconnaître, et lui faire reconnaître aussi,
qu'il s'était un peu avancé en annonçant une publication pour
laquelle il lui manquait de nombreux éléments. Nous exami-
nâmes ensemble, et je relevai toutes les pièces qu'il avait copiées
in extenso, ainsi que M. Salmon; et je me décidai à limiter mon
travail sur le cartulaire à la collation des textes que j'avais
découverts, ainsi qu'à la copie de ceux qui nous manquaient
même après ce rapprochement. Les chartes imprimées par D. D.
Martène, Lobineau et autres, devaient être comprises dans cette
transcription. Ce parti avait pour résultat de mettre en évidence
la coopération très-importante de mes devanciers à Middle-Hill,
de me dispenser d'emporter un surcroît de papiers, dont ma
malle était déjà assez remplie, et enfin de me permettre de
consacrer au cartulaire de Fontevraud le temps que j'aurais
dépensé sur le Livre Noir. Les choses se passèrent comme nous
en étions convenus dom Pitra et moi, et avec tous les avantages
que je m'en étais promis. Toutefois, en copiant, au mois de
novembre 1850, les chartes transcrites par l'infatigable et savant
bénédictin, je constatai qu'il s'était trompé en me disant qu'il
avait dans son entier la charte 168^ (folio 82), dont il n'a guère
pris qu'un extrait. Comme il faut tout dire aussi , j'éprouvai
un vif regret que dans ses copies il ne se fût pas toujours astreint
à suivre, comme M. Salmon et moi l'avons fait, l'orthographe
131
originale. Au fond, ces défectuosités sont fort minimes et par
trop scrupuleuses : j'ai dû les signaler, quelle que fût leur portée.
Nous sommes en désacord, dom Pitra et moi, sur le nombre
des chartes du Livre Noir. Il en compte 300, et moi seulement
290, parce que j'ai mis sous un seul N° de petites notices placées
sous une rubrique commune : par exemple mon N" 90, que dom
Pitra divise en 9 articles. Après un examen approfondi, j'ai
cru devoir persister dans mon système, d'autant plus que dom
Pitra l'a suivi lui-même pour les pièces que j'ai cotées 138, 159
et autres.
En résumé, voici la part de chacun dans la copie des 290 pièces
du Livre Noir qui est déposée aux archives de Maine-et-Loire, et
reliée dans l'ancienne couverture du manuscrit original :
M. Salmon, 62 pièces;
Dom Pitra, 78 id.;
M. Marchegay 34 copies et 52 collations faites sur le car-
tulaire.
64 autres pièces , transcrites antérieurement d'après les ori-
ginaux conservés à la préfecture, n'ont donné lieu qu'à un rap-
prochement, pour constater leur identité.
IV. Abbaye de Saiwt-Flobent près Saumur.
Prieuré de Saint-Pierre de Sele, diocèse de Chichester, Angle-
terre (Sussex).
Archives du collège de la Madeleine, à Oxford, auquel ce
prieuré fut donné vers la fin du quinzième siècle.
Pas de titre. Turner et Dugdale le nomment Registrum prio-
ratus S. Pétri de Sela.
Copie des chartes du prieuré, au milieu desquelles sont inter-
calés divers articles de remembrances et recettes, après les folios
17, 20, 21, 57, 59, 60, sur des feuillets non compris dans le
foliotage du cartulaire, fait au quatorzième siècle.
In-quarto en parchemin.
60 folios pour le cartulaire, 4 pour l'index des chartes, placé
entête, 7 pour les remembrances et recettes; en tout, 71.
Le cartulaire a été écrit du commencement du treizième siècle
au milieu du quatorzième ; l'index et les remembrances, de la fin
du treizième à celle du quatorzième siècle.
Il y a de 150 à 155 chartes de la fin du onzième siècle au com-
9.
132
mencement du quatorzième (1307). Beaucoup de pièces non da-
tées paraissent appartenir au commencement du treizième siècle.
Ce manuscrit, de l'aspect le plus vénérable, possède encore sa
reliure primitive, composée de planchettes de chêne recouvertes
en peau de daim jadis verte. Les fermoirs n'existent plus. La con-
servation est bonne, sauf pour le folio 59, qui est très-déchiré.
L'écriture, disposée en pleine page, est fine, mais belle et nette.
Le nombre des lignes est d'environ 34 à la page, et plusieurs de
ces dernières sont restées en blanc. Des anal3'ses sont placées en
tète ou en côté des chartes ; quelques-unes en rubrique.
Les difficultés étaient très-grandes pour obtenir, pendant les
vacances, l'entrée du chartrier. Il fallait d'abord l'autorisation
du proviseur, et elle fut accordée avec la plus grande bienveil-
lance, grâce à la recommandation de IMM. Coxe, delà Bodléienne,
et Pollen, de Merton-College, auprès du Rev. Th.-Fréd. Smith ,
du collège de la Madeleine.
L'autorisation obtenue, on ne pouvait en user, d'après les rè-
glements, qu'avec l'assistance de trois professeurs de la maison.
Cette condition présentait de grandes difficultés.
Après avoir fait leurs classes avec l'assiduité la plus rigou-
reuse, les professeurs anglais profitent aussi très-consciencieuse-
ment des vacances pour chercher le repos au milieu des lacs
d'Ecosse, ou de nouveaux sujets d'étude sur le continent. J'en ai
eu la preuve au collège d'Eton, près Windsor, où je comptais
examiner les chartes des prieurés de Monmouth et de Sporle, qui
dépendaient aussi de Saint-Florent, et où, malgré les lettres
d'introduction de l'excellent M. Pollen, je n'ai pu voir que les
cloîtres et les préaux et l'église, n'ayant rencontré pour tout
personnel que le portier et le sacristain.
Enfin au bout d'une heure, et après avoir été frapper à la porte
d'une douzaine de ses collègues, M. Smith parvient à s'en ad-
joindre deux. A l'aspect des trois professeurs en robe, le con-
cierge se met aussitôt en marche, armé d'un trousseau de clefs.
Quatre ou cinq massives portes s'ouvrent successivement dans
un véritable dédale d'escaliers, et nous pénétrons dans le trésor
des chartes, placé au sommet d'une des tours qui forment l'en-
trée du collège de la Madeleine.
D'abord, je n'osai pas moi-même chercher le manuscrit, ob-
jet de mes désirs. Je me tenais à l'écart , parcourant des yeux le
vénérable réduit dont l'aspect général et les moindres détails me
133
reporlaient , presque involontairement, aux siècles de Henri VI,
des cardinaux Wolsey et Pôle, et de William de Waynflete, fon-
dateurs ou bienfaiteurs de ce magnifique établissement. Cepen-
dant , après vingt ou vingt-cinq minutes de recherches, MM. les
professeurs n'ayant pu trouver le cartulaire de Sele, quoiqu'ils
eussent ouvert toutes les portes des armoires, fait glisser le cou-
vercle de maintes cassettes et chargé leurs robes noires de cette
vieille et bonne poussière qui a sauvé tant de précieux parche-
mins, ils me proposèrent de chercher moi-même, et je me mis
de suite à l'œuvre. J'étais sûr que le manuscrit existait, parce
que, sans parler de ce qu'en dit le Monasticon Anglicanum ,
sir Thomas Phillipp's l'avait vu peu d'années auparavant , et il
m'avait montré le passage qu'il lui a consacré dans son précieux
Catalogue des Cartulaires anglais. Grâce à la ressemblance que
présentent, pour un œil un peu exercé, les manuscrits qui ont un
même objet ; grâce surtout au bonheur qui accompagne presque
toujours les fureteurs, je ne tardai pas à mettre la main sur l'an-
tique registre , et je pus en outre constater que le chartrier de la
Madelaine possède une pleine boite de magnifiques chartes
originales, dont la plupart , à partir du douzième siècle, ont en-
core leurs sceaux dans un état parfait de conservation.
Pour me permettre de consulter plus facilement le cartulaire
de Sele, MM. les professeurs , d'après l'avis de M. Smith , déci-
dèrent qu'il serait emporté chez ce dernier; et ainsi fut fait,
après mention du déplacement sur le livre d'ordre du chartrier,
que chacun d'eux signa. M. Smith me ramène aussitôt dans son
appartement ; il m'y installe de la manière la plus confortable et
la plus gracieuse, me recommandant de travailler à mon gré, de
ne pas me presser, et m'assurant que je ne le dérangerais en au-
cune façon. J'usai avec une grande reconnaissance d'une latitude
donnée avec une obligeance si cordiale. Toutefois je ne voulais
pas prolonger outre mesure l'esclavage dans lequel ma curiosité,
en fait de cartulaires, avait tenu l'honorable professeur pendant
près de quatre heures.
M. Pollen, qui pendant mes recherches et mon travail avait
fait visiter les divers établissements d'Oxford à mon ami et com-
pagnon de voyage André Salmon, étant venu me rejoindre; je
profitai de l'occasion pour terminer la séance, non sans avoir
exprimé à M. Smith une reconnaissance profonde, qui bravera la
distance et le temps.
134
Sans piirler des détails consignés dans celte notice, j'avais pu
copier deux chartes importantes, en conférer plusieurs autres
avec les textes conservés dans les archives de Maine-et-Loire ,
et enfin prendre diverses notes.
Aux folios 6 verso et 7 recto, se trouve la charte, copiée par
moi , dans laquelle Raoul , deuxième du nom , évêque de Chi-
chester, confirme à l'église de Sele, en mars 1235, tous les do-
maines, revenus et droits, énumérés par lui, qu'elle possède
dans son diocèse. Les détails qu'elle contient me l'ont fait préfé-
rer à celle qui suit : Confirmation générale donnée par Thibaud,
archevêque de Cantorbéry et primat d'Angleterre , en l'année
1151.
Parmi les personnages qui ont fait de nombreuses donations
au prieuré de Sele, j'ai surtout trouvé des chartes du prieur
Gautier, Walterius, de Golevile, qui vivait au milieu du trei-
zième siècle. Aussi Roger abbé et le couvent de Saumur firent-
ils un acte de justice, lorsque, dans leur chapitre général tenu
au mois de mai 1269, ils accordèrent la confirmation d'un ser-
vice anniversaire pour le salut de l'âme du généreux prieur.
Leur charte est copiée dans le cartulaire de Sele, au fol. 45 verso.
Elle est suivie d'un autre acte de même date, par lequel lesdits
abbé et couvent confirment aussi une messe en l'honneur de No-
tre-Dame, fondée dans le prieuré.
Au folio 57 du cartulaire est copiée la charte par laquelle
Henri II, roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Aquitaine et
comte d'Anjou, confirme à l'abbaye de Saint-Florent de Saumur
non-seulement l'église de Sele et ses dépendances, telles qu'elles
leur ont été données par Guillaume de Briouse et par son fils
Philippe, mais encore celle de Saint-Gervais et Saint-Protais de
Briouse en Norjnandie (diocèse deSéez), patrie des fondateurs et
chef-lieu de la paroisse qu'ils occupaient lorsque le succès des
armes de Guillaume le Conquérant leur valut dans l'île conquise,
comme aux autres compagnons du vainqueur d'Hastings, tant de
vastes et riches domaines pour le service religieux desquels cha-
cun d'eux appela et établit en Angleterre les moines des abbayes
de France, dont ils avaient le plus cultivé l'amitié et admiré la
dévotion.
Avant de partir pour la mission que M. le ministre de l'ins-
truction publique a bien voulu me confier, j'avais fait, à Angers,
un travail complet sur les chartes de nos abbayes angevines re-
135
lalives à leurs possessions en Angleterre. Le regret de ne pouvoir
copier ou analyser tous les documents contenus dans le cartu-
laire de Sele a été un peu diminué lorsque j'ai eu constaté l'exis-
tence, dans les archives de Maine-et-Loire, de divers actes im-
portauts qui n'ont pas été transcrits dans le registre de ce
prieuré.
En voici l'indication : I" Bulle du pape Innocent (treizième
siècle), contenue dans un vidimus original de l'official de Can-
torbéry, 20 janvier 1291, vieux style.
2" Charte de Philippe- de Briouse : Livre Blanc de Saint-Flo-
rent , fol. 1 1 6 verso .
3" Transaction avec l'abbé de Fécamp pour les églises de
Brembra, Staninges et Belingetone, Orig.
4° Charte de Jean abbé et du couvent de Saint-Florent , conte-
nant annulation des ventes faites par les prédécesseurs du prieur
Robert, 3 mai 1315. Orig. scellé.
5° Lettre missive de l'abbé Louis du Bellay à Richard Audouin,
prieur de Sele, contre l'établissement d'un collège de grammai-
riens au lieu et place du prieuré, 3 août 1488. Histoire Mste de
Saint- Florent, par D. Hmjnes , fol. 103. Lorsque cette lettre
parvint à son adresse, il était trop tard pour protester contre un
fait accompli et sanctionné par le roi Henri VI : la Madeiaine
existait déjà , et la révolution religieuse opérée par Henri VIII
ne devait rien changer à sa destination. Puisse-t-elle exister long-
temps encore; tel est le vœu qu'on ne peut manquer de former
après avoir visité ce magnifique collège.
V. Abbaye de Saint-Nicolas d'Angers.
Prieuré de Saint-Nicolas de Spalding, diocèse de Lincoln , en
Angleterre.
Musée britannique, Mss. Fonds Harley, n" 742.
Registrum prioratûs de Spalding; partes IV et V.
Petit in-folio en parchemin de 352 feuillets : IV^ partie
1-319; V^ 320-352. Dans le foliotage moderne, on a compris
plusieurs originaux intercalés. L'écriture appartient à la lin du
quatorzième siècle pour le cartulaire , et au commencement du
quinzième pour les additions.
La cinquième partie contient 90 chartes.
136
La quatrième en renferme un si grand nombre , qu'il ne m'a
pas été possible de les compter. Il doit y en avoir de 1 100 à
1200, ce qui forme un total d'environ 1,250 pièces, de l'an-
née 1 140 environ, au commencement du quinzième siècle.
Magnifique manuscrit. Bonne écriture, en pleine page, dont
chacune a de 36 à 38 ligues. En tête de la quatrième partie se
trouve une table analytique des diverses divisions suivant les-
quelles les chartes ont été groupées. Une analyse en rubrique
précède chaque pièce, du moins pour le cartulaire proprement
dit.
La plus ancienne paraît être une charte du roi Henri F% ainsi
datée : Teste Nigello de Albiniaco, apud Wodeslok, et concernant
les marais de Spalding. Il n'y est pas question de l'abbé ni des
moines de Saint-Nicolas d'Angers. On la trouve au folio YIII de
la quatrième partie. J'ai copié au même feuillet une charte de
son petit-fils Richard Cœur de lion , contenant restitution à
l'abbé de Saint-JNicolas d'Angers et au prieur de Spalding de la
terre dudit Spalding, telle qu'elle leur avait été donnée par son
aïeul susdit. La charte originale, datée du 15 novembre 1" an-
née de son règne, fut confirmée et innovée le 24 janvier, 10" an -
née de son règne, et reçut le nouveau sceau du monarque, adopté
pour remplacer celui qu'il avait perdu pendant sa captivité en
Allemagne. La plupart des titres se rapportent au quatorzième
siècle, et on y remarque notamment de nombreuses lettres des
rois d'Angleterre, entre autres des Edouard. On voit aussi une
certaine quantité de pièces du treizième siècle, datées en gé-
néral de l'année du roi et de celle du prieur. Il y est rarement
parlé de l'abbé de Saint-Nicolas, qui intervient cependant, en la
lO""' année du roi (Edouard) dans le partage des marais de Spal-
ding en deux sections : Kestevene pour le prieuré ; Hoiland pour
les usagers. (Voir fol. 10, recto.)
Le prieuré de Spalding était très-riche et important. Pour s'en
convaincre, il suffit de parcourir, dans le Monasticon Anglica-
num (nouvelle édition, tome 3, page 211), les documents his-
toriques et domaniaux qui sont parvenus jusqu'à nous.
J'ai vu, dans le manuscrit de Fïarley sous le n° 743, qui suit
immédiatement celui du cartulaire décrit plus haut, un terrier
contenant lui-même plusieurs chartes; mais le temps m'a man-
qué pour rechercher les trois autres registres ou cartulaires qui
ont appartenu à Maurice Johnson , et surtout le précieux et vo-
137
lumineux cartulaire conservé ati Collège de Caim,a Cambridge,
avec une chronique dans le manuscrit de laquelle sont aussi co-
piées des chartes de diverses époques. Ces deux derniers docu-
ments ne peuvent manquer d'offrir des particularités relatives
à l'histoire d'Anjou, et, en se présentant au collège de Caius
avant les vacances , on aurait toutes facilités pour les compul-
ser. A Cambridge on n'est pas moins bienveillant qu'à Oxford
pour les paléographes français.
Le Monasticon Anglicanum renvoie aussi au volume XXV des
manuscrits de Dodesworth, à la bibliothèque Bodléienne, à Ox-
ford. Je n'y ai trouvé, page 12, qu'une charte du roi Jean sans
Terre, imprimée dans les Rotuli chartarum, recueil dans lequel
on trouve aussi un autre acte du même prince concernant le
prieuré de Spalding. (Voir pages 47 et 55.)
Ou trouve, eu outre, de nombreuses copies au Musée Jiritan-
nique, Mss, de Cole, vol. 43, pages 91-457, et vol. 44, pages2l4,
215,316, 347, 357, etc.
VI. Abbaye de Saint-Serge d'Angers.
Musée britannique, Mss. Fonds Cole, volume XLVIIl, pages
36 45.
Prieuré de Saint-André de Swavesey, diocèse d'Ely, en An-
gleterre.
Copie de chartes dont les originaux sont conservés au palais
épiscopal d'Ely. Arch. of the see of Ely.
Manuscrit en papier, contenant 25 pièces, du milieu du dou-
zième siècle à l'année 1395 ; plus un catalogue des prieurs, à la
même époque.
La vingt-deuxième charte est une Notice curieuse sur l'occu-
pation du prieuré par le roi Jean sans Terre avec ses équipages
et ses troupes, énumérés tout au long, ainsi que les objets qu'ils
ont enlevés et consommés chez les moines.
. VII. Abbaye de la Trinité de Vendôme.
Bibliothèque de sir Thomas Phillipp's, n" 2,970, acquis vers
1825, de Royer, libraire à Paris, pour la somme de 2,500 fr.
Cartulaire de Vabbaye de la Sainte-Trinité de Vendôme.
138
Iii-4" ; haut de O^/iS ; large de 0,23.
Il a 40 folios en parcheiniu.
Il a été écrit dans la seconde moitié du onzième siècle , vers
1070, avec quelques pièces ajoutées postérieurement, jusqu'au
commencement du douzième siècle.
Le nombre des chartes est de 111, dont 109 entières et 2 in-
complètes.
La plus ancienne, émanée de Bouchard, comte de Vendôme,
et antérieure à la fondation de ce monastère par Geoffroi Mar-
tel I", comte d'Anjou , est de la tin du dixième siècle; la plus
moderne est de l'an 1101.
Ce débris de l'ancien cartulaire est dans un très-bon état de
conservation.
Sauf pour les huit premiers feuillets, qui contiennent de 40
à 42 lignes et sont de diverses mains, l'écriture est disposée sur
deux colonnes, dont chacune a 31 lignes.
A partir du folio 9, les titres des chartes sont en rubrique ,
avec des lettres onciales.
Un index des chartes, avec titre et incipit, qui occupe les fo-
lios 1 à 4, ainsi qu'une colonne du folio 6, prouve que ce ma-
nuscrit contenait environ 570 pièces, dont il ne reste pas même
un cinquième aujourd'hui.
Il résulte, en outre, des renseignements fournis par la col-
lection de dom Housseau, que ce cartulaire contenait au moins
274 folios : il n'en reste plus aujourd'hui que 40
Le folio 9 actuel correspond à l'ancien fol. XXI, et ainsi de
suite, sans lacune , jusqu'au folio 40, jadis LII.
Les huit premiers feuillets ont été cotés anciennement
A. R. CD., et I, II, m, IITI; mais ils formaient une pagination
à part et n'étaient pas compris dans les vingt feuillets qui pré-
cédaient le folio coté actuellement 9 ; car ces chartes ne sont
pas indiquées dans l'Index susdésigné
Après avoir collationné sur le manuscrit original une quaran-
taine de chartes copiées par lui et par moi d'après les textes
contenus dans quelques-unes des collections de la Bibliothèque
impériale , notamment celle de D. Housseau, M. André Salmon
a transcrit tout le reste du cartulaire de Vendôme; et, comme ce
document est de la plus grande importance pour l'histoire d'An-
jou, il m'a permis d'en faire faire une copie pour les arciiives
du département de Maine-et-ÏX)ire.
P. MARCHEGAY.
CHARTE FRANÇAISE
DE 1230,
CONSERVÉE AUX ARCHIVES MUNICIPALES DE TROYES.
La pièce que nous donnons ici a déjà été publiée. On la trouve dans
les Archives historiques de l'Aube de M. Vallet de Virivillei. Mais la
leçon qu'a reproduite M. Vallet de Viriville est celle d'un cartulaire
écrit en 1377. A l'époque où notre confrère imprima son livre , l'ori-
ginal était égaré. Depuis, un classement opéré dans les archives mu-
nicipales de Troyes a fait retrouver cet original. C'est une feuille de
parchemin, haute de 60 cent., large de 46, dont le sceau manque 2,
mais dont l'écriture suffit pour démontrer clairement l'authenticité.
Nous reproduisons cet original. H doit une réelle valeur à ses formes
orthographiques, qui diffèrent beaucoup de celles qu'on trouve dans le
texte publié par M. Vallet de Viriville. Voici quelques-unes des trans-
formations que le texte de 1 230 a subies dans la transcription reproduite
par notre confrère.
ax est devenu aux jostise est devenu justice
çax ciaux leu lieu
ces ceulx majeur maeur
chauz cheuz molins moulins
famé femme ioz tous
fors fours voil veul
home homme
Bien plus, le mot geis (gens) , art. 7, a été remplacé par un équivalent,
par le mot vassal.
Nous ne voulons pas prolonger indéfiniment cette énumération. On
peut comparer les deux textes. Pour faciliter cette comparaison , nous
1. P. 370-374.
2. A défaut du sceau primitif , celui de Thibaud IV, comte de Champagne, premier
type, on y a fort maladroitement attaché un autre sceau postérieur de plusieurs an-
nées, un sceau du même Tliibaud, au type dont ce prince fit usage après son avène-
ment au trône de Navarre, en 1234.
140
avons reproduit le numérotage par articles établi par notre confrère.
En faisant la collation de ces deux leçons, que sépare un espace de
150 ans, on pourra se rendre compte des modifications qu'avait subies
dans cet intervalle la langue écrite et parlée à Troyes. On comprendra
aussi combien il faut se défier, philologiquement parlant, des trans-
criptions contenues dans les cartulaires.
Ce qui ajoute du prix à la pièce qne nous publions , c'est qu'elle
est, à notre connaissance du moins, la charte française la plus ancienne
qui existe dans les dépôts d'archives de la capitale de la Champagne,
Camuzati a bien publié une lettre patente en français de 1213, par
laquelle la comtesse de Champagne , Blanche de Navarre , réglemente
l'administration de l'Hôtel-Dieu le Comte de Troyes. Mais c'est en
vain que nous l'avons cherchée dans les archives de cet établissement.
Elle n'est même pas indiquée dans l'inventaire, qui a été rédigé à la
fin du siècle où Camuzat écrivait. Nous croyons donc que l'original
n'existe plus. D'ailleurs, si cet original était en français, évidemment
Camuzat en a fort mal reproduit les formes orthographiques. Dans l'é-
tat où cette pièce nous a été conservée par lui , sa valeur philologique
est presque nulle, et elle doit céder le pas à la charte postérieure en
date que nous donnons ici.
Reste à résumer en quelques mots les principales dispositions de
notre document. Il a pour objet l'érection de la ville de Troyes en
commune.
Treize bourgeois, choisis chaque année par le comte (art. 8) , admi-
nistreront cette commune (art. 9) et rendront la justice à ses membres
(art. 9). Ces treize bourgois éliront parmi eux un chef qui recevra le
titre de maire (art. 8) , et les douze autres prendront le nom de jurés
(art. 7 et 10) 2. Le maire et les jurés qui succéderont à un maire et à
d'autres jurés formeront avec eux une même personne morale, et
devront prendre fait et cause pour leurs prédécesseurs poursuivis en
justice, menacés d'un duel ou excommuniés pour avoir soutenu les
intérêts de la ville (art. 2i). Le maire et les jurés lèveront pour le
comte une redevance fixe appelée jurée 3, que le comte substitue à la
1. Promptuarium antiquitatnm sacrarum Tricassinae diœcesis. Troyes, in-12,
1610, fol. 401-402.
2. Le nom de jurés vient, comme on sait, du serment que ces officiers prêtaient
avec le maire, à leur entrée en fonctions. (Art. 9.)
3. La jurée tire son nom du serment par lequel le contribuable attestait la vérité
de la déclaration par lui faite pour servir de l)ase à l'assiette de cette imposition.
(Art. 10 et 11.)
141
taille arbitraire à laquelle ses hommes de Troyes étaient sujets (art. \o).
Cette redevance consistera : 1° en un impôt immobilier, qui sera de deux
deniers pour livre du capital (art. 2), c'est-à-dire égalera 16 120" du capi;
taM (art. 2); 2° en un impôt mobilier frappant sur tous les meubles, dé-
duction faifedes meubles meublants, des vêtements et des armes a l'usage
des contribuables, et cet impôt sera de 6 deniers pour livre (art. t),c'est-à-
diredu(iuarantième du capital 2, L'évaluation du capital se fera par cha-
que contribuable, qui prêtera serment que son estimation est exacte. Si
cependant cette évaluation est évidemment trop faible, le maire et les ju-
rés pourront n'en pas tenir compte (art. 1 1 ). Dans tous les cas , aucun
bourgeois ne pourra être contraint de payer plus de 20 livres, ou en va-
leur moderne, 2,000 francs 3, ce qui, d'après le système général d'évalua-
tion établi plus haut, correspondrait à 800 livres (80,000 fr.) de capital
mobilier, et 2,400 livres (240,000 fr.) de capital immobilier (art. 6). Les
bourgeois de Troyes moudront leur blé aux moulins du comte et feront
cuire leur pain à ses fours , à moins que le maire et les jurés ne con-
sidèrent comme insuffisant le nombre de ces fours et de ces moulins
(art. 20). Ils iront en personne à l'ost et à la chevauchée du comte
jusqu'à l'âge de soixante ans, auquel cependant ils devront fournir un
homme, s'ils le peuvent (art. 14). Avant l'âge de soixante ans, le privi-
lège de se faire remplacer n'appartiendra qu'aux marchands et aux
changeurs sommés de partir pendant une foire (art. 1 5). Tout bourgeois
qui possède 20 livres vaillant (2,000 fr.) aura chez lui une arbalète et
50 traits (art. 19). Si le comte a besoin des chevaux et des charrettes des
habitants de Troyes, il s'adressera au maire qui les lui enverra. Mais le
propriétaire recevra un prix de location , et même, en cas d'accident ,
une indemnité supplémentaire (art. 18).
La commune de Troyes aura droit de basse justice personnelle et
1. si l'on admet qu'au moyen âge le revenu immobilier fût le dix-neuvième du
capital , on trouvera que cet impôt était au revenu comme 1 est à ^= 6,32. Voir
Cartul. de N. D. de Paris, préface, p. ccxxxiv.
2. Dans le cas où la fortune mobilière n'aurait pas rapporté plus que la fortune im*
mobilière , cet impôt aurait été au revenu comme 1 est à ff , il en aurait enlevé
presque la moitié. Mais les capitaux engagés dans le commerce, qui étaient à peu
près seul frappés par ces impôts, devaient donner un revenu bien supérieur à celui
des fonds de terre.
3. Dans son Histoire de Provins^ t. I, p. 443, notre confrère M. Bourquelot a
prouvé que la valeur de la livre de Provins était égaie à celle delà livre tournois.
Quant à l'estimation de la livre tournois et à l'appréciation du pouvoir de l'argent,
nous suivons ici le^ calculs de M. Guérard, Cart. de Saint-Père de Chartres, pro-
légom., $ 188.
14-i
rée!le (art. 5j. Cependant tout vassal du comte étranger à la commune,
toute église placée sous sa garde sera maîtresse d'actionner les bour-
geois devant la cour du comte, et cette cour prononcera la condam-
nation, s'il y a lieu, sauf au maire et aux jurés de fixer le montant de
l'amende (art. 7). Le comte se réserve aussi la haute justice : meurtre,
rapt , larcin , duel , fausse mesure (art. 6). Les amendes prononcées
par les jurés entreront dans la caisse communale (art. 6). Toutefois,
lorsque le condamné sera un étranger, les bourgeois de Troyes ne
pourront toucher plus de 20 livres ; l'excédant appartiendra au comte
(art. 6). Le comte profitera aussi de l'amende prononcée contre un
bourgeois, sur la demande d'un vassal du comte (art. 7). Mais, si la jus-
tice du comte condamne quelqu'un de Troyes pour fausse mesure, les
bourgeois de Troyes auront le tiers de l'amende, 20 sous sur 60 sous.
En dédommagement du préjudice causé au comte par l'abandon de ces
produits de la justice de Troyes , les bourgeois lui payeront une rente
annuelle de 300 livres de Provins (30,000 fr.) (art. 5) i.
Ces privilèges de commune ne s'étendent pas aux hommes des vas-
saux du comte et à ceux des églises placées sous sa garde (art. 3 et 4) .
Ils s'appliquent seulement aux hommes du comte habitant Troyes à
l'époque de la concession , et aux étrangers qui , n'étant serfs ni du
comte, ni de ses vassaux, ni de ses églises , viendront s'établir à Troyes
postérieurement (art. 1®'). Aussi le servage persista-t-il à Troyes beau-
coup au delà de l'année 1230.
Cette commune à l'eau de rose , dont le maire était le mandataire
du comte en même temps que des habitants (art. 9,10, 18), avait
cessé d'exister en 1242. On peut consulter là-dessus le livre déjà cité
de M. Vallet de Viriville, p. 369 et suivantes 2.
1 . On appelait cette rente censé de la commune. Il est question des censés de
diverses communes dans le compte de la terre de Ciiainpagne pour l'année 1340-
1341 (Rouleau conservé à la Bibl. Imp.). En 1236, le comte de Champagne, Thibaud IV
donna au prieuré d'Allibandière 62** de rente sur la censé de la commune d'Herbisse;
Yoir Àrch. de l'hospice de Bar-sur-Aube, pièce cotée Allibandière , n. 32. Enfin,
sans aller si loin, le terme de censé se trouve avec cette signification dans l'art. 18
de notre charte.
2. Pour se rendre compte des circonstances dans lesquelles fut établie la com-
mune de Troyes, voir Vallet de Viriville. Arch. Ais^. de ZMM&e, p. 381-382; Bour-
quelot, Hist. de Provins, t. I, p. 198 et suivantes; Chevalier, Hist. de Bar-sur-
Aube,^. 165 ; Guignard, Choix de pièces pour servir à l'histoire de la Ferté-sur-
Aube, dans Y Annuaire de l'Aube de 1850, p. 59 et suivantes de la seconde partie,
Cf. Reg. MiMé Extenta comitatus Campanie, Archives de l'empire, K, 1151.
H3
1. Gie Tiehaiiz , de Champaigne et de lîrie cueris palaziiis,
faiz à savoir à toz çax qui sont et qui seront qui cez létres ver-
ront, que ge franchis et quit toz mes homes et mes famés de
Troies de totes toutes et de totes tailles , par tel manière que ge
aurai en toz cez eu cui ge avoie taille et en toz cez homes et fa-
més qui defors venront ester en la communeté de Troies, VI d.
de la livre do muehle fors qu'en armeures et en robes faites à
eux lor cors et fors qu'en aiesemenz d'ostel.
2. Et est à savoir que vaissel où l'en met vin et tuit aiesement
d'or et d'argent seront prisié chascun an aveuc les autres mue-
bles , et aurai de la livre de l'éritaige II d. chascun an.
3. Et est à savoir que se aucuns de mes homes ou de mes fiè-
vez ou de mes gardes venient por demorer en la comuneté de
Troies , li borjois de Troies n'en porrout aucun retenir, se n'est
par mon asent ou par ma volenté.
4. Et s'il avenoit que aucuns hom ou aucune famé de mes
viles ou de mes liez ou de mes gardes venient ester en la comu-
neté de Troies, etlihom ou la famé qui i venroit disoit que il
ne fust de mes viles ou de mes fiez ou de mes gardes , il seroit
esclairié à ma volenté do retenir ou do refuser. Et , se je lo re-
fusoie, il auroit conduit de moi, il et les soes choses, XV jorz
planièrement.
5. Et est à savoir que se aucuns de la comuneté de Troies
veult paier XX Ib. en l'an, il sera quites do sairement et de la
prise de cèle année vers moi. Et si lor doig et otroi la prévosté
et la jostise de Troie et de lor terres et de leur vignes qui sont
dedanz lo finaige de Troies , si comme ge la tenoie au jor que ces
letres furent faites , por CGC Ib. de provenisiens , qu'il me ren-
dront chascun an à Pentecoste.
6. Et est à savoir que li forfait des homes et des famés de la
communeté de Troies et de toz cez qui sont ou seront estagier
en la jostise de la communeté de Troies , sont as borjois de
de Troies, si corne ge les soloie avoir. Et tuit li forfait des gens
estrenges qui ne sont de la jostise de la comuneté de Troies, sont
as borjois de Troies jusqu'à XX s. ; et li seurplus iert miens. Et
ge retaig lo murtre et lo rat et lo larrecin, la où cez choses se-
ront coneuez et ataiutes. Et si retaig lo chanpion vencu, dont
j'aurai m'amende as us et as costumes de Troies. Et si retaig la
fause mesure , de la quéle j'aurai XL s. , et li borjois de Troies en
auront XX s.
144
7. Et est à savoir que je retaig la jostise el la garde de mes
églises et de mes chevaliers et de mes liévez et de mes geis ; en
tel manière que se aucuns de çax de Troies ou de la jostise de la
comune [de] Troies forfaisoitàaucunsde cez que ge retaig, c'est
à savoir as clers , ou as chevaliers , ou à mes fiévez , ou à mes
geis, dont plainte venist à moi, ge la dréceroie, et l'amende
seroit moie. Et sera jugiée l'amende as us et as costumes de
Troies par lo majeur et par les jurez de Troies.
8. Et est à savoir que ge ou autres de mes gens ellirons chas-
cun an XIII homes de la comuneté de Troies à bone foi, et ci!
XIII elliront l'un d'ax à majeur chascun an dedanz la quinzaine
que ge les aurai nomez. Et s'il ne l'avient elleu dedanz la quin-
zaine, ge i elliroie l'un des XIII.
9. Et cil XIII nomé jureront sore sainz que ma droiture et
celi de la comune de Troies garderont , et governeront la vile et
les afaires de la vile à bone foi. Et ce que cil XII juré et li mai-
res feront par bone foi , il n'en porront estre aqoisoné. Mais s'il
faisient jugement ou esgart qui ne fust soffisanz , il seroit adré-
cié à mon esgart as us et as costumes de Troies , sauf ce qu'il ne
lor costerait rien et n'en ferlent point d'amende cil qui aurient
fait lo jugement ou l'esgart.
10. Et cil XII juré et li maires lèveront les deniers de chas-
cun, VI d. de la Ib. do mueble, si com il est dit devant, et
II d. delà Ib. de l'éritaige par lo sairement de cez qui ce de-
vront.
11. Et se li maires et li XII juré ou une partie d'ax jusqu'à
III ou plus avient sopeçonex aucun de cez qui auront juré à ren-
dre VI d. de la livre do mueble et II de la Ib. de l'éritaige , il lo
porrient croistre selonc lor bone concience , sauf ce que cil n'en
fera point d'amende qui aura juré. Et cil denier seront paie chas-
cun an à la feste saint Andriu.
12. Et est à savoir que tuit cil de la comune de Troies pueent
et porront vendre et acheter éritaiges et autres choses , si com il
ont fait devant, et ont et auront lor franchises et lor usaiges, si
com il les ont eues devant.
13. Et se aucuns voloit plaidoier aucun de la commune de
Troies par plait ou par autre manière, je ne lou porroie traveiller
fors de Troies, se por ma propre queréle n'estoit, et cèle
queréle seroit terminée as us et as costumes de Troies.
14. Ge aurai mon ost et ma chevauchiée si corne ge avoie de-
115
vant, tors tant que boni de LX ans ou de plus n'iera pas ; mais
s'il a lo pooir suffisant , il i envolera 1 home por lui selon son
pooir.
15. Et se ge semoig ost ou chevauchiee en tans que foire sera,
li changéeur et li marcheant qui seront en la foire enbesoignié ,
i porront envoler homes soflisanz por ax sanz amende. Et se
aucuns defailloit de mon ost ou de ma chevauchié , cil qni dé-
fauroit lo m'amenderoit.
16. Et si promet à boue foi que n'es semondrai en ost ne en
chevauchiee por ax aqoisoner, fors que por mon besoig.
17. Et si voil que chevax à chevauchier ne armeuresà cez de
la comune de Troies ne soient prises por détes ne por pièges ne
por autres émissions.
18. Et se ge ou mes genz avons mestier de chevax ou de char-
rétes de Troies, il sera requis au majeur de Troies, et cil lo
fera avoir à loier là où il lo trpvera, et paiera lo loier des de-
niers de ma censé. Et s'il mésavenoit do cheval , il seroit renduz
au resgart des XII jurez et do majeur des deniers de ma censé.
19. Et chascun de lacommuneté de Troies qui aura vaillant
XX Ib., aura arbeleste en son ostel et qnarriax jusqu'à L.
20. Et est à savoir queli borjois de Troies cuiront et morront
à mes forz et à mes molins à autel marchié com as autres ; et s'il
avenoit que ge n'eusse assez fors et molins à Troies , il feront
morre et cuire au resgart des XII jurez et do majeur, selonc ce
qu'il convenra soffisaument à mes forz et à mes molins. Et quant
ge aurai forz et molins tant com il lor convenra au resgart des
XII jurez et do majeur, il i cuiront tuit et morront.
21. Et se aucuns des XIII elleuz estoit chauz en plait, ou en
guerre ou en escomeniement por lo fait de la vile , li XII juré et
li maires qui après venront, seront tenu à penre lo fais sor ax .
ausi com li XII juré et li maires qui estient devant l'avoient soi
ax.
22. Et ge ne porrai mètre hors de ma main nules de ces
choses.
23. Et est à savoir que, se aucuns de la communeté de Troies
estoit aresléz , et pris en aucun ieu por ma déte, ge lo sui sui
{sic) teuuz à délivrer lui et ses choses do mien. Et s'il estoit pris
arestcz por autre chose, ge lo sui tenuz à aidier et délivrer a
bone foi.
24. Et est à savoir que se aucuns de cez qui venront ester en
I. {Quatrième série.) jO
146
la commuuede ïroies s'eu vuelent râler, il s'en iront sauvement
et franchement, quant il \orront, et auront conduit de moi
XVjorz plainement.
25. Et est à savoir que mi serjant qui sont à moi , et cil qui
ont mes Chartres ou les Chartres de mes ancesseurs , seront en
la comune de Troies , se il welent ; et , se il ne lo weulent , il
seront en ma main si come devant.
26. Et totes ces choses et totes ces covenances qui sont conte-
nues en ces létres, ai ge juré à tenir por moi et por mes oirs à
aux et à leur oirs parmenablemcnt. Et por ce que ce [soit] ferm
et estable, aige fait ces létres séélées de mon séel.
Ce fut fait en l'an de grâce mil et CC et XXX, ou mois de sep-
tembre.
H. D'ABBOIS DE JUBAINVILLE.
CHARTES
DE
LA CHARITE DE N. D,
DE LA COUTURE DE RERNAI.
II existe encore dans la plus grande partie de la Normandie, sous le
nom de Charité^, une corporation religieuse à peu près inconnue
hors des départements de la Seine-Inférieure, de l'Eure et du Calva-
dos, et qui, avant la Révolution, existait et prospérait dans les dio-
cèses de Rouen, d'Évreux, de Lisieux et de Bayeux. Le but principal
de ces associations pieuses était de rendre les derniers devoirs à tout
chrétien habitant de la paroisse, qu'il fût membre ou non de la con-
frérie. Ce service fut toujours religieusement rempli, et, bien que les
conciles 2 de la province aient plus d'une fois réprimé sévèrement les
abus toujours inséparables d'une longue existence, jamais les évéques
n'ont eu besoin de rappeler les confrères à l'accomplissement de leur
mission première.
L'origine des Charités est à peu près inconnue. Quelques-unes préten-
tendent remonter à une très-haute antiquité, et, si nous en croyons la
tradition, l'une d'elles, la Charité de Saint-Martin de Landepeureuse 3,
1. « Caritas, sacrum sodalitium, idem quod confialria, Gall., Confrérie; D. Car-
pent., Gloss. M. et Inf. Lai., t. 1, p. 826, au mot Caritas. — Ou a publié en 1847
un article curieux sur la Charité de Vernon,qui, si l'on en croit l'auteur, remon-
terait à l'an 1319, et aurait été fondée par la corporation des tailleuis de drap de cette
ville. Voy. V Illustration, samedi 13 mars 1847, vol. IX, p. 27-28, n" 21.
2. « Opéra.... laudamns, nt sunt divina officia et ornamenta ecclesiarum quorum-
« cumqne etiam peste mortuorum sepulturas et exsequias, nec non in pauperes elee-
n mosynas; verum quoniam audivimus comessationes et ebrietates et alias, si non
« omnino malas, ineptas tamen confederationes etactiones, Caritatis nomine velari.»
Stat- Synod. Ebroic, an. 1576 ; D, Bessin, Concilia Rotoviag., part. Il , p. 392 ; et
Concilium Rotomag., an. 1581, art. 34; D. Bessin, part. I, p. 223.
3. Arrondissement de Bernai.
10.
148
aurait été fondée en mars 1 080 par les sires de Thevray. Il est fâcheux
que l'iusoucianee, l'incurie et surtout la méfiance des frères de Charité
se soient faites les auxiliaires fidèles des temps pour faire disparaître
les quelques documents épars qui pourraient encore nous apprendre le
passé de ces associations et fournir bien des renseignements utiles pour
l'histoire locale.
Sans la bienveillance de M. Heurteux , curé de Saint-Croix de Ber-
nai, qui s'est empressé de nous communiquer le livre de la confrérie
attachée à sa paroisse , et sans la nécessité où se trouvait la Charité de
Notre-Dame de la Couture de la même ville de connaître les titres
de sa fondation , jamais nous n'aurions vu ces chartriers campagnards
s'ouvrir devant nous.
La Charité de Sainte-Croix de Bernai ne possède plus maintenant
qu'un manuscrit in-folio, moitié vél|n et moitié papier, qui ne remonte
pas au delà de l'année 1518, ainsi que le prouve le commencement de
ce registre : « Ensuivent les noms des Frères et des Seurs servants
« à la Charité de Sainte-Croix de Bernay, pour l'an mil cinq cenz dix-
« huit, par lesquels ce présent livre fut alloué a faire. >- En tête de ce
livre , qui contient la nomenclature de tous les membres de la cor-
poration, se trouve une mauvaise copie, fort incorrecte, faite au
dix-huitième siècle, de la charte de fondation de cette oonfrerie, don-
née par Guillaume VI d'Estouteville, évêque de Lisieux, le dixième
jour de décembre 1400, et vidimee par Charles VI , roi de France.
Cette charte, dont le préambule et la fin sont en latin, est écrite en
français dans tout le corps de l'acte. Malheureusement la copie de
ce diplôme paraît très-inexacte. C'est pourquoi nous avons préféré pu-
blier ici les titres de la confrérie de l'autre paroisse de Bernai, titres tout
à fait identiques et que nous avons pu transcrire sur les originaux eux-
mêmes.
Les archives de la Charité de Notre-Dame de la Couture de Bernai
sont un peu plus riches. Elles possédaient, en 1845 :
\° Trois chartes originales sur parchemin^
2" Un livre manuscrit, in-folio , qui, semblable à celui de Sainte-
Croix , est partie sur velin et partie sur papier.
La première de ces trois chartes remonte à l'année 1398. Donnée par
les vicaires généraux du diocèse de Lisieux, en l'absence de l'évéque ,
Guillaume VI d'Estouteville, elle renferme et la fondation de la Charité
de Notre-Dame de la Couture de Bernai et l'approbation des statuts,
accordée à la requête des confrères. La deuxième, un peu plus récente,
est de 1406. C'est une nouvelle édition, délivrée par Guillaume lui-
149
même , du règlement de 1398, devenu plus étendu et plus complet. Il
subsiste encore dans la plupart de ses dispositions; c'est le texte que
nous publions plus bas. Ces deux chartes sont écrites, comme celle de
Sainte-Croix , partie en latin , partie en français. Le troisième docu-
ment est une permission accordée en 1448 , par Tlioraas Basin, évé-
que de Lisieux , de conserver dans l'église de la Couture un reliquaire
renfermant des cheveux de la Vierge. Cette pièce, écrite en latin,
était encore en 1845 scellée du grand sceau de l'évêché, en cire rouge.
Le manuscrit remonte jusqu'à l'année 1398. Il renferme la liste,
année par année , de tous les frères servants de la Charité. Cette sèche
nomenclature présente de temps en temps, ainsi que dans le livre de
Sainte-Croix, la mention d'un fait qui peut intéresser soit la corporation,
soit la ville elle-même. Ces quelques renseignements sont malheureuse-
ment trop rares et trop concis. En tête de ce registre se trouvent la liste
générale des fondateurs de la confrérie, puis la copie du règlement de
1406, et enfin deux grandes miniatures, bien froissées aujourd'hui,
dont la première offre la représentation de la Trinité, et qui n'est pas
sans quelque sentiment de l'art. Mais plus loin l'on rencontre dans ce
livre d'autres enluminures traitées avec le même soin et les mêmes
procédés que les merveilleuses estampes de Crédit est mort ou du Juif
Errant.
Nous demandons à nos lecteurs la permission de reproduire ici les
quelques faits qu'il nous a été possible de relever dans les deux re-
gistres de Sainte-Croix et de Notre-Dame de la Couture , et qui peu-
vent se rattacher, soit à l'histoire de la province, soit à l'histoire de
la ville. En procédant à cette véritable exhumation , nous serons peut-
être assez heureux pour attirer l'attention d'autres personnes sur les
archives de confréries semblables^ et pour aider à sauver de l'oubli et des
injures du temps quelque document non encore exploré.
Le premier fait que nous trouvons mentionné, c'est, en 1417, au mois
d'août, la retraite de la Charité de Notre-Dame de la Couture dans la
ville de Verneuil , retraite causée par l'arrivée des Anglais à Bernai *.
- L'an de grâce mil .CCCC. et .XVII. fust ceste Charité
« maintenue et gouvernée en la ville de Vernul, depuis le
« IIIl*' jour du moys d'Aoust jusques a la feste de la Tous Sains
.< prouchain ensuivant pour Vocation et fortune de la venue
« des Englois, eu tous les peins , estatus , fourmes et manierez
1. Livre de la Char, de la Coult., foi. il \'.
150
• contenues en l'Estalu d'icelle, sans dimmution, tant en service
« divin, c'est assavoir en nombre de messes o les iuminare,
« deux calices , encensies d'argent , livres de recete , messel et
« ornemens solempniel a la iouienter et agmentacion de la glore
« de Dieu et de sa Mère, au proufit et acroissement d'icelle Cha-
« rite comme des habitans et demourans en ycelle ville , soy de
« nouvel rendans en ycelle Charité, pour l'ostension et demons-
« trance des bienfais par eux congnus et cotidianement aper-
• ceulx Et fust ycelle Charité depuis le dist jour de la Tous
« Sains, maintenue a Bernay, en l'église de la Coulture par
« Germain Lemeistre poter, et au non de Guille Lemeisre, sou
« frère, etc. »
Les confrères revinrent donc à la Toussaint, deux mois et demi
après leur départ. Il est fâcheux que nous n'ayons rencontré aucun autre
renseignement sur la guerre de Cent ans.
Les registres se taisent moins pendant les guerres de religion. En
1562 , «année d'hérésie, » les frères serviteurs de la Charité de Sainte-
Croix « portèrent des chaperons rouges, au terme du Saint-Sacrement ,
• année de crainte et de souffrance , à cause des hérésies qui estoient
« parmi le monde i. » Arrive l'année 1574, ann^e de discorde et de
guerre civile; le comte de Montgommery , fait prisonnier à Domfront,
est conduit à Paris. 11 passe une nuit à Bernai, et son arrivée dans
cette ville est le prétexte de quelques troubles. Aussitôt l'écrivain de
Sainte-Croix , un poète inconnu , s'empresse de noter ce fait lamenta-
ble , et ce en vers, s'il vous plaît :
Ne treuve la postérité
Mauvais ce qui est récité
Cy après. Saichent toutes gens
Que l'an de Grâce mil cinq cents
Septante et quatre justement,
Propre jour du Sainct Sacrement ,
Le dixiesme de juing pour vray,
Par ceste ville de Bernay,
Passa bien hontex et marry
Le comte de Mont Gomraery,
A tout mal très expert et prompt y
\. Registre de Sainte-Croix, M. i3 y.
]6t
Qui tenoit fort dedeus Domfront
Et chef des Huguenots estoit.
Lequel a Paris l'on menoit,
Pour recepvoir, jjour son grand vice.
Quelque sentence de justice ,
Telle qu'il avoit méritée.
La ville des lors fut si troublée ,
Voire , et récent un tel dommage
A loyer le grant équipage
De gens de pied et de cheval
Qui menoient ce faux desloyal,
Qu'on ne peut faire l'eschevin.
Mais lendemain , jour saint Ursin,
Guillaume Guerni bon bourgeois
Par la pluralité des voix
Fut en cest office posé , etc ' .
Quelques années plus tard, en 1589, Bernai, ville catholique et li-
gueuse, devint le refuge d'une bande de paysans soulevés à la voix de
quelques ecclésiastiques et de barons des environs. Ces partisans s'appe-
lèrent Gautiers, du nom du premier lieu de leurs réunions, la Cliapelle-
Gautier 2, Le comte de Brissac, un des héros de la Ligue, était leur chef.
Le duc de Montpensier, François de Bourbon , alors occupé au siège de
Falaise, accourut sur Bernai , battit Brissac et vint mettre le siège de-
vant la ville. Prise une première fois, la cité se corrigea peu de son
indocilité envers le roi ; aussi, l'année suivante, reçut-elle de nouveau la
visite du duc qui, cette fois, fit donner l'assaut et mit les habitants à
rançon. Ceux-ci furent condamnés, suivant les lois de la guerre, à
racheter les cloches de leurs églises. Les deux Charités néanmoins ne
cessèrent pas de fonctionner pendant tous ces désastres^. Mais, si j'en
crois une note un peu confuse , l'échevin de la Charité de Notre-Dame
de la Couture, un boucher nommé Jean Porquet, joua dans tous ces
désordres un rôle quelque peu suspect ; aussi la main d'un confrère om-
brageux a-t-elle eu soin de gratter sur le livre le nom de cet officier,
peut-être criminel aux yeux des catholiques de la paroisse.
La rançon des cloches fut une grosse affaire pour les habitants de
1. charité de Sainte-Croix, fol. 18, col. 1.
2. Voy. Odolant-Desnos, Hist. d'Alençon, t. II, p. 344-345; Masseville, Hist. de
Normandie, i. V, passim.
3. Le registre de Sainte-Croix (fol. 23 , col. 2 r*) renferme encore sur ce* événe-
152
Bernai. Le danger de l'assaut une fois éloigné, ces braves Normands,
nos concitoyens, qui tenaient et à leurs cloches et à leurs bourses au-
tant que faire se pouvait , opposèrent courageusement aux prétentions
des vainqueurs une grande force d'inertie. Le prix de la rançon appar-
tenait, selon les anciennes coutumes, au maître de l'artillerie de l'armée
assiégeante, lequel se nommait Pierre Prévost. Ce commissaire extraor-
dinaire de l'artilierie avait été blessé au bras gauche d'un coup de mous-
quet. Aussi acharné à la poursuite de ses droits que ses adversaires à la
défense de leur bien, il obtint, en 1591 , le 23 août, une ordonnance
du duc de Montpensier, qui l'autorisait soit à enlever les cloches , soit
a prélever sur les vaincus une certaine somme d'argent, à titre de com-
position. Cette affaire ne fut pas terminée par le commandement du
duc ; cependant , après différents pourparlers, le prix du rachat fut fixé
à 200 écus, dont la moitié fut payée en 1593, et le reste en 1596, après
nouvelle injonction de Henri de Bourbon , duc de Montpensier, fils du
vainqueur de Bernai, qui accorda aux habitants quinze jours pour der-
nier délai 1.
Après la guerre, la peste. Ce nouveau fléau exerça ses ravages à
Bernai par deux fois, en 1596 et eu 1650. Les confrères se signalèrent
par leur zèle pieux et leur courage dans ces deux circonstances. Aucun
d'eux ne périt dans l'accomplissement de ses tristes fonctions. Les re-
gistres nous signalent encore ce fait 2. Cette peste était sans doute la
miliaire , maladie endémique au sol, et qui, de notre temps, a plusieurs
fois exercé de cruels ravages dans les populations de la vallée de la
Charentonne.
La Charité de la Couture se trouva , en 1734 , dans une grande pé-
nurie. Elle n'avait plus pour tous adhérents que le prévôt et l'échevin.
ments une assez longue pièce de fort mauvais vers. Suivant ce texte, la première
prise de Bernai aurait eu lieu en juin 1589, et la seconde en juillet 1590. Suivant le
Registre de N. D. de la Couture (fol. 44 v), le feu aurait été mis aux faubourgs de
la ville, lors du siège de 1590, et les auteurs principaux des désordres auraient, été
un capitaine nommé Valages et un sieur Duclos.
1. Les archives municipales de Bernai possèdent trois pièces sur cette affaire. La
première, de 159! , renferme la requête de Pierre Prévôt et l'ordonnance du duc de
Montpensier en date du 23 août; la deuxième est la quittance donnée en octobre
1593, par Pierre Prévost, d'une somme de quatre cents livres sur les deux cents écus
promis à M. de Fervaques ; la troisième enfin est la décharge donnée en avril 1596, par
le même Pierre Prévost, aux habitants de Bernai , des cent écus qui restaient dus de-
puis trois ans sur le rachat des cloches.
•1. Registre de N. D- de la Couture, fol. 31 v»; Reg. Sainte- Croix, fol. 41-42.
153
les autres frères avaient fait défaut. Les paroissiens, voulant être con-
duits à leur dernière demeure, iiiiisi que leurs pères l'avaient été, se
hâtèrent de se réunir pour délibérer sur cette grave question. La réso-
lution prise par les principaux habitants, qui pour plus de solennité,
fut homologuée par le parlement de Rouen, eut pour objet de contrain-
dre chaque paroissien à faire, à tour de rôle, le service de la confré-
rie 3. La Charité fut alors plus éclatante que jamais. Mais la Révolution
arrivait , qui balaya devant elle toutes ces vieilles institutions. Les deux
corporations disparurent. Les confrères, gens prudents, cachèrent leurs
insignes et attendirent. L" ouragan passé, ils sortirent doucement de leur
retraites et examinèrent avec soin l'esprit du jour. Aussitôt qu'ils se
furent assurés qu'il n'y avait aucun danger à aller à la messe , ils rede-
vinrent bien vite les confrères d'autrefois. C'est ce que nous apprend le
passage suivant du registre de la Charité de Sainte-Croix, passage que
nous tianscrivous ici en en respectant toutes les irrégularités ortho-'
graphiques :
« En 1790, s étant élevé une révolution en France qui a duré
« jusqu'en 1797, et les églises ayant été totalement délruittes et
«< dévastées, et les saints cassez et brisées, et les argenteries em-
« portées jusqu'aux rampes de fer, et les cloches cassez pour faire
« de la monnoie , et les prestres furent obligés de fuir, étant
•< chnssees hors la France ; de même la Charité fûts forcées d'ab-
« bandonner malgré leurs regrets, l'honorable service de frère ,
'< de même qu'on les forç;i de se deffaire en faveur de l'Assem-
« blée Nationnal de tous ses ornements comme argenterie et autre
« a l'usage de la ditte Charité et même du présent registre que
« l'on a retrouvé avec beaucoup de peinne. En 1797, les choses
« étant calmées, quoique la paix ne fûts pas faite , les églises
« furent rouvertes et rétablies : pendant ce temps de chisme et
« d'hérésies, les corps furent portées au cimetierre par des per-
« sonnes payéez par le gouvernement et ensuitte par un tora-
« brau. Ce ne fûts qu'à cette époque que des citoyens zellees
« pour le rétablissement de l'honorable confrairie firents leurs
« entrées au cœur de Sainte-Croix, Ke jour de l'Assension de la
» ditte année , dont les noms , etc. »
Depuis leur réapparition, les Charités n'ont cessé de prospérer. Etau-
1. Registre de A. D. de la Couture, fol. 77.
154
jourd'hui même, que nous sommes si loin du moyen âge, si loin de
ses institutions et si loin de ses idées, ces confréries, bien que descen-
dues en des mains plus humbles , mais cependant aussi courageuses ,
sont encore florissantes. Elles ont un esprit de vitalité tel que le dernier
évéque d'Evreux a été obligé , après avoir tenté infructueusement une
suppression complète, de laisser subsister dans son diocèse les corpo-
rations récalcitrantes. Cette lutte fâcheuse se termina pour plus d'un
confrère entêté sur les bancs de la police correctionnelle , au grand
regret du pasteur , qui depuis a travaillé sans relâche à la réunion de
son troupeau trop effarouché.
Le règlement de la Charité de Notre-Dame de la Couture de Bernai,
que nous donnons plus bas, se divise en 52 articles. Il faut, pour être
admis dans l'association , être en état de subvenir à son existence et
vivre en paix avec l'Église. Le nouveau confrère acquittera à son entrée
un droit de 6 deniers tournois, et payera une cotisation annuelle de
30 deniers (art. 2, 3). La corporation fera célébrer une messe chaque
jour de l'année et deux le dimanche , une basse messe le matin et
ensuite une grande à diacre et à sous-diacre. 11 en sera de même aux
fêtes solennelles et à celles de l'Assomption et de la Trinité. A tous ces
jours, les chapelains diront, après les vêpres, les vigiles des trépassés
(art. 4,5,25, 26). La Charité sera dirigée par quatorze prudhommes •
un prévôt, un échevinet douze serviteurs. Ces fonctions sont annuelles
(art. 6), et les élections se teront à la mi-août, à la fête de Notre-
Dame (art. 23, 24, 27). L'échevin nouvellement élu sera convoyé jus-
qu'à sa demeure (art. 7 ). Chacun des serviteurs achètera un chaperon
(art. 8) qu'il portera dans toutes les cérémonies ; mais ils recevront,
à la fête de la Trinité et le jour du Saint- Sacrement, un chapel de
roses ou d'autres fleurs , aux dépens de la Charité (art. 52). Les huit
chapelains de la confrérie sont soumis à différentes obligations (art. 4,
9, 10), et doivent, en cas de faute ou de négligence, payer une amende
qui peut s'élever jusqu'à 2 sols 6 deniers tournois (art. 49). Pendant les
fêtes de la Trinité et de l'Assomption, un prédicateur devait exposer les
bienfaits et l'ordonnance de la confrérie (art. 50). Aucun frère ne peut
refuser de servir (art. 28); il doit obéir à l'échevin, sous peine d'amende,
et doit être en tenue convenable (art. 30, 31, 47). S'il tombe malade,
il a droit à des secours (art. 21) ; s'il devient ladre ou mesel , il est
convoyé jusqu'aux limites de la paroisse (art. 20, 40) ; de même s'il va
outre mer ou en pèlerinage à Saint-Jacques (art. 38, 39). Il ne peut se
retirerde la corporation avant d'avoir payé tout ce qu'il lui doit (art. 17).
155
Enfin, s'il vient à mourir excommunié, la corporation doit faire lever
I anatlième, s'il est possible (art. 41). Les funérailles des membres sont
réglementées par les art. 9, 1 1 , 1 3, 14, 18-19, 32-37, 42 et 45. A la
Trinité et à l'Assomption , les quatorze officiers de l'association et les
chapelains doivent se réunir dans un banquet; chacun payera son écot
(art. 44). A ces deux époques, chacun d'eux recevra 5 sols pour l'ou-
verture du trésor de la Charité (art. 43). L'échevin dirige la confrérie et
en administre les fonds. Il rend sescomptes deux fois par an (art. 6). Le
prévôt est toujours l'échevin de l'aimée précédente, il détient l'une des
clefs du trésor^ et est le surveillant de la gestion de l'échevin. Le clerc
est un agent subalterne chargé d'administrer la corporation sous la
direction de l'échevin, et de servir le prêtre à l'autel (art. 22). Il y a
encore le crieur, dont la mission consiste à aller par la ville crier les
patrenôtres (art. 18) et sonner les campanelles aux enterrements.
A la suite de ce règlement, il nous a semblé intéressant de publier
comme appendice la charte de Thomas Basin sur la relique possédée au
quinzième siècle par Notre-Dame de la Couture. Aujourd'hui cette re-
lique a complètement disparu, et le souvenir en est totalement perdu
parmi les paroissiens de cette église et parmi les habitants de Bernai.
I.
Universis présentes litteras inspecturis, Guillermus ', misera-
tione divina Lexoviensis episcopus, salutem in Domino, qui dat
omnibus afflaenter et suis fidelibus multo majora retribuit quod
valeant.
Nuper pro parte Fratrum et Sororum confratrie sue caritatis,
in honore Sancte et Individue Trinitatis ac Gloriosissime et Bea-
tissirae Dei Genitricis Marie, dudum de licencia et assensu Vica-
riorum Nostrorum ^ , in parrochiali ecclesia Béate Marie de
Cultura Bernay, nostre diocesis , constitute et ordinale , nobis
fuit liu militer supplicatum cum ipsa pia et devota caritate ducti
affectent confratriam seu caritatem hujusmodi de bono in me-
lius cum Dei auxilio semper augmentare.
Quatenus, quasdam constitutiones seu ordinationes de novo
per eosdem factas , aliqua statuta primis constitutionibus ad-
dendo, et ea in melius reformando seu declarando, approbare
1. Guillaume VI d'Estouteville, évèque de Lisieiix, I48i.
'X. La charte do 1398.
156
et laudare vellemus, ac decernere linjusmodi constitutiones , or-
dinationes atque statuta per Fralres et Sorores dicte confratrie
de cetero teneri debere perpetuis temporibus et observari, qua-
rum quidem constitutionum et ordinationiim seu quorum statu-
torum ténor sequitiir, in bec verba :
I. Cy ensuivent les Estatus et Ordonnances a la Confrarie et
Carité ordonnée et establie en l'Église de Nostre Dame de la Coul-
ture de Bernay, en l'honneur de la Glorieuse Vierge Marie el de
la Benoite Trinité par le Prévost, Esquevin, Serviteurs et Frères
d'icelle Carité.
IL Et premièrement, est ordonné et estably que, se aucune
personne veult benignement requérir estre receua la dicte Ca-
rité, soit Homme ou Femme, il yssera receu *por veu qu'il soit
puissant de corps pour gaignier sa vie et qu'il ne soit en aucune
sentence d'escommeniement Et a sa réception et entrée pre-
mière en la dicte Carité , sera tenu payer six deniers Tournois.
III. Item, quelconque personne, tant Homme que Femme,
qui sera de la dicte Carité , paiera trente deniers Tournois par
cbascun an. C'est assaveir a chascune des dictes festes , quinze
deniers Tournois.
IV. Item, pour le salut des âmes des Frères et Seurs et bien-
faiteurs d'icelle Carité, tant vis que trépasses, cbascun jour de
l'an sera , en la dicte église ou ailleurs, célébrée une messe; et
a jour de dimencbe en y aura deulx, c'est assaveir une basse
messe, qui sera dicte a soleil levant, et après en ce jour en aura
une dicte a note, a haulte voix solennelement , a dyacre et a
soubz dyacre ' . Les quelles messes seront ordonnées estre célé-
brées parCappellains de cognoissance bons et suffisans, cbascun
a son jour ; et se aucuns des dis Capellains estoit pour aucune
occasion erapeschié tellement qu'il ne peust célébrer la messe
qui lui escherroit a son tour, il sera tenu de le faire savoir le
jour de devant au Prévost ou a l'Esquevin, afin de pourveoir a
temps d'aultre Cappellain qui la diroil pour lui ^.
V. Item, a chascune des festes de l'Asumption de la Vierge
Marie , et de la Trinité, sera célébrée une messe a haulte voix, a
1. Cette messe se dira à sept heures du matin en été et à huit heures en hiver, sans
gêner le service de la paroisse. Règlement de l'archevêque de Rouen de 1618. D. Bes-
sin, part. II, p. Il6.
2. L'évêque d'Evreux défend, en 1664, aux échevins de se mêler des fonctions spi-
rituelles de U'urs chapelains. Voyez D. Bessin, part. Il, p. 422,et plus has l'ait. XLIX.
157
dyacre etasoubz dyacre, pour les frères d'icelleCa rite. Et âpre»
les vespres de la journée, les huit Gappellains devant dis diront
vegilles des Trépasses. Et lendemain sera célébrée une messe de
Requiem^ seinblablement a dyacre et a soubz dyacre pour le
salut des âmes des Trépasses.
VI. Item, la dicte Carité sera gouvernée pai- quatorze prou-
dommes et loiaux a ce esleus. Des quelx quatorze l'un sera or-
donné et nommé Esquevin , et l'aultre Prévost , et les aultres
desus dis seront nommes Servans. Les quieulx jureront et pro-
niectront que a leur povair bien et loialment en leur conscience
administreront et serviront en leurs offices, qui leur seront com-
mis, en augmentant ies biens de la dicte Carité. Et seront tenus
de rendre compte' bon et loyal de leur administration deux
fois en 1 au, c'est assaveir a cliascune des festes dessus dictes.
VIL Item, les quatorze Officiers desus dis, a chascune des
deulx festes dessus dictes , auront cliascun une torche, du poys
de Iroys livres de cire, ou environ. Et seront tenus les huit
Prestres devant dicts, le Prévost et les douze Servans de aler
quérir l'Esquevin elle convoieravecques icelles torches ardantes
aux vespres premières, et lendemain a la messe et aux vespres,
et en retournant, jusques a son hostel.Les quelles torches seront
trouvées aux despens d'icelle Carité -.
VIIL Et pourront yceux quatorze Ereres ou Officiers, ou partie
d'iceulx porter deux campanelles , les crois et baniere et tout ce
qui y appartient, sans contredit du Curé, Capellain ou aultre
aiant leur povair, par toutes les paroisses de environ Bernay, es
quelles seront demeurants les Frères et Seurs d'icelle Carité. Et
aussi, chascun d'iceulx quatorze Officiers aura un capperon qu'il
poiera du sien propre. Et seront tous les capperons de pareil
drap, les quelx chapperons, ils seroiit tenus porter en tous les
afaires de la dicte Carité, c'est assavoir : Au jour de dimenche^
a la messe ordonnée par la dicte Carité aux services des Trépas-
ses d'icelle, tant aux vegilles que a la messe et a l'enterrement.
IX. Ilem', se aucun des Frères et Seurs de la dicte Carité va
1. Sur les redditions de comptes, voy. D. Besoin , Conc. liotom., part. H , p. 518;
Ordonn. de l'évoque de Lisienx, en 1678; pag. 289, Syii. d'Avraiiclies, eii 1550, Ord.
de l'évêque de Séez en 1653, p. 444, etc.
2. Voy. la prohibition de cet usage par l'évêque de Lisieux, en 1678, dans D. Bes-
sin, part. II, p. 518.
3. Voy. les prohibitions de l'évêque de Lisieux de 1678, D. Bessin, l. c.
158
de vie a trepassemenl, les Chappelaiiis dessus dis seront tenus de
dire les vigilles ou service des Trépasses , c'est assavoir : Pla-
cebo et Dirige, solennelementa neuf leçons, au lieu ou le corps
trespassé sera adoncques. Et y seront du commenchement jus-
ques en la fin avecque les quatorze Officiers desus dis, se le corps
est enterré une lieue entour Bernay ; toutes voyes, se il ne ont
excusation légitime, pour quoy aucun de eulx n'y puisse estre.
Et, se le corps, ou corps trespasses, estoit de plus loing, quant
il sera venu a la cognoissance d'iceulx Frères , en la dicte église
de Nostre Dame de la Coulture de Bernay, sera fait, aux des-
pens de la Carité, tout autel, service et les vigilles comme se le
corps estoit présent. Et oultre, iceulx huit Chappellains seront
tenus de aidier a chanter toutes les messes et vigilles estre dictes
pour la dicte Carité tant au jour de dimenche que aux festes
dessus dictes et celles des Treppasses avecques vigilles et service
et estre a l'enterrement des Frères et Seurs trépasses * .
X. Item , se il avenoit que pour cause de mortalité ou aultre-
ment l'en ne peust mie trouver huit prestres pour célébrer
messe, chascun a son jour, comme dit est , l'en pourroit faire
célébrer les dictes messes par un chappellain ou deulx jusque»
ad ce que l'en en eust pourveu des aultres pour les dire.
XI. Item , le luminaire des corps trespasses sera de quatre
gros cierges, chascun du poys de troys livres ou environ, qui ar-
dront environ le corps; et deux autres petis cierges, chascun de
*ine livre, qui seront sur l'autel et ardront durant le service des
vigilles et de la messe.
XII. Item, se aucun des Frères Servans, ou qui eust autres
foys servy, ou eu office, va de vie a trespassement , il sera ac-
compagnié de deulx torches chascune du poys de troys livres, a
porter le corps de l'ostel a l'église et de l'église au lieu ou il
reposera. Et, en cas qu'il eu office de Prévost, ou d'Esquevin ,
il aura quatre torches qui ardront jusques ad ce que le service
de la dicte Charité soit accomply.
XIII. Item , les quatorze Frères ou Officiers devant dis seront
tenus lever le corps du Trépassé de son ostel et de le porter a
l'église.
XIV. Item , seront tenus iceux quatorze Frères ou Officiers
de faire célébrer une messe basse pour un chascun trespassé
i. Voy les défenses de l'éTÔque d» Lisieux, D. Bessiu, l. c.
159
Frère le jour de son obseque, aux despeiis de la dicte Carité. Et
le service accompli , seront tenus de convoyer les amis du Tres-
passé, jusques a fostel du quel le corps est parti.
XV. Item , a toutes les lestes commandées de Saincte Eglise,
quant l'on célébrera la messe de la Carité, seront mis en deux
chandelliers , deux cierges sur lautel, du poys de une livre de
cire ou environ pour chascun cierge, qui ardront, tant que la
messe sera finée et deux torches chascune du poys de troys li-
vres, ou environ ; les quelles seront tenues par deulx des dis
Frères Servans ou aultres a l'élévation du corps de Nostre
Seigneur Jeshu Cripst.
XVI. Item, le Prévost, Esquevin, Frères et Serviteurs seront
tenus a faire le Pein Benest a leur dépens pour chascun dimen-
che, chascun a son tour ' .
XVII. Item , se il escheoit que aucun des Frères ou Seurs de
la dicte Carité veuille aller aultre part demourer et laissier le
payz de Bernay ; ou que il ne puisse tenir et acomplir et paier
les redevances ^ que il est tenu de faire pour icelle Carité, il
sera tenu de paier les arrérages que il en pourra devoir avec-
ques cinq deniers Tournois pour issue dïcelle Carité.
XVIII. Item , seront ordonnées deuxcampanellesa main pour
faire les cris et proieres pour les Trespasses, que l'en dit Patres
Nostres et qui seront aussi quant l'en portera le corps en terre ^.
XIX. Item , a chascini Frère trespassé, le jour de son enterre-
ment, l'en donnera jouxte la fosse vingt six deniers de pain.
XX. Item , se il escheoit aucuns des Frères ou Seurs de la dicte
Carité estre ladres et sépares de la compaignie des sains, les.
quatorze Frères desus dis seront tenus de les convoyer a la croix»
campanelles, et baniere, jusques au lieu ou le curé de sa parroi-
1. Défenses par le synode d'Évreux , en Iî76, et par le concile de Rouen, en 1581,
de bénir l'eau et le pain dans les messes des confréries , atiu de ne pas détourner d»
la nnesse paroissiale- D. Bessin, part. U, p. 393, et part. I, p. m.
2. Synode d'Avranches, en 1550. D. Bessin, part, n, p. 280.
3. « Item pour ce que au présent matrologe n'esloit contenue l'heure que le crieur
n de la dicte Ctiarilé debvoit aller î ar la ville crier la Pâte Nostre, ce jour d'huy, qua-
« triesrae jour de décembre mil V.c. cinquante deux par les Frères Servantz en la dicta
« Charité fut d'ung commun acord appoincté que a l'advenir le crieur d'icelle Cliarilé
« depiiys la Saiiict Michel jusques a Pascjues yia crier la diclo Pâte Nostrci entre qua-
« tre et cinq heures de matin sur peine pour chacune foys de cinq solz d'amende. Et
« <lepuis Pasques jusques a la Sainct Michel a troys heures, sur peine pour chascune
« foys de semblable amende, le tout aux lieux et places acoustumez. » Regist. N. D.
Coût., fol. 6 v°.
ICO
che le convoiera et se il lui plaist ainssois que il parte, il aura
une messe basse *.
XXI. Item, se aucun des frères ou Seurs dessus dis esloit en
telle enfermeité de son corps que il ne peust guaip^nier, ou n'cust
de quoy vivre sans mendier, s'il requiert ou fait requérir des
biens de la dicte G irité a la table de la recepte , le prouchain
vendredi devant le dimenche qu'il viendra demander l'aide de
la Carité; les Serviteurs ou Officiers dessi's dis seront tenus de
luy distribuer trente cinq deniers Tournois pour chascune sep-
maine durant le temps de la maladie au plus au mains, selon la
quantité des malades et la revenue de la Carité, au resgart et
conscience du Prévost et de l'Esquevin et des douze Frères Ser-
viteurs, pour veu qu'il ait bien paie ses devoirs, et que par an et
jour ait esté en la dicte Carité.
XXII. Item, sera ordonné un clerc aux despens de la dicle
Carité, qui administrera et servira les preslres a l'autel et aux
services , et semondra les Frères ou Seurs en tous les afaires et
besoignes d'icelle Carité, quant temps et lieu en sera.
XXIII. Et est assavoir que chascun an au jour de la feste de
Nostre Dame My Août seront ordonnes et institues Prévost ,
Esquevin et Serviteurs nouviaulx tout au mieulx que l'en verra
expédient pour le bien de la dicte Carité.
XXIV. Item , il est assavoir que a la dicte feste doit avoir
vingt et une torche , qui seront portées par les dis Servaus de
l'année passée et par les sept , qui de nouvel y sont ordonnes
pour aler aux vespres de la vigille d'icelle feste. Et lendemain a
la messe et aux vespres et es aultres de la Trinité et du Saint Sa-
crement doivent avoir les quatorze, qui demeurent en dit ser-
vice, chascun une torche neufve. Et l'église a chascune des festes
desus dictes doit estre enluminée bien et suffisamment aux des-
pens de la dicte Carité,
1. « En l'an mil v.cc.centz iiii.xx-vi. fui accordé par les Prévost, Esclievin et Frères
servantz en caste Charité de Nostre Dame de la Coultnre de ce lieu de Bernay qne,
pour les Frères et Sœurs ayantz servi en icelle Charité estanlz décédez, sera par le
Clerc fait sonner l'apel de la cloche d'icelle Charité l'espace de deraye «levant qne
d'aller au corps, et aura pour son salaire douze deniers Tournois ; et pour oeulx qui au-
ront esté Eschevin et Prévost et pour leurs femmes sera sonné l'apel de la grosse
cloche dicelle paroisse autant de temps et faire comme dict est, et aura pour son
salaire la somme de deux solz qu'il recepvera le dynienche ensuivant a la Chambre
d«>8 Frères. » Registre N. D. de la Coulure, fol. 6 v.
IGl
XXV. Item , il est assavoir que lendemain de chascune d'icelles
festes, l'Esquevin, le Prévost et les autres Servans doivent faire
dire une messe pour les Trespasses a djacre et soubz dyacre et
vigilles pour les Trespasses le jour de la feste, après ce que ves-
pres seront dictes,
XXVI. Item, a toutes les vigilles des dictes festes, tous les
Servans se doivent assembler en l'ostel de l'Esquevin pour aler
aux vespres ensemble, et lendemain a la messe et aux vespres.
XXII. Item, après les vespres de la dicte vigille de My Aoust
dictes, l'Esquevin et le Prévost doivent appeler les .XII. Frères,
chascun par soy, et leur doivent demander a leur advis et par
leurs serments le quel est le mieulx suffisant de garder les drois
de la dicte Carité ' . Et icelui, que la plus saine partie eslira , sera
establi Esquevin. Et l'Esquevin de l'année passée luy doitbaillier
la croix , la bouiecte ^ et tous les biens de la dicte Carité par in-
ventaire. Et doit chascun des Frères Servans obéir au comman-
dement de l'Esquevin sur paine d'amende. Et doit avoir chascun
Serviteur une torche de cire pour convoyer le nouvel Esquevin
a son hostel ; les quelles seront faictes du trésor de la dicte
Carilé.
XXVIIÎ. Item , nul des Frères de la dicte Carité ne doit refu-
ser a servir a la dicte Carité a son tour.
XXIX. Item , a toutes les festes soleimnelez, comme Tous Sains,
Noël, Pâques, Bouvaisons^, Penthecouste, les Testes de Nostre
Dame, sera dicte, en la dicte église, une messe a dyacre et a soubz
dyacre, a deux chappes avecques la basse messe ordonnée pour
la dicte Carité, auxquelles seront tenus estre les dis Prévost et
Esquevin et douze Servans dessus nommes.
XXX. Item, a toutes les fois que aucuns des Servans desus
dis deffaudront a accomplir chascune des choses dessus dictes, il
paiera quatre deniers d'amende; et, se l'Esquevin ou le Prévost
deffaillent, chascun de eux doit paier huit deniers d'amende. Et
doivent toutes les amendes estre prinses, et levées, et mises, et
distribuées au prouffit de la dicte Carité.
XXXI. Item , les dis Prévost et Esquevin et tous les douze
1. Les élections doivent être paisibles. Voy. Synode de Rouen, en 1618, D. Bessin,
part. II, p. 119.
2. Les coffres des confréries doivent être hors du chœur. Voy. Règlenaenl de i'évê-
que d'Évrenx de 1644, D. Bessin, part. II, p. 403.
3. Rogations.
i' {Quatrième série.) Il
162
Servans doivent amende, c'est assavoir : Quant aucun Frère ou
Sueur est trespassé; et aucuns d'iceulx nommes deffailient a
estre, premièrement a la veillé du corps; secondement, a la
commandacion ; tiercement au corps lever ; quartement, a l'of-
frende de la messe ; et après de convoier les amis du Trespassé a
l'ostel. Pour chascun d'icelles foys, quatre deniers d'amende, et
l'Esquevin et le Prévost , chascun huit deniers d'amende.
XXXII. Item, les quatre gros cierges doivent ardoir entour le
corps , toutes les fois que l'en dit aucun service pour le corps,
voire quant a son obseque.
XXXIII. Item, il est assavoir lesquieulx Frères l'en doit veil-
lier. Se aucun Frère a esté Esquevin, ou Prévost , ou qu'il soit es-
tant en Service, l'Esquevin, le Prévost, les douze Frères le doi-
vent veillier par temps resonnable et doivent les diz amis paier
deulx soubz six deniers Tournois pour le veillier.
XXXIV. Item, se aucun Frère ou Sueur est trespassé, le quel
n'ait esté Esquevin ou Prévost, ne ne soit Servant, le Clerc et trois
des Frères desus dis esleus par l'Esquevin et le Prévost le doivent
veillier tant comme Queuvre-Feu sonne, et non plus. Et doivent
aussi semblablement les cierges ardre , autant comme Queuvre-
Feu sonne, et non plus, se ce n'est ou moustier, ainssi que dit
est ou que l'en die vigilles devant le corps.
XXXV. Item, se aucun Frère, qui ait esté Esquevin ou Pré-
vost , ou qui le soit , et est trespassé , il doit avoir un saultier,
messe a dyacre et a soubz dyacre et une messe simple.
XXXVI. Item , se aucun Frère , qui ait esté Servant en la
dicte Garité , ait esté trespassé , il aura messe a dyacre et a
soubz dyacre.
XXXVII. Item , se aucune Femme, qui soit de la Carité, qui
soit ou ait esté Femme d'Esquevin ou de Prévost trespassé, elle
aura semblablement messe a dyacre et a soubz dyacre.
XXXVIII. Item , se aucun Frère ou Sueur de la dicte Carité va
Oultre mer, ou Saint Jacque, de son propre il le doit faire assa-
voir a l'Esquevin ou Prévost le dimenche au devant de son par-
tement ; et l'Esquevin, le Prévost et les douze Frères dessus dis,
le jour du dit parlement , doivent faire chanter une messe basse
en la parroiche du dit pèlerin. Et se il a esté ou est Esquevin
ou Prévost, ou Serviteur, elle doit estre a dyacre et a soubz dya-
cre ; et se plus estoient, s'y n'en auroient il que une messe. Et le
doivent iceulx Frères convoyer autant comme le Curé de la dicte
163
parroiche, et non plus ; et si doit avoir le tiers du tour de la
Carité de la sepmaine, plus ou mains au regart et conscience des
dis Serviteurs. Se plus estoient si n'en auroient ilz plus. Et se il
va pour gaaignier, il ne ara ne messe ne argent.
XXXIX. Item, se il va a Saint Gire * de son propre, il aura
.X. soubz Tournois a la volenté et regart comme dessus ; et se
plus sont, ilz n'en auront plus.
. XL. Item, se aucun Frère ou Sueur devient mesel, l'en luy
doit faire semblablement comme se il estoit trespassé, et avoir
les deulz pars du tour, ou plus ou mains au resgars des dessus
dis Servans, et estre convoie, autant dessus est dit du pèlerin ^.
XLI. Item, se aucun Frère ou Seur vade vie a trespassement,
et il soit en sentence d'escommeniement; pour tant que il ait
fait son devoir a la dicte Carité, icelle Carité luy doit aidier et le
fere absouldre, jusques a la somme de dix soubz Tournois, et non
plus, pour tant qu'il y puisse estre absoulz. Et se il n'a de quoy
estre ensevely, la Charité luy doit aidier de deux aulnes de toille.
XLII. Item , se aucun Frère ou Seur trespassé , dedens la ban-
lieue, l'Esquevin , le Prévost et les douze Frères et les huit
Chappellains seront tenus a l'aler quérir et le prendre pour le
porter a l'église, se il est des parties de devers les Quesnees ^, a
la Croix-Gloriant', et se il est des autres parties semblablement.
XLIII. Item, il est ordonné que les Servans doivent prendre,
a chacune des deulx festes dessus dictes, cinq soulz pour l'ou-
verture de la bouecte du trésor de la dicte Carité.
XLIV. Item , il est ordonné que a chascune des deulx festes
solennelles , c'est assavoir de la Trinité et de l' Assumption Nostre
Dame, l'Esquevin , le Prévost , les douze Frères, les Prestres, le
Clerc et Crieur doivent boire et mengier ensemble en l'ostel de
l'Esquevin et doit paier chascun son escot de sa boursse et du
sien propre, excepté les Prestres, Clerc et Crieur, qui doivent
prendre leur escot sur la dicte Charité, sauf qiie chascun Prestre
paiera pour son escot deulx soubz six deniers Tournois \
1. AHJoiird'hui Saint-Gilies les Boucheries, département du Gard.
2. Voy. plus liaut l'ait. XX.
3. Les Chesnets, hameau de Bernai. — Suivant M. Ang. Le PréTost, la Croix-Glo-
riant, située sur le chemin des Chenets, tirait son nom d'une famille anjourd'iiui éteinte.
4. Sur les défenses de manger dans les églises , voy. Synode de Séez, de 1208 ; le
règlement de Th. Bazin, évêque de Lisicux, D. Bessin, part. II, p. 508; le règlement
de l'évêque de Coutances, en 1637, etc., dans D. Bassin, p. 58i; p. aol ; p. 404, etc.
11.
164
XLV. Item, se aucun Frère ou Sueur trespasse, il doit avoir
le drap et la baniere de la dicte Carité sur son corps, et les qua-
tre cierges doivent ardoir entour liiy comme dit est.
XLVI. Item, l'Esqucvin, )e Prévost, ou l'un de eulz, en la
compaignie de deux ou trois des dis Servans et du Clerc, seront
tenus de aler, deux ou trois fois l'année, par les rues pour
eulz faire paier de cen qu'il leur sera deu de la dicte Carité ; el
auront pour leur despens, pour chascune personne, deulz soulz
six deniers Tournois.
XLVII. Item, il est ordonné que aucuns Serviteurs de la dicte
Carité ne doivent venir au service d'icelle , sur paine d'amende,
se ilz ne sont en abit convenable , selon leur estât.
XLVIII. Item, se il avenoit que, pour cause de mortalité , ou
aultre occasion , le service de la dicte Carité fust si grevable,
ou de tel paine que iceulx Serviteurs ne le poussent bonnement
endurer ou supporter, ils seront pourveus de aide pour les re-
lever de paine, aux despens de la dicte Carité, se ilz le requiè-
rent, par le couseil de douze proudomes des plus sciens et noc-
tables d'icelle Charité, appelés ad ce les dit Prévost, Esquevin
et Serviteurs.
XLIX. Item, chascun prestre ' paiera pour chascune faulte
du dit service huit deniers Tournois-, pour faulte de dire messe
dont il sera chargié paiera deux soulz six deniers Tournois, se
il n'a de ce excusation raisonnable qui doie suffire.
L. Item , a chascune des dictes deux festes de Nostre-Dame et
de la Trinité, aura un prédicateur, qui exposera les bienfaits et
ordonnances d'icelle Carité et la Parole Divine , aux despens de
la dicte Carité.
LI. Item, se un, ou plusieurs dez dis Serviteurs va de vie a
trespassement, durant le temps qu'il sera en dit service, les au-
tres Frères Servans pourront eslire une personne ou plusieurs
pour estre en lieu de celuy ou ceulx qui sont aies de vie a tres-
passement. Et yceulx esleus seront tenus faire le service pareil,
«omme les dessus dis faisoient pour le temps qu'ilz vivoient,
sans aucun contredit.
LU. Item, chascun des dis Frères Serviteurs auront a chas-
cune des festes de la Trinité et du Saint Sacrement chascun un
chappel de roses, ou d'aultres choses, aux despens de la dicte
Carité.
t. Voy. plus haut l'art. IV. D. Bessin, pag. 404 et 422.
165
Notum igitur facimus, quod nos, visis diligenter a mature
consideratis et digestis suprascriptis constitutionibus et ordi-
nationibus, firmiter sperantes tanto gracias Altissimo prestare
obsequium , quanto fervencius Christi fidèles incitaverimus ad
opéra Caritatis , per que penas evictare gehennales et gaudia
eterna promereri queque illa que fi uni ad honorem et laudem
Domini Nostri Jesbu Christi et Gloriose Yirgiuis Marie Ejus
Matris, que eciam Cultus Divini augmentum et salutem anima-
rura conspiciunt utique approbatione sunt digna. Supplicationi
Fratrum et Sororum predicte confratrie seu caritatis tanquam
rationabili et juri consone benigniter annuentes , constitutiones
et ordinationes prediclas prout su perius scripte sunt tanquam
laudabiles ac approbabiles et a lide Catholica seu canonicis in-
stitutionibus non déviantes in quantum possumus et deberaus
auctoritate nostra ordinaria laudamus, approbamus et tenore
principium confirmamus decernentes ipsas et earum quamlibet
a Fratribus et Sororibus dicte confratrie presentibus et futuris
teneri firmiter et inviolabiliter perpetuis temporibus observare
ac roboris habere firmitatem, jure parrochiali et alio quolibet in
omnibus semper salvis, in quorum omnium premissorum testi-
monium et fidem sigillum nostrum magnum presentibus duxi-
mus apponendum. Datum, inCastro nostro deCourtonna, dieduo-
decima mensis Augusti, anno miilesimo quadringentesimo sexto.
II.
Universis présentes litteras inspecturis , Thomas, misera-
tlonedivina, Lexoviensis episcopus, salutem in Domino sempi-
ternam : Cum canente sanctissimo prophela David Dominum in
Sanctis suis laudari debere et ipsis débite venerationis obse-
quium impendere, multp fortiori racione nos ad ejus veneratio-
nem devotam obligatos esse censere debemus que nobis ex suo
alvo sanctissimo, Spiritu Sancto coopérante, tocius humani ge-
neris protulit Salvatorem Dominum \idelicet ac Redemptorem
Nostrum, Jeshum Christnm, qui noslram in humana natura ope-
raturus salutem ex quo in carne nostra nasceretur, eligit uterum
virginalera Gloriosissime ac beatissime Virginis Marie.
Cum itaque nuper ex parte venerabilium Burgensium de Ber-
nays nostre diocesis parrochianorum Eccïesie Béate Marie de
Cultura ejusdem loci fuerit nobis exhibita et ostensa quedam re-
166
liquia de capillis ejusdem Gloriosissime Genetricis Dei Marie
argento etcristalo decenter adornata, quam,ut dicebant, quidam
armatus , sevientibus tuiic, proh dolor ! per universam banc Ga-
liam cruentissimis bellis, ex quadam ecclesia prisie hostilis se
abstulisse dicebat et in eadem ecclesia Béate Marie de Cultura
présentasse; requisitum que nobis fuerit ne ta m preciosa reli-
quia invenerala maneret, quatinus litteras nostras approbationis
ut in majori reverencia atque veneratione a Christi fidelibus ha-
beretur dare et concedere dignaremur. Nos igitur credentes gra-
tissimum atque acceptissiraum fore Domino ac Salvatori Nostro
Jeshu Christo honorem , qui a suis fidelibus Gloriosissime ac
Sanctissime Matri impenditur, atlendentes et considérantes ex
vetustate scripture et litterarum cujusdam breveti in prefato
reliquiario introclusi, in quo scriptum est antiquis litteris, ibi
esse de capillis Gloriosissime Genetricis Dei Virginis Marie, veri-
simile esse ita existere prout in hujuscemodi breveto descri-
ptum habetur ; quoque etiam ex assercioni plurium notabilium
Burgensium dicti loci de Bernays nobis affirmatum fuit prefa-
tum armatum, qui ad dictam ecclesiam Béate IMarie de Cultura
eamdem reliquiam apportavit, dixisse et attestatum fuisse se eam
in quadam ecclesia cepisse in prisia tune hostili, ubi inter san-
ctorum Beîiquias reverenter et venerabiliter servabatur , seque
penitencia ductiim eamdem in prefata ecclesia de Cultura in ho-
norem Gloriose Virginis dedicata reposuisse et collocasse ut a de-
votis fidelibus, prout talem decet reliquiam, in débita veneratione
haberetur; prefatorum Burgensium pie peticioni atque devotioni
annuentes, prefatam reliquiam pie credentes ibidem esse de ca-
pillis Virginis Gloriose, secundum quod in prefato breveto vetu-
stissimis litterarum karacteribus scripto continetur, nostra ordi-
naria auctoritate venerandam atque a Christi fidelibus ut decet
dévote adorandam approbamus et laudamus, decernentes quod
ipsa reliquia in predicta ecclesia Béate Marie reverenter et hono-
riûce conservetur, et in sermonibus fiendis ad populum in hujus-
cemodi ecclesia bec nostra approbationis littera publicatur.
Datum Lexoviis sub sigillo nostro die prima mensis Augusti,
anno Domini millesimo quadringentesimo quadragesimo octave.
SAINTE-MABIE MÉVIL.
ESSAI
DB
POISON SUR UN CHIEN,
PAR L'ORDRE DE LOUIS XI.
Le samedi 19 février 1480, à deux heures après midi, se réunissait
par ordre de Louis XI, dans l'hôtel de ville de Tours, une assemblée
choisie ; on y comptait le maire et quatre échevins de la ville, Jean Gué-
rin et Louis de la Mézière, maîtres d'hôtel du roi, Simon Moreau, apo-
thicaire, deux des gens de Jean de Daillon, gouverneur de Touraine
et les clercs de la ville. Le mandat qui les convoquait ne spécifiait pas
l'objet de la réunion ; il disait seulement que c'était pour estre présens
et assister à aucunes choses qui se dévoient faire de par le roy. Or ,
dans cette réunion, on fit l'essai de certains poisons sur un chien; le
poison, mélangé dans une fressure de mouton frite et dans une omelette,
fut administré à forte dose, et le chien mourut. Procès- verbal de l'ex-
périence est dressé , dans lequel on décrit avec beaucoup de détails
comment ledict chien estoit mort. Cependant, sur l'ordre des maîtres
d'hôtel du roi, le cadavre est conservé dans une des chambres de l'hô-
tel de ville jusqu'au lendemain , jour où l'on devait ouvrir le chien et
constater les désordres causés par le poison dans tous ses organes. Le
dimanche, en effet, sept barbiers et chirurgiens sont mandés pour
procéder à l'autopsie; seulement, et par mesure de précaution, on
alluma un grand feu dans la chambre où était le chien, afin d'en re-
nouveler l'air infecté par la désorganisation du corps et par les mias-
mes empoisonnés qui pouvaient s'en exhaler ; on fit un modeste déjeu-
ner de harengs et de noix sèches ; puis l'opération fut menée à bonne
fin. Un second procès-verbal fut probablement dressé, et enfin l'assem-
blée se sépara. Quant au cadavre , il fut porté dans une hotte, le méme^
jour, sur les grèves de la Loire, et y fut enterré.
168
Que conclure de cette anecdote toxicologique? L'expérimentation
senable tirer un intérêt tout particulier de ce qu'elle fut faite par l'ordre
de Louis XI, roi soupçonneux et sur le compte duquel on se croit per-
mis de mettre bien des crimes et des cruautés. Cependant, pour le cas
dont il s'agit, les conjectures se réunissent plutôt en sa faveur que
contre lui. D'abord l'histoire ne nous fait connaître l'empoisonne-
ment d'aucun personnage important pendant l'année 1480, aussi bien
que dans celles qui précèdent ou suivent la date de l'essai. La Chroni-
que scandaleuse aussi bien que les Mémoires de Philippe de Commines
sont complètement muets à ce sujet. Ensuite, si Louis XI avait eu quel-
que dessein sinistre, il n'eût point entouré l'expérience de ses poisons de
la publicité qu'il déploieen cette occasion. Quant à nous, à cause même
de lasolennité de l'expérience, nous n'y pouvons voir qu'unecause sim-
ple et innocente, telle que l'éclaircissement d'un doute médical. Peut-
être y trouverait-on encore la preuve d'une tentative d'empoisonnement
sur Louis Xï, mais il nous semble qu'elle eût laissé quelque trace dans
l'histoire, et nous préférons nous en tenir à notre première conjecture.
Nous transcrivons ici, d'après le registre des comptes de l'hôtel de
ville de Tours, conservé aux archives municipales de cette ville, les
pièces qui nous ont fait connaître cette anecdote du règne de Louis XI.
Item oudict moys (de février) et le sabmedi XIX* jour, par
Monsieur du Lude fut mandé audict maire faire assembler quatre
escbevins à deux heures après mydi en i'ostel de iadicte ville
pour illec estre présens et assister à aucunes choses qui se dé-
voient faire de par le roy ; ce que fut fait. Et audict lieu et
heure se trouvèrent Jehan Guérin et sire Loys de la Mézière,
maistres d'ostelz du roy nostre sire; aussi se trouvèrent illec Si-
mon Moreau appoticaire , deux des gens dudict sieur du Lude ,
et aussi furent les clercs de la ville. Et illec fut fait essay de cer-
tains poysons qui furent faiz mangez au chien de Macé Blanchet
en une fressure de mouton frite et en une amelete d'eufs ; lequel
chien mourut ; dont fut par lesdicts maire et eschevins baillé
certificacion signée de leurs mains pour monstrer au roy com-
ment ledict chien estoit mort. Et pour ce que lesdicts poysons
avoient esté montrez en troys escuelles et ung plat d'cstain,
pour doubte d'inconvénient , fut lacdite vaisselle mise en feu et
fondue , puis fut refaicte et rendue , et pour façon et déchiet en
^ut, le pintier de la Croisille, la somme deXVII' VP.
169
Item pour faire l'essay desdicts poysous fut achaplé soubdai-
nement une somme de boys, XX^.
Item et après que ledict chien fut mort, fut dit par lesdicts
maistres d'ostel que le chien demourroit en la chambre de dessus
le portai de la ville jusques au landemain jour de dymanche
qu'ilz devoyent retourner, ce qu'ilz firent. Et illec furent appel-
iez Jehan Dumolin , Jehan Mariavala, Pierre Goupil , Gillet Bou-
zon , Guillaume Hardy , Guillaume Guénart , et Estienne Remy,
barbiers et cirurgiens, pour ouvrir ledict chien. Et avant que y
procéder, fut fait grant feu en la chambre ou estoit ledict chien ,
et appoincté que chacun desjuneroit pour doubte d'inconvéniant,
et puis ledict chien seroit ouvert. Et pour ce, chees Pierre Du-
rant furent faiz cuire deux platz de harens ; pour ce, pour pain ,
vin et noez vielles , XP '.
Item ledict jour a ung portefays , qui porta en une bote ledict
chien es grèves , et l'enterra , XXU''.
Item à la chamberière Macé Blanchet , qui nectoya la chambre
et salle où fut ouvert ledict chien , luy fui donné Xl^
A. SALMON,
THÈSES
SODTENUES PAR
LES ÉLÈVES DE L'ECOLE DES CHARTES
(PROMOTION DE 18bl-54)
POUR OBTENIR
LE DIPLOME DARCHIVISTE-PALÉOGRAPHE.
Recherches historiques sur la maison de Saint-Lazare de Paris, par
Jules Boullé.
L Quand furent fondées les premières léproseries en Occident?
Probablement vers le commencement de la troisième race de nos rois.
IL Fondation de Saint-Lazare de Paris probablement au commen-
mencement du onzième siècle. — Emplacement qu'occupait cette mai-
son.
IIL Qu'était-ce que Saint-Lazare ? Quatre opinions à ce sujet. —
Gallia christiana. — Dubreuil. — L'abbé Lebeuf. — Jaillot. — Quelle
est la plus satisfaisante ?
ÏV. Statuts et organisation de Saint-Lazare. - De l'évêque. — Du
prieur. — Des frères. — Des malades. — Des gens de service.
V. Des privilèges accordés par les papes et les rois. — Des biens de
cette maison.
VL Juridiction ecclésiastique et civile de Saint-Lazare.
VIL Liste des prieurs depuis 1160 jusqu'en 1632.
Du pouvoir législatif en France par Charles Gasati, licencié en droit.
DE LA LÉGISLATION EN FBANCfi SOUS LES DEUX PBEMIÈBES BACES.
— Respect du roi pour la constitution de l'État. — Autorité des an-
ciennes coutumes. — Le pouvoir législatif appartient à la nation tout
entière, réunie dans les assemblées générales. Systèmes contraires de
mademoiselle de Lézardière, de Baluze, de Moreau. — Deux placites
171
annuels. — Le principe : Lexfit consensu populiei constitutione régis.
— Doit-on admettre la traduction bizarre que Moreau donne de ce
texte pour le rendre conforme à son système? — Préparation de la loi
dans le conseil , composé d'hommes choisis, présidé par le comte du
palais. — Influence du roi sur la législation. — Les lois peuvent modi-
fier la discipline de l'Église, mais doivent respecter le dogme. — Auto-
rité du roi sur les évêques. — L'exemplaire original de la loi scellé par
le référendaire est placé dans les archives du palais. — La publication
de la loi se fait par des lectures publiques devant les tribunaux du
comte et du centenier et devant les juridictions ecclésiastiques. — Per-
sonnalité des lois barbares. — La loi romaine est la loi du clergé. —
Les capitulaires généraux des rois ont une autorité supérieure aux lois
personnelles. — Ils ne sont pas restreints à l'un des États de l'Empire
comme le prétend M. de Savigny. — Application aux individus du prin-
cipe de la personnalité des lois. — Ce principe disparaît lorsque la
différence des nationalités s'efface.
II. APERÇU DE LA LEGISLATIOP* DANS LA SUITE DE LA MONABCHIB
FRANÇAISE. — Faiblcssc du pouvoir royal sous la troisième race. —
Le droit privé devient coutumier et territorial. — Le pouvoir législatif
de la nation existe encore dans les terres du roi et dans celles des sei-
gneurs, mais il s'éteint bientôt. — Les ordonnances ne sont alors que
des règlements administratifs peu importants , simplement délibérés en
conseil. — Au treizième siècle , lorsqu'au moyen des baillis, la justice
du roi a pénétré partout, les ordonnances prennent un caractère géné-
ral, — Le roi consulte encore quelquefois les gens de ses bonnes villes.
C'est le conseil du roi qui vaque à toutes les choses, touchant le gou-
vernement du royaume et des affaires publiques. — Le roi réunit
souvent à son conseil privé les gens du parlement, les gens des
comptes, les maîtres des monnaies. — Ord. de 1356. Ord. de 1358,
14 mai. — Le grand conseil séparé du conseil privé. — Le nombre
des conseillers s'accroît toujours, et toujours des ordonnances le rédui--
sent. — Au dix-septième siècle, division du conseil en cinq sections,.
— Fonctions du chancelier : veoir, corriger, examiner, passer et scel-
ler les lettres royaulx. — La compagnie des secrétaires du roi expé-
die les lettres royaulx. — Plusieurs ordonnances rendues sous l'inspi-
ration du chancelier. — L'ordonnance scellée du grand sceau doit être
enregistrée et publiée dans toutes les juridictions. — Droit de remon-
trances du Parlement. — Lettres de jussion. — Arrêts de règlements
sous le bon plaisir du roi. — L'interprétation de§ ordonnances confiée
au grand conseil. — Autorité des états-généraux. — Les états et le
172
parlement luttent en même temps contre le pouvoir absolu, succombent
ensemble. — Les états votent l'impôt et demandent des réformes par
doléances. — Au dix-septième siècle , absence d'états - généraux ,
silence du parlement, le roi seul fait la loi.
Essai sur la géographie territoriale et politique de l'Auvergne aux
neuvième et dixième siècles, par Jea.n-Baptiste-Fbançois-Augostin
Chassaing, licencié en droit.
I. DIVISIONS TERBITOaiALES DE l'aUVEBGNE.
Dénominations diverses de l'Auvergne.
Elle avait pour limites, au nord, du côté du Pagus Bituricus ,
Chantelle, Cantilia , Cantella,et Souvigny, Silviniacus; du côté du
Pagus Augustodunensis, la rivière d'Allier, Elaver, depuis Cusset,
CMcmcMm, jusqu'à la hauteur de Moulins; à l'est, les montagnes du
Forez du côté du Pagus LugdunensiSj et la Vicaria de Vetula Civitate,
Saint-Paulhien, du côté du Pagus Vellavicus. La délimitation du Pa-
gus Arvernicus , au midi et à l'ouest, vers les Pagi Gabalitanus, Ru-
tenicus , Cadurcinus et Lemovicinus , ne peut être établie d'une ma-
nière certaine, par suite de l'absence des textes. Elle était sans doute la
même que celle du diocèse de Clermont avant l'érection du siège épis-
copal de Saint-Flour en 1317 par Jean XXIL
Le Pagus abvernictjs comprenait des Pagi Minores qui se subdi-
visaient en ylice.ç , division répondant, dans l'ordre territorial , à la sub-
division politique du comté, la Vicaria. L'étendue de la Vicaria et de
VAicis étSiit la même. Preuve tirée des Cartulaires de Brioude et de
Sauxillanges. — Les textes font connaître les Pagi Minores et les Aices
suivants :
1° Pagus DONOBRiNsis, pays de Neuvre;
2" Pagus Limanicus , la Limagne;
Z" Pagus Abvernicus ou Clabomontensis , pays de Clermont :
Aicis Riomensis , Riom ;
4° Pagus Telamitensis , pays de Tallende ; Aicis Ambronensis,
Saint-Germain Lembron ; — Bonorochensis, Le Broc; — Caldiacensis,
Coudes-sur-Allier ; — Montanicus, Monton , près Veyre ; — Mussia-
censis , Moissat sur TAlagnon ;
5° Rocafobtensis, pays de Rochefort;
6° Pagus Talvensis , pays de Tauves ;
7° Pagus TiERNBNSis, pays deThiers;
173
STaguîjTolobnensis; pays de Turluron près BilloiHj Aicis To-
lornensis ;
9° Pagus Lipidiacensis ou Libbatensis, le Livradois;
10° Pagus Ucionensis, pays d'Usison; Aicis IJcionensis;
1 1" Pagl's Bbivatensis, le Brivadois : — Aicis J?nva^(?«sîs, Brioude ;
— Calerinsis , Chalières; — Cantolianicus , Chanteuge; — Cumicen-
s^s',Cusse ou Cumignat; — Loiacensis, inconnu, Nonatensis, No-
nette ; — Radicatensis , Rageades;
12° Territobium Planez A, Planetia, la Planèze : Aicis Caria-
tensis, Cariât.
II. DIVISIONS POLITIQUES DE l'aUVEBGNB.
L'Auvergne, sous la race carlovingienne , forma le Ducatus Arver-
nicus.
Elle forma aussi le Comitatus Arvernicus, d'abord aussi étendu
que l'ancienne CivitasArverna.
Vers la fin du neuvième siècle , quelques districts du Pagus Arver-
nicus forment des comtés qui se subdivisent en Vicarise, Vicairies ou
Vigueries.
On trouve mentionnés dans les Cartulaires de Brioude et de Sauxil-
langes, les comtés et vicairies suivants ;
1° CoMïTATUs Arvernicus seu Clabomontensis, comté d'Auver-
gne ou de Ciermont : Vicaria Claromontensis, Vicairie de Clermont :
— Doratensis, — de Dorât ; — Lodosensis, — de Lezoux ; — Olbio-
nensis, — d'Olby ; — Randanensis , — de Randan.
2" Comitatus Bbivatensis , comté de Brioude : Vicaria de ArlincOy
Vicairie d'Ariane ; — de Aurato, — de Dore l'Église; — Brivatensis,
— de Brioude; — Cantolianica, — de Chanteuge; — CheriacensiSy
ou Heriacensis , — de Charrâix ; — Logatensis, — inconnue ; — No-
natensis, — de Nonette; — Radicatensis, — de Rageades ; — Saneti
Stephani, — de Saint-Etienne-sur-Usson ; — Ucionensis, — d'Usson.
3" Comitatus Libratensis, comté de Livradois : Vicaria Ambat-
nensis, vicairie d'Ambert; — Marciacensis, — de Marsat; — Libra^
tensis, — de Livradois; — de Roca Savina , de Saint-Amant Roche-
Savine.
4° Comitatus Telamitensis, comté de Tallende : Vicaria AmbrO'
nensis seu Saneti Germant , vicairie de Saint-Germain-Lembron ; —
Antoniensis, — d' Antoingt ; — Avalojolense, — de Valeujol ; — Borono-
chensis, — du Broc; — de Civitate Vetula, — d'Antérieux? —
Jordanensis , — de Jordanne; — de Nova Ecclesia^ — d'Eglise-Neuve;
174
— Massiacensis , — de Massiac; — Monciasensis seu Muissiacensis ^
— de Moissat ; — de Talaisago , — de Talizae ; — Telamitensis, —
de Tallende ; — Vebritensis^ — de Vebret.
* 6° CoMiTATUS ToLORNENSis , coKité de Turlupon : Vicaria Biliomen-
sis , vicairie de BiUom , — Cunliacensis, de Cunlhat ; — de Valle Val-
lonica , iDConnue.
Étude sur les mots à multiples formes de la langue française , par
Jean-Édouahd Gbos-Bubdet.
I. Formation génébai.e. — Dans les Gaules, au moment de l'inva-
sion germanique, le latin a perdu ses désinences caractéristiques ; il
s'est peu à peu transformé en notre langue vulgaire. Les conquérants
prononçaient mal en proportion de la rudesse de leurs organes; au
nord , où ils étaient nombreux , ils ont altéré plus gravement les for-
mes romaines; au midi se sont conservées de meilleures traductions
euphoniques par l'influence des Gallo-Romains restés en majorité. A
cette époque , qui peut s'étendre du cinquième au dix-septième siècle,
se rapportent les types les plus dissemblables des effigies romaines pri-
mitives. La faveur soudaine accordée au latin par les savants de la Re-
naissance servit de prétexte à de nombreux néologismes qui forment
double emploi avec les formes populaires correspondantes. A mesure
que la facilité de prononciation se propage avec l'éducation , l'effort
général tend à créer des mots nouveaux calqués sur les langues mortes.
De nos jours encore, cet abus est en vigueur, et nuit à la clarté du
langage.
L'écriture du moyen âge indique la prononciation usuelle du temps,
sans aucun principe ortliographique.
Il ne faut pas prendre pour des mots différents les diverses manières
de figurer le même mot; ainsi rithmer et rimer sont tout un. De même
pour clause et close^ pour dîné et dîner, pour Fontenay et Fontenoy ,
pour Arnould , Arnou et Arnoud , etc.
Dans la formation générale des mots à plusieurs types figurent les
influences des peuples limitrophes au nord et au midi, par les com-
munications guerrières ou pacifiques auxquelles nous devons des mots
nouveaux dérivés du latin , par l'italien ou l'espagnol, et des langues
du nord et de l'est , par les idiomes Scandinaves et germaniques.
Les formes doubles ou multiples ne sont pas toujours synonymes.
II. F0KMATI0N>AR ALTERATION DES VOYELLES KT DES DIPHTHONGUES.
— En général , la prononciation barbare apaise le son latin et le fait
175
sourd, comme le prouvent les manières si nombreuses d'exprimer les
voyelles par des combinaisons de lettres inusitées jusqu'alors. Les for-
mes de création récente ou méridionale rendent aux voyelles et aux
diphthongues leur figure et leur sonorité antiques.
III. Formation par atténuation ou modification des consonnes.
— Suivant les pays, les consonnes latines ont permuté ou modifié de
façon nouvelle leur valeur première. Le B, le V , le P se suppléent ;
il en est de même du V et du G, de l'L et l'R , du D et du T, du T et
del'S. Tantôt le C prend une prononciation analogue à celle duxgrec,
tantôt il s'adoucit en S en Z.
IV. Formation par suppression de lettres. — Les voyelles pro-
noncées sourdement entre deux consonnes s'effacent et disparaissent
souvent dans la rapidité du discours. Les consonnes se rapprochent et
se modifient conformément à l'euphonie. De là les formes timbre et
tympan, advenir tX aveindre. La chute d'une consonne produit les
mêmes effets parmi les voyelles: on le voit ^qt fidélité et féauté , par
auguste et août.
V. Formation par adjonction d'une lettre. — Les mots latins
commençant par deux ou plusieurs consonnes difficiles à détacher au
courant de la prononciation ont été^ dans le discours et l'écriture, pré-
cédés d'un e qui en adoucit l'aspérité. Tels sont scholaire avec écolier^
stranguler avec étrangler.
VI. Quelques mots purement latins se sont introduits dans le lan-
gage, surtout par l'usage scientifique, et alternent avec les formes
vulgaires; je citerai /ades et face ^ dictum et dicton.
VII. En thèse générale , les mots qui se rapprochent le plus du latin
sont modernes.
De V institution des baillis sous saint Louis et sous Philippe III d'cL-
près les Olim (1254-1285), par Théodore Laborde, licencié en
droit.
Introduction. — Création des baillis de 1180 à 1190. — Leur
puissance croissante. — Les Olim constatent le but principal de leurs
efforts^ c'est-à-dire l'établissement de la suprématie royale.
I. Justice royale d'abord exceptionnelle. — L'assise du bailli rem-
place peu à peu celle des chevaliers. — Les baillis sont d'abord des
membres du parlement, détachés dans les provinces et nécessaires :
1° pour faire les enquêtes, 2"> pour assurer l'exécution des arrêts,
3» pour éclairer la cour sur les coutumes des provinces. — Multiplica-
tion progressive des bailliages : quatre en 1190, dix-sept en 12G0. —
176
Les sénéchaux remplissent dans le Midi les fonctions des baillis au
Nord. — Les baillis se servent de plusieurs moyens pour étendre la
justice royale ; 1° la Deffaulte de droit, 2° V Appel, ^°les Cas royaux,
4° le Refus de compléter la cour des vassaux, ô» la Prévention, 6<* le
Droit de protection royale (sur les églises , les communes et les bour-
geois). — Les arrêts du Parlement constatent leur intervention dans
toutes les matières. — Haute, moyenne, basse justice. — Justice fo-
restière, des chemins, des marchés. — Troubles, forfaitures, viols. —
Bannis, bâtards, nobles. — Questions intéressant l'Etat, la religion, la
de personne du roi ou ses représentants. — Questions de propriété, de
reconnaissance d'état et de noblesse. — Empiétements sur la justice
régulière des seigneurs. — Guerre aux usages et aux privilèges. —
Respect des droits du roi sur les ventes (tiers et danger, segorage), sur
les tutelles, etc. — Destruction des garennes. — Monnaies. — Les
baillis font les assurements, les arbitrages, les compromis, les
accords, les échanges ; jugent les conflits de justice, les réclamations
de cens, les droits de pêche, les contestations de propriété, etc., etc.
— Ils sont agents d'exécution contre les bannis, les voleurs, les mal-
faiteurs (même sur les terres des hauts justiciers), punissent les insul-
tes faites aux fonctionnaires du roi et le refus de service militaire; —
veillent à la réparation des ponts, à la libre navigation des rivières, à
la destruction des forteresses; — perçoivent partout les amendes infli-
gées par la cour. — Appels frivols amendés. — Appeaux volages.
II. Différentes mesures prises par les ordonnances contre les baillis.
— Ressort soigneusement délimité. — Une fois le résultat obtenu , la
royauté sent le besoin de restreindre les pouvoirs extraordinaires des
baillis. — Ils perdent de leur importance, et leurs noms sont plus rare-
ment cités dans les textes des arrêts. — Ils descendent au rang de
fonctionnaires inférieurs, de juges de première instance. — L'appel
de leurs décisions devient plus fréquent. — La cour prend très-sou-
vent parti contre eux. — Répression des amendes excessives qu'ils
infligent. — Ils sont eux-mêmes blâmés, réprimandés, amendés. —
Tendance au démembrement de leurs offices.
III. Noms des baillis depuis 1254 jusqu'à 1285 d'après les Olim
comparés avec V Usage des fief s.
177
Essai sur l'état des personnes en Angleterre au onzième siècle, à la
suite de la conquête normande, d'après les documents originaux, et
principalement le Domesday-Book , précédé de l'histoire de ce livre,
par Louis Lacoub.
Histoire du Domesday-Book : sa date, soq exécution, son utilité ,
ses services ; principaux auteurs qui en ont fait usage.
I. Considérations générales sur l'état des personnes avant la con-
quête et sur les changements que Guillaume le Conquérant introduisit
en Angleterre.
II. De l'état des personnes relativement à la liberté. — Nobles :
barons ou tenanciers. — Classes moyennes. — Taines , vavasseurs »
possesseurs d'alleux. — Chevaliers, hommes libres j socmans, rad-
mans.
III. De l'état des personnes relativement à la servitude. — Vilains,
bordiers, cottiers, serfs, coliberts, censiers, femmes servantes.
IV. De l'état des personnes relativement à la justice. — Crimes et
délits : adultère , forestel , forfait , girbrige , homicide, vol. — Cours
et tribunaux : observations générales, ridings, wapentaches, hun-
dreds; juridiction sur les vilains.
Les sépultures chrétiennes en France du onzième au dix-septième
siècle , par Abthur Mobcibb.
I. Sarcophages. — A partir du onzième siècle, le sarcophage ou
cercueil est distinct du tombeau ou mausolée. — La pierre, la brique,
le plâtre , le plomb et le bois ont servi à la construction des sarcopha-
ges. — La forme a peu varié : c'est celle d'une auge à extrémités iné-
gales, avec couvercle plat ou légèrement arrondi ou à dos d'âne. —
La longueur n'excède guère celle du corps. En principe, le cercueil
ne dut recevoir qu'un seul individu. — On trouve dans une foule de
sarcophages , outre le squelette , des débris de vêtements et des attri-
buts de la profession du défunt. — L'Église a réglé le mode d'enseve-
lissement. — On enterra parfois avec le mort non-seulement des reli-
ques , mais l'Eucharistie ; c'est un souvenir du naulus antique ; les
petits pots à eau bénite, ceux à charbon et encens et les plantes vivaces
se rencontrent bien plus fréquemment dans les sarcophages chrétiens.
— La croix d'absolution déposée sur la poitrine du mort est une
réponse au reproche que les Grecs faisaient aux Latins de ne pas ob-
I. {Quatrième série.) 12
178
server la disposition des bras en croix. — La décoration des sarcopha-
ges a été généralement très-simple. — Quant à l'orientation, la tête du
mort était tournée vers l'Occident et ses pieds vers l'Orient. — Il est à
présumer que, concurremment avec la sépulture dans les sarcophages
allongés , ou a enterré dans des pots assez semblables aux camucis des
chefs de tribus brésiliennes.
IL Tombeaux. — Il faut distinguer les tombeaux isolés des tom-
beaux arqués , et les tombes levées des tombes plates. — La pierre ,
le marbre, le cuivre et le bronze sont les matières qui ont le plus sou-
vent servi à la construction ou à l'embellissement des tombeaux ; l'ar-
gent et l'or, l'émail et la mosaïque ont été employés surtout comme
objets de décoration. — Les tombeaux de l'époque romane sont en
rapport avec l'architecture du temps : simples et séyères comme elle,
ils diffèrent en beaucoup de points de ceux de l'âge suivant. — Les
gisants sont une innovation de l'époque gothique, qui ajouta successi-
vement tant d'autres éléments de décoration aux mausolées. — Les
priants apparaissent à la fin du quinzième siècle.
IIL SÉPULTURE DANS l'église. — Ou l'a fréquemment accordée au
moyen âge, mais différents motifs ont déterminé l'Église à faire ses
restrictions; matériellement, le temple saint n'a pu recevoir tous les
chrétiens, sans distinction ; il y eut des privilégiés dont les plus nom-
breux furent les donateurs. — Les cryptes ne renfermaient en principe
que le corps des martyrs ou confesseurs ; insensiblement elles ont
reçu d'autres défunts. A l'époque romane, elles ont gagné en étendue;
les architectes gothiques en ont rejeté l'emploi parce qu'elles mettaient
en péril la solidité de l'édifice supérieur. — La sépulture dans l'église
haute eut lieu principalement pour les ecclésiastiques , au chœur, dans
les nefs, dans les chapelles et au parvis; les laïques furent inhumés
dans les chapelles et sous ces pierres tombales où l'image du défunt
habillé , les mains jointes et les pieds tournés vers le sanctuaire, était
gravée au trait ou diversement coloriée. — L'Église a reçu aussi des
inhumations partielles. — La sépulture dans l'église avait ses avantages
et ses inconvénients.
IV. SÉPULTURE DANS LES CIMETIÈRES. — L'histoIrc dcs cimetièrcs du
moyen âge offre relativement moins d'intérêt que celle de la sépulture
dans l'église : les cimetières étaient le champ de repos des simples fidè-
les. — Quelques églises, où l'affluence des morts était considérable,
sont devenues de vrais cimetières. — La présence de nombreux cer-
ceuils dans une localité ne prouve pas infailliblement la présence d'un
cimetière. — Les principaux monuments de la décoration des cime-
179
tières au moyen âge sont les chapelles dédiées à saint Michel , les char-
niers , les ossuaires , les croix et les lanternes des morts.
V. SYMBOLISME. — Il cst Signalé par Ics liturgies des douzième et trei-
zième siècles pour l'orientation et les objets renfermés dans le cercueil ;
quant aux tombeaux , les artistes du moyen âge y ont représenté des
animaux et des végétaux symboliques; ils ont emprunté aux costumes
et aux pièces d'armoiries certains détails dont le sens a frappé les ar-
chéologues ; enfin , ils ont donné une forme humaine aux anges et
même à l'âme. — Le symbolisme a peu varié ; cependant il ne paraît
pas avoir été observé uniformément.
VI. ÉpiTAPOES. — Elles ont occupé quelquefois le fond du cercueil ;
mais il faut surtout les demander aux tombeaux. — On reconnaîtra
approximativement leur âge à la forme des lettres. — Les sigles de-
viennent plus rares à mesure qu'on avance vers le seizième siècle ; ils
rappellent, avec peu de modifications, les formules des anciennes ins-
criptions tumulaires. — La langue des épitaphes est généralement le
latin, même longtemps après la formation de la langue vulgaire. — Le
style est direct ou indirect; ces inscriptions, simples d'abord, se com-
pliquent, aux approches du seizième siècle, d'un éloge historique plus
développé , mais qui est un modèle de brièveté , si on le compare avec
les longs et verbeux panégyriques des temps postérieurs ; on affection-
nait en outre les vers rimes, et on ne recula pas assez devant la manie
des jeux de mots, — L'étude des épitaphes est utile pour le déchiffre-
ment des écritures du moyen âge; elle sert à confirmer ou à réfuter
les assertions des historiens , et peut être d'un grand secours dans les
travaux chronologiques.
Essai sur les variations des limites géographiques et de la constitu-
tion politique de l' Aquitaine depuis César jusqu'à Van 61 3, ^ar
Félix Rocquain de Courtemblay.
I. Aquitaine socs César. — La Garonne ne forme pas la limite
précise de l'Aquitaine au nord et à l'est. — Erreur de Valois et d'au-
tres qui ont voulu voir dans l'Aquitaine de César la Novempopulanie
de la Notice.
IL Aquitaine sous Auguste. — Quatorze peuples ajoutés, dont
Strabon ne nomme que douze. — Opinions diverses sur les deux res-
tants. — Erreur de Valois et d'autres qui ont voulu voir dans l'ac-
croissement d'Auguste les deux Aquitaines (r^ et 2«) de Ja Notice.
III. Aquitaine depuis Auguste jusqu'aux Barbabes. — Elle devient
13.
1<S0
Provincia Cxsaris, et garde cette forme de gouvernement jusqu'à l'in-
vasion. — Elle est successivement divisée en Novempopulanie, l*"^ et
2® Aquitaine. Limites de ces trois subdivisions. — Aux quatrième et
cinquième siècles , la Gaule est partagée généralement en deux parties
dites : l'une Gallia, l'autre Aquitaine. Presque tous les écrivains se
sont contentés de constater ce fait, sans résoudre la question qu'il im-
plique, c'est-à-dire sans indiquer les limites de ces deux portions. —
Erreur de M. Walkenaer à ce sujet. La solution de cette question per-
met de déterminer l'étendue des cinq et sept provinces.
IV. Aquitaine sous les Wisigoths. — Conquêtes des Wisigoths
confirmées par le traité passé entre Wallia et Honorius. Fin de ce
royaume en 507 (bataille de Vouglé).
V. Aquitaine sons les Fba.ncs. — 1" De Clovis à la mort de Clo-
taire I" (507-561). — Opinions diverses relativement au partage des
fils de Clovis, à la mort de leur père et à celle de leur frère Clodomir :
question généralement négligée; les documents rares, mais suffisants.
2** De Clotaire I" à l'avènement de Clovis II à toute la monarchie
des Francs (561-6131. — Mêmes difficultés sur les partages à la mort
de Clotaire I"et deCaribert, roi de Paris. — Un grand jour est jeté
par le concile de Mâcon (585) et le traité d'Andelot (587) sur l'étendue
des possessions des princes mérovingiens de 507 à 613. — Documents
dont les historiens n'ont pas su tirer parti.
De l'administration des communes au nord de la France, vers 1260,
par Gustave Sebvois , licencié en droit.
I. On peut établir que ce fut en 1258 que pour la première fois les
communes rendirent compte de leur situation financière à une commis-
sion du parlement. — Les communes sont surchargées de dettes.
II. Intervention de la royauté dans les élections municipales. — Le
maire , assisté d'un conseil, n'avait qu'un pouvoir d'administration
limité parla surveillance des membres importants de la cité. — En
général, ses fonctions n'étaient pas gratuites.
Les fonctions d'agent comptable étaient séparées des fonctions d'ad-
ministrateur.
A la fin de son administration , le maire rendait ses comptes devant
la commune assemblée.
IIL Recettes et dépenses. — Les revenus ordinaires et périodiques
étaient insuffisants : on levait des tailles, on contractait des emprunts,
on émettait des rentes.
181
La taille était un impôt à la fois réel et personnel. — Divers modes
de l'asseoir. — Les sommes des aides levées pour le roi étaient fixées
par les communes.
On empruntait très-souvent à intérêt. — Qu'étaient les Bontés?
L'administration recevait, sous le nom de Commandes, des dépôts
dont elle disposait librement jusqu'à la restitution ; très-vraisemblable-
ment elle n'en devait pas l'intérêt.
Le bourgeois qui se retirait de l'association communale devait payer
une part proportionnelle dans les dettes de la commune.
182
BIBLIOGRAPHIE,
La Normandie souterraine , ou Notices sur des cimetières romains
et des cimetières francs explorés en Normandie, par M. l'abbé Cochet,
inspecteur des monuments historiques de la Seine-Inférieure , etc. — 1 vol.
grand in-S» de 400 pages et 16 planches. — Rouen, Paris et Londres, chez
Lebrument , Derache, Didron et Otto Marcus , 1854.
Ceux qui s'occupent de nos antiquités françaises, connaissent, au moins
par ouï-dire, les découvertes de M. l'abbé Cochet. Ce savant, plein d'acti-
vité et de zèle, s'est voué depuis plusieurs années à l'exploration des an-
ciens cimetières qui se montrent de tous côtés , depuis que les travaux du
génie civil se sont attaqués aux parties intérieures du pays de Caux. Les
journaux et les recueils scientifiques ont signalé le succès des fouilles exé-
cutées à Londinières, à Lucy, à Envermeu; le musée de Rouen enrichi
par ces fouilles, celui de Dieppe créé avec les pièces que le département
n' I pas jugé à propos de s'approprier, disent encore mieux la valeur des
résultats obtenus. La Normandie souterraine est le registre des décou-
vertes qui ont été accomphes jusqu'à ce jour. M. l'abbé Cochet a voulu y
détailler avec une éteudue que n'avaient pas comportée les annonces scien-
tifiques, toutes les circonstances des opérations surveillées par lui. Il a
cherché en même temps à généraliser ses observations, de manière à ce
que son livre devînt un manuel pour les archéologues.
L'ouvrage est divisé en deux parties. Dans la première , l'auteur traite
des sépultures de la période romaine ; la seconde est consacrée à l'examen
des sépultures de la période barbare.
Il n'y a pas plus de vingt-cinq ou trente ans que l'on a commencé à éta-
blir cette distinction, et c'est surtout dans ces derniers temps que le ré-
pertoire des faits s'est assez étendu, pour qu'il fût possible d'attribuer une
origine probable et une époque approximative aux débris humains que l'on
rencontre. Ceux des barbares Germains sont surtout devenus reconnaissables
depuis les observations de MM. Lindenschmit et Houben , sur les bords
du Rhin; Roach- Smith , en Angleterre ; Troyon , en Suisse. M. Cochet,
en s'appuyant, comme de juste, sur l'expérience de ses devanciers , a étendu
le domaine de la science, soit par des faits nouveaux qu'il a mis en relief,
soit par des interprétations plus plausibles qu'il a données à des particula-
rités déjà reconnues. Son livre est un progrès de la question ; et puisque
nous en sommes réduits à demander aux sépultures les seuls monuments
qu'aient laissés d'eux les conquérants barbares de la Gaule , on peut dire
que le tableau le plus complet qui ait encore été fait des antiquités mé-
rovingiennes se trouve dans la Normandie souterraine.
Les sépultures de l'antiquité gallo-romaine , quoique plus étudiées, n'ont
183
pas laissé que de suggérer aussi quelques aperçus nouveaux à M. Tabbé
Cochet. Nous avons été surtout frappé de ses idées sur la nature des pier-
res employées à la confection des cercueils antiques, sur les signatures de
certaines poteries , sur l'existence très-vraisemblable d'une verrerie romaine
dans la foret d'Eu, sur la présence de statuettes de Latone dans les tom-
beaux d'enfants. Nous devons citer encore une excellente monographie des
découvertes faites jusqu'à ce jour sur l'emplacement de Juliohona.
L'intérêt que nous avons trouvé au livre de M. Cochet nous fait désirer
qu'il le complète prochainement. De son propre aveu , une grande incerti-
tude règne sur le caractère des sépultures gallo-romaines, à partir de l'é-
poque où a été abandonné le rite de l'incinération. Les fouilles accom-
plies sous ses yeux semblent n'avoir rien produit pour l'élucidation de ce
point important. Il est cependant impossible que , depuis Constantin jus-
qu'à Charlemagne, la race qui formait la majorité de la population n'ait
pas laissé de ses débris dans le pays de Caux. Il appartient à l'auteur de la
Normandie souterraine de chercher ces débris , et de nous les faire con-
naître.
A l'égard des Barbares eux-mêmes, nous trouvons plus d'un point sur
lequel l'inspection de leurs tombeaux n'a pas fourni à la science son dernier
mot. Par exemple, la place précise et la disposition de la ceinture présentent
encore bien de l'obscurité. N'y avait-il qu'un ceinturon pour soutenir les
nombreux objets qui gisent dans le bassin des squelettes? L'existence d'un
baudrier ne pourrait-elle pas être admise ? Les deux flbules qui se rencon-
trent d'ordinaire à la hauteur de la poitrine n'auraient-elles pas servi à
attacher deux vêtements superposés.!" D'après les vestiges de tissus qui
adhèrent aux armes, ne peut-on pas se faire une idée du costume entier,
ou tout au moins juger de l'industrie qui fournissait aux Barbares leur
habillement?
Puisque nous en sommes aux recommandations, nous nous permettrons
aussi d'appeler l'attention de M. l'abbé Cochet sur son style. Il nous paraît
s'abandonner trop à sa facilité. Il écrit d'abondance, comme il parlerait,
usant le plus souvent d'à peu près pour désigner les choses. Qu'il n'oublie
pas que l'archéologie , comme toutes les sciences , veut être démontrée
dans un langage précis. Elle n'admet que les .dénominations techniques :
les équivalents, si pittoresques qu'ils soient, ne sauraient y être de saison
lorsque le mot propre existe,
J. Q.
MÉMOiBE swr Vancienne lieue gauloise, par M. T. Pistollet de Saint-
Ferjeux. Langres et Paris , 1852, 56 p. in-S".
L'auteur de cette brochure, M. Pistollet de Saint-Ferjeux, ainsi qu'il
nous le raconte, voulait, il y a quelques années, faire une carte de la
province Lingonnaise pendant l'époque gallo-romaine. Pour arriver à ce
résultat, il consulta donc les deux documents géographiques qui sont une
184
des sources les plus précieuses pour l'histoire et la topographie de notre
pays, la Table Théodosienne ou de Peutinger et l'Itinéraire d' Antonio. Il ne
trouva sur ces tableaux l'indication que de quatre routes ayant leur point
de départ à Langres : 1° de Langres à Chalon-sur-Saône , 2" de Langres à
Besançon, 3° de Langres à Toul, 4° de Langres à Reims. Ici se présentait
une difficulté. Il fallait déterminer exactement la distance totale et inter-
médiaire de chacune de ces voies. Cette distance était, il est vrai, indiquée
en milles romains, mais les auteurs diffèrent entre eux sur la longueur à
donner à cette mesure rd'Anville l'estime à 756 toises ou 1473 mètres,
Gosselin à 1483 mètres, et Walckenaer à 1481 mètres. M. de Saiiit-Ferjeux
adopta la longueur indiquée par Gosselin et se mit à opérer sur la carte de
Cassini. Après mainte épreuve souvent répétée, il arriva à cette conclusion
peu satisfaisante, que les mesures indiquées étaient beaucoup plus courtes
que la distance réelle. D'Anville avait déjà indiquée cette solution, et
Walckenaer, dans sa Géographie des Gaules, avait proclamé que l'une des
plus grandes difficultés de l'étude de la géographie comparée était la per-
pétuelle confusion des diverses mesures itinéraires dans les écrits des an-
ciens. S'appuyant sur cette déclaration du savant secrétaire de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres, M, de Saint-Ferjeux rechercha, avec une
ferme volonté de la découvrir, l'étendue réelle de la mesure itinéraire qui
avait servi de base aux calculs de la Table de Théodose et de l'Itinéraire
d'Antonin. Dans ce nouveau travail, l'auteur fut assez heureux pour pou-
voir trouver un terme de comparaison dans une curieuse inscription dé-
posée au musée d'Autun. Cette inscription , publiée déjà deux fois , pré-
sente une double mesure itinéraire : l'une qui doit représenter la lieue ,
l'autre le mille romain. Ce précieux renseignement amena M. de Saint-
Ferjeux à reconnaître, après plusieurs expériences, que la lieue gauloise
était de 2,415 mètres. Ce résultat était déjà quelque chose , puisqu'il per-
mettait désormais de trouver exactement la situation , aujourd'hui contes-
tée, de plusieurs stations romaines. Restait cependant encore un point à
déterminer : dons quelles parties de la Gaule s'était-on servi de cette me-
sure itinéraire de 2,415 mètres? Cette mesure, si nous en croyons les cal-
culs de l'auteur , a été adoptée pour l'indication de toutes les stations
situées au nord de Lyon, aussi bien dans l'ouest que dans l'est et que dans
le nord de la Gaule, au delà de la province romaine. A côté de cette lieue
gauloise existait encore un mille que l'on peut appeler également gaulois,
qui représentait les deux tiers de la lieue, soit 1,610 mètres. Et ce mé-
lange de ces deux mesures se rencontre souvent sur les itinéraires; ainsi la
route de Langres à Varcia , sur la voie de Langres à Besançon, est indi-
qué en milles gaulois, et le reste du chemin est marqué en lieues gau-
loises. Il en résulte encore que la lieue qui équivalait, suivant Ammien
Marcellin et suivant Jornandès, à un mille et demi, soit 1,500 pas, était
une mesure factice établie pour concorder avec le mille romain, de même
185
que de nos jours on a fait une aune métrique, un pied métrique qui ne
représentent ni l'aune ni le pied d'autrefois.
Tel est le résultat des recherches que M. de Saint-Ferjeux expose dans sa
l»rocliure avec une grande lucidité, et sur lesquelles il appelle Tattentiou des
archéologues et des géographes de notre pays.
Sainte-Mabie Mevil.
Sua LA NAISSANCE de Charlemagne à Liège. Recherches historiques,
par Ferd. Henaux. Nouvelle édition. Liège, Desoer, 1854. 55. p., gr. in-8».
Le lieu de naissance de Charlemagne est et demeurera probablement
toujours ignoré. Les arides Annales du milieu du huitième siècle ne men-
tionnent même pas la naissance en elle-même; et Eginhard, qui, en indi-
quant l'âge de l'enipereur au moment de sa mort (vita Caroli, c. 30) a per-
mis de fixer à 742 l'année de sa naissance, passe volontairement sous
silence tout ce qui a rapport à la première partie de la vie de son héros,
en disant (Vita Caroli , c. 4) : « De cujus nativitate atque infantia , vel
etiam pueritia, quia neque scriptis usquam aliquid declaratum est, neque
quisquam modo superesse invenitur, qui horum se dicat habere notitiam ,
scribere ineptumjudicans, ad actus et mores ceterasque vitœ illius partes
explicandas ac demonstrandas , omissis incognitis , transire disposui. »
Tout au plus peut-on conjecturer qu'il vit le jour dans le pays entre Meuse
et Rhin d'après les paroles « m genitali solo, » dont se sert le moine de
Saint-Gall (1. I, c. 30) lorsqu'il raconte l'érection de l'église d'Aix-la-Cha-
pelle.
Les grands érudits du dix-septième siècle, Lecointe, Mabillon et autres,
étaient déjà arrivés à ce résultat négatif, dont l'histoire peut à la rigueur
parfaitement prendre son parti. Mais il ne fait pas l'affaire des localités
jalouses de compter le restaurateur de l'empire d'Occident au nombre de
leurs citoyens. L'une d'elles, qui dès le moyen âge s'était montrée des plus
ardentes à revendiquer le berceau du grand homme, vient tout récemment
de raviver le procès. Battue sur la question de la paternité de Pierre l'Er-
mite et de Godefroi de Bouillon, la ville de Liège espère se dédommager
largement de son double échec par l'acquisition incontestée de Charle-
magne, et son vaillant champion , M. Ferdinand Henaux , se flatte d'avoir,
cette fois-ci , pour de bon, démontré au profit de sa vieille patrie, la faus-
seté de ce lieu commun (p. 19) qu'on appelle l'incertitude du lieu de nais-
sance de Charlemagne.
A cet effet , sans s'arrêter longtemps aux prétentions rivales de Paris et
d'Ingelheim, il s'adresse d'abord aux textes directs. 11 éloigne le témoi-
gnage d'Éginhard, sous prétexte qu'en paraissant ignorer le lieu de nais-
sance de son maître, il n'a voulu que « jeter un voile sur les débuts peu
brillants et les faits peu honorables de sa jeunesse, ainsi que sur les ori-
gines peu illustres de la famille royale, famille de parvenus, qui n'aimait
pas la grande noblesse et que la grande noblesse n'aimait pas (p. 13). » Par
186
contre, il exalte de son mieux la douteuse autorité du moine de Saint-Gall,
« qui était encore environné de toutes les preuves vivantes de la vérité du
fait qu'il rapportait (p. 20), » et dont il applique hardiment ïegenitale solum
non-senlement au pays liégeois en général, dont Aix-ia-Cliapelle faisait par-
tie, mais, vu l'absence de réclamations de la part des savants d'Aix, à la
ville de Liège elle-même.
Viennent ensuite à l'appui de cette opinion, les preuves traditionnelles
et les preuves d'induction. D'une part, M. Henaux accumule les textes et
les souvenirs locaux pour prouver le fait incontesté de l'origine austrasienne
des Pépins, et tire, de l'existence de leurs nombreuses résidences dans le
pays liégeois, la conséquence fort hasardée, que tous, et par conséquent
Charlemagne aussi , ont dû y voir le jour. D'autre part, appuyé cette fois-ci
moins sur des textes carlovingiens qui ne parlent qu'en général de nom-
breux séjours faits à Liège par Charlemagne , que sur des chroniques lié-
geoises fort récentes qui racontent entre autres que Charlemagne a déclaré
les Liégeois les plus nobles citoyens de ses États (p. 41), et qu'il leur a
donné une bannière magnifique de satin blanc qui existait encore en 1660
(p. 42), il prétend constater dans tous ces faits l'attachement filial de
l'homme de cœur au sol qui l'a vu naître, et par suite la nécessité de la
naissance de Charlemagne dans le pays liégeois.
Allant plus loin encore, M. Henaux fixe la naissance à Liège même.
A cet effet, il procède par exclusion à l'endroit des autres résidences car-
lovingiennes de la contrée, met, par exemple, Herstal hors de concours,
parce que c'était « un manoir sombre et antique que pouvaient chérir
l'homme d'armes et le chasseur, mais non une femme jeune, pieuse,
aimant à être entourée de ses proches (p. 45), » et arrive ainsi enfin à la
conclusion tant désirée, que le berceau du grand empereur n'a pu être
que dans la vieille cité de Liège, dans le palais bâti par son aïeul Charles
Martel !
D'autres d'ailleurs, pense- t-il, avaient, avant lui, raisonné de même; et
ici je vais citer textuellement, pour donner en même temps une idée du
style fortement coloré de M. Henaux : c'est la conclusion de son Mémoire
(p. 53-55). « Dans les vieux écrits sont certainement enfouis bien des faits,
insignifiants en apparence, qui justifieraient et compléteraient nos tradi-
tions. Le hasard nous en a mis un sous les yeux. C'est un diplôme fabriqué en
France, avant le onzième siècle, par des moines de l'abbaye de Saint-
Remy, à Reims. Ils le font émaner de Charlemagne,.qui l'aurait signé le
mardi 6 juillet 812, et ils s'y confirment hardiment, en son nom, leurs
privilèges, leurs prérogatives, leurs revenus, ainsi que les prodiges de
leurs reliques. D'où croit-on que ces pieux faussaires , pour imprimer à
leur acte apocryphe le plus grand cachet d'authenticité, vont dater leur
bonne et précieuse charte ?... Du palais d'Aix ? non ; du palais de Herstal ?
non; de celui de Jupille.? non... Ils la datent de Liège! Mensonge
frappant! Ces moines savent que l'empereur est vieux, souffrant, et c'est
187
à Liège, dans sa ville chérie, dans son lieu natal , dans son palais, qu'ils
supposent que le grand roi doi.t être alité, qu'il doit mourir! Curieux res-
souvenir, assurément ! »
Tout cela , disons-le franchement , peut être très-honorable comme pa-
triotisme , mais n'est guère sérieux comme science. On ne fait pas de l'éru-
dition avec le sentiment, et c'est rejeter la critique historique de quelques
siècles en arrière que de la mettre au service des prétentions de clocher. J^
ne demande pas mieux, pour ma part, que d'admettre la possibilité que
Charlemagne soit né à Liège : je dirai même qu'il y a peut-être un peu plus
de probabilité en faveur du pays liégeois qu'en faveur de toute autre con-
trée de l'empire carlovingien , comme patrie de l'empereur; mais admettre
comme des faits avérés les conclusions de M. Henaux , cela m'est complè-
tement impossible. Je ne lui demande pas, comme il paraît plaisamment le
craindre (p. vi), la reproduction d'un extrait de naissance, mais je lui de-
mande mieux que des traditions, quelque vivantes qu'elles soient encore
dans le pays, ou des chroniques écrites cinq ou six cents ans après la mort
de Charlemagne. D'ici là, je m'en tiendrai au mot d'Éginhard : « De cuius
nativitate scribereineptumjudicans, » et je me résignerai à ignorer où
au juste a été placé le berceau impérial. Il y a tant de choses, hélas ! plus
importantes que nous ignorons!
Deux mots encore. Si le travail de M. Henaux trahit une inexpérience
critique regrettable, il témoigne en faveur de son zèle et de sa conscience
historique. Je me fais par conséquent un devoir de lui signaler quelques
inadvertances, qu'il pourra corriger dans une troisième édition , si le pa-
triotisme liégeois la rend nécessaire. Il est au moins imprudent de faire
d'Éginhard le gendre de Charlemagne (p. 11, 12, 14). Il est complètement
faux, comme on peut facilement s'en convaincre par la Vita Caroli, c. 25,
29, que le roman fût la langue maternelle de Charles (p. 25). A la p. 37,
M. Henaux confond Charlemagne avec Charles le Simple , et à la p. 47 il
traduit m'cM5;?M6/îCMS par ville libre, au lieu de le rendre par fisc royal.
Enfin il a grand tort de traiter si fièrement (p. 24) de légende dorée la
chronique liégeoise de Harigère et d'Anselme, qui a bien plus de valeur que
toutes les compilations postérieures qu'il affectionne tant et qui l'ont tant
induit en erreur.
A. H.
ADAM , drame anglo-normand du douzième siècle, publié, pour la pre-
mière/ois, d'après un manuscrit de la bibliothèque de Tours, par
Victor Luzarche. Tours, imprimerie de J. Bouserez, 1854. Se trouve
chez Potier, libraire, quai Malaquais, n" 9, à Paris.
Parmi les origines de notre littérature moderne, celles du théâtre sont
assurément les moins connues , et tandis qu'on peut citer des poèmes du
onzième siècle, c'est-à-dire de l'époque même oij s'est formée la langue
française, on fixe généralement au treizième siècle les premiers bégaie-
188
ments de notre muse dramatique. La découverte du mystère à! Adam est
donc, à tous égards, une découverte importante, car elle vient combler
une lacune considérable dans l'histoire du théâtre, et montrer que chez nos
pères la poésie dramatique ne fut guère en retard sur les autres formes
de l'art. On pouvait déjà le supposer par la netteté et la vivacité de
dialogue qu'on remarque dans certaines parties de leurs poèmes; mais en
voilà une preuve décisive et, devant laquelle les plus incrédules devront
s'incliner.
Le drame d'Jdam peut être considéré comme une sorte de trilogie , et
offre trois parties bien distinctes. La première est la chute de l'homme ou
le premier péché; la seconde, la mort d'Abel ou les suites de ce péché; la
troisième, enfin, est une exhibition des prophètes annonçant la venue du
Sauveur du monde, de celui qui doit réparer le mal causé par la détestable
ruse du serpent et la faiblesse d'Adam et d'Eve. Dans notre mystère, à peu
près comme dans la tragédie grecque, le chœur chante à des intervalles iné-
gaux des versets de l'Écriture, analogues aux différentes circonstances re-
présentées sur la scène, et une sorte de sermon sur la nécessité de la pé-
nitence forme l'épilogue du poème. Les caractères sont assez bien dessi-
nés, le style est en général net et franc, et certains passages , notamment
dans la mort d'Abel, offrent de véritables qualités de dialogue.
Voilà bien le drame hiératique , tel qu'il devait sortir des cérémonies
chrétiennes, de même que le drame antique avait pris naissance dans les
mystères d'Eleusis; et certes M. Luzarche n'eût-il fait que nous donner ce
plus ancien monument de la verve dramatique de nos pères, que déjà sa
place serait marquée parmi les plus heureux fouilleurs du moyen âge ;
mais sa découverte a bien un autre prix. Chaque acte du drame est accom-
pagné de détails sur la mise en scène , qui nous font comme assister à la
représentation de l'œuvre, et tout au commencement , on lit, sous le titre
d'Ordo representationis Âdas, une instruction générale, non-seulement
sur les décorations qui doivent orner le théâtre et sur le costume de cha-
que personnage, mais encore sur le maintien et le geste des acteurs, et la
manière dont ils doivent déclamer leur rôle. La première scène s'ouvre
dans le paradis terrestre, placé sur une éminence, et représenté par un
jardin orné de fleurs odoriférantes et d'arbres chargés de fruits. Le théâtre
devait être placé tout près du principal porche ou de l'une des portes laté-
rales d'une église, puisque la mise en scène indique à un certain moment
que le personnage chargé de représenter Dieu se retire dans l'église :
Tune vadat figura ad ecclesiam. Les spectateurs étaient rangés sur la
place adjacente à l'église, et fort près des acteurs, à ce qu'il semble; car on
voit les démons faire de temps à autre des sorties au milieu de la foule.
Ces curieux détails et bien d'autres que nous négligeons, et qui se trou-
vent pour la première fois dans un monument de cet âge reculé, viendront
compléter et même modifier Ifs idées qu'on avait jusqu'à ce jour sur la
mise en scène au moyen âge, et rendront nécessaire une refonte des pre-
189
inieis chapitres du volume ingénieux que nous a donné M. Morice, sous
le titre d'Histoire de la mise en scène, depuis les mystères jusqu'au Cid.
Nous le répétons donc, la découverte du drame à' Adam est une heu-
reuse rencontre ; mais ces bonheurs-là n'arrivent qu'à ceux qui les cher-
chent et qui en sont dignes. Or, M. Luzarche méritait cette bonne fortune,
puisque, non content d'étudier consciencieusement le texte trouvé par lui,
il en a encore fait à ses frais une belle et bonne publication, dans laquelle
les difficultés, toujours assez nombreuses dans un document de cet âge, ont
été très-habilement surmontées. Le drame est précédé d'une introduction,
qui, outre l'analyse détaillée d'Adam, contient encore une intéresssante
notice sur le curieux volume dans lequel a été faite cette précieuse décou-
verte. Ce manuscrit, méconnu par les bénédictins de Marmoutier, qui
l'avaient acheté en 1716 à Toulouse, de la famille Lesdiguières , et le dé-
signaient sur leur catalogue par le titre de Livre de prières , était ou-
blié depuis plus de soixante ans sur les tablettes de la bibliothèque de
Tours, lorsque l'œil exercé de M. Luzarche est venu reconnaître son im-
portance sous le titre banal qui l'avait jusque-là fait négliger par les cher-
cheurs.
Le volume est écrit sur papier de coton , qui nous vient des Orientaux,
et dont Montfaucon fait remonter l'introduction en Occident au dixième
siècle. M. Luzarche pense que ce manuscrit a été écrit à deux époques dif-
férentes, et nous le croyons comme lui ; seulement nous aurions souhaité
que l'habile éditeur indiquât avec plus de précision l'âge de la partie qui
renferme VAdam, et qu'au lieu de l'attribuer un peu vaguement à la se-
conde moitié du douzième siècle, il en eût fixé l'époque tout à fait aux
dernières années de ce siècle. Nous avons pu examiner le manuscrit même
qui a servi à l'édition, et l'écriture nous a semblé une minuscule gothique,
appartenant encore, il est vrai, à l'époque de transition, mais dans laquelle
les formes caractéristiques sont déjà parfaitement accusées. Ainsi Vm et Vn
ont le haut de leurs jambages incliné à gauche , et la partie inférieure de
ces mêmes jambages offre un petit crochet dirigé vers la droite ; dans l'a,
la haste dépasse la panse , et sa partie supérieure se recourbe vers la gau-
che ; dans le t, la haste souvent ne dépasse pas la traverse, et cette tra-
verse, très-courte à gauche, s'allonge à droite; dans le c, le crochet s'al-
longe aussi à droite et donne à cette lettre une grande ressemblance avec
le t: enfin, l'S majuscule, qui est assez rare à la fin des mots dans les pre-
mières pages du texte, devient plus fréquente dans les suivantes , et elle
forme, comme on sait, un des caractères de la minuscule gothique. Du
reste , en supposant qu'ici l'erreur ne soit pas de notre côté, il est certain
que cette différence de quelques dizaines d'années n'enlèverait rien à l'im-
portance et à l'intérêt du monument littéraire si bien publié par M. Lu-
zarche , car la langue du drame, malgré sa maturité précoce , et un peu
même à cause de cela, nous paraît appartenir au milieu du douzième siècle.
Le mystère d'Adam est accompagné d'un glossaire consciencieux, dans
190
lequel M. Luzarohe, tout en ne s'arrêtant point à chaque mot, n'a laissé
sans interprétation ou explication plausible aucun des termes vraiment dif-
ciles du texte qu'il publiait. C. G.
TEkniTioms populaires , croyances superstitieuses, usages et coutu-
mes de C ancienne Lorraine, recueillis par M. Richard, bibliothécaire de la
ville de Remiremont. 2* édition. Remiremont, 1848, in-t8. — Notes his-
toriques relatives aux anciennes fortifications, à la défense et aux dif-
férents sièges subis par la ville de Remiremont; par le même. Nancy,
impr. de Lepage, in-8 de 35 pag. avec une planche.
Des ouvrages nombreux dans toutes les parties de la France ont été ré-
digés sur les traditions et les usages populaires de nos diverses provinces,
et l'on ne peut nier que ces recueils n'aient fourni quelques notions utiles.
Mais on regrette de ne trouver, dans la plupart d'entre eux, ni un point de
vue élevé , ni une critique sévère, ni des connaissances suffisamment éten-
dues. Ils ^fatiguent trop souvent les esprits sérieux en racontant par les
éternelles péripéties des aventures de lutins et de sorciers, de sorte que
nous en sommes encore à envier à l'Allemagne les frères Grimm.
L'ouvrage de M. Richard transporte le lecteur dans l'ancienne Lorraine :
il lui en montre les habitants dans tous les actes importants de la vie; il
le conduit au sein des veillées nocturnes; il lui fait entendre les contes et
les chansons des paysans. Son livre n'est point une oeuvre d'érudition ni
d'imagination ; mais il rappelle, d'une manière heureuse, des institutions ,
des usages, des souvenirs dont l'intérêt ne se perdra pas de longtemps , et
il a reçu du public un accueil assez favorable pour qu'il ait fallu le réim-
primer.
Il se compose de deux parties : la première, sous le titre de Légendes,
traditions et contes populaires, contient des récits extraits, les uns des
chroniques de Richer, moine de Sénones, des légendes de saint Nicolas, des
histoires de Jeanne d'Are, de manuscrits anciens de la bibliothèque de Re-
miremont, du Traité des apparitions (ïe. D. Calmet, etc.; les autres ont été
arrangés avec quelques prétentions au beau style par l'auteur lui-même.
La deuxième partie est intitulée : Croyances superstitieuses, préjugés,
usages et coutumes. Les faits qui s'y trouvent recueillis sont rangés sous
forme de dictionnaire. On peut y noter entre autres, comme dignes d'atten-
tion : l'article relatif aux décès et aux funérailles, où l'on voit que les mères
placent encore aujourd'hui dans la bouche de leurs enfants morts l'antique
obole du nocher Caron; — l'article Fées; — l'article Kyriolés , où figure,
à la suite de la description d'une fête singulière qui se célébrait jadis à
Remiremont le lendemain de la Pentecôte, le compte d'un repas municipal
ordonné pour cette fête en 1587; — des détails sur les Lours ou Loures,
assemblées d'hommes et de [femmes tenues le soir , et la reproduction de
quelques vers qu'on chante dans ces réunions ; les articles Mariages et
naissances, avec des chants populaires; — des détails sur la Roue flam-
191
boyante, reste du culte lid soleil, cousistaiit en une roue entourée de paille,
qu'on allume et qu'on lance du haut d'une montagne.
Le secoud écrit de M. Richard est une histoire militaire de Remiremont,
depuis l'an 1210, date de la première mention des fortifications de cette
ville, jusqu'à l'an 1727. L'auteur a extrait les renseignements curieux dont
il s'est servi pour son travail du Mémorial ou livre des comptes des grands
échevins de Remiremont, qui a été rédigé au seizième siècle, et qui existe
à la bibliothèque de la ville, et de plusieurs autres documents manuscrits.
Le mémoire se termine par des pièces inédites du seizième siècle et par des
notes intéressantes. F. Boubquelot.
HiSTOiBE de Beaune , depuis les temps les plus reculés jusqu^à nos
jours, pat M. Rossignol, conservateur des archives du département de la
Côte-d'Or, etc. Beaune, 1854, 1 gros vol. in-8 de plus de 530 pages, avec
figures.
L'histoire de la ville de Beaune est fort importante. Par sa position, son
ancienneté, le rôle qu'elle a joué pendant le moyen ûge et l'importance de
son commerce, cette cité méritait une place à part dans les monographies
des villes de Bourgogne. M. Rossignol s'est chargé de l'entreprendre; il
avait à sa disposition les collections particulières et les archives départe-
mentales, et une parfaite connaissance des localités : comme on le voit, si ,
pour faire une bonne histoire, il suffisait d'avoir sous sa main tous les ma-
tériaux nécessaires, l'ouvrage de M. Rossignol devrait être parfait. Nous
croyons cependant qu'il pourrait être meilleur ; il pèche surtout du côté
de la méthode et de la clarté. L'histoire de Beaune est divisée par siècles:
cette division est assez bonne; mais nous aurions désiré un peu plus de
suite dans la manière dont nous sont présentées les transformations suc-
cessives des institutions et des monuments.
Il y a un peu de tout dans le livre de M. Rossignol : des anecdotes, de
l'histoire locale, des transcriptions de chartes et des digressions plus ou
moins philosophiques. Nous croyons qu'il aurait gagné à être un peu ré-
duit. A part cela, il y a dans V Histoire de Beaune des faits curieux , des
renseignements précieux ; ce qui, du reste, ne pouvait guère manquer de
la part d'un homme qui , comme M. Rossignol , avait à sa disposition de
nombreux documents.
L'auteur s'est particulièrement attaché à se rendre intéressant pour les
habitants de la ville de Beaune. Il n'a pas voulu, dit-il, faire un livre trop
savant , désirant seulement guider ses concitoyens dans la connaissance de
leur histoire locale, tout en leur procurant une heure de distraction. Pour
atteindre son but, M. Rossignol a intercalé dans son volume un grand
nombre de figures qui, nous l'avouons, ne sont pas irréprochables sous le
rapport de l'exécution. Em. Mab.
192
MÉ&ioiBKS de la Société des antiquaires de l'Ouest. Année 1853. —
Poitiers, 1854. Ia-8°, avec planches.
— P 47. Étude sur une flgurine en or d'Angerone , déesse du Silence,
par M. Charles Calmeil.
— p. 63. Notice descriptive sur le portail de l'église de Saint-Hilaire de
Foussay (Vendée), par M. de Longuemar.
— P. 89. Notice sur le monastère de Montazai, de l'ordre de Fonte-
vraud , par M. Faye. — A la fin, se trouve le texte : \° D'un jugement
rendu par Guillaume II, évêque de Poitiers, entre les abbayes de Fonte-
vraud et de Charroux; 2° de 26 Notices, de la première moitié du dou-
zième siècle, copiées sur deux feuillets de parchemin, conservés aux ar-
chives de Maine-et-Loire. Nous ne pouvons approuver le système adopté
par l'éditeur, qui , en voulant suivre rigoureusement la ponctuation du
manuscrit, a donné un texte que la plupart des lecteurs ne sauront com-
prendre.
— P. 129. Notice sur le château et les seigneurs de Marmande (Vienne),
par M. d'Argenson.
— P. 147. Inauguration des foires et marchés de Beaumont, près Poi-
tiers, par M. Rédet.
— P. 165. Notice sur les seigneurs de Chatel-Aillon et de Rochefort,
par M. l'abbé Cholet.
— P. 189. Nouvelles recherches sur l'ancienne maison de Chatel-Aillon,
en Aunis, par M. Faye. — A la fin de ce Mémoire, on trouve trois char-
tes de l'abbaye de Saint-Maixent, remontant au onzième et au douzième
siècle.
— P. 249. François de Nuchèze, vice-amiral intendant général de la
marine de France; sa correspondance avec Louis XIV, Colbert, etc., par
Ch. de Chergé.
La cathédbale d'Aoste, par M. Ferdinand de Lasteyrie. Brochure
in-80 de 54 p.— Paris, Didron 1854,
Cet opuscule ouvre une série d'études archéologiques que M. de Lasteyrie
se propose de publier sur les églises des Alpes. Il commence par celle
d'Aoste, l'une des moins connues, quoiqu'elle se trouve sur l'une des
grandes route de l'Italie ; on passe dans la ville sans aller la voir, parce
que le temps dont on dispose, on le consacre à l'art d'Auguste. C'est le
sort de tous les édifices du moyen âge dans le voisinage desquels se sont
conservés des monuments romains.
La cathédrale d'Aoste est une construction de peu d'importance, en par-
tie du treizième siècle, en partie du quatorzième; mais elle possède une
crypte de la plus haute antiquité et divers accessoires qui, d'après les des-
criptions qu'en donne M. de Lasteyrie, mériteraient d'être dessinés et ré-
pandus dans le public.
La plus curieuse de ces pièces est une mosaïque d'un caractère tout ro-
193
main qui décore leparenieutdii cliœur. Klle représente le monde figuré par
la réunion de divers personnages allégoriques, sous lesquels, pour faciliter
l'intelligence du sujet, on a eu soin de placer leurs noms : yïnnus, Soly
Luna, Elepkantis, Gumera, Tigrls, Euphrates, Fision, don. M. de Las-
teyrie a donné l'explication la plus satisfaisante de tous ces personnages.
Plus loin il décrit un diptyque du consulat de Probus, par conséquent de
l'an 406, qui se trouve être, par sa date, le plus ancien qu'on ait signalé jus-
qu'ici. En partant de l'hypothèse très-admissible que ce dyptique est un
hommage de Probus lui-même à l'église d'Aoste, l'auteur trouve un argu-
ment nouveau pour confirmer l'opinion qui fait remonter jusqu'au qua-
trième siècle la fondation de cette église.
Les Etudes sur la cathédi-ale d'Aoste nous font encore connaître une ma-
gnifique châsse d'argent exécutée vers 1400, pour les reliques de saint Grat,
apôtre de la localité; divers objets d'ornement, conservés dans le trésor de
l'église, enfin une série très-remarquable de tombeaux, à la tête desquels
se place celui d'un comte de Savoie sans épitaphe , que Guichenon attri-
buait à Thomas I, que M. de Lasteyrie croit être plutôt de Thomas II ,
d'après le costume. Le doute est permis , ces deux princes ayant reçu la
sépulture dans l'église d'Aoste; mais nous ne croyons pas que l'habillement
du personnage puisse servir à constater son identité. Thomas I mourut en
1232, et Thomas II en 1269. Or l'armure que décrit M. de Lasteyrie est
bien plutôt du quatorzième siècle que du treizième; d'ailleurs la statue
a les pieds posés sur un lion qui porte à son cou le collier de l'Annonciade
et la fameuse devise Fert de la maison de Savoie, emblèmes dont les analo-
gues ne se trouvent pas sur les monuments avant 1350. Nous croirions
assez, d'après cela, que le tombeau d'Aoste est un monument refait, comme
le sont les tombeaux de la plupart de nos rois à Saint-Denis.
Nous soumettons ces doutes à la critique de M. de Lasteyrie, en lui ex-
primant l'impatience véritable avec laquelle nous attendons la suite de ses
études. A en juger par celle-ci , elles ajouteront au répertoire de la science
une foule d'observations curieuses et bien faites.
J. Q.
LIVRES NOUVEAUX.
Septembre — Octobre 1854.
64. Vergleichungstabellen.— Tables de comparaison entre la chronologie
mahométane et la chronologie chrétienne, calculées et publiées par ordre
de la société orientale allemande; par M. Fd. Wiistenfeld. Leipzig,
Brockhaus. 57 p. in-4'». (2 fr. 65 o.)
65. Siegel. — Sceaux du moyen âge de Pologne, Lithuanie, Silésie,
Poméranie et Prusse; par Vossberg. Avec 25 tabl. Berlin. 52 p. gr. in-4".
(26 fr. 65 c.)
I. {Qualrième série.) 13
194
€6. Die Frauen. — Les femmes. Leur état et leur influence dans les
•liverses zones et les différents temps ; par G. Klentim. T. I•^ Dresde,
Arnold. 417 p. in-S. (8 fr.)
67. Le duel depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ; par
Théodore-Auguste Mendez. 2e édition. In-S" de 19 feuilles 3/4. — A Paris,
chez Appert et Vavasseur.
68. Die Mythologie. — La mythologie des Asiates , des Égyptiens , des
Grecs, des Romains, des Germains et des Slaves; par K. Schwenck.
T. VII et dernier. Les Slaves. Francfort, Sauerlaender. 482 p. gr, in-S».
(Il fr. 50 c.)
L'ouvrage complet, 59 fr.
69. Nouvelle encyclopédie théologique, ou Nouvelle série de diction-
naires sur toutes les parties de la science religieuse, etc.; publiée par
M. l'abbé Migne.
Tomes XI et XII. Dictionnaire d'archéologie sacrée, avec la Bibliographie archéolo-
gique. Deux volumes in-8°, ensemble de 77 feuilles. Prix des 2 volumes : 16 fr.
Tome XLIX. Dictionnaire de l'art de vérifier les dates. 36 feuilles 1/4. 7 fr.
70. Patrologiae cursus completus, sive Bibliotheca universalis, etc. Séries
secunda, accurante J. B. Migne.
Patrologiae tomus CLI. B. Urbanus H , papa. Sœculi XI auctores incerti anni et
scripta... Monumenta liturgica. Mouumenta diplomatica. Ad sœculalX et X appen-
dices. Tomus unions. Iu-8° de 46 feuilles 3/4. Prix : 7 (r.
Tomi CLII et CLIII. S. Brunouis Carlliusianorum institutoris necnon ejusdem ssc-
culi prœcipuorum Carthusiensium patrum opéra omnia ex variis et melioris uoUe
editiouibus nunc primum in unum collecla. Deux volumes in-8°, ensemble de 106
feuilles 1/4. — 14 fr.
Tomus CLV. Godefridus Bullionus Hierosol. rex , Radulphus Ardens., Lupus Pro-
tospat., Anselmus Mediol., Bernardus Tolet., archiepiscopi. Thomas Eborac, Albe-
ricus Ostien,, Amatus Burdegal., Poppo Meten., episcopi, etc. Tomus unicus.
in-8' de 50 feuilles. — 10 fr.
Tomus CLVlLGoffridus abb. Vindocin., Thiofridusabb. Eflernac.,Petrus Alphonsi.
Wernerus abb. S. Blasii., Hugo Lugdun., Adelgorius Magdeburg., archiepp., etc.
Tom. unicus. In-8° de 4t feuilles — 7 fr.
Tomi CLV III et CLIX. S. Anselmus ex Beccensi abbate Cantuariensis archiepiscopus,
Eadmerus monachus Cantuariensis, Gundulfus Roffensis episcopus, etc. Deux volumes
in-S", ensemble de 76 feuilles 1/2. — 14 fr.
Impr. de Migne, au Pelit-Montrouge. — Au Petit-Montrouge, rue d'Amboise, près la
barrière d'Enfer.
71. Le concile d'Agde en 506 ; par Eugène Thomas. In-4° de 5 f«uillesl/2.
Imprim. de ftlartel aîné, à Montpellier.
Extrait des Mémoires de la Société archéologique de Montpellier.
72. Ratherius von Verona. — Rathérius de Vérone et le dixième siècle ;
parle D"^ Vogel. léna, Mauke, xxviii et 675 p. gr. in-8o. (12 fr.)
73. Histoire de Boniface VIII et de son siècle, avec des notes et de^
195
pièces justificatives, par D. Louis Tosti, religieux du Moul-Cassin. Tra-
duite de l'italien par l'abbé Marie Duclos. Deux volumes in-S", ensemble
de 64 feuilles, plus une lith. — A Paris, cbez Louis Vives.
U. Poésies inédites du moyen fige, précédées d'une histoire de la fable
ésopique; par M. Edélestand du IMéril. lu-S» de 28 feuilles 3/4. — A Paris,
chez Frank. (8 fr.)
75. Poésies latines de Rosvith, religieuse saxonne du dixième siècle,
avec une traduction libre en vers français; par Vignon Rétif de la Bretonne.
Grand in-S' de 23 feuilles 1/2. — A Paris, chez Chaix.
76. L'alcliimie et les alchimistes, ou Essai historique et critique sur la
Philosophie hermétique; par Louis Figuier. In-18 anglais de 11 feuilles.
— A Paris, chez Victor Lecou (1855). (3 fr. 50 c.)
77. Les Monuments de la géographie, ou Recueil d'anciennes cartes
européennes et orientales, accompagnées de sphères terrestres et célestes,
de mappemondes et tables cosmographiques, d'astrolabes et autres instru-
ments d'observation , depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'époque
d'Orléiius et de Mercator, publiés en fac-similé de la grandeur des ori-
ginaux; par M. Jomard. — Paris, B. Duprat. — Première partie, 1 vol.
format atlantique.
L'ouvrage se composera de sopt livraisons de cinq à six planclies chacune. Prix de
la livraison : en noir, 25 fr.; — en couleur, 50 fr.
La première livraison contient une mappemonde du Xlll" siècle, conservée à Here-
ford, un globe terrestre du XVl" siècle, une carte perspective italienne du XV' siècle,
une mappemonde peinte sur parcliemin par ordre de Henri II, une carte itinéraire
«l'un pèlerinage de Londres à Jorusaleni, tirée d'un manuscrit dn Xlir siècle, et la
première partie de la mappemonde de Juan de la Cosa , pilote de Cluistoplie Colomb.
78. De rébus geticis. Conim. proœmio oriiata quam scrips. G. Bessel.
Gottingœ, Dieterich. 91 p. gr. in-4". (4 fr.)
79. Zur Geschichte. — Fragments relatifs à l'histoire des croisades.
Publ. d'après des sources hébraïques inédites; par Ado. lellinek. Leipzig ,
Hunger. 32 p. gr.in-8°. (1 fr. 35 c).
80. Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provin-
ciaux de l'ancienne France; par Ph. de Chennevières-Pointel. In-8"» de
21 feuilles 1/2, plus une vign. — A Paris, chez Dumoulin. (5 ïr.)
81. Compte rendu de la collection des documents inédits sur l'histoire
de France, publiés par les soins du ministre de l'instruction publique; par
M. Polain. Liège, 1853, gr. in-8''.
82. Correspondance de François de Lanoue, surnommé Bras de Fer,
accompagnée de notes historiques et précédée de la vie de ce grand ca-
pitaine; par Ph. Kervyn de Volkaersbeke. Gand, Duquesne. In-8"'. (6 fr.)
83. Théodore Agrippa d'Aubigné. Sa vie, ses œuyres et son parti. Thèse
pour le doctorat; par M. A. Postansque. Tn-8'' de 12 feuilles. Impr.de
Martel aîné, à Montpellier.
196
84. Henri IV et le ministre Daniel Charnier; par M. Charles Read. In-8'
de 6 feuilles. — A Paris, chez A. Durand, Amyot.
85. Journal du marquis de Dangeau, publié en entier, pour la première
fois, par MM. Soulié, Dussieux, de Chennevières, Mantz, de Montaiglon ;
avec les additions inédites du duc de Saint-Simon, publiées par M. Feuillet
de Conches. Tome I". 1684, 1685, 1686. In-8° de 34 feuilles 12. — A Pa-
ris, chez F. Didot frères. (6 fr.)
86. Documents historiques, topographiques, administratifs et statis-
tiques sur la commune de PierreQtte (Seine), recueillis par ]\I. Lejeune,
maire, en 1854. In-8° de 4 feuilles. Impr. de Drouard, à Saint-Denis.
87. Notice sur Bapaume, temps anciens et temps modernes; par Brussel
de Brulard. In-8o de 3 feuilles 1/4. — A Meaux, chez Le Blonde!.
88. Mémoire sur les archives de l'abbaye de Saint-Amand en Pevèle ; par
M. Le Glay. 10-8° de 2 feuilles. Impr. de B. Henry, à Valenciennes.
89. Documents inédits pour servir à l'histoire de l'ancienne Académie
royale des belles-lettres de Caen; annotés et publiés par A. R. R. rie For-
migny de la Londe. In-S" de 9 feuilles 1/4. — A Caen , chez Hardel.
90. Notice historique sur l'abbaye d'Almenêches ; par M. H. Beaudouin.
In-8° d'une feuille 1/4. Impr. de Poulet-Malassis, à Alençon.
91. Chronique sur la chapelle Saint-Gilles de Bellême et ses chapelains;
par le docteur Jousset. In-8° d'une feuille 3/4. Im|)r. de Loncin etDau-
peley, à Mortagne.
92. Dol et ses alentours, histoire politique et municipale, d'après des
documents inédits; par M. T. Gautier. In-8'> de 2 feuilles 3/4. Impr. de
Folligné, à Rennes.
93. Notice historique et archéologique sur l'église abbatiale de Saint-
Julien de Tours. In-4'' d'une feuille. Impr. de Bénard , à Paris.
94. Recherches archéologiques sur Notre-Dame de Fonteuay (Vendée) ;
par M. F. Boncenne. In-8°de 6 feuilles. Impr. de Bideaux, àLuçon.
95. Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres). Notice historique; par M. l'abbé
Dubois. In-8° de 4 feuilles. Impr. de Favre, à Niort. (1 fr. 50 c).
96. Notice historique sur la ville de Marans (Charente-Inférieure); par
Alfred Etenaud. In-8° de 2 feuilles. Impr. de Henri et Charles Noblet, à
Paris.
97. Études historiques sur le Forez. Chronique des châteaux et des ab-
bayes; par M. de la Tour-Varan. V série. In-8® de 4 feuilles. — A Saint-
Étienne, chez tous les libraires.
98. Histoire de l'établissement de l'évêché de Moulins; par M. L. J. Alary-
In-8'' de 4 feuilles. Impr. de Desrosiers, à Moulins.
99. Notice historique et descriptive sur le château de Bussy-Rabutin ;
par M. le comte de Sarcus. Grand in-8" de 9 feuilles 14. Impr. de Tri-
^ault, à Dijon.
197
100. Comptes (le la fabrique de l'église Sainte-Madeleine de ïroyes, sui-
vis de la construction du Jubé et de plusieurs pièces curieuses conservées
aux arcbives de l'Aube. In-8" de 6 feuilles. Impr. de Bouquot, à ïroyes.
— A Troyes, chez Bouquot.
L'avertissement est signé : Alexandre Assier. Tiré à 153 exemplaires.
101. Les communes de la Meurthe. .Tournai historique des villes,
bourgs, villages, hameaux et censés de ce département ; par Henri Lepage.
2» volume. (Rau-Z.) P. 401 à 800. In-8"de 25 feuilles. — A Nancy, chez
Lepage.
Ouvrage terminé.
102. Les annales et la chronique des dominicains de Colmar. Édition
complète d'après le manuscrit de la bibliothèque de Stuttgard, avec la tra-
duction en regard, notes et éclaircissements, etc.; par MM. Ch. Gérard et
.1. LibUii. In-S" de 24 feuilles 1/4. Impr. de madame veuve Decker, à Col-
mar. (6 fr.)
103. Geschichte. — Histoire de l'agriculture allemande; par Langethal.
T. V", 3e partie : depuis le grand interrègne jusqu'à la guerre de 30 ans.
léna, Luden. 286 p. gr. in-8''. (Sfr.)
Le l" vol. complet coûte 15 fr.
104. Vorlesungen. — Leçons sur l'histoire du peuple et de l'empire ger-
maniques ; par H. Léo. T. P'. Halle, Anton. 623 p. gr. in-8''. (13 fr.)
105. Untersuchungen. — Recherches sur la chronique de Repegow (du
13"= siècle); par Fr. Pfeiffer. Breslau , Gosohorsky. 87 p. gr. in-8°. (2 fr.)
106. Urkunden. — Documents relatifs à l'histoire de la ligue de Souabe
(1488-1533); publiés par le bibl. Klùpfel. T. 0. Stuttgart, 1853. 374 p.
gr. in-8''.
31" publ. (le la Société lilt. tie Stuttgart.
107. Urkundenbuch. — Cariulaire de l'abbaye bénédictine de Krems-
mùnster, 777-1400; publ. par Th. Hagn, archiviste de la communauté.
Avec un appendice sur les écritures du moyen âge. Vienne, 1852. 4i2 et
45 p. avec 24 pi. gr in-8". (10 fr.)
108. Historia mon. ord. S. Benedicti ad S. Paulum in valle inter.
Carinthiae Lavantina. Auct. P. Frudp. Neugart. Pars IL Clagenf., Léon.
131 p. gr. in 8°. (2 fr. 65 c.)
109. Kozroh's Renner. — Collection des plus anciens diplômes de l'évé-
ché de Frisingue, faite par le moine Kozroh ; et publiée pour la première
fois avec add. et notes par K. lloth. Livr. 1,2: 724 à 810 et 810 à 835.
Munich, Finsterlin. 111p. in-8°. (à 1 fr. 35 c.)'
110. Geschichte. — Histoire de la paroisse de Saint-Martin à Landshut.
Avec un cartulaire, un livre terrier de 1331, etc. ; par Jos. Werner. Avec
26 pi. Landshut, Rietsch. 137 p. gr. in-S". (3fr. 15 c.)
111. Regesten. — Regestes des diplômes imprimés, relatifs à l'his-
198
toire du grand-duché de Hesse; par le D»" Scriba. 4* partie : suppléments.
33, 112et 73 p. gr. in-4».
112. Die Grafchaft. — Le comté et la ville libre de Dortmund ; par
A. Fahne. T. P"" : La chronique de Dortmund, avec diplômes et armoiries.
Cologne, Heberle. 2G6 p. in-S". (5 fr.)
113. Geschichte. — Histoire de la ville libre de Dortmund; par
Bh. Thiersch. T. I". Dortmund , Krieger. 198 p. gr. in 8'. (4 fr.)
114. Geschichte. — Histoire de l'Ost-Frise jusqu'en 1570; par Onno
Klopp. Hannovre, Rùmpler. 479 p. gr. in-8°. (8fr.)
115. Liber fundationis claustri sanctœ Mariœ virginis in Heinrichow;
publ. et illustré par G. Ad. Stenzel. Breslau, Max. 241 p. avec I pi. Gr.
in-4» (8 fr.).
CHRONIQUE.
Octobre — Novembre 1854.
~ Le 29 novembre dernier , le diplôme d'archiviste paléographe , a été
conféré à MM. Servois , Chassaing, Rocquain de Courtemblay, Boullé,
Lacour, Casati, Laborde, Gros-Burdet et Murcier.
— Par arrêté de M. le préfet de Loir-et-Cher, notre confrère M. A. de
Martonne, archiviste de la préfecture , vient d'être nommé inspecteur des
archives communales et hospitalières do ce département.
— D'une statistique des bibliothèques publiques de France, publiée dans
le Journal général de F instruction publique (N" du 15 novembre 1854),
nous allons extraire le nombre des manuscrits conservés dans chacun de
ces dépôts.
Ain. — Bourg, 39. Nantua, 2. Pont-de-Vaux, 2. Trévoux, 5.
Aisne. — Laon, 522. Saint-Quentin, 1.50. Soissons, 293.
Alliée. — Moulins, 51.
Alpes (Basses-). — Digne, 22.
Alpes (Hautes-). — Gap, 16.
Abdennes. — Charleville, 399. Sedan, 4.
Abiége. — Foix, 8. Pamiers, 1.
Aube. — Troyes, 3,000.
Aude. — Carcassonne, 47. Narbonne, 12.
Ave Y BON. — Rodez, 50.
Bouches-du-Rhone. — Aix, 1,062. Arles, 91. Marseille, 1,335.
Calvados. — Baveux, 10. Caen, 226. Falaise, 3. Vire, 4.
199
Cantal. — Aurillac, 150. Mauriac, 3.
Charente. — Angoulême, 38.
Charente-Infébieube. — La Rochelle, 324. Kochefort, 2. Saintes, 30.
Cher. — Bourges, 310. Saint-Amand, 3.
CoRRÈZE. — Brives, 12. Seilhac, 90.
Corse. — Ajaccio, 1. Bastia, 12. Corte, 8.
Cote-d'Or. — Beaune, 160. Châtillon-sur-Seine, 10. Dijon , 500. Se-
niur, 98.
CoTES-DU-NoRD. — Dinan , 1. Lamballe, l.î». Lannion, 1. Saint-
Brieuc, 12S.
Creuse. — Giiéret, 6.
DoBDOGNE. — Périgueux, 14.
Doues. — Baume-les-Dames, 2. Besançon, 1,500. MoDtbéliard, 90.
Pontarlier, 20. Qiiingei, 7.
Drome. — Valence, 26.
Eure. — Conches, 8. Évreux, 145. Loiiviers, 28.
Eure-et-Loir. — Chartres, 936. Châteaudun, 10.
Finistère. — Quimper, 32.
Gard. — Nîmes, 207. Uzès, 2. Villeneuve, 135.
Garonne (Haute-). — Saint-Gaudens, 1. Toulouse, 700.
Gers. — Auch, 86. Condom, 1. Mirande, 25.
GiBONDE. — Bordeaux, 320. Libourne, 2.
HÉRAULT. — Béziers, 10. Cette, 2. Montpellier, 66.
Ille-et- Vil AINE. — Fougères, 1. Rennes, 220. Saint-Malo, 3.
Indre. — Châteauroux, 2. Issoudun , 3.
Indre-et-Loire. ~ Loches, 20. Tours, 1,200.
Isère. — Grenoble, 1,500. Vienne, 7.
Jura. — Dole, 617. Lons-le-Saulnier, 3. Saint-Claude, 3. Salin, 35.
Loir-et-Cher. — Blois, 10. Vendôme, 279.
Loire. — Monlbrison, 41. Roanne, 75. Saint-Étienne, 23.
Loire (Haute-). — Brioude, 15. Le Puy, 1.
Loire-Inférieube. — Nantes, 187.
Loiret. — Gien, 1. Orléans, 486. Pithiviers, 3.
Lot. — Cahors, 12.
Lot-et-Garonne. — Agen, 9. Marmande, 4.
Lozère — Mende, 60.
Maine-et-Loire. — Angers, 900. Saumur, 13.
Manche. — Avrancbes, 201. Cherbourg, 34. Coutances, 2G. Mor-
tain, 5. Saint-Lô, 2. Volognes, 108.
Marne. — Châlons, 80. Épernay, 192. Reims, 1,300. Vitry-le-Fran-
çais, 107.
Marne (Haute-). — Chaumont, 160. Langres, 40.
Mayenne. — Laval, 19.
Meurthe. - Lunéville, 1. Nancy, 265. Pont-à-Mousson, 8.
200
Meuse. — Saint-Mihiel, 80. Verdun, 150.
MoBBiHAN. — Vannes, 4.
Moselle. — Briey, 2. Metz, 1,050.
NiÈVBE. — Clamecy, 3. Nevers, 18.
Nord. — Bergues, 36. Bourbourj,', 10. Cambrai, 1,254. Douai, 970.
Dunkerqiie, 34. Lille, 515. Saint-Arnaud, 10. Valencienne.s, 858.
Oise. — Beauvais, 19. Clerniont, 100. Compiègne, 12. Senlis, 28.
Orne. — Alençon, 180. Argentan, 1. Domfront, 10.
Pas-de-Calais. — Aire, 10. Arras, 1,I37. Boulogne, 281. Calais, 43.
Saint-Omer, 934. Saint-Pol, 20.
Puy-de-Dome. — Clermont, 374.
Pyrénées (Hautes-)- — Tarbes, 75.
Pyrénées-Orientales. — Perpignan, 86.
Rhin (Bas-). — Haguenau, 1. Schelestad, 1.53. Strasbourg, 1,.S89.
Wisseinbourg, 87.
Rhin (Haut-). Colmar, 451.
Rhône. — Lyon, 1,500.
Saone-et-Loire. — Autun, t. Châlon, 102. Charolles, 8. Cluny, 132.
Maçon, 7.
Saône (Haute-). — Grai, 6. Lure, 1. Vesoul, 199.
Sarthe. — Mamers, i. Le Mans, 700. Saint-Calais, 1.
Seine-Inférieure. — Dieppe, 8. Fécamp, 29. Havre, 18. Montivil-
liers, 6. INeufchâtel , 6. Rouen, 2,335.
Seine-et-Marne. — Fontainebleau, 3. Meaux, 73. Melun, 30. Pro-
vins, 100.
Seine-et-Oise. — Mantes, 2. Meulan , 2. Pontoise, 8. Saint-Ger-
main, II. Versailles, 1?5.
SÈVRES (Deux-). — Niort , 21.
Somme. — Abbeville, 32. Amiens, 600.
Tarn. — Alby, 105. Castres, 3. Lavaur, 1.
ïarn-et-Garonne. — Montaubau, 3.
Var. — Draguignan, 22. Fréjus, 9. Grasse, 30. Toulon, 22.
Vaucluse. —Avignon, 1,200. Carpentras, 800.
• Vendée. — Fontenay, 3. Napoléon-Véndée, 6. Sables-d'Olonne, 1.
Vienne (Haute-). — Limoges, 15.
Vienne. — Poitiers, 449.
Vosges. — Épinal, 216. Neufchâteau, 2. Remiremont, 8. Saint-Dié, 33.
Yonne. — Auxerre, 172. Avalion, 99. .Toigny, 81. Sens, 1,200. Ton-
nerre, 45.
Algérie. — Alger, 1,002.
Total : 44,070 manuscrits. Le chiffre des imprimés se monte à
3,689,369 volumes.
P.iii^. — .Tvpofjnpliip lie Firmin Didot fn'rei, nie J.iooli. 56,
ORGANISATION JUDICIAIRE
DU LANGUEDOC,
AU MOYEN AGE.
INTRODUCTION.
Je me propose de faire connaître l'organisation judiciaire
du Languedoc au moyen âge. Je m'attacherai surtout à éclair-
cir l'origine des différentes juridictions qui remplacèrent les
tribunaux carloviugiens , et subsistèrent , sauf de légères mo-
difications, jusqu'en 1791. Les illustres historiens du Lan-
guedoc, dom de Vie et dom Vaissete, comme les bénédictins en
général, se sont peu occupés des institutions; les Preuves même
de leur ouvrage, si curieuses et si bien choisies, se ressentent
de leur indifférence pour cette partie de l'histoire, dont l'im-
portance n'a été bien démontrée que de nos jours. On ne saurait
donc puiser dans YHistoire générale du Languedoc une idée
nette de la hiérarchie judiciaire et de la compétence des tribu-
naux ^ . Un grand nombre de documents ignorés ou négligés
par dom Vaissete et encore inédits, et l'étude approfondie de
plusieurs textes qui ont été publiés depuis le siècle dernier,
m'ont permis de tracer un tableau des anciennes juridictions
du Languedoc, et, j'ose le dire, de la plus grande partie du
midi de la France, qui était désignée autrefois sous le nom gé-
néral de Langue d'Oc.
J'ai divisé mon travail en trois parties qui m'étaient indiquées
par le sujet même^.
1. D. Vaissete, Hist. gén. du Languedoc, t. il, p. 511 ; t. Ill, p. 479, 482; t. IV,
p. 335 , 501 , 502. Warnkœnig, qui a suivi D. Vaissete (Franzosische Siaafsgeschi-
chte, Base]., 1846, p. 447, 448, 449.)
2. C'est aussi la division adoptée par M. Pardessus dans la savante préface du
tome XXI des Ordonnances des rois de France, qu'il a reproduite dans son ouvrage
sur V Organisation judiciaire , in-8°. M. Pardessus commence par les juridictions
I. {Quatrième série.) 14
202
La première sera consacrée aux juridictions inférieures ou de
première instance, parmi lesquelles les juridictions municipales ;
la deuxième traitera des juridictions intermédiaires ou d'appel ;
la dernière, des juridictions supérieures ou en dernier ressort;
car, dès le treizième siècle, l'appel existait à deux degrés dans le
Languedoc.
Avant d'entrer en matière, je crois utile de retracer en quel-
ques pages l'état du Languedoc au treizième siècle, époque où
l'administration publique fut fondée dans ce pays, comme dans
le reste de la France, et où la justice reçut son organisation dé-
finitive. Pendant que la royauté prenait une force nouvelle
entre les mains de Philippe- Auguste, et étendait au nord de la
France son influence qui allait bientôt tout dominer, la maison
de Toulouse paraissait appelée, par sa puissance, à jouer un rôle
important au sud de la Loire. A la fin du douzième siècle, elle
était maîtresse d'une partie du midi; le comté de Toulouse,
l'Albigeois, le Rouergue, le Quercy, l'Agenais, le comtat Ve-
naissin , le vicomte de Nîmes, lui étaient soumis immédiatement;
les vicomtes de Béziers, de Carcassonne, les comtes de Foix et
d'autres feudataires puissants reconnaissaient sa suzeraineté.
Tous les pays dépendants des comtes de Toulouse avaient des
lois uniformes, puisque les principes généraux des coutumes
languedociennes étaient ceux du droit romain. Ou se demande
pourquoi , dès qu'elles furent réunies sous l'autorité d'un
même prince , ces populations n'ont pas formé , sinon une na-
tionalité, du moins une monarchie nouvelle, une France du
midi opposée à celle du nord? Les Raymond avaient assez d'am-
bition pour entreprendre cette œuvre, mais ils étaient privés de
cet auxiliaire puissant de la tradition monarchique, iqui , habile-
ment invoquée par les Capétiens , les aida à renverser le régime
féodal et à s'établir sur ses ruines. Un autre obstacle aux désirs
d'agrandissement qu'auraient pu nourrir les comtes de Tou-
louse était dans la puissance des communes qui devaient à la
violence et à la révolte des privilèges étendus, et jouissaient
d'une indépendance dont elles avaient puisé l'exemple dans les
républiques italiennes, avec lesquelles elles entretenaient des
supérieures. l'ai fait le cotitraire pour deux raisons : il m'a paru plus logique de pla-
cer les Juridictions de première instance avant les tribunaux^d'appel. En second lieu,
<!ette marche est conforme à l'iiistoire, les juridictions d'appel n'ayant été établies
que longtemps après les autres.
203
relations de commerce '. Ces puissantes cités levaient des ar-
mées pour leur compte, et allaient faire la guerre aux châteaux
dont les seigneurs avaient offensé quelque bourgeois ^. Du
reste, nul esprit de nationalité parmi les méridionaux. On
trouve même chez eux un certain respect pour la royauté capé-
tienne, qui paraissait à leurs yeux environnée d'un prestige dont
elle ne jouissait pas dans les pays plus rapprochés du siège de
sa puissance ^.
Telle était la situation du Languedoc quand l'hérésie des
Albigeois pénétra dans cette malheureuse province, où elle fut
bien accueillie de la noblesse, qui en profita pour s'enrichir des
dépouilles du clergé. Les atteintes portées au catholicisme par
les adhérents des nouvelles doctrines religieuses attirèrent
contre le Languedoc les hommes du nord, qui avaient déjà été
choqués depuis longtemps par la civilisation raffinée et quelque
peu corrompue du midi "*. Les Languedociens , dont une partie
seulement avait adopté les erreurs des Albigeois, finirent par
succomber, malgré une résistance prolongée. Tous les fruits de
la conquête furent pour la royauté , qui n'avait pris qu'une
part tardive à la croisade contre les hérétiques , laissant pru-
demment la haine des vaincus s'amasser sur les conquérants.
Elle se fit céder par les Montfort le bas Languedoc; et si Ray-
mond "VII , héritier des anciens comtes de Toulouse , conserva
t. L'établissement des communes du Midi n'a pas été aussi pacifique qu'on le croit
généralement; il y eut dans les principales villes du Languedoc insurrection popu-
laire au douzième siècle. Les bourgeois de Béziers massacrèrent leur vicomte et se
t;ouvernèrent en république. Voy. Julia, Hist. de Béziers, p. 60. Ceux de Montpel-
lier se rendirent aussi indépendants pendant quelque temps. (D'Aigrefeuilie, Hist. de
Montpellier, t. I, p. 25). Les comtes de Toulouse furent humiliés par les Toulou-
sains, et contraints par la violence à leur faire des concessions. Catel , Hist. des
comtes de Toulouse, Toulouse, 1623 , in-fol., p. 217 et 226. — Tous les seigneurs
du Midi prêtaient serment de respecter les franchises de leurs sujets. Ainsi , au trei-
zième siècle, en 1249, les habitants de l'Agénais refusèrent de jurer fidélité à Alphonse
de Poitiers, et de le reconnaître en qualité de comte de Toulouse, sous prétexte que
le comte devait auparavant promettre de maintenir leurs libertés. Voy. la lettre du
chapelain d'Alphonse. Bibl. de V École des chartes, V série, 1. 1, p. 389.
2. Rozoy, Annal, de Toulouse, t. I, preuves ; et Fauriel, Poëme de la guerre des
Albigeois, dans la Collection des documents inédits de l'histoire de France, préface.
3- Le nom du roi régnant se trouve dans la plupart des chartes rédigées dans le
Midi, même à partir du dixième siècle. Voy. les preuves du t. II de D. Vaissete.
4. On peut voir dans Helgaud le mépris qu'avaient .soulevé les seigneurs qui avaient
accompagné à la cour de France Constance, seconde femme du roi Robert.
14.
•204
une bonne partie de ses États , il le dul uniquement à la pro-
messe de donner sa fille unique en mariage à un frère du roi
de France, à Alphonse, comte de Poitiers, après la mort duquel
le roi réunit sous son autorité immédiate tous les anciens do-
maines de la maison de Saint-Gilles (1271).
Au douzième siècle, on désignait sous le nom de Provence,
non-seulement la province connue sous ce nom, mais encore
une partie du Languedoc ' . Après la guerre des Albigeois, on ap-
pela « Partes Tolosanœ » les États de Raymond VII ^, et « Partes
Albienses » les provinces royales du midi , particulièrement la
sénéchaussée de Carcassone. A la fin du treizième siècle, les do-
maines du roi s'étendaient de la Manche à la Méditerranée. De la
différence bien tranchée des deux langues parlées au nord et
au midi de ces vastes possessions naquirent les noms de Langue
d'Oïl et de-Langue d'Oc, qui furent donnés, le premier aux pays
situés au nord de la Loire , au Poitou et à la Saintonge , le second
aux provinces que la royauté possédait dans le midi, c'esf-à-dire
au Languedoc de nos jours et à une partie de la Guienne ^. C'est
dans ce sens large que je prendrai le nom de Languedoc dans le
cours de cette dissertation, tout en insistant sur les pays qui
avaient seuls conservé cette dénomination dans les temps mo-
dernes.
Le traité de Meaux, qui mit un terme à la guerre des Albigeois
(en 1229), partagea, ainsi que je l'ai déjà dit, le Languedoc en
deux parties : l'une fut laissée à Raymond VH, et l'autre incor-
porée au domaine royaP. Ce partage, tout court qu'il fut
(de 1229 à 1271) du Languedoc entre deux souverains, eut des
résultats considérables et qui se perpétuèrent; car les établisse-
1. Voy. une dissertation de Ménard, Hist. de Nîmes, t. H, notes, p. 1. D. Vaissete,
t. H, p. 630; t. ni, p. 96. Catel, Comtes de Toulouse, p. 2 et 3.
2. C'est ce qui résulte d'un grand nombre de documents , entre autres du registre
des enquêteurs d'Alplionse ; les domaines de ce prince y sont appelés < Partes Tholo-
sanœ, » et le Quercy est compris sous cette dénomination. Arch. de l'emp., J. 190,
n. 61.
3. Vaissete, t. IV, p. 536. Le mot Lingua Occitana qui se retrouve fréquemment
dans les documents à partir du quatorzième siècle est postérieur à celui de Langue-
doc, dont il est une traduction latine barbare. Il est inutile de signaler la fausseté de
l'étymologie qui fait venir ce nom de Langue de Goth, et qui repose sur ce fait, que
les Gotbs ont été maîtres de ce pays.
4. Bnissel, Usage général des fiefs, t. II, preuves, XXIX.
205
meuls des derniers comtes fureul religieusement respecte's par
la royauté du moyen âge, dont une des maximes était de ne
rien changer aux institutions des pays qui étaient réunis à la
couronne; et comme ce fut justement pendant cette période de
démembrement que les juridictions furent définitivement cons-
tituées, il en résulta que, si au fond elles étaient identiques
dans les provinces acquises par la royauté en vertu du traité de
Meaux et dans celles qui lui échurent après la mort d'Alphonse,
elles présentèrent pourtant des différences daiis les noms, dif-
férences qui jettent de la confusion dans un sujet déjà plein
d'incertitudes et d'obscurité.
On applique généralement au Languedoc le système d'organi-
sation judiciaire en vigueur dans le nord. On a raison d'assimiler
les sénéchaux aux baillis; mais il n'est pas exact de dire que
les magistrats appelés prévôts dans le nord étaient connus dans
le midi sous le nom de viguiers \ Ils diffèrent d'origine ; leurs
fonctions n'étaient pas les mêmes , et d'ailleurs au-dessous des
viguiers existait une classe d'officiers judiciaires nommés bayles,
que l'on pourrait plus justement comparer aux prévôts.
PREMIÈRE PARTIE.
JURIDICTIONS INFÉRIEURES.
CHAPITRE 1".
JURIDICT10^S ROYALES OU SEIGNEURIALES.
§ 1. Des viguiers (vicarii).
Sous les deux, premières races, les comtes avaient des vicaires
(vicarii) qui les suppléaient dans l'administration de la justice.
C'est là, suivant Catel ', dom Vaissete ^ et Lamoignon de Ba-
1. Pardessus, Préface du tome XXI des Ordonnances. Voy. aussi Etienne Pasquier,
Recherches de la France, p. 113.
2. Catel, Hist. des comtes de Tolose, 1623, p. -36.
3. Vaissete, IIl, p. 525.
206
ville*, l'origine des viguiers du Languedoc. A la lin de la
seconde race, on vit paraître des vigueries, circonscriptions ad-
ministratives et judiciaires, qui se confondaient avec la centaine,
et qui étaient une subdivision du comté ^. A la tête de la vigue-
rie était un viguier (vicarius), officier différent du vicaire. L'un
était le lieutenant, le suppléant du comte , l'autre un officier pu-
blic ayant une autorité personnelle ; l'un exerçait la même juri-
diction que le comte qu'il remplaçait, l'autre avait une juridic-
tion qui lui était propre; il jugeait toutes les causes où la vie
et la liberté des personnes n'étaient pas engagées ^ .
Parmi les actes passés dans le Languedoc au dixième siècle,
on en rencontre fort peu où , pour préciser la situation d'un
immeuble, on n'indique d'abord le comté, ensuite laviguerie ou
« ministerium » (car ces deux mots sont synonymes) dans laquelle
le bien était situé "*; mais si les vigueries existaient encore comme
circonscriptions territoriales , la juridiction des viguiers avait
disparu , ou bien de publique était devenue privée. Un grand
nombre de viguiers avaient pris le titre de vicomte. Ainsi, au
milieu du onzième siècle, un vicomte d'Albigeois laissa deux
fils : l'aîné reçut en héritage la partie septentrionale des do-
maines paternels ; le plus jeune eut les terres situées au sud
où se trouvait la viguerie de Lautrec, et prit dès lors le titre
de vicomte de Lautrec^. D'autres avaient conservé le titre
(ie viguier. Catel nous a transmis l'acte d'hommage du viguier
perpétuel de Sauve. Il avait, au treizième siècle, la justice civile
et criminelle , et l'exerçait au nom du roi sur des hommes qui
n'habitaient pas ses domaines**. Dom Vaissete a eu tort de
t. Mémoire sur le Languedoc, parmi les mémoires dressés par les Intendants
poxir l'instruction du Dauphin fils de Louis XIV. Arch. de l'Emp., KK. 1316.
2. Guérard, Polyptique d'Irminon, Prolégomènes.
3. Pardessus, Zoi Sa^fg-we , dissertation IX , intitulée : Organisation judiciaire
chez les Francs.
4. Voici quelques vigueries qui existaient au dixième et au onzième siècle : Boncone,
viguerie du Toulousain;— Cabardez, viguerie du duché de Carcassonne; — Kadi-
niaxe, dans le comté de Béziers, en 988 ; — Camarez, comté de Rouergue, en 942 ;
— Lautrec, Lastrinco, en Albigeois; — Campacez, Toulousain, en 961, appelée mi-
nisterium en 1025; — Cassiacum , Quercy, en 932; — vicaria Chatumianensts,
comté de Béziers, en 988, etc. Vaissete, passim. Voy. ces noms à la table Aucune
de ces vigueries ne se trouve au douzième siècle.
5. Vaissete, 11, p. 372.
6. Catel, Comtes, p. 36.
•i07
prendre les fonctions de ce viguier féodal pour type de celles des
viguiers royaux avec lesquels il n'avait rien de commun. Ce
qu'il y a de piquant , c'est que ce viguier de Sauve fit hom-
mage entre les mains du bayle de Sauve son inférieur dans la
hiérarchie, mais qui avait l'avantage d'être officier du roi.
On trouve , au douzième siècle , des viguiers féodaux qui ne
sont pas les successeurs des anciers viguiers carlovingiens En
1 103, le seigneur de Montpellier, pour faire droit aux réclama-
tions d'un de ses parents, lui accorda la viguerie de Montpellier.
Ce viguier connaissait des causes civiles, mais il devait être
assisté du magistrat représentant le seigneur ; sinon les sen-
tences qu'il avait prononcées seul pouvaient être réformées
par le seigneur , qui s'était réservé le jugement des causes des
nobles '. Je vois dans cet acte, d'un côté, une pétition d'héré-
dité, de l'autre, l'abandon, sous le nom de viguerie, d'une
part dans l'administration de la justice. Le même fait se re-
présente à Béziers. En 1114, le vicomte concéda à deux
frères, qui avaient déjà la juridiction sur les juifs, la viguerie
de Béziers. Le vicomte avait retenu la justice des homicides
et des adultères, le viguier avait le tiers de la justice de la ville ;
comme celui de Montpellier, il jugeait assisté du bayle seigneu-
rial ^. A Nîmes, le viguier avait la connaissance des causes civiles;
les amendes qui ne dépassaient pas deux sous lui appartenaient ;
il jugeait les voleurs, emprisonnait, fouettait, et mettait au pi-
lori; mais au vicomte appartenait le droit de prononcer les con-
damnations capitales ou entraînant la perte de quelque mem-
bre'. Tous ces viguiers transmettaient leur charge à leurs
enfants. Quant à celui de Toulouse, il n'avait pu rendre ses
fonctions héréditaires, et la viguerie de Toulouse subsista sans
interruption du neuvième au dix-huitième siècle "*.
Ainsi donc, dès le dixième siècle, les viguiers étaient presque
tous féodaux. Les comtes et les vicomtes ne créèrent pas des
viguiers amovibles pour rendre la justice, ils en confièrent
l'exercice aux bayles.
1. Brussel, Usage des fiefs, t. H, p. 726; Vaissete, 11, preuves, col. 361 ; d'Aigre-
feoille. Histoire de Montpellier, t.!»"^, p. 15, et dissertation sur les juridictions d«
Montpellier, placée à la (iii du même volume.
2. Vaissete, t. Il, col. 398 (preuves).
3. Ménard, Histoire de Nîmes, 1. 1", preuves, p. 17 (accord entre le viguier et le
vicomte en 1161).
4. Dumège , Histoire des institutions municipales de Toulouse, 1. 111, p 325,
208
§ 2. Des bayles.
Selon Ducange, les comtes de la troisième race se firent rem-
placer dans l'administration de la justice par des officiers nom-
més « bajuîi ou baillivi, •> quasi justitiae custodes ' . Brussel et les
continuateurs de Ducange se sont élevés contre cette assertion, et
ont prétendu que les baillis ne paraissent pas avant le milieu du
douzième siècle. L'abbé Bertin, auteur d'une savante disserta-
tion sur l'origine des baillis , trouve cette dernière date trop
rapprochée et cite un bailli en Anjou vers la fin du onzième
siècle^. Si par baillis on entend des officiers ayant une juri-
diction supérieure, Brussel a raison; mais si ou veut dire|que
les comtes ont confié l'exercice de la justice, sans préciser à quel
degré, à des officiers nommés baillis, Ducange est dans le
vrai.
Les textes rapportés dans le Glossaire de Ducange au mot
baillivus , bajulus, et qui ont trait aux deux premières races,
s'appliquent tous à des officiers ecclésiastiques. Un document de
977, la coutume de la Réole, en Gascogne, nous donne des fonc-
tions des bayles la mention la plus ancienne que j'aie rencontrée,
et offre une définition précieuse de leurs fonctions. Ils étaient
institués pour percevoir les revenus de l'abbaye, tels que les re-
devances en blé, en avoine et en argent. S'ils n'avaient pu faire
effectuer les payements à la Saint-Martin , ils opéraient des sai-
sies, mais n'avaient pas de juridiction^. Ces officiers, nommés
bayles dans la coutume delaBéole, existaient dans d'autres pro-
vinces sous un nom différent , sous celui de « ministeriales. » Le
terme de « ministeriales » avait une signification très-étendue : il
s'appliquait aux fonctionnaires de l'ordre le plus élevé, comme à
ceux placés aux degrés inférieurs de la hiérarchie administrative.
11 était pris aussi dans une acception plus restreinte. On appe-
1. Bajulus signifie custos;\e. bailli d'Auvergne s'intitulait, au treizième siècle,
cusios montanarum Alvernie. Arc. de l'Emp., J. 272.
2. Mémoires de l'Académie des inscriptions, t. XL, p. 43i, note E (édit. in-12).
.{. Statntuin est quod omues baillivi ad hoc sunt constituti ut census batliarum
nobis absque difficultate reddi faciant, videlicet frumenti, avenœ et denariorum.
Quod si in festo beafi Martini ad prefatos census subditos non compnlerint, bailivi
debent pignorare ; sed ad prioreni pertinet justitia (M. Giraud, //is/oire du droit
Jrançais, t. n, p. 155.)
209
lait ainsi des ofiiciers ruraux, souvent serfs, qui faisaient
rentrer les revenus et prélevaient des sommes sur ces rentrées ;
ils avaient le pouvoir de contraindre les récalcitrants ^ . Ainsi
donc les bayles , simples officiers ruraux et fiscaux dans le prin-
cipe, n'avaient pas de juridiction ; ils l'acquirent avec le temps.
Dans le Dauphiné, des fonctions identiques à celles des bayles
étaient exercées même au treizième et au quatorzième siècle par
des mistraux , dont le nom est la traduction contractée du mot
« ministeriales ^ ; » comme les bayles, ils n'avaient pas de juridic-
tion. Des textes montrent la synonymie des termes de mistralie
etdebaylie; toutefois, on n'appelait pas indifféremment en Dau-
phiné ces officiers b^iyles ou mistraux. Ce nom de mistral était
usité dans la partie occidentale de cette province du côté des
Alpes, celui de bayle dans le voisinage du Languedoc, entre au-
tres dans le comté de Valentinois. Le terme de bayle fut donc en
usage dans le midi de la France dès la chute des Carlovingiens ,
il se répandit peu à peu et gagna le nord. On le trouve, comme
nous l'avons vu, eu Anjou au onzième siècle; au douzième il
devint fréquent en Normandie ^ Spelman atteste que l'Angle-
terre le reçut de ce dernier pays \ A la même époque, il péné-
tra en Flandre et en Picardie. Nous en avons un témoignage
d'un poids considérable. Le Cartulaire de Saint-Bertin nous ap-
prend que dans la seconde moitié du douzième siècle les ministé-
riaux furent appelés bayles ^ Dans le Midi, dès le treizième
siècle , on appela baylie une circonscription territoriale admi-
nistrée par un bayle.
Les premiers bayles qui eurent une juridiction furent ceux
des seigneurs ayant justice; les comtes et les vicomtes leur con-
férèrent à leur tour des attributions judiciaires. Nous avons, dès
le commencement du douzième siècle, des détails sur leur com-
pétence. A Montpellier ^, ils rendaient la justice au nom du sei-
1. Guérard, Polyptiqued'Irminon. Prolégomènes.
2. Valbonnais, Mémoires pour V histoire du Dauphiné, mémoire sur les officiers
ecclésiastiques. Voy. surtout les Preuves.
3. Bibliothèque de l'École des Chartes, mémoire de M. Delisle sur les revenus pu-
blics en Normandie , série II, t. V, p. 263, et Brussel , Usage des fiefs, I, p. 496.'
4. Glossaiinm, v°. Baillivus.
5. Cartulaire de Saint-Bertin, édit. Giiérard, p. 366. « Hinc sequitur anctorisalio
legis quondam facte de ministerialibus, qui moderno te'mpore ballivi appellanluv,
predii et ville Sancti Berlini..., per Philippura Alsatie Flandrarum comitem. »
e.'Giraud, Histoire du droit, preuves, t. Il, p. 3t;i.
210
gneur ; il en était de même à Béziers * , ainsi qu'à Carcassone - .
Celui de Montpellier était le supérieur des bayles des campagnes,
mais il ne recevait pas l'appel de leurs sentences. Les bayles con-
servèrent des fonctions judiciaires jusqu'au commencement du
treizième siècle; mais un pareil état de choses présentait de
graves inconvénients. Ils n'offraient aucune des garanties qu'on
est endroit d'attendre d'un juge. Ils affermaient, avec les reve-
nus d'une baylie, le droit de 'rendre justice, et cela aux en-
chères publiques ; un même individu se rendait adjudicataire de
plusieurs baylies et les sous-louait ; une seule baylie était même
partagée entre plusieurs agents subalternes qui exerçaient cha-
cun, avec le nom de sous-bay le, une juridiction dans le district qui
lui était assigné. De là naissaient de nombreux conflits entre les
bayles, qui se disputaient les justiciables ; car c'était une chose
fructueuse que de rendre la justice , le produit des amendes
leur appartenait jusqu'à concurrence de 30 sous ^ .
On n'imposait à ces bayles d'autre condition que de n'être ni
juifs, ni hérétiques, ni usuriers. A Montpellier, le bayle était
annuel et ne pouvait être réélu qu'au bout de deux ans. Le sei-
gneur s'était engagé à ne pas le nommer sans consulter les con-
suls. Ceux-ci s'arrogèrent un droit d'élection, mais c'étaient là
des garanties locales '' . Il y avait donc dans les baylies un vice
radical, la vénalité. Il était impossible de laisser rendre la justice à
de pareils hommes. Ils étaient assistés, il est vrai, dans les causes
criminelles par des jurés pris parmi les bourgeois ^. En outre,
on leur imposa des jurisconsultes pour diriger les procès civils.
Cet usage existait dès le commencement du treizième siècle à
Montpellier et à Carcassonne ^ , à Moissac , à Castelsarrasiu ' . A
1. Vaissete, II, col. 389.
2. Giraud, t. U, p. 351. La coutume de Carcassonne était en grande partie la même
que celle de Montpellier.
3. Lettre du sénéchal de Beaucaire, 1247, Vaissete, III, col. 466-467. — Bail de
la baylie de Rodez, en 1251 ('Arch. de l'Empire, J. 1034'). Des chevaliers même se
mêlaient de ce trafic. (Arch. de l'Empire, J. 190, n. 61.)
4. Gkmd, Hist. du droit, t. Il, p. 361. D'Aigrefeuille, t. Ij'p. 560.
5. Voy. notre chapitre des juridictions municipales.
6. Giraud, t. II, p. 361.
7. Arch. de l'Emp., J. 305, n. 40, Castelsarrazin ; J. 320, n° 54, Moissac. Voici un
fragment d'une enquête faite en 1203 par un bayle assisté de son juge : « Publicavit
infrascriptos testes P. Imbertus de Caslario in curia domini Raimundi conaitis To-
lose, coram Poncio de Cerveria, ejusdem domini comitis bajulo in Castro Castlari,
assistente ei Petro Fulcidio judice; » original, Arch. de l'Emp., J. 223, n" 62,
'211
JVimes \ ces juristes étaient nommés par le seigneur et quel-
quefois par le bayle. Enfin, vers le milieu du treizième siècle,,
cette défiance contre les bayles prit une plus grande force. On
leur interdit de taxer les amendes : ce droit appartint au séné-
chal ^ , magistrat supérieur dont les fonctions répondaient à
celles des baillis royaux.
§ 3. Des juges.
Dom Vaissete assure qu'Alfonse divisa la partie du Languedoc
qui lui appartenait en judicatures ou jugeries, comprenant cha-
cune dans son ressort plusieurs baylies , lesquelles furent ainsi
soumises à un juge '. Quels étaient ces juges? Quelle était leur
compétence? Formaient-ils dans la hiérarchie judiciaire un
degré au-dessus des bayles ? Dom Vaissete nous représente les
bayles comme rendant la justice. Cela peut être vrai dans les
cours des seigneurs * et dans la Guienne; mais il n'en est pas de
même pour les domaines soumis immédiatement dans le Languedoc
à l'autorité des comtes de Toulouse et du roi de France, et cela
à partir du milieu du treizième siècle. Dom Vaissete a été induit
en erreur par une ordonnance très-confuse d'Alphonse sur l'orga-
nisation de la justice, où il est parlé de la juridiction des bayles.
C'est là un abus de mots ; les bayles venaient de perdre le droit
de juger, mais il leur restait encore quelques attributions judi-
ciaires auxquelles on a bien pu donner le nom de juridiction.
Ces juges dont parle l'historien du Languedoc les remplacèrent
1. Guillelmus deCodolio, jude\ et cancellarius in Nemausensi domini Raimundi.
Ménard, Hist. de Nîmes, preuves, t. I, p. 68, en 1220.
2. Bailliviam nostram Riithenensem cuna pedagio tradidimus ad firmamPetroRosi-
gnelli. Dictus vero Petrus omnes emendas quas in dicta baiilivia evenire contigerit a
viginiti solidis citra percipiet..., ita tamen quod ipse aliquas emeMus judicare non
poterit nec levare sine senescallo nostro Ruthenensi, vel ejus speciali mandato. —
Bail de la baylie de Rodez, par Alphonse, en 1251. Arch. de l'Emp. , original, J. 1022,
n''4.
3. Vaissete, t. m, p. 526.
4. A Montpellier, par exemple, le bailli ou bayle de celte ville jugeait au civil et
au criminel. Il choisissait un juge pour l'aider à rendre la justice, un substitut du
bailli et un substitut du juge, un viguier et son assesseur, lesquels ne formaient
qu'une seule cour, divisée en trois sièges ou banques, la première appelée cour du
bayle, la deuxième cour du soiis-bayle, la dernière cour du viguier. D'Aigrereuille ,
I, p. 560.
212
et furent de première instance. Voici quelle est leur origine :
Nous avons vu que vers le milieu du treizième siècle le séné-
chal taxait lui-même les amendes et les dépens. Cet officier, qui
réunissait entre ses mains toutes les branches de l'administration,
ne pouvait rendre lui-même la justice dans toute l'étendue de sa
sénéchaussée ; il se fit remplacer par un magistrat nommé par
lui, et qui avait les mêmes attributions; ce magistrat s'appelait
juge du sénéchal. Il ne put à son tour suffire à porter seul le
poids de ses fonctions. Alors le sénéchal de Toulouse établit
plusieurs juges dans sa sénéchaussée, et les mit à la tête d'une
circonscription territoriale qui ne répondit à aucune autre cir-
conscription administrative. Outre la viguerie de Toulouse, il y
avait au treizième siècle dans la sénéchaussée de Toulouse trois
jugeries. Un compte de dépenses inédit nous permet de fixer
l'époque à laquelle elles étaient déjà instituées. Au terme de la
Chandeleur 1256, à l'article des juges, je trouve le juge du
sénéchal, celui du viguier de Toulouse , celui de Castelnaudary
et celui de Lavaur. De plus, une somme de 26 livres 13 sous
4 deniers, somme égale au traitement de chacun des deux autres
juges desjugeries, est donnée à « Johannes Dominicus. » Nul
doute que ce dernier ne fût aussi un juge, celui de Gascogne, et
qu'il n'ait été établi à cette époque. En effet, il y avait dans la
sénéchaussée de Toulouse, outre la viguerie de Toulouse, trois
jugeries : celle de Lauraguais (chef-lieu Castelnaudary), celle
de Villelonge, et celle de Gascogne * .
1. Salaria judicum : pro magistro Gaufredo judice Tholose, pro teraiinis oinniiitii
sanctoiutn et purificationis aniio 1256, xxxiii 1. vi s. viii d. t. — Pro magistro
Pelro judice Castri Novi de Arri, xxvi 1. xni s.'mi d. tur. — Pro magistro Guiilelmo
dej Sopet judice de Vauro, xxti 1. xiii s. irir d. tur. —Pro magistro Vï^iilelmo judice
senescaili , xxvi I. xiii s. nu d.tur. mandato magistri Stepliani. (Bibl. Impériale,
Rouleau original.)
A la fin du treizième siècle, le nombre des jugeries était augmenté. On trouve
celles de Rieux, de Rivière, de Verdun, de Lauraguais, de Villelongue, ainsi que
l'atteste le fragment suivant, extrait d'un compte des recettes et des dépenses de la
sénéchaussée de Toulouse pour l'année 1294 :
Magistro Arnaldo de Ponte, magistro Arnaldo Magistri, judicibus Rivorum et Rippa-
rie...— Magistro Barlholomeo de Gardia etsuccessori suo judici Albigesii. — Magistro
Slephano de Scalquenchiis judici Verduni. — Mag. Bernardo Sancii judici Laura-
guesii. — Mag. Arnaldo de Rayssac , judici Villelonge, uii'" 1. pro anno. Ces 80 livres
forment le traitement annuel de chacun des autres juges. (Arch. de l'Emp., Rooleau
original, R. 501).
213
En Albigeois, il n'y avait qu'une seule jugerie*. La séné-
chaussée d'Agenais et de Quercy en comprenait deux , une pour
chacune des deux provinces dont elle était formée^. La séné-
chaussée de Rouergue, une seule \ Le comtat Venaissin possé-
dait, dès le douzième siècle, un juge particulier du comte de
Toulouse qui portait le titre de chancelier, et apposait aux actes
de la juridiction volontaire la bulle de plomb des marquis de
Provence^. Ces juges étaient appelés juges ordinaires ou tout
simplement juges. Le viguier de Toulouse avait les mêmes attri-
butions judiciaires qu'eux; mais il était remplacé dans l'exercice
de la justice par un juge payé par le comte.
1. Vaissete, III, preuves, col. 581 et 486.
2. Compotus Johannis de Angervillari, militis, senescalli Agennensis et Calurcensis,
de termino omnium sanctonim annt) m. ce. lxix.
Jiidici Agennensi, pro primo tertio de c. lib. tur. pro saiario per anniim, xxxiii 1.
VI s. VIII d. tur. Magistio Vincentio judici in causis appellationum , pro primo tertio
de c. l. tur. per annum, xxxiii 1. vi s. vin d. tnr.
Pro mantello Joliannis Cofferii clèrici, vi 1. v s. tur.
Judici Caturcensi, pro primo tertio de iiu" 1. tur. per annum pro salarie, xxvi 1.
XIII s. iiii d. tur. Senescallo pro ix" m diebus, xxx s. tur. per diem, iiii"xnii 1. x s.
tur. (Bibl. imp., Rouleau original). Ce juge résidait à Milliau.
3. Gagia senescalli, per annum iiii^ lib. tur., pro secundo tertio, vi". xiu I. vi sol.
vin d. tur. Salaria judicum : Magistro Petro Rayniundi Foicaudi, judici senescalli per
annum un" 1. tur., pro primo tertio, xxvi 1. xui s. lui d. tur. Judici de Amillavo,
per annum xx 1. tur., pro primo tertio, vi 1. xni s. iiii'd. t. En 1246 , il est fait men-
tion de Bernardus Sicardus, judex comilatus Ruthinensis. (Vaissete, III, preuves,
col. 457.)
Voy. aussi le registre XI du trésor des chartes intitulé : Recognitiones feudorum
Alfonsi comidsPictaviensis et Tholosani. Les hommages y sont souvent reçus par
les juges de Rouergue, de Quercy ^■t d'Agenais, et cela en 1259 et 1260.
4. Ce juge rendait aussi la justice. Voyez un jugement rendu en mars 1263 par
«Raimondus Bosslygonus , judex Venaisini pro illustrissimo domino Alfonso. » Il
condamna par contumace à une amende de 1000 livres tournois un nommé Oudard,
qui avait injurié et menacé un bajle. L'original de ce jugement est scellé d'une bulle
de plomb de moyenne grandeur, offrant d'un côté la représentation équestre du
comte de Poitiers, avec la légende: Alfonsvs comes Pictavie et TH0L.,et de l'autre
la croix de Toulouse, avec la légende : Mabchio provincie (Arch. de l'Emp., J. 308,
n" 72). Cette bulle changeait avec chaque comte; la légende portait le nom du prince
régnant. Cependant la même bulle servit sous Raymond vi et sous Raymond VII,
bien que ce dernier ait eu aussi une bulle qui lui était propre. (Arch. de l'Emp.,
M. 573), pièce de Tan 1204. — Ego Bertrandus Radulfus, judex et cancellarius, sigil-
lavi et eidem subscripsi. Cor mundum créa in me, Deus. Face : Raymond à cheval,
galopant à gauche et brandissant son épée. Légende + S'. RAIMVNDI III COMITIS.
Revers, la croix de Toulouse. — Même bulle employée par Raymond VII, J. 311,
214
§ 4. Des viguiers royaux.
Dans les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne , les
juges inférieurs étaient des viguiers qui n'avaient que le nom de
commun avec ces viguiers dont nous avons parlé plus haut.
Une ordonnance de Philippe de Valois nous apprend qu'ils
furent créés au treizième siècle.
Après que la royauté eut acquis les vicomtes de Béziers et de
Carcassonne, elle assembla les États provinciaux et établit, à leur
demande, une viguerie à Béziers '. On ne saurait douter que les
autres vigueries royales n'aient été instituées à cette époque.
Dans la sénéchaussée de Carcassonne se trouvaient , au commen-
cement du quatorzième siècle, les vigueries de Carcassonne, Ca-
bardez , Minervois , Béziers , Albi , Gignac , Limoux , Narbonne ,
Fenouillède, Termenois, les AUemans, le bailliage de Sault et la
chàtellenie de Montréal. Dans celle de Beaucaire, les vigueries
de Nîmes, Beaucaire, Uzès , Anduse, Sommiers, Aigues-Mortes,
Pont-Saint-Esprit, Bagnols, Boquemaure et Saint-André, les
bailliages de Gévaudan, de Vivarais et de Vêlai ^.
Dom Vaissete a bien apprécié les fonctions des viguiers en les
appelant de petits sénéchaux; mais il a négligé d'éclaircir leur
juridiction. Ils jugeaient en première instance toutes les causes
en matière civile et criminelle ^ et l'appel des justices seigneu-
riales, comme nous le montrerons quand nous traiterons des
sénéchaux. Telle était aussi la compétence des juges des jugeries :
on les voit juger des causes entre nobles *. Quant au criminel,
les coutumes des différentes bastides élevées par Alphonse leur
n» 62. Autre bulle, appendue à un acte de l'an 1246. Face : Raymond à cheval, armé de
toutes pièces, galopant à gauche. + S. R.COMITIS. Revers : la croix de Toulouse;
légende + S. VENAISSINI.
1. Ordonnance de Philippe de Valois, confirmant les privilèges de Béziers en 1338.
Ordonnances des rois de France, t. in, p. 168.
2. Vaissete, IV, p. 502; Bâville, Mémoire sur le Languedoc. (Arch. de l'Emp.,
K.K. 1316.)
3. «Ordinatum fuit quod in dicta villa (Biterris) esset unus vicarius et unus ju-
dex pro nobis qui in dicta villa Biterris de omnibus causis tam civilibus quam crimi-
nalibus et aliis quibuscumque ad nos pertinentibus...,soli et in solidum primam co-
gnilioneni haberent. Ord. de Philippe de Valois. Ordonnances, t. ni, p. 268.»
4. Jngement d'un procès entre la dame de Montjoire et le sénéchal de Toulouse.
215
attribuent la punition des homicides ' , et une ordonnance de
Louis X constate qu'ils avaient une juridiction criminelle 2.
Mais à l'article des juridictions municipales nous verrons que
les bourgeois prenaient part au jugement des causes crimi-
nelles.
Les viguiers royaux ne pouvaient rendre seuls la justice , ils
devaient être assistés d'un juge payé par le roi. A eux deux ils
formaient ce qu'on appelait la cour^. Ainsi quand on trouvera
dans un texte, par exemple, la cour de Nîmes, la cour de Car-
cassonne, on saura qu'il s'agit du tribunal du viguier de Nîmes,
du viguier de Carcassonne. Les juges du viguier étaient annuels,
ceux des jugeries le devinrent également. C'était là une garantie
chère aux Méridionaux *; mais elle était abusive en ce qu'elle
empêchait les magistrats d'acquérir la pratique qui est indis-
pensable à l'expédition de la justice. On y remédia en établis-
sant un roulement parmi ces juges, et en les faisant passer
chaque année d'une jugerie à une autre ' .
Arch. de l'Emp., J. 329, u" 41. Le jnge du viguier de Toulouse juge un différend entre
un clievalier et des vilains. Ibidem, J. 319, n» 4, fol. 127.
1. Bibl. Imp. Mss. de Doat,t. LXXIV, Coutumes de Castelsagrat, etc., fol. 91, etc.
2. Ordonunance de Louis X en 1315- Rozoy, Annales de Toulouse, 1. 1, preuves,
p. 133.
3. Ménard, I, preuves, p. 86. On y voit que le juge du viguier avait un lieute-
nant qui le remplaçait en cas d'absence,
4. Les habitants de Beaucaire, en 1248, demandèrent aux enquêteurs du roi qu'on
observât l'ancienne coutume de changer chaque année le viguier et son juge.
(Arch. de l'Emp., J. 889.)
Bajulus, subbajulus, judex vel vicarius non debent in curia stare nisi per annum ,
et postea infra biennium nemo illorum in curia débet restitui. Coût, de Montpel-
fler, art. 119, Giraud, p. 71.
5. Je donne ici des extraits d'un règlement concernant les juridictions inférieures
de l'an 1300 environ :
« Item, qnod judices residebunt in jndicatnris suis, et ibi continiiatis assiziis cau>
« sas audient privatorum, et in causis fiscalibns procedi faciant présente procura-
« tore régis cum suo advocato diligenter et celeriter donec in eis renuntiatum fuerit
« et conclussum .
« Item, nuUas commissiones recipiant, sed penitus insistent examinationi nego-
» ciorum sue judicature.
« Item, judex omnes causas privatorum determinabit infra duos menses postquam
« in eis renuntiatum fuerit et conclussum.
« Item , in singutis assiziis assistent judici bajulus et servientes cujusque loci et
« pertinentiarum ejusdem.
« Item, judex uti nequeat substitulo nisi ex causa necessaria probabiii, in qua se-
« nescallus sibi provideat ydoneo substitnto.
216
Dom Vaissele prétend que, dès 1251, il y avait un procureur
du comte de Toulouse permanent auprès du juge d'Albigeois; il
ne donne pas de preuves de ce fait, qui nous parait douteux. On
trouve bien des procureurs du comte de Toulouse, mais ils
étaient nommés pour soutenir les intérêts de leur maître dans
une circonstance déterminée. Un règlement qui ne porte pas de
date, mais qui est au plus tard des premières années du qua-
torzième siècle, nous fait voir qu'il y avait un procureur du roi
dans chaque sénéchaussée des anciens domaines d'Alphonse. II y
en avait aussi dans les sénéchaussées royales, car on en trouve
un dans la sénéchaussée de Nimes dès 1294. Ces procureurs
avaient sous leurs ordres des avocats du roi, et étaient chargés
de surveiller l'instruction des causes dans lesquelles le trésor
royal pouvait se trouver intéressé; mais ils ne paraissent pas
avoir rempli les fonctions actuelles du ministère public ' .
Qu'étaient devenus les bayles? Ils avaient perdu le droit de
rendre la justice, mais ils conservèrent quelques attributions
judiciaires. C'était pour eux une obligation d'assister aux juge-
ments rendus dans l'étendue de leur baylie. L'exercice de la
police leur donnait les moyens de commettre impunément des
exactions odieuses, car si leurs fonctions se bornaient à arrêter
les criminels dans le cas de flagrant délit ou sur un ordre des
magistrats , il y avait une foule de contraventions qui étaient
punies par des amendes dont les coutumes locales donnaient le
tarif : c'était ce qu'on appelait le ban. De nos jours, l'agent qui
constate le délit n'a pas le droit d'appliquer la peine. Au moyen
âge, il n'en était pas ainsi; le bayle qui surprenait un déhn-
quant lui faisait payer le ban sans autre forme de procès et sou-
vent contre toute justice. En un mot, les bayles remplissaient
les fonctions d'huissiers et de commissaires de police ^.
Dans certaines villes , il existait des hommes qui n'étaient pas
« Item, judices sint annales, vel saltem quod annis singulis de una judicatura in
« aliam tiansfeiantur. » Arch. de l'Emp., J. 329, n° 43.
1. « Item, procuratores domini régis diligenter et sollicite causas fiscales informa-
tione prehabita permanebunt, et celeriter ad finem peiducent. Et in ipsis causis per-
sonaliter insistent una cum advocato suo, ullo super hoc a se substituto. » (Arch.
del'Emp., J. 329, n" 43.)
2. Les bayles avaient, dans certains endroits, la vérification des poids et mesures
employés par les marchands ; ils trouvaient souvent des contraventions là où il n'en
existait pas. Arch. de l'Emp., J. 889 passim.
•217
îonclionnaires publics, et qui avaient pour mission de dénoncer
les crimes et les délits qui parvenaient à leur connaissance, no-
tamment les adultères. C'étaient des agents de police subal-
ternes, dont la négligence était souvent punie par des amendes
que leur infligeait le magistrat qu'ils auraient dû avertir ' .
CHAPITRE II.
JURIDICTIONS MUNICIPALES.
§ 1 . Origine.
Nt)us avons vu quels étaient les officiers chargés de rendre la
justice en première instance; mais à eux seuls n'appartenait pas
la première connaissance des causes civiles et criminelles. Le
droit de juger fut aussi le partage des magistrats municipaux,
et c'est la mesure dans laquelle ces magistrats, nommés consuls,
exerçaient une juridiction qu'il convient de déterminer d'une
manière précise. Je n'entrerai pas dans des détails sur la juri-
diction de chacune des communes du Languedoc, je m'attache
rai à démontrer quelle fut l'origine de ces justices et à en faire
saisir le caractère général.
Il y avait en 1271, dans la seule sénéchaussée de Toulouse,
c'est-à-dire dans une étendue de pays qui répond à peu près au
département de la Haute- Garonne, plus de cent dix localités
administrées par des consuls 2. Ces communes n'étaient pas
toutes soumises au môme régime. C'étaient, pour la plupart, des
1. « Significat Guillelmus Andra de Margunco quod, tenipore senescailie domini
Guillelmi de Ulmoio, ipse fuit constitutus ad servandiim jura ilomini régis in Castro de
Margunco ; et tiim luit dictuni in castro quod quedam mulier que erat de jurisdic-
tione régis comiserat adulterium , quod denunciavit curie ; et tuin vicarius Biterri,
videlicet P. de Ulmoio , dixit ei : Tarde dennnciasti curie, et ipse erat paratus jurare
quod ipse denunciavit qnando audivit a gentibus, et propter tioc extorsit ab eo xx
solidos Melgorienses, inde petit jnsticiam. » (Arcli. de i'Emp., 3. 1032, u"!, an-
née 1247.)
2 Voy. le Saisimentum comitatus Tholose, ou procès-verbal de prise de posses-
sion par Philippe le Hardi de la partie du Languedoc qui lui était échue par la
mort d'Alplionse. Un fragment de ce document important ^st publié dans les Preuves
du tome I" des Annales de Toulouse, de la Faille (Toulouse, 2 vol. in-fol.), et dans
Ips Preuves du tome I" des Annales de Ja même ville, de Rozoy. Ce dernier a mis,
I. (Quatrième série.) 15
218
bastides ou des villages ouverts constriiHs au douzième et au
treizième siècle', où l'on avait attiré des habitants par l'appât
de quelques avantages , tels qu'exemption de péages , impôts
modérés, tous privilèges matériels contribuant au bien-être
de l'individu, sauvegardant sa personne et ses biens, mai*
n'ayant pas de rapport avec la liberté politique ^. Aussi les con-
suls de ces bourgades ne reçurent-ils, lors de la fondation de
leur bastide, que l'exercice de la police et une juridiclion civile
insignifiante.
Mais à côté de ces communes rurales sans importnnce s'éle-
vaient de riches et puissantes cités dont les habitants avaient
acquis, au prix de luttes sanglantes, une indépendance qu'ils
savaient faire respecter. Quelques-unes avaient un long passé, et
remontaient à la période de l'occupation romaine. Plusieurs his-
toriens se sont plu à rattacher la juridiction des consuls du
treizième siècle à celle des magistrats municipaux gallo-romains.
Aucun texte ne permet de prouver la perpétuité de ces juridic-
tions, qui devinrent inutiles par l'adoption dans toutes les Gaules
des mais mérovingiens, où chacun était jugé par des hommes de
sa nation, lesquels offraient toutes les garanties, sinon de
lumières, du moins d'impartialité et de justice. En outre, le&
magistrats municipaux gallo-romains, ordinairement appelés du-
umvirs, ne possédaient qu une juridiction civile fort peu éten-
due^. Les consuls du treizième siècle, au contraire, connais-
saient des crimes capitaux, tandis que leur compétence en
matière civile était presque nulle. Tout porte donc à croire que
la juridiction des consuls ne lire pas son origine de celle des
duumvirs ; on doit lui en assigner une beaucoup plus récente.
C'est au douzième siècle seulement qu'il est possible de cons-
en bon français , l'ouvrage de ta Faille, et l'a embelli de réflexions philosophiques
ridicules. Toulouse, 3 vol. in-4".
1 Alphonse en lit élever un grand nombre. On en trouve une liste tronquée dans
Vaissete, 111, preuves, p. 600. Elle est complète dans le Carlul. d'Alphonse. Bibl.
imp., Mss. Doat, t. 74, p. 9i.
2. Coutumes de Villeneuve, ']mn \11V), ibidem, p. 335 et seq.
3. M. de Savigny prétenci que les villes des Gaules n'avaient pas de magistrats élec-
tils, ou que, si elles en avaient, ceux-ci étaient dépourvus de juridiction. M. Giraud
a démontré que l'organisation municipale a été la môme en Gaule et en Halie; par
■conséquent, ce que l'on sait de la juridiction de^ duumvirs italiens s';q)plique au\
«huimvirs gaulois. Giraud, Essai sur l'hist. du droit français, t. I, p. 125 et suiv.
•2 lu
lali'i' l'tixislfiice des juridictions coin mu uu les. J'exposerai suc-
cessivement la compétence civile et la compétence criminelle des
consuls des vilUs du Languedoc, mais auparavant je ferai re-
marquer que les bourgeois pouvaient prendre part de deux ma-
nières à l'administration de la justice, ou bien en servant d'as-
sesseurs aux juges seigneuriaux, ou bien en ayant eux-mêmes
un tribunal exclusivement composé de magistrats municipaux,
en un mot, être juges ou jurés.
§ 2. Juridiction municipale en matière civile.
La juridiction civile n entrait dans les attributions des consuls
que dans un très-petit nombre de cités importantes. Au milieu
«lu douzième siècle, les jugements étaient rendus à Toulouse par
le viguier assisté des consuls'. A la même époque, on voit
des procès civils jugés par les consuls , formant à eux seuls
lin tribnuiil. Comment expliquer l'existence simultanée de ces
deux juridictions ayant la même compétence? Voici ce qui s'est
passé. Le seigneur fut contiaitil de partager avec la commune le
droit de rendre justice; chaque citoyen put à son choix aller se
plaindre aux consuls ou au juge seigneurial. Écoutons la cou-
tume de Montpellier, qui, bien que rédigée en 1204, nous re-
porte à un état de choses beaucoup plus ancien :
« Tamen causse et lites possunt venire in posse consulum et
proborum hominum aliorum antequam clamor fiat coram curia ,
sed consules debent decidere illudsine sumptibus. »
Le même article est reproduit textuellement dans la coutume
de Garcassonne, qui est de la même époque.
On lit dans les privilèges accordés à la ville de jNîmes en
i. Voy. Pardessii!*, préface du t. XXI des Ordonnances, § Juridictions munici-
pales. Ja dois faire connaître ici le système qu'a adopté ce savant jurisconsulte,
pour expliquer l'origine de ces juridictions. Il est porté à croire que, dans le Midi,
elles ont survécu aux invasions. Cependant voici comment elles se sont formées en
général. Au dixième siècle, les mais furent remplacés par les juridictions des sei-
gneurs. En cerlains endroits les prud'hommes qui avaient composé les mais conti-
nuèrent de rendre la justice sous la présidence d'un des leurs. Ainsi les villes qui ,
dès la 3* race, eurent une juridiction la durent à i'usurpatioji qui en donna une aux
seigneurs. Quand une ville n'était pas assez forte, elle transigeait avec le seigneur.
Ce système est très-ingénieux. Que les juges municipaux procèdent des scabins ou
220
1209 par Raymond YT, et confirmés en 1217 par Simoti de
Montfort.
« Concedimus postquamititer quaslibet personas in mann con-
sulura litigare volentes lis cœpta et contestata fuerit, ita quod
unum placitum habuerint , non liceat eis vel alicui personarnm
illarum a manu eoiisuium exire, donec cansa ista in mann con-
sulum terminata fuerit et sopita. Ante litem vero contestatam et
antequam unum placitum in manu consuliim habuerint, licebit
eis personis et ciiilibet earumdem ad curiam nostram accédera
et placitare ï. »
A Toulouse, nul texte législatif ne fixe ce droit d'option, mais
il est constaté au treizième siècle par une déclaration du viguier ^.
Ce droit de choisir entre le tribunal des consuls et celui des
seigneurs est l'origine de la juridiction municipale en matière
civile. Ce fut une conquête de la démocratie du douzième siècle,
conquête que les seigneurs furent contraints de sanctionner et
d'inscrire dans les coutumes. Mais pour que la juridiction mnni-
plutôt des racliimbonr<;s , cela ne saurait être mis en doute. Mais poiinimti supposer
une usurpation ? pourquoi supposer que les scabins ont continué de se réunir sous la
présidence d'un scabin ? Ce dernier point ne pourrait se prouver; au contraire, nous
voyons, au douzième siècle, les juges municipaux rendre la justice comme asses-
seurs des ofliciers seigneuriaux; et quand il y eut un tribunal uniquement composé
des magistrats de la commune, ce fut là un résultat obtenu par la révolution com-
munale. Je n'insiste pas, le cbapitre que je consacre aux juridictions municipales
n'ayant d'autre but que de prouver et de développer cette vérité.
1. Ménard, Histoire de Nîmes, t. I, preuves, p. 54
2. Les consuls dé Toulouse étaient dépouillés de leurs droits par le viguier : ce-
lui-ci, ayant appris qu'Alpliouse désapprouvait sa conduite, déclara aux consuls
« quod in voluntate coaquerentium sit conqut-ri vicario vel consulibus Tolosanis. »
(Catel, Comtes, p, 382, vers 1252.) Il paraît que cette bonne volonté du viguier ne
dura pas, et que les consuls ne pouvaient exercer leur juridiction ; car les Toulou-
sains choisissaient des arbitres aux décisions desquels ils prétendaient donner force
de jugement, bien qu'une des parties n'acceptât pas leur arbitrage. Ces arbitres
étaient souvent des personnes peu éclairées. (Catel, ibid., p. 388 , et Archives de
l'Empire,!. 318, \i" Sb; Lettre d'Alfonse aux Toulousains, en 1254.) Les consuls
de Toulouse conservèrent, pendant tout le treizième siècle, le droit de juger les
causes où il y avait à interpréter la coutume. (Arcli. de l'Emp., J. 896. Vaissete,
t. m, preuves, col. 518.) Voy. un jugement des consuls en matière de succession
(1246) dans Giraud, preuves, p. 1 10. M. Warrliaenig a mis à tort cet acte sous l'année
1305, qui est la date du vidimus. {Franzosische Staatsgeschliche, preuves.) Cette
prérogative des consuls de fixer la coutume est attestée par un règlement fait par
les commissaires d'Alphonse sur la juridiction du viguier : « si consuetudo allegetur
inter civitatenses, sletur diclo consulum Tolosœ, vel mnjori parti ipsorum. - (Vais-
sete, III, col. 518.)
2-21
«ipale pût s'exercer, il i'aliait que l'une des deux parties fût un
bourgeois. La règle « Actor seqnitur forum rei » recevait aussi
son application. Quand un procès s'élevait entre un bourgeois et
un étranger, tout honjme n'appartenant pas à la commune pou-
vait décliner la compétence des consuls. Quelquefois aussi le « fo-
rum contractiis » était admis ' . Ces règles salutaires étaient sou-
vent éludées par les magistrats municipaux , et je dois, à ce pro-
pos, signaler dans le Languedoc, au treizième siècle, un contraste
frappant entre l'administration supérieure et l'administration
municipale. i>a première était juste et équitable, pleine de sol-
licitude pour le peuple; la seconde, à vues étroites, exclusive,
défiante. Un règlement des consuls de Toulouse interdisait aux
avocats de plaider pour un étranger contre un bourgeois. Si
quelque seigneur avait contracté une dette envers un habitant,
et s'il ne remplissait pas ses obligations, les consuls faisaient
saisir les biens des hommes de ce seigneur, et ruinaient ainsi des
innocents. Avaient-ils à se plaindre de quelque bayle, ils le
«itaientà leur tribunal; et si le bayle ne comparaissait pas, ses
justiciables payaient pour lui, et se voyaient enlever par ordre
des magistrats municipaux leurs meubles ou leurs récoltes 2. Al-
phonse mit un terme à ces abus, et fit plusieurs ordonnances
concernant la bonne administration de la justice; dans un de
ces règlements je trouve une disposition bien honorable pour ce
1. « Polestatem hal)€nt corisnles cognosceiidi et esseqncndi soli de dissaisinis in-
■« ter voleiitfs et invites et aliis causis civilibiis pecuniariis, veiiienlibus coraiii ris
« inter honiines de Figiaco volentes et iiUer liomiiies foreuses voieiites, et ad
« reqiiestain forensium conqiierentiuni de lioiiiiiiibus de villa volenlibiss sen iiivilis. »
iCoutumes judiciaires An Figeac, fin du treizième siècle, Arcii. de i'Emp , J. 342,
\\° 10). A Montpellier : « Si bomines de potestate et jiisticia comitatns Melgorii con-
» traxerint, vel aiiquid commiserint in villa Montispessiilani, ibi debent lespoiidere
« si ibi iiivenianUir ■ et eudcni modo bomines Moulispessulani snb jiirisdictione co-
« mitatns Melgorii. Et si extra villam contiactum vel commissnin tneril, nltro ci-
« troque aclor sequitnr Ibrnm rei. » (Giraud, !, 57, art. 33.)
2. J. 318, n° 85, et Catel, p. 388 et seq — Lettre d'Aipbonse aux Toulousains,
«nl254: «Vobis districte praecipimus ne vicarios, bajiilos vel officiales nostros,
l)ro facto quolibet ad suum officium pertinente citetis vel coram vobis respondere
cogatis, nec in eos aliquem exerceatis districtum, nec pro ipsurum debitis, vel de-
iictis bomines eorum <!e bailiviis eorumdein impediatis, vel eorum pign.>ra capiatis..;
non pro quocumque delicto terras baronum noslrotnni et alioruni fideiinm autliori- ■
tate vestra invadere vel vastare sine licentia nostra pi-œ.sun.atis..; interdicta que
fecisse dicimini ne advocali Tolosae in curia vicarii no,4ri ferant alicui patrocinium,
non patrocinetur extraneo entra civem.., eadem indilale relaxari jubemus. ><
22-2
prince : il prescrivit de faire gratuitement les citations judi-
ciaires pour les pauvres ' .
Les consuls de la plupart des villes et des bourgs du Langue
doc avaient le droit de faire des règlements de police; ils don-
naient des tuteurs aux orphelins, punissaient les marchands qui
usaient de faux poids , et connaissaient des causes de voirie et
de simple police 2. Dans certaines villes, les procès issus de la
contiguïté des héritages étaient jugés par des maçons experts
élus par les consuls ^ . Quelquefois les bourgeois servaient d'as-
sesseurs dans les causes civiles aux juges seigneuriaux. A Tou-
louse, il y avait au douzième siècle une cour jurée composée do
quatre juges choisis parmi les habitants de la ville et du bourg,
sous la présidence du viguier *. Les consuls se substituèrent à
ces jurés ^. Au douzième siècle, les jurys en matière civile n'exis-
taient plus ou étaient très-rares.
1. "■ Citalioiieset piguoi ationes gratis facieut pro paiiperibus liomiiiibns infra Tolo-
sam non habentibns nntle solvant eis ad cognitionem curie..., item qnod curia det
advocatiim non babenti. » (Vaissete, t. HI, pr. col. 418, 1255.)
2. Voy. les sentences des consuls de Nîmes en 1217 et années suivantes. (Mé-
uard, I, preuves, p. 55 et seqq.) Les consuls des plus cbélifs villages avaient une
juridiction de simple police.
Tournay, en 1307, art. 52 : «Si quis in dicta villa jactaverit fœtentia vel aliqna
nocentia, per nostrom bajulum et consules puniatur.» (Ord. Xll, p. 371.) — AMont-
cabrier (Quercy) , les consuls jugeaient des procès entraînant une amende ne dépas-
sant pas 60 sous et 1 denier. « Cognitio autem et diffinitio causarum, emendas
sexaginta solidorum et unius deriarii et infra exigentium, inter burgenses... erimt
consulum memoratse bastidae. » (1307. Ibid., p. 366.)— Marziac, 1300. Môme dispo-
sition qu'à Tournay. {Ibidem., 345).
3. « Ad dirimendas autem quœstiones de piano et sine figura judicii, qua? inci-
• dunt infra caslrum de stillicidiis et parietum oneribus fenesriis et avannis et simi-
" libus quaistionibus fréquenter contingentibus inter babentes domos contiuguas vel
" vicinas, volumus, secnndum quod petierunt, duos lathomos, quos ipsi magistros
« laj)iduai appellant, juratos constitui, sicut fui?se dicunt longis temporibus obser-
« vatum. » Ord. de saint Louis, en 1254, en faveur des habitants de Beaucaire et de
JNImes. (Vaissete, m, pr., col. 507). Ces experts étaient nommés par les consuls
à Carcassonne. (Ordonn.,i. Xli, p. 464, année 1319).
4. Catel, Comtes, p. 34. « Notum sit quod Tliolosanus joculator babuit causam
cum Sclarmuuilasua privigna in presentia Ramundi Monacbi vicarii et curie jurato
scilicet Pelri de Marca-fava, et Bi^rnardi Pétri de Cossanno et Pétri Rogerii et Ra-
mundi Roberti, qui tune erant constituti judices. » Année 1188. (Arch. del'Emp.,
IJ. \xi.)
î^. Arcb dt' l'Kînp , Ji \vi (<• regisiic contient un certain nombre de jugements
'in
Les juridiclioiis civiles iiiuriicipales furent respectées par la
royauté là où elle les trouva établie» ; iimis elles furent peu à
(les consuls de Toulouse au douzième et au trei/Jèine siècle. Passé l2oo, on ne
trouve plus que des sentences rendues par les consuls. En voici une qui m'a paru
t)onnc à rapporter, afin de montrer quelle était la procédure en matière civile de-
vant une juridiction municipale. Je crois cette pièce inédite; elle est de l'année 1175.
'< Hec est caria rememorationis. Sciendum est quod Porto de Mollivernela cum
«' multis probis liominibus venit aute capitulum in ecclesia sancti Quintini ubi capi-
« tularii erant congregati cum nuiltis aliis probis bominibns qui «rant de consilio
" capituli, et ihi Porto de Molliverueta fecit gravem et durani querimoniam de Ba-
" bilonia uxore sua , in presencia capituli et in presencia multorum proborum ho-
« niinum qui ibi aderant. Dixit enim Porto de Mollivernela quod Babilonia rapuerat
« et oxpoliaverat ei suam donium f'urlim, el traxerat inde ei .suos deiiarios, et suos
« pannost et suas vestes, et suam ioricam perobtimam, et cetera, et quod hoc to-
" tum dederat cuidam garcifero alieuo de alia terra, scilicet cui'jam Braimausono, et
<■ occulte recesserHt ab eo, et fngerat cum illo garcifero in exercitu Braymansonum
« e dels Ties ; rogavit Forlo de Mollivernela capitulum ut super hoc facto darent ei
« consiliuni et darent sentenciam super bac causa, et de tanla injuria et de tanta
« iuiquitale ponerent suum decreium, et darent justum judicium.
« De qiio ( apilulo, tenipore illo erant constituti capitularii : de urbe, Ramundus
« de Roaxio, et Ramundus Galerinus, et Guillelmus Ramundus de Portaiia, et Ber-
" nardus de Sancto Romaiio, et Ramundus Gaita podium , et Steplianus de l'opuli-
" vflla: et de suburbio, olric'îs Carabordas, et Stepliantis de Monte-Vairono prior
- ecclesie Sancti Pétri Goquinarum, et Petrus Ruf'fus, et Arnaldus Raiutundus filins
<< diclus Ramundi Freuarii,el Bertrandus Ramundus, el Petrus Guitardus, sub vincido
" jurisjurandi ut res comujunes Tbolose urbis et suburbii anle eos delalas dili-
« genter audirent, et lideliter cousulerent et Iractarenl, et judiciarioordine diffini-
« rent. In presencia islorum Porto de Mollivernela hostendebat hoc factum, rogans
" illos ut de hoc facto traclnreut et tantam iniquitatein sollicite considerarenl. Tune
" predicti coiisules, cum multis probis honiinibus qui erant de consilio eorum, ac-
» cepto consilio, tlederunl sentenciam suam super bac causa, et judicaverunt atque
" judicando dixerunt, ipiod si Porto de Mollivernela aliquid babuer.il vel hahelial de
« Babilonia uxore sua, vel peream, illud e.sset totum de Fortone, pro sua volun-
'« tate, el totani illam donationem quam babilonia ei fecerat, haberet Porto pro
« sua voluntate , ita quod Babilonia aiiquidde hoc non haberet , neque recuperaret,
« neque pelere posiel. Similiter, ^i Porto de Mollivernela Babilonie aliquid donave-
« rat, vet aliquaai don;'.fionem ei fecerat, vel facere convenerat, illu(i totum perdcret
« Babilonia, ita quod aliquid de hoc unqnam noïi haberet, neque petere posset : et
'( s-i hoc petebat, jam non valeret ei, quia ita hoc judicaverunt predicti Judices
« cum suo consilio et sic judicio diffinierunt. Hoc ita facto et sic judicato. dixit Porto
« de Mollivernela quod carte que fuerunt lacté de suo matrimoriio et de liabilonia
« uxore sua comburerentur, et capitularii dixerunl judicio ut carie ille comhure-
" rentnr vel delerenlur, et mandato capituli carte ille destrncle el comhusie fuerunt.
<( Ita et in himc modum snpradieli capitularii causam istsm judicaverimt et judicio
< difliuierunl. Item eaiidem sentenciam et ipsum jiidiciuh) donaverimt snpradieli
« eonsules super omnes iilas nuiliercs (pie hujus modi lacLum lacèrent. Facta earta
« hujus judieii dato niense niareii, die sahhato. tej-nante Lodoyco Francorum re^<',
224
peu H mitées et restreintes. Ënlin l'ordonnance de Moulins, eiî.
1 566, les supprima dans toute l'étendue de la France, et ne laissa
plus aux magistrats municipaux que l'exercice de la justice cri-
minelle et de simple police.
S 3. Juridiction municipale en matière criminelle.
Au quatorzième siècle, presque toutes les communes du Lan-
guedoc avaient la juridiction criminelle la plus étendue.
Sous la première race de nos rois , chacun était jugé par ses
concitoyens réunis sous la présidence du comte, et portant dans
l'exercice de leurs fonctions judiciaires le nom de rachimbourgs.
Sous les Carlovingiens , aux rachimbourgs furent substitués les
scabins ou écbevins, juges permanents, choisis par le peuple en
présence de l'envoyé de l'empereur. Cependant on voit, dans
un grand nombre de procès importants, des rachimbourgs figu-
rer à côté des scabins'. Après l'établissement du régime féodal,
les mais ou tribunaux royaux furent remplacés par les assises
seigneuriales. On revint alors au système mérovingien, qui n'a-
vait jamais entièrement disparu. Seulement le jury ne fut plus,
comme autrefois, composé de personnes professant la même loi
« et Piamiindo Tholosano comité, episcopo absente. Anno ab iiicarnatione Domiiii
<< M°.c°.i,x"x.vo. » (Arcli. (le l'Emp., Registre du trésor des chartes, xxi, copie aii-
Uientiqiie de l'an J305, fol. 61 et seqq.)
1. «Ciim in Dei iiomine resideret Ardemaldiis episcopns sedis Tolosfe civitatis cura
« viro venerabiii Bernardo..., uiia ciim abbatibus, presbyteris judices scastrinos (leg.
« scabinos) et regimburgos tam gotos quam roniatios seii eliam et salicos qui jnssi
« simt, caiisain audire dirimereet legibus defmire. » Placitum coram Ardemaldo
Tolosas episcopo, anno 818, Gallia Christ., tome X; instrum., p. 2.
Il m'a paru intéressant de rechercher jusqu'à quelle époque les plaids ont subsisté
avec les scabins et les rachimbourgs, prolessant la loi des accusés. Judices tam
salicos quam gothos. (Placitum anni 898, Ménard, Hist. de Nimes, I, pr., p. 17.)
Judices qui jussi sunt causas dirimere et legibus difftnire gothos romanos
et salicos. Placiium apud Narbonam, anno 933.(Vaissete, II, pr., col. 69.) Passé le
milieu du dixième siècle, je ne pense pas qu'on rencontre beaucoup d'exemples de
la personnalité des lois dans le Languedoc. Le droit romain l'emporta, et régit, à titre
de coutume, cette vaste province. On ne trouve pas non plus, à partir de cette
époque, <le rachimbourgs, ni de scabins, mais bien des boni homines. Le terme de
p?-obi homines, providi homines, prud'hommes, fut réservé aux non nobles. Il ne
nous reste malheureusement plus pour les neuvième, dixième et onzième siècles, de
jugements rendus entre roturiers.
225
que les parties , mais bien d'hommes ayant la même condition
sociale que ceux qui comparaissaient en justice. Le noble fur
jugé par les nobles, le roturier par les roturiers. C'est ainsi
qu'on peut expliquer comment au treizième siècle, dans la plu-
part des villes et même des villages, les bourgeois ou prud'hom-
mes formaient un jury sous la présidence du seigneur ou de son
délégué. Quelquefois tonte la communauté prenait part au juge-
ment, et cet état de choses persista dans certaines localités jus-
qu'à une époque avancée. En voici un exemple ((ui est de la fin
du treizième siècle.
Un brigand, nommé Pierre Baya, épouvantait le pays de Lau-
trec par ses vols audacieux et par ses crimes midtipliés ; il fut
traduit devant la cour du vicomte. Le jugement se fit en plein
air, suivant l'ancienne coutume, en présence du peuple assemblé
sur la place publique, où s'élevait un de ces ormes séculaires,
au pied desquels aimaient a siéger les cours féodales, et qui était
comme un emblème du droit de juridiction. Le jury était com-
posé de chevaliers, de damoiseaux (c'est-à-dire de nobles qui
n'avaient pas reçu l'ordre de chevalerie) et de bourgeois. Après
l'interrogatoire de l'accusé et l'audition des charges qui s'éle-
vaient contre lui, un chevalier se leva et opina pour le bannis-
sement. Un damoiseau prit ensuite lu parole, et conclut à la mu-
tilation; mais le reste des assistants, tant nobles que non nobles,
au nombre de plus de deux cents, parmi lesquels figuraient les
syndics du Lautrécois, demandèrent à grands cris que Baya fût
pendu; et cette acclamation décida du sort du coupable : ce fut
sa condamnation. Le vicomte, qui était présent, fut requis par les
bourgeois de faire rédiger par écrit cette sentence ' .
Ordinairement les bourgeois seuls prenaient part au juge-
ment des bourgeois. Cette coutume était générale; on la retrouve
vers 11 40 à Saint-Antonin en Rouergue '". Dans la charte de pri-
vilèges de cetie ville le seigneur promet de ne lever aucun droit
sur un de ses hommes, à moins qu'il ne quitte la ville à la suite
d'un délit, lequel délit devait être jugé par les hommes de la
1. Vaissele, IV, col. 124, année 1299.
2. M. de Gaujal, qui a publié la charte de» pri\ilé{^es de Saint-Ântonin en langue
romane ( Docum. inédits^ Mélanges, t. 11, p. IJ), en a fixé la date entre les années»
1140 et 1144. Celte opinion nous semble tout à fait fondée,, attendu que, dansTexeiU'
plaire latin que possèdent les Archives de l'Empire, il est dit que ces privilèges ont été
concédés de l'avi-s d'Adémar, évéque de Rode/ (1099-1144), et de Raymond, évêque
226
ville \ Il en était de même à Millaïad eu I (87, à Montpellier,
à Carcassonne -, à Toulouse^, à Moissac *^ à Gastt-lsarraziii ^, à
Montauban ", à Albi. D^ns cette dernière cité, le bayle de
l'évêque convoquait 20 bourgeois pour le jugement de chaqne
cause criminelle ^ .
Au treizième siècle, ce ne sont plus les simples bourgeois seu-
lement qui forment le jury : les consuls en font partie, soit seuls,
soit en concurrence avec les autres citoyens. Pour donner une idée
de l'exercice de la juridiction municipale, je rapporterai comment
s'instruisait à la fin du treizième siècle un procès criminel à
Limoux. Quand un crime avait été commis, on faisait une en-
quête à laquelle étaient tenus d'assister quelques-uns des con-
suls. Les consuls qui avaient été témoins de l'information , ou ,
a leur défaut, deux de leurs collègues, choisissaient des pru-
d'hommes dont le nombre, y compris celui des consuls, ne de-
(1e Toulouse, él(i en 1 140. Item, assecuramus omncs homines et feminas ville Sancti
Antonini quod si forte mansionem suam in alio loco transmutare voluerint, pec-
cuniani suam... eis nullathenus auferamus, nisipro aliqno foris/aclo cognito;
et illud forisfactum quod sit justificatum per laudamentum homtnum ville
Sancti Antonini. (Arch. de l'Emp., J. 308, n. 88.)
1. Doc. inéd., p. 21. Per arbitrium consiilum et judicis et coiiciliatoriim curie
poslquam inde clamorem acceperint , voluiuiis definiri quanluin de jiisticiis placi-
torunti cuf ia habere debeat, etc.
2. Giraud, t. 1, p. 54. Homicidia et cetera crimina quae pœnani sangiiinis irrogant,
pro arbitrio et judicio domini et sapientium vironim puniiintur.
3. Arch. de l'Emp., J. 320, n. 64.
4. Ibid., J. 305, 11. 40.
5. « Item donaverunt (consules et maxima pars tociiis universitatis opidi et ville
Caslri Sarraceni) et concessernnt ut vicarius et bajulus suus , qui lempore aderil^
possit et debeat recipere querelas seu clamores super quibuscuinqire criminibus et
confessioiies reoruni super ei.sdem , et recipere, inquirere et audire testes datos su-
per liiis seu compulses per eumdem vicarium, et ex;iminare et terminare seu dif-
Hriire causam cum eisdem consulibus, vel saniori seu majori parte consulum eo-
rumdem prout secundum justiciani eidera vicario vel bailivo et consulibus eisdem
videbilnr. » (Transaction entre les habitants et Raymond Vil au sujet des droits di'
leur consulat, 1245. Arch. de l'Emp., J. 320, n. 54.)
6. Ibid., J. 304, n. 95.
7. Sobre crinis que pena porto de sanc enquesla sera fa.sedoira.. . per lo baile del
avesque, mar sera tengutz apelar ii o très o mai dels prohomes. . . lo baile a far lo
jutgamen sera tenguz apelar dels prohomes de la ciutat almeinhs xx o mai, lo quais
creiia non esser amix , o cosis, o enemics del malfaclior jutgador, e legida ia en<piesta
davant aquels, e ausida la cofessio del meseime m.ilfaclior, demandara a casciui
dels prohomes upelatz per lui s'el malCachor sia absolvedor o punidor, o «pial causa
.sia de lui fasethjyra. Coût. d'.\lby, r2«)8. (iiraud , I, Preuves, p. îKi.
\ait pas dépasser viiifft-ciiiq. Le tribunal ainsi uoniposé faÏKtit
comparaître l'accusé , auquel on donnait lecture de l'enquête :
il présentait sa défense, ensuite le jujjje du seigneur deman-
dait à chaque prud'homme d'émettre sou avis d'après les faits
exposés à l'audience, et après avoir recueilli les voix il pix)-
nonçait la sentence conformément à la décision de la majo-
rité des jurés, qui fixaient eux-mêmes la peine', différant en
cela de nos jurés modernes , dont le rôU se borne à apprécier
ks questions de fait. L'institîHion du jury, que la révolution
française a empruntée d'uii^ manière fort incomplète aux lois
anj^laises, existait doue dan» noire piiys à cette époque que la
philosophie s'est plu à accuser de servitude et de barbarie;
l'Angleterre, qui s'appelle avec une juste fierté la vieille Angle-
terre, parce quelle n'a pas répudié , comme nous, ses vieilles
coutumes, ses vieilles mœurs, ses vieilles institutions, a con-
servé le jury qui existMit chez tous les peuples du moyen âge ^,
où il était une conséquence de la féodalité, qui avait pour prin-
cipe que tout homme libre devait être jugé par ses pairs.
Dans un grand nombie de villes du Languedoc , dès la fin du
douzième siècle, les consuls furent seuls les assesseurs des juges
seigneuriaux. Dès 1 188, à Toulouse, les bourgeois ou prud'hom-
mes ne sont appelés à juger qu'a défaut des consuls^. Les ma-
gistrats de cette puis><ante cité profilèrent des services qu'ils
rendirent à leurs comtes pendant la guerre des Albigeois pour
usurper une juridiction criminelle : mais ils n'en jouirent pas
longtemps. Alphonse la leur contesta, et finit par leur permettre
de l'exercer par prévention avec le viguier; c'est-à-dire qu'ils
eurent le droit de juger les crimes qui leur étaient dénoncés, ou
1. Libertés et coutumes de Limoiix, pabliées p.ir M. BitKairies, p. 49, cli. xm ; et
Mémoires de l'Académie de législation de Toulouse, aiitioe 185'^-1853, pag. 24o et
suivîintes ; Rapport de M. G. Demante sur un travail inédit de M. Forids-Lamotlie, in-
titulé ; Organisation judiciaire de la ville de Limoux. On remarquera que cette
procédure était la même que celle qu'on suivait à Albi. Dans cette dernière ville, on
clioisisbait les jurés parmi les bourgeois qui n'étaient ui parents, ni amis, ni ennemis
de l'accusé.
2. Il existait en Normandie. Voy. le remarquable mémoire de M. Conppey de Cher-
bourg, publié dans la Revue anglo-française, 2" série, t. 1, \u 232 et seqq., et 313
et seqq.
'.i. « Faciaui ]u!>ticiam quaui cousules l'olose judicaveiint \e\ alii probi liomiues
« Tolose si cousuli's ibi non liieriiit. ■■ (Charte de Raymond Vf, en 1188.) Calcl ,
Comtes, p. 2 te.
228
dont les auteurs avaient clé arrêtés par les sergents de la com-
mune. Philippe le Hardi leur accorda, eu 1283, la connaissance
exclusive de tous les crimes commis dans l'étendue de la cité et
de la banlieue, sauf ceux qui étaient imputés aux prêtres, aux
lïobles et aux officiers royaux. Cette juridiction criminelle leur
fut conservée jusqu'à la révolution, non sans luttes ni vicis-
situdes : ils se la virent même supprimer en 13.31 pour avoir
fait pendre, bien qu'il eût appelé de leur sentence, un écolier
qui avait manqué de révérence à un capitoul (c'était le Jiom
que portèrent les consuls de Toulouse dès la fin du treizième
siècle) ^ . Du reste, les magistrats municipaux se rendaient sou-
vent coupables de graves irrégularités dans la procédure crimi-
nelle. A la fin du treizième siècle, les consuls de Cahors payè-
rent au roi une forte amende pour avoir fait pendre un voleur,
au mépris de l'appel qu'il avait interjeté au sénéchal de Quercy ^.
La juridiction criminelle des consuls fut donc non-seulement
tolérée, mais encore accrue par la royauté du moyen âge. Quel
était le caractère de ces juridictions municipales? On a dit
qu'elles n'étaient ni royales ni seigneuriales, mais qu'elles for-
maient une classe à part ^. Cela est vrai pour le douzième et une
1. «si tamen prius querimonia super his veniret ad eos, vel si per servienles
« ipsorum in praesenti delicto depreliensi fuissent , quamvis tamen vicarins noster
« 'J'iiolosse, de consirniiibus criminibns perpetratis in civitate Tliolosœ et locis supe-
« riiis nominatis simiiiter cognitionem et judicium liabet pro notns , si primo ad eum
« venirel querimonia, vel si per servientes ejusdem vicarii caperenlur. Nos simiiiter
« oniinamus quod de caelero prœfali consules de praedictis omnibus et singulis crimi-
« nii)us Tholosae . . . , prœsente vicario nostro vel iocum ejusteneute, non tamen par-
ti tem judicis oblinente, cognoscant et judicent, etc. » Ord. III, p. 109. Voy. Lafailie,
Annales, année 1335, pag. 76, et Preuves, pag. 75. M. Pardessus avance que le mal-
heureux Calas fut condamné au supplice par les capitouis (t XXI des Ordonnances,
préfac e) , et c'est là une opinion généralement répandue. Elle n'est pas exacte. Calas
fut condamné à la question par sentence des capitouis du 18 novembre 1761 ;
appel de cette sentence fut porté au parlement de Toulouse et par Calas et par lu
procureur du roi de la ville, ce dernier appelant à miniinâ. Le parlement cassa le
premier jugement , et condamna lui-môme Calas à l'horrible supplice de la roue
(9 mars 176'2). Ainsi la mort de Calas est réellement l'œuvre du parlement. J'ai con-
sulté pour établir ces faits les copies authenliques des pièces du procès, qui furent
soumises aux requêtes de l'hôtel lors de la révision qui, le 9 mars 1765, amena la
réliabilitation de Calas. (Arcli. de l'Emp., V. 2009.)
2. Compte de recettes. Arcli. de l'Emp., K. 502.
3. Traité des seigneuries , ch. 16. « En France, outre la justice des rois et celle
n des seigneurs, il y en a une qui appartient aux villes, laquelle, pour n'être point
« émanée du roi ni exercée en son nom, quoique soiis son autorité, ne peut être
229
partie du treizième siècle , mais à partir du quatorzième siècle
elles devinrent royales ou seigneuriales, selon que la commune
dépendait du roi ou d'un seigneur * . Elles rendaient toutes la
justice au nom du roi, même à Toulouse. Ce fait est attesté par
les lettres de Philippe le Hardi de 1283 : « Les consuls, dit-il,
rendaient la justice en notre nom^. » Tous les magistrats muni-
cipaux jugeaient en la présence d'un viguier ou d'un autre offi-
cier seigneurial ou royal, qui assistait au jugement pour veil-
ler à l'accomplissement des formalités requises par la loi, mais
qui n'avait pas voix délibérative '. La présence de cet officier
devint une simple formalité; et ce fut ainsi que dès le quator-
zième siècle il y eut des tribunaux criminels exclusivement
composés de magistrats municipaux.
Les consuls de Moniauban, obligés de défendre leur juridic-
tion criminelle attaquée par le juge de Quercy, qui leur deman-
dait de montrer les titres sur lesquels elle était fondée; les con-
suls répondirent que les villes du Quercy, du Périgord, du
Toulousain et de la sénéchaussée de Carcassonne étaient en pos-
session de cette juridiction depuis un temps immémorial, sans
qu'il y ait jamais eu de concession ^. Telle était l'opinion des
« censée royale. Elle ne peut non plus être mise au rangdes seigneuriales, parce que
« ces villes ne font point d'hommage au roi. » Voy. aussi Lettre d'un conseiller
du parlement de Rouen au sujet d'un traité du comte de Boulainvilliers. Con-
tinuation des Mémoires de littérature et d'histoire {de Sallengre), t. IX, 2» partie.
Paris, 1730, in-12.
1. Dans les archives de Mirevail (Aude), il existe encore des registres contenant les
procès instruits par les consuls pendant les années 1333, 1338, 1341. Les enquêtes
commencent ordinairement ainsi : « Inlormatio facta per curiam dominorum consu-
» lum de Miravalle , judicum in causis criminalihus et in quibusdam civilibus pro
« domino nostro Francorum rege. » Docum. inédits. Mélanges, t. I, p. 35. {Rapp.
de M. de Mas-Latrie sur les archives du département de l'Aude.)
2. Ord., II, p. 109. — « Super cognitione et judicio crimiuum de quibus ipsi consu-
les vice nostra ac nomine nostri cognitionem et judicium habebanl Tholosaeet inira
terminos, de quibus erant in possessione pacitica cognoscendi et judicandi. » (Lettres
de Philippe le Hardi, 1283.)
3. « Consules sunt in possessione injurias determinandi vocato secum vicario régis,
et dictus vicaiius a sentencia lata per dictos consules appellare consuevit pro jure
et conservacione juris regii ad judicem ordinarium vel senescallum. » Montauban ,
commencement du quatorzième siècle, procès au parlement de Paris, soutenu par
les consuls pour défendre leur juridiction. (Arch. de l'Emp., J. 304, n. 95.)
4. Item, dicti consules et eorum predecessores sunt et fuerunt per tempus predic-
tum (a tanto tempore quod de contrario hominum mcmoria non extitit) in posses-
sione vel quasi per seipsos soli et in soiidum, vocalo secum vicario régis, inquirendi
230
Languedociens au commencement du quatorzième siècle , et telle
élait aussi la vérité. Mais il ne faut pas perdre de vue que, dans
le principe, les magistrats municipaux n'étaient que des asses-
seurs, et c'est dans ce sens seul que Ion doit entendre la pos-
session immémoriale dont parlent les consuls de Montauban.
La plupart de ces juridictions durèrent jusqu'en 1791, mais
modifiées, mutilées. En 1539, François P' ordonna aux juges
ordinaires de servir d'assesseurs aux consuls. On voit que les
rôles étaient intervertis. Le parlement de Toulouse protesta contre
cette mesure, qu'il regardait comme avilissante pour la magistra-
ture. Un édit de 1541 supprima les juridictions municipales',
mais il ne fut pas exécuté. Knfin un nouvel édit de 1545 établissait
que les consuls exerceraient la juridiction criminelle par pré-
vention avec les juges ordinaires. Cette mesure reçut son effet
dans le Languedoc, sauf à Toulouse, dont les antiques privilèges
furent respectés 2,
de causis criminalibus et injuriarutn, diftiniendi et deteiminancH easdem ; et dictus
vicaiiiis a sentenciie latis per dieLos coiisules appeliare coiisnevit pro jure et coiiser-
vatione juris legis ad jiidiceni ordinariuni vel senescallum Caturcensem ; et quod in
lali possessione siint et fuerunt consiiles civitatiim, castronim, et magnarum iiniver-
sitatum senescallie Petragoiicensis, CatinceDsis, Tholose et Carcassone, et aliqui ex
eis etiam de causis civilibiis cognoscendi , absqne aiiqua coiicessione seu privilégie.
(Arcli. de l'Emp., J. 304, n. 95)
J. Voy. Mémoires de l'Académie de législation de Toulouse, t II , année 1852-
1853, p. 240 et seqq.
2. Même par Louis XIV. Voy. un arrêt du conseil privé du 3 juin 1671. Leur juri-
diction fut même étendue par prévention sur les nobles. « Les capitouls sont main-
tenus en droit et possession de connaître en première instance de tous les crimes
qui se commettent dans la ville de Toulouse et le gardiage d'icelle , contre toute
sorte de personnes. . . ainsi qu'ils ont accoutumé pi-ivativement au lieutenant
criminel . . . à l'exception des causes des nobles et des cas royaux, dont le lieute-
nant criminel et autres officiers de la sénéchaussée peuvent connaître par pré-
vention et en concurrence avec lesdits capitouls. » — Documents inéd.. Mélanges
extraits des bibliothèques et des archives, t. I, p. 163. Rapp. de M. de Mas-Latrie
sur les archives de Toulouse.
Edgard BOUTARIC.
( La mite prochainement.)
CN MANUSCRIT INTERPOLÉ
DE LA
CHRONIQUE SCANDALKUSE.
Il y a un livre compté paimi les originaux du quinzième
siècle, auquel la critique ne s'est jamais nltaquée, quoiqu'il ne
soit pas de ceux qui ont le droit de passer sans examen. Je veux
parler du Cabinet de Louis XI, recueil dont se sont servis tous
nos historiens depuis Variilas, et qui a été réimprimé plusieurs
fois. J. B. Tristan Lhermite, frère de F. Lbermile l'académicien,
fit paraître ce livre en 1661, comme un hommage à M. de Guéné-
gaud dont il était l'obligé. Usant de la permission qu'avaient
alors les éditeurs de ne pas expliquer la provenance des docu-
ments qu'ils publiaient, il mit pour unique information, dans
son intitulé, que la substance du Cabinet de Louis XI avait été
« recueillie de divers archives et trésors, » de sorte qu'il restait
et reste encore à deviner quelles archives il a compulsées, quels
trésors lui ont été ouverts.
A part le titre qui est fort ambitieux et ne répond nullement à
la matière ; abstraction faite de la préface où l'auteur affiche très-
mal à propos le dessein « de montrer par quelle heureuse philoso-
« phie un grand roi sut réprimer la révolte de ses sujets et les in-
« suites de ses mauvais voisins, » le Cabinet de Louis XI n'est pas
autre chose qu'un recueil anecdotique sur Antoine de Chabannes,
comte de Dammartin, grand maître de la maison de Louis XI. On
n'y trouve , en effet , que des lettres et des mémoires relatifs aux
affaires où ce personnage fut employé, avec une sorte de com-
mentaire historique très-fort à sa louange ou à celle de ses amis,
et au contraire extrêmement défavorable à ses ennemis. Quant
à discerner la provenance de tout cela, volontiers on attribue-
232
Vait les lettres et mémoires à des recherches faites dans deâ
arcliives, comme le dit le développement du titre; mais les faits
dont le commentaire est nourri ne sont pas dans le même cas.
Non-seulement ils n'ont rien de commun avec le genre de ren-
seignements que fournissent les papiers d'archives, mais Tristan
l.hermite avoue indirectement les avoir tirés d'un auteur con-
temporain par cette locution, « la chronique prétend, la chro-
nique ajoute, » qui lui échappe plusieurs fois; et comme ces
faits ne sont dans aucun des auteurs du quinzième siècle con-
nus et consultés aujourd'hui, il faut conclure qu'une chronique
qui ne nous est pas parvenue se trouvait entre les mains de
Tristan Lherraite. La trace du même ouvrage se montre encore à
une cinquantaine d'années d'intervalle. Parmi les additions de
Lenglet-Dufresnoy à Philippe de Commines ' figure un curieux
récit de la disgrâce d'Antoine de Chabannes, récit tiré des
recueils de l'abbé Legrand, avec l'indication qu'il appartient à
une chronique manuscrite sur le comte de Dammartiu. Or, la
comparaison de ce morceau avec le premier chapitre du Cabinet
de Louis XI fait voir de la manière la plus évidente, d'un côté le
texte original, de l'autre l'abrégé; et de là il résulte non-seule-
ment que l'abbé Legrand a eu à sa disposition le manuscrit cité
par Tristan Lhermite, mais qu'il nous en a conservé un fragment
important.
Mais c'est assez de discussion sur un point à l'avantage duquel
je vais ôler toute matière à hypothèse, car l'objet de cette notice
est de faire connaître le manuscrit, non pas perdu mais oublie,
que Tristan Lhermite et l'abbé Legrand mirent jadis à con-
tribution 2. Pour n'avoir point à revenir sur le Cabinet de
Louis XI, je dirai tout de suite qu'il est tiré en entier du ma-
nuscrit en question , aussi bien les pièces que les anecdotes ;
qu'ainsi l'auteur n'a pas eu à s'exténuer, comme il le donne à
entendre, sur des monceaux de parchemins, et qu'au lieu d'être
un investigateur de trésors et d'archives, il ne faut le tenir que
pour un plagiaire de mauvaise foi. Après cela j'entre en matière,
me proposant d abord de décrire le manuscrit, ensuite de déga-
ger du texte les passages à l'aide desquels il est possible d'en
X. Mémoires de inessire Philippe de Commines, t. Il, p. 312.
2. Je dois moi-même la connaissance de ce précieux ms. à M. Lacabaue, conserva-
teur-adjoint des mss. de la Bibl. imp.
233
établir le caractère ; en troisième lieu , de rechercher de quel
auteur il est l'ouvrage; et enfin de faire conuaitre par des
extraits ce qu'il renferme encore d'inédit.
Description du manuscrit.
C'est un volume in-folio composé de 268 feuillets de parche-
min, écrit de ce grand caractère gothique de la fin du quinzième
siècle qu'on appelait lettre de forme , avec initiales peintes à
tous les alinéas , lettres historiées et miniatures. Il est doré sur
tranche, relié en veau rouge avec dorures sur les plats, intitulé
au dos : Chronique de Louis XI. Il est conservé au département
des manuscrits de la Bibliothèque impériale, coté n" 758 des
Mélanges de Clairambault. C'est en effet de Nicolas-Pascal Clai-
rambault qu'il provient, ayant été acheté en même temps que
les collections de ce généalogiste , pour le compte du roi
Louis XV.
Le frontispice, richement encadré d'une bordure de rinceaux,
de fleurons et de fruits , représente l'auteur de l'ouvrage assis
dans une chaire et écrivant sur un guéridon placé devant lui.
Son costume est celui d'un fonctionnaire d'un rang éminent
dans l'ordre civil. Coiffé d'une calotte noire , il a pour habille-
ment une robe bleue, que recouvre presque entièrement un
manteau rouge fourré de blanc et muni d'un vaste capuchon
retombant sur les épaules. Deux clercs debout , au fond du ta-
bleau, paraissent attendre ses ordres.
Le texte commence sous cette peinture même, par un prolo-
gue dont il sera parlé ci-après. A la fin du volume est consignée
la date de son exécution , avec d'autres renseignements sur les
personnes dont il est l'ouvrage ; voici en quels termes :
Cy fmistla cronicque du très craint et redoublé roy Loys, unziesme de
ce nom, laquelle je, facteur de ce livre, dont le nom ne se appert, ay faict
mectre en forme deue selon la possibilité de mon entendement ; et laquelle
a esté escripte l'an de grâce mil cinq cens et deux, le vendredi de devant
Noël, vingt-troisiesme jour de décembre, par la main de Jehan Lebourg,
natif de Vallongnes on pays de Constantin.
Ainsi notre manuscrit est un produit de l'industrie normande,
I. {Quatrième série.) 16
234
sorti de la plume d'un calligraphe de Yalogiies appelé Jean
Lebourg, et achevé dans les derniers jours de l'an 1502. L'exé-
cution a été surveillée par l'auteur de l'ouvrage, qui , tout en
consignant sa sollicitude sur ce point, n'a pas jugé à propos de
dire son nom, quoiqu'on serait bien aise de le trouver, après
avoir vu son portrait si magistralement posé en tête du livre ;
mais par modestie ou par coquetterie , ou tout bonnement pour
le plaisir de dérouter les curieux, il garde l'anonyme et déclare
qu'il le garde de propos délibéré.
Le personnage pour qui a été fait le volume ne s'environne
pas de tant de mystère. Ses armoiries, repétées de plusieurs
façons sur toutes les pages à miniatures, le désignent aussi clai-
rement que pourrait faire le protocole d'un acte notarié. Ces
armoiries, plus complètes sur le feuillet 117 qu'en aucun autre
endroit du manuscrit, sont distribuées en six écussons , savoir :
1" Un fascé d'argent et d'azur bordé de gueules, qui est Dam-
martin dans l'Ile de France;
2° Les armes de France brisées d'un bâton noueux coupé
d'argent et de gueules : blason de Louis , bâtard de Bourbon ,
gendre et amiral de Louis XI ;
3° De gueules à trois pals de vair au chef d'or chargé de trois
merlettes de gueules, qui est de Châtillon avec brisure;
4° Un parti de Chabannes-Dammartin (écartelé 1 et 4 de
gueules au lion rampant d'hermine, 2 et 3 de Dammartin, avec
Fécu précité de Châtillon posé sur le tout), et de Nanteuil (de
gueules semé de fleurs de lis d'or) ;
5» Un autre parti de Chabannes-Dammartin, comme le précé-
dent, et de ProveDce-Sicile-Anjou-Bar-Lorraine avec la brisure
d'une cotice de sable posée en barre;
6° Un troisième parti de Chabannes-Dammartin et de la bran-
che bâtarde de Bourbon.
Tout cela nous décèle la personne de Jean de Chabannes ,
fils d'Antoine de Chabannes et de ftlarguerite de Nanteuil, com-
tesse de Dammartin , issue de Châtillon ; lequel Jean de Cha-
bannes, comte de Dammartin lui-même, fut marié en premières
noces à une bâtarde de Nicolas d'Anjou, duc de Lorraine, petit-
fils du roi Bené, et en secondes noces à Suzanne de Bourbon, fille
du bâtard-amiral.
Il y a un autre écusson, plus fréquemment répété que les
précédents, et qui représente les prétentions de la maison de
235
Dammartin. On y voit par exemple, entre autres pièces, un parti
d'Angleterre et de Dammartin , accouplement dont l'idée a dû
être prise dans le roman d'Assaillant et de Girard, qui est celui
des amours d'un comte de Dammartin avec la nièce d'un roi
d'Angleterre. Jean de €habannes ne pouvait manquer d'avoir
été bercé avec cette histoire, dont il existe parmi les manuscrits
de la Bibliothèque impériale une rédaction faite exprès pour
son père ^ .
Ce Jean de Chabannes mourut vers 1503 sans laisser d'héri-
tiers directs, ce qui est cause que les insignes qui viennent
d'être décrits ne peuvent s'appliquer qu'à lui seul. Le pays
natal de l'écrivain convient encore avec ce qu'on sait de lui, at-
tendu que la dot que lui apporta sa seconde femme était consti-
tuée sur la recette de Valognes, dont le bâtard de Bourbon avait
été seigneur en son vivant.
Aucune marque n'enseigne quels ont été les possesseurs du
manuscrit entre Jean de Chabannes et Clairambault. Aux noms
de Tristan Lhermite et de l'abbé Legrand qui le consultèrent du
temps de Louis XIV, on verra ci-après s'ajouter celui d'un troi-
sième littérateur plus ancien.
II.
Critique du texte.
Le manuscrit de Clairambault serait d'un prix inestimable s il
était d'un bout à l'autre ce que semble annoncer l'échantillon
publié par Lenglet-Dufresnoy. Malheureusement ce morceau et
les autres que je ferai connaître ne sont que des interpolations
à un texte déjà connu , déjà vingt fois publié. Pour le fond,
notre chronique est conforme à la Chronique Scandaleuse ; c'est
cette chronique même dont on a essayé de remplir les lacunes
en quelques endroits, à laquelle on a ajouté ici un trait, là un
récit développé, ailleurs la copie de papiers d'affaires : tout
cela jeté le plus souvent sans soin, sans ordre, sans à-propos,
commode simples annotations qui, par le fait d'un copiste ma-
ladroit, seraient plus tard devenues des fourrures. Néanmoins
il n'est pas possible de douter que ces additions n'aient été in-
1. Ms. SHppl«5ment français, n" 1130.
16.
236
troduiles de propos délibéré dans le texte. L'auteur les a faites
pour la place qu'elles occupent et avec une prétention marquée
d'historien, puisque, à ses yeux, elles ont eu assez d'importance
pour lui permettre de s'attribuer la totalité d'un ouvrage dont
elles forment tout au plus la cinquième partie. C'est ce qu'il
déclare dans sa préface, copiée mutatis mutandis sur la préface
de la Chronique Scandaleuse.
Nous n'avons pas à nous arrêter sur l'audace de plagiaire
que tout cela dénote de sa part. Avant de lui en faire un repro-
che, il faudrait commencer par prendre à partie l'auteur de la
Chronique Scandaleuse qui, lui non plus, n'a pas fait autre chose
que de s'approprier la chronique officielle de Louis XI \ en y
introduisant, par un procédé analogue à celui de son propre
spoliateur, quelques faits particuliers de l'histoire de Paris. 11
y a à dire pour la justification de l'un et de l'autre que nos idées
en matière de propriété littéraire n'existaient point de leur
temps, et que la plupart de nos anciennes compositions histori-
ques ne sont, de même, que du pillage racheté çà et là par des
traits originaux. C'est ce que le manuscrit de Clairambault con-
tient d'important en ce genre qu'il s'agit d'indiquer d'abord
d'une manière sommaire, et en dégageant tous les renseigne-
ments que l'interpolateur donne sur sa personne ou sur ses
moyens d'information.
Tandis que l'auteur de la Chronique Scandaleuse annonce dans
sa préface qu'il commença à prendre note des événements eu
1460, étant âgé de trente-cinq ans, l'autre dit qu'il avait vingt-
six ans lorsqu'il se mit à écrire, et qu'il prit son début à l'avé-
nement de Louis XI (22 juillet 1461).
L'auteur de la Chronique Scandaleuse croit devoir s'excuser de
ce qu'il écrit l'histoire sans avoir qualité pour cela : « Com-
« bien, » dit-il, « que je ne veuille ne n'entens point les choses
« cy-après escriptes estre appelées, dictes ou nommées cronic-
« ques, pour ce que à moy n'appartient et que pour ce faire
« n'ay pas esté ordonné ne ne m'a esté permis ; mais seulement
» pour donner aucun petit passe-temps aux lisans, regardans ou
1. J'ai traité cette question après l'abbé Lebeuf, dans une notice sur le chroniqueur
Castel, véritable auteur de la Chronique de Louis XI, ou du moins préparateur d'une
partie des matériaux avec .lesquels elle a été c.om'poaée.. Bibliofh. de l'Ecole des
chartes, t. il (première série), p. 40.
237
« escouluus icelles; en leur priant humblement excuser et sup-
« ployer à mon ignorance, et addresser ce que y seroit mal mis
« on escript : car plusieurs desdictes choses sont advenues en
« tant de diversitez et façons estranges, que moult pénible chose
« auroit esté à moy ou aultre de bien au vray et au long escri-
« pre la vérité des choses advenues durant ledit temps. » Notre
auteur copie la dernière phrase sur la difficulté qu'il aurait eue
à consigner tous les événements ; mais, loin de l'amener par la
considération qu'il n'était pas en position d'être bien informé, il
en restreint, au contraire, la conséquence par l'aveu qu'il était
en lieu propice pour savoir le vrai des choses : « Jaçoit, dit-il ,
« que je fusse notaire et secrétaire dudit seigneur (Louis XI) à
« escripre la vérité desdictes choses advenues oudit temps, dont
« je pensoye estre seur, pour ce que alors j'estoye serviteur
« d'ung homme qui sçavoit des secretz dudit seigneur et aultres
« choses faicles oudit temps : au moyen duquel service je fuz
« constitué oudit office de secrétaire. » Ainsi il était secrétaire
de Louis XI et en même temps attaché à la maison d'un confi-
dent du roi, au crédit duquel il devait sa charge de secrétaire.
Le commencement de la Chronique Scandaleuse est d'une pau-
vreté extrême. Elle débute par le récit des accidents qui défrayè-
rent les conversations des Parisiens en l'an 1460 , raconte en-
suite la mort de Charles VII et l'avènement de Louis XI, saute
par-dessus les deux années 1462 et 1463, sous prétexte que dans
tout ce temps « ne survindrent guères nouvelles qui fussent de
« grant mémoire, » et arrive ainsi au 15 mai 1464, où la chaîne
des événements commence à se dérouler sans interruption.
Le début du manuscrit de Clairambault diffère essentiellement
de celui-là. Après le prologue, voici comment l'auteur entre en
matière :
« Et est assavoir que pour mon premier commancement, qui fut l'an
mil quatre cent soixante-un , ouquel an décéda ledit bon roy Charles à
Mehun sur Yèvre, lequel durant son resgne chassa et mist hors de son
royaulme de France les Angloys, ses anciens ennemys, lesquels contre
droict et raison occupoient ledit royaulme de France; et réduisit à la co-
ronne les duchés de Guienne et de Normandie que tenoient lesditz Angloys.
Et aussi pour ce que durant sondit règne furent faitz plusieurs grants faiz
de guerre par Anthoine de Chabannes, conte de Dampmartin, j'en ay
volnntiers voullu mettre aucune chose par escript. »
■23g
Là-dessus il indique la défense de Louviersen 1430, et raconte
au long la bataille livrée près de Bàle contre les Suisses en
1444 , deux actions où Antoine de Chabannes s'était effective-
ment distingué. Le récit de la bataille est copié mot pour mot
dans la chronique Martinienne , ou plutôt dans la continuation
de celte chronique imprimée pour Vérard : circonstance qui mé-
rite d'être relevée ici parce que la continuation de la Marti-
nienne, pour toute la partie qui concerne le règne de Charles VII,
est le registre des exploits d'Antoine de Chabannes. C'est un
point établi par l'abbé Lebeuf * .
Notre auteur, après avoir achevé son emprunt, conclut en ces
termes :
« Lesquelz fais cy-devant couchés, je fuz chargé mettre et insérer par
« escript, ensemble d'autres charges données audit conte par le roy Loys ,
« lesquelles j'ay mises en escript en ce présent livre, et mesmement depuis
« ledit advèneraent ; ensemble les services qu'il a faicts au royaulme. »
Ainsi c'est par l'ordre de quelqu'un qu'il fit cette interpolation
aussi bien que les suivantes, dont Tune des principales est ame-
née par la suite du récit :
a Audit an mil quatre cent soixante et ung , fut mené sacrer à Raîms
« Loys^ unziesme de ce nom, roy de France, et lilz dudit bon roy Charles;
« et fut sacré par l'arcevesque nommé Jouvenel, en la compaignie de plu-
« sieurs grans seigneurs de son sang. Et incontinant après ledit sacre
« furent faiz au roy plusieurs faulx et mauvais rappors dudit conte de
« Dampmartin, par aucuns ses ennemys et malveillans, disans que si le
« roy le povoit tenir, qu'il feroit manger le cueurde son ventre à ses chiens.
'. Desquelz faulx rappors ledit conte fut fort estonné et courroucé en son
« cueur... «
Cette dernière phrase commence le fragment de Lenglet-Du-
fresnoy, oii sont racontées d'une manière si dramatique la dé-
fection des serviteurs d'Antoine de Chabannes et la trahison de
ses vieux compagnons d'armes qui, loin de se prêter à intercé-
der pour lui comme il les en priait , allèrent solliciter secrète-
ment le partage de sa dépouille.
Un récit non moins circonstancié des vengeances exercées
t. Mémoires de V Académie des inscriptions et belles'lettres, t. XX, p. 224.
2Vd
contre sa personne et ses bieus occupe les années 1462 et
1 463, avec d'autres faits sur lesquels il est inutile d'insister, parce
([ue toutes ces circonstances seront rapportées textuellement à
Ja suite de cette notice. Je signalerai seulement une réflexion
que fait notre auteur à l'occasion de la naissance de Jeanne de
France, seconde fille de Louis XI, « laquelle, dit-il, le roy depuis
« contraignit Lojs, duc d'Orléans, à force et soubz le daugier de
< sa personne, de la prandre par forme de mariage pour estre sa
« femme ; ce que jamais ne se put faire, pour ce qu'il n'y donna
« point de consentement. »
Une pareille chose,, qui n'a pu être dite qu'après le divorce des
deux époux prononcé par l'Église dans les derniers jours de
1498, donne la certitude que la rédaction du manuscrit de Clai-
rambault n'en précéda la transcription que de peu de temps,
puisque celle-ci fut accomplie en 1 502.
La conformité entre les deux chroniques commence en 1464,
à l'endroit que j'ai signalé comme la véritable entrée en matière
de l'auteur de la Chronique Scandaleuse ; mais le secrétaire de
Louis XI ne tarde pas à reprendre son originalité par le grand
nombre d'épisodes qu'il ajoute au récit de la guerre du Bien pu-
blic. Les détails qu'il donne sur l'évasion d'Antoine deChabannes
détenu à la Bastille seront lus par tout le monde avec le plus
vif intérêt '; il n'y a rien de plus romanesque dans toute l'his-
toire de la sinistre forteresse. L'aventure, réduite à deux lignes
dans le Cabinet de Louis XI, occupe plusieurs pages du manus-
crit ; on peut la regarder comme écrite sous la dictée du fugitif
lui-même, car l'auteur a soin de dire qu'il était présent à une
conversation où Antoine de Chabannes en fit le rapport au roi.
« Et sçay ces choses estre vrayes, pour ce que quant le conte
« de Dampmartin fut retourné en la bonne grâce du roy, il en
« fut assermenté ; et estoye présent quant il nomma au roy les
« dessusditz qui lui avoient fait service après son eschappe-
« ment. »
Les autres points sur lesquels insiste l'interpoleur sont l'expé-
dition de Louis XI en Bourbonnais , les intrigues du duc de
Nemours parmi les confédérés du Midi, la trahison vraie ou
fausse de Charles de Melun qu'il ne mentionne pas une fois sans
lui imputer un grief ou lui décocher une injtire, au contraire de
1. ci-après, p. 266.
240
la Chronique Scandaleuse qui n'en parle qu'a\ec considération.
Comme il cite une déposition recueillie à Rodez contre le même
Charles de Melun, c'est signe qu'il eut entre les mains les pièces
du procès à la suite duquel ce malheureux eut la tète coupée en
1468.
Le comte de Dammartin rentre en faveur par un article spécial
du traité de Saint-Maur (29 octobre 1465), et dès lors toutes les
grâces que lui fait le roi, toutes les commissions dont il est chargé,
sont enregistrées soigneusement dans notre chronique; mais l'au-
teur ne paraît pas toujours tenir le fil des affaires dont il voudrait
consigner la mémoire. Telle lettre qu'il transcrit n'est pas mise
à la date convenable ; telle autre qu'il ne comprend pas, il l'attri-
bue à une négociation secrète ; enfin il ne donne pas signe de
beaucoup d'intelligence, ou bien il vise à étendre la matière sans
beaucoup de discrétion, lorsqu'à propos du traité de Péronne
(1468) il introduit textuellement celui d'Arras (1435), et cela
parce que Louis XI écrivit de Péronne à Antoine de Chabaunes
une lettre qui était accompagnée de la copie de ce traité.
Le récit de l'année 1469 est remarquable en ce que la rédac-
tion de la Chronique Scandaleuse disparaît complètement pour
faire place encore une fois aux mémoires particuliers d'Antoine
de Chabaunes, chargé cette année-là de rétablir l'ordre dans le
Midi, que le comte d'Armagnac avait mis tout en feu. Cette par-
tie, moins anecdotique que ce qui a trait à la guerre du Bien
public , paraît avoir été faite uniquement avec les papiers
conservés par la famille. L'auteur n'avait pas accompagné
le comte de Dammartin dans son expédition, se trouvant pour
lors employé auprès du roi. Cela ressort d'un passage où il dit
qu'il assista à l'inventaire exécuté après la saisie des biens du
cardinal Balue : « Ses robes et ung peu de mesnaige fut vendu
« pour payer les fraiz des officiers et commissaires qui avoient
« vacqué à faire ladicte inventoire ; et le sçay pour vérité, pour
« ce que j'estoie présent à le faire. »
A partir de 1470 il ne cesse plus de se traîner sur la Chroni-
que Scandaleuse , mais toujours en intercalant des choses à
l'honneur d'Antoine de Chabaunes ou bien des anecdotes de son
propre cru. Ce qu'il rapporte de la réduction d'Amiens (1471), de
la défense de Beauvais(l472), de celle du Quesnoy (1478), de la
bataille d'Enquinegatte (1479), ajoute beaucoup à l'histoire
connue de ces événements. Je n'en dis pas autant de ses insinua-
241
lions contre Louis XI à propos de la mort du duc de Guyenne :
c'est de lui que paraît dériver le récit consacré de cette mort
mystérieuse; mais l'emprunt lui en a été fait depuis très-long-
temps, car plusieurs de ses expressions se trouvent déjà dans les
Annales d'Aquitaine de Jean Bouchet , outre que l'auteur du
Cabinet de Louis XI les a reproduites textuellement. Il n'y a
donc rien de neuf à tirer de lui sur ce point.
Je noterai encore deux témoignages qu'il porte sur lui-même,
se mettant en scène à l'occasion du siège d'Amiens, où il dit
que le roi l'envoya « pour veoir comment il y estoit servi, » et
une autre fois à l'an 1 475 pour rapporter le bon mot que voici ,
supposé que cela soit un bon mot : « Et ay esté présent, moy
failiste de ce livre , que le gouverneur de Lymosin , nommé
Gilbert de Chabanues, quant il fut retourné d'une ambassade
où le roy l'avoit envoyé par devers le duc de Bourgogne, dist
au roy qu'il avoit oy dire audit duc que, pour suy venger du
roy, il avoit esté contraint espouser une putain. » C'est sur
Marguerite d'York, seconde femme de Charles le Téméraire, que
tombe cette honnêteté conjugale ; et, circonstance plus digne de
remarque ici , un neveu d'Antoine de Cbabannes est l'auteur du
propos rapporté.
En voilà assez pour qu'on sache à quoi s'en tenir sur la nature
et sur l'esprit du manuscrit de Cairambault. Les interpolations
à la Chronique Scandaleuse dont il est plein ont pour but la plus
grande gloire du comte de Dammartin , soit qu'on y parle à
l'avantage de sa personne , soit qu'on loue ses parents ou qu'on
déverse l'odieux sur ses ennemis, comme Charles de Melun, le
duc de Nemours, et d'autres. En outre le travail a été exécuté
entre 1499 et 1502. Rapprocher ces deux circonstances, c'est
nommer la personne qui a mis à l'œuvre notre interpolateur. La
rédaction aussi bien que la transcription a été commandée par
Jean de Cbabannes. Quant à l'homme de lettres sur qui tomba
le choix de ce seigneur, nous savons de lui :
r Qu'en 1502 il portait le manteau rouge attribué aux mem-
bres des cours souveraines , puisque c'est ainsi qu'il est peint
au frontispice du manuscrit ;
2° Qu'il avait été secrétaire de Louis XI, placé près de ce roi
à l'âge de vingt-six ans par un homme en, crédit dans lequel il
est bien difficile de ne pas reconnaître Antoine de Cbabannes ;
3" Qu'il assista à l'inventaire du cardinalBalue en 1469;
242
4° Qu'il eut unemissiou à Amiens en 1471 ;
5° Qu'il dut incliner pour le parti du duc de Guyenne dans
les démêle's de ce prince avec le roi , à cause des soupçons qu'il
laisse planer sur sa mort.
Nous allons voir si ces données peuvent nous conduire à quel-
que chose de plus précis.
IIL
Recherche du nom de l'auteur.
Il s'agirait d'abord de découvrir le nom « qui ne se appert »
de notre mystérieux chroniqueur.
Il était présent à l'inventaire du cardinal Balue, et justement
le compte de la confiscation Balue nous a été conservé. Il fait
partie des manuscrits de la Bibliothèque impériale (n. 4936
A. 4. 4), On y voit que l'inventaire fut dressé par deux greffiers
du Châtelet , Henri Le Wast et Jean de Koye , sous les yeux de
la commission chargée d'instruire le procès du cardinal ; que
dans cette commission, composée de hauts fonctionnaires, un
secrétaire du roi nommé Jean de Moulins tenait la plume , tandis
que Pierre de Lailly , autre secrétaire du roi , y était attaché
comme agent comptable ; enfin qu'un troisième secrétaire du roi,
sans avoir été pourvu de mandat spécial, remplaça le secrétaire
en titre de la commission : ce que prouve l'attache des commis-
saires jointe à la nomination de Pierre de Lailly et signée « Jehan
Le Clerc » , qui est le secrétaire dont je veux parler * .
Voilà donc trois secrétaires du roi, Jean de Moulitis, Pierre de
1. Voici la teneur de cette pièce :
« Les commissaires ordonnez par le roy, nostre sire , à faire le procès du cardinal
d'Angiers , veues par nous les lectres patentes dudit seigneur auxquelles ces présentes
sont atachées soubz l'un de noz signefz, par lesquelles et pour les causes dedans con-
tenues icelui seigneur a commis et ordonné M' Pierre de Lailly, son notaire et secré-
taire, à tenir le compte et faire recepte et despense des biens tant deniers, joiaulx,
vaisselle, linge, tappicerie, comme autres biens meubles qui appartehoient au c^
d'Angiers, à telz gaiges et sallaires qui par ledit seigneur ou nous lui seront pour ce
tauxez et ordonnez, et dont ledit de Lailly sera tenu rendre compte en la cbambredes
comptes dudit seigneur, quant il appartiendra : consentons l'entérinement et acom-
plissement desdictes lettres, tout ainsi et par la forme et manière que ledit seigneur
le veult et mande par sesdictes lectres. Donné soubz nosditz signetz, le XXl^ jour de
février l'an mil cccc soixante-neuf. Ainsi signé, J. Le Clerc. »
213
Lailly et Jeau Le Clerc, employés dans l'alïaire de la coulisca-
tion à des litres qui justifient leur présence à l'inventaire. Si l'un
de ces personnages réunit sur lui , à l'exclusion des deux autres,
les circonstances énoncées à la fin du paragraphe précédent, il
y aura grande probabilité que les mots « j'estoye présent à faire
ladicte inveutoire » lui conviennent, et certitude à peu près com-
plète que notre inconnu a cessé de l'être.
Il vivait en 1502.
Or Pierre de Lailly , notaire et secrétaire de Louis XI, créé
receveur général des finances en 1473, mourut en 1482, comme
l'indiquait l'épitaphe de son tombeau placé aux Innocents * .
Jeau de Moulins, maire de Poitiers en 1464, avocat du roi
près cette ville en même temps que secrétaire , avait cessé de vivre
en 1 500 , puisque ses enfants se partagèrent sa succession le
15 janvier de cette année -.
Reste Jean Le Clerc, qui, lui, vivait encore en 1502. J'ai eu
sous les yeux plusieurs cédules de sa main , dont une datée de
1 507 ^ . Il s'y donne la qualité de clerc des comptes ; de sorte
qu'en recourant au registre matricule des officiers de la chambre
des comptes, j'ai pu vérifier que Jean Le Clerc, secrétaire du roi,
fut pourvu le 2 décembre 1475 d'une charge de clerc (c'est ce
qu'on a appelé depuis auditeur), laquelle il cessa d'exercer en
octobre 1476 pour la reprendre le 16 juin 1496 et la garder cette
fois jusqu'au 18 décembre 1510, où elle passa, par sa mort, à
son fils nommé Jean Le Clerc comme lui "*.
Cela commence à convenir à l'auteur anonyme de notre manus-
crit. Mais au costume du personnage que représente ce manuscrit,
peut-on reconnaître un clerc des comptes ?
1. Bibl. imp.. Cabinet des titres, v° Lailly.
2. D'Hozier, Armoriai général.
3. « L'en doit entre les gaiges des gens des comptes au Trésor du Roy nostre sire,
à Paris, à naaistre Jehan Le Clerc, clerc ordinaire dudit seigneur en sa chambre des-
dictz comptes, à cause de ses gaiges qui sont de 6 s. p. par jonr, pour les mois de
janvier, février et mars derrenier passez, contenant 91 jours entiers à cause du bi-
xeste, 27 liv. 6 s. p. Item, à cause de ses droiz d'escripture, qui sont de 30 1. p. par
an, pour le dit temps faisant ung quartier d'an et moictié du terme S. Jehan-Baptiste
prouchain venant, 7 1. 11 s. p. Pour tout, la somme de 34 1. 16 s. p. Escript ou dit
Trésor, le 3» jour d'avril l'an 1507, avant Pasques. Corretin. Quam summam una
cum summa decem libr arum paris, pro mets juribus lignorum quarterii anni
de quo supra, habui a Petro Daniel commisso, etc. Lié et anno prsedictis. J. Le
Clerc. » Bibl. imp,, Cabinet des titres.
4. Bibl. imp., ms. Siippl. fr., n. 882,
244
Oui, car il est affublé d'un manteau à capuchon fourré , coufor
mément aux anciens statuts qui prescrivaient aux clercs mariés de
la chambre des comptes d'aller m mantellis foratis et capucia
forata aussi bien à la ville qu'au palais * .
Son manteau est rouge , et le rouge était , du temps de
Louis XII, la couleur des officiers de la chambre des comptes ^.
Enfin, il est escorté de deux commis, et la grande ordonnance
de 1454 sur l'organisation de la chambre des comptes prouve
que les clercs de cette cour avaient d'autres clercs à leurs or-
dres ^ .
La conformité entre Jean Le Clerc et l'inconnu s'augmente
ainsi d'un trait nouveau.
Jean Le Clerc, appelé à la chambre des comptes en 1475, y est
remplacé six mois après. A quoi attribuer cette jouissance pas-
sagère d'une position qui, après tout, devait satisfaire l'ambition
du secrétaire de Louis XI, puisqu'il y rentra plus tard et y ter-
mina ses jours ?
Des lettres patentes de Louis XI vont nous éclairer sur ce
point ; je les transcris, vu leur importance :
Loys, etc., sçavoir faisons que nous confians à plain des sens, souffisance
et loyaulté, prudhommie et bonne dilligence de nostre amé et féal conseiller
et médecin maistre Jacques Coictier ; considérans les bons, grans, continuels
et recommandables services qu'il nous a longuement fait etfaict de jour en
jour en son office et estât de médecin et espérons que encores plus face ou
temps advenir, iceluy, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons
créé et créons clerc ordinaire en nostre chambre des comptes, et luy avons
donné et octroyé, donnons et octroyons l'office ordinaire de nostre clerc des
comptes que tient de présent maistre Jehan Le Clerc, lequel nous en avons
deschargié et deschargeons par ces présentes , tant parce que nous avons
esté deument informez qu'il a eu, ou vivant de feu nostre frère le duc de
Guyenne, intelligence et parolle avec luy de nous abandonner et aller de-
1. Dissertation sur la chambre des comptes, par Michel Le Chanteur, p. 94 (ia-i",
1765).
2. « Et en la compaignie de son entrée, après que les quatre religions mendiennes
• furent venuz au-devant de luy à l'entrée de ladicle ville , devant ledit seigneur
« naarchoient les seigneurs des comptes vestuz d'escarlate , moult noblement appoin-
« tez chascun selon son estât, et leurs huyssiers devant eulx. » L'entrée du très
chrestien roy de France Loys douziesme de ce nom; gothique, 1498.
3. « Nul des présidens des comptes, maistres ou clercs, ne pourra admener en la
'< chambre ne au pourpris d'icelle aucuns clercs pour y séjourner ou résider sans le
« congié du bureau. »
245
mourer avecques nostre dict frère, que pour autres causes ad ce nous mou-
vans, pour lesquelles causes nous avons declairé et déclarons icelluy ofGce
estre vacant, etc. Donné le xxxe de septembre mcccclxxvj.
Prestitit juramentum et receptus fuit ad burellum in caméra compo-
iorum domini régis ad officium quo infra, die vij mensis octobris, anno
Domini mcccclxxvj. Signé Le Blanc '.
Ainsi Louis XI destitua Jean Le Clerc à cause de l'affection
qu'il avait portée au feu duc de Guyenne, et le ton de notre
auteur racontant la mort du même prince est celui de l'attache-
ment ; de sorte que sur ce point l'identité mise en avant prend
encore de la consistance.
Jean Le Clerc fut-il envoyé à Amiens après la réduction de
cette ville, c'est-à-dire en février ou mars 1471, conformément
à ce que le chroniqueur témoigne de lui-même?
Bien que nous ayons le registre des dépenses du roi pendant
les premiers mois de 1 47 1 , source où il est le plus naturel d'aller
chercher un pareil fait en l'absence du témoignage des histo-
riens; bien que ce registre relate l'envoi de plusieurs personnes
à Amiens ; aucun secrétaire n'y figure comme ayant été chargé
de ces commissions, qui toutes sont portées sur le compte des
chevaucheurs d'écurie ou courriers d'office. Toutefois, il est à
remarquer que Jean Le Clerc, nommé plus d'une fois dans le
même registre, y apparaît comme l'homme de confiance du roi
à ce moment-là. Il réside constamment auprès de sa personne;
lui rend mille petits services de valet de chambre, d'économe et
de confident, autant que de secrétaire ; en un mot, semble être si
bien celui aux yeux de qui Louis XI devait avoir recours « pour
voir comment il était servi, » que si la mission à Amiens ne peut
pas se démontrer, elle est très-présumable.
Par d'autres raisons qui aboutissent encore à une très-grande
probabilité, il est permis d'attribuer à Jean Le Clerc ce que nous
avons déduit tant du prologue que des interpolations du manus-
crit Clairambault, au sujet de l'auteur devenu secrétaire de
Louis XI par la faveur d'Antoine de Chabannes.
La conséquence nécessaire de la protection d'Antoine de Cha-
bannes est que son homme ne dut être investi de l'office en ques-
tion qu'à la fin de 1465 au plus tôt, puisque lui, Antoine de Cha-
1. Ms. Fontanieu, n. 138 (Bibl. imp.), d'après le mémorial P. de la chambre des
comptes, foi. 354.
246
bannes, fut et demeura, jusqu'au traité de Saint-Maur, l'ennemi
le plus détesté de Louis XI. Eh bien, ce qu'il est possible de re-
cueillir sur Jean Le Clerc est tout à fait d'accord avec cette don-
née. Son nom comme secrétaire du roi ne paraît au bas d'aucune
ordonnance avant 1466 * ; il ne se libéra qu'entre 1472 et 1476
du droit de marc d'or, que chaque secrétaire était tenu de payer
pour son institution ^ ; enfin , un extrait des registres détruits
de la chambre des comptes, conservé par Gaignières^, constate, à
la date du 6 février 1466, la somme de cinq livres cinq sous, don-
née « à maistre Jehan Le Clerc, notaire et secrétaire du roy nostre
« sire, au Pontaudemer, pour estre venu devers ledit seigneur » :
gratification sans analogue sur le même compte, et qui a tout
l'air d'être le prix de sa bienvenue au moment où il allait com-
mencer l'exercice de ses fonctions dans les circonstances les plus
favorables pour un protégé du comte de Dammartin ; car le roi
Tenait d'entrer en Normandie pour reprendre sur son frère cette
province qu'il avait lâchée avec une peine inouïe au traité de
Saint-Maur, et que les intrigues d'Antoine de Chabanues contri-
buaient à lui rendre, à sa grande joie, au bout de deux mois.
Si toutes les apparences sont pour qu'on assigne la même date
à la nomination de Jean Le Clerc et à la rentrée en grâce du
comte de Dammartin , il existe la preuve que la disgrâce du
secrétaire eut lieu au moment même où le roi commença à con-
cevoir de nouveaux sujets de haine contre le premier ministre
de sa maison. Cette punition infligée en 1476 à Jean Le Clerc
pour ses relations avec le duc de Guyenne, mort en 1472, tient,
on n'en peut pas douter, à des renseignements qui étaient venus
aux oreilles du roi par le procès de Louis de Luxembourg, et que
celui du duc de Nemours, commencé en 1476 , promettait
d'éclaircir davantage. Le comte de Dammartin et tout son
monde y était fort compromis. Le roi frappe tout d'abord l'agent
inférieur ; il destitue Jean Le Clerc le 30 septembre ; le lende-
main 1" octobre, il écrit au geôlier du duc de Nemours « de le
« faire gehenner bien estroit » pour qu'il parle, pour qu'on
obtienne de sa bouche tout ce que n'a pas dit le connétable ; et il
ajoute : « Si nostre chancelier n'eust eu peur de descouvrir son
1. La première pièce dans ce cas est un naandat des généraux des finances rendu à
Orléans le 22 mars 1466. Ordonn. des rois de France, t. XVl, p. 463.
2. Tessereau, Hist. de la chancellerie, t. 1, p. 54.
3. Ms. Gaignières 772-2, t. H, à la Bibl. imp.
247
« raaistre le comte de Dampmartia et luy aussi , il n'eust pas
« fait mourir le connestable sans le faire gehenner \ » Le duc
de Nemours, mis à la torture, parla en effet contre le comte de
Dammartin ", et mérita ainsi l'aversion qui se trahit dans plu-
sieurs passages de notre chronique.
Je me résume.
Jean Le Clerc fut notaire et secrétaire du roi postérieurement
à la guerre du Bien public, fut employé dans l'affaire de la con-
fiscation du cardinal Balue, jouissait de toute la confiance du
roi au moment de la réduction d'Amiens, partagea la faveur et
les disgrâces du comte de Dammartin, était attaché en 1502 à la
chambre des comptes. Il a tous ces points communs avec l'au-
teur des interpolations du Ms. de Clairambault. C'est assez, si
je ne m'abuse, pour conclure l'identité, et pour affirmer que « le
faitiste de ce livre dont le nom ne se appert » est Jean Le Clerc
lui-même.
Comme jusqu'ici l'histoire s'est tue sur Jean Le Clerc, pour
compléter cette dissertation je crois utile de consigner ici , en
manière de biographie, tous les renseignements que j'ai pu me
procurer sur sa personne.
IV.
vie de Jean Le Clerc.
Il paraît avoir appartenu à une famille de finance dont un
membre, appelé Jean comme lui, était en 1 404 administrateur
du grenier à sel de Dreux. Le motif sur lequel je fonde cette
affinité est que le grenetierde Dreux avait un cygne pour armes,
et que notre Jean Le Clerc en avait trois ^. Après cela je trouve
plusieurs Jean Le Clerc: un, surnommé le Jeune, qui était
secrétaire de Charles VII , greffier de la cour des aides et fabri-
cieu de la paroisse Saint -Gervais à Paris en 1453 ''; un autre
qui était procureur du roi en Nivernais en 1461 ^ ; mais sans
1. Lenglet-Dufresnoy, Preuves à Commines, t. III, p. 490.
2. Ibid., p. 518 et suiv.
3. Voir leurs cachets sur les cédules originales de la Bibl. inip., Cabinet des titres.
4. Cabinet des titres de la Bibl. imp.— Arch. de l'Emp., L, 164.
5. Ordonn. des rois de France, t. XV.
248
pouvoir dire si ces gens-là tenaient au secrétaire de Louis XI par
quelque lien de parenté. Ce dernier, par le témoignage du Ms.
de Clairambault, où il dit avoir été ûgé de vingt-six ans lorsqu'il
fut mis auprès du roi, serait né vers 1 440 ; par conséquent il était
au début de sa carrière à l'avènement de Louis XI (22 juillet
1461). Il servait alors dans la maison d'Antoine de Cliabannes,
comte de Daramartin. Il dut être témoin de cette scène lugubre
([u'il raconte lui-même, laquelle eut lieu à Meun-sur-Yèvre,
dans le château où venait d'expirer Charles VII , lorsque An-
toine de Chabannes, pressentant les vengeances du nouveau roi,
« demanda à ses gens et serviteurs, qui de longtemps l'avoient
« servy et auxquels il avoit fait moult de grans biens, s'ilz es-
« toient délibérez de le servir comme ilz avoient accoustumé, et
« de eulx en aller avec luy hors du royaulme, pour esviter la
« fureur du roy et la haine qu'il avoit à luy ; et la plus part
« d'iceulx luy respondirent que non, et qu'ilz ne se mettroient
« point en dangier pour luy ' . »
Jean Le Clerc fut nécessairement du petit nombre de ceux qui
restèrent fidèles. En supposant qu'il alla se cacher avec son
maître au château de Bort en Limousin, qu'il l'accompagna
ensuite à Bordeaux où Antoine de Chabannes alla implorer inu-
tilement son pardon en 1462, que de Bordeaux il s'enfuit en
Navarre afin de pourvoir à sa propre sûreté : on aura l'explica-
tion d'une circonstance fort singulière établie par un passage du
Ms. de Clairambault : c'est que l'interpolateur de la Chronique
Scandaleuse savait le basque, ou du moins qu'il en avait appris
quelques mots, puisqu'il cite un proverbe en cette langue ^.
Antoine de Chabannes languissait cependant à la Bastille. Un
arrêt du parlement l'avait dépouillé de tous ses biens et con-
damné à la prison, jusqu'à ce qu'il eût consigné une somme
énorme comme caution d'un bannissement à perpétuité qu'il
devait subir dans l'île de Rhodes * . Mais il trouva moyen de
s'évader en 1465, au moment où commençait l'insurrection du
Bien public, et il courut se joindre à Moulins aux révoltés du
Midi, qui avaient pris rendez-vous auprès du duc de Bourbon.
Les amples détails que donne Jean Le Clerc sur les mouvements
1. Fragment du ms. Clairambault, imprimé d'après la copie de Legrand dans le
Comminesde, Lenglet-Dufresnoy, t. Il, p. 312.
2. Voir ci-après le récit de la guerre du Bourbonnais en 1465.
3. Lenglet-Dufresnoy, Commines, t. II, p. 334.
249
jn Bourbonnais ne permettent pas de douter qu'il n'y soit veau
retrouver son maître, sans doute à la suite des bandes pyrénéen-
nes qui formaient l'escorte du duc de INemours. Amené par
Antoine de Chabannes sous les murs de Paris avec toute l'armée
des confédérés, il aurait obtenu, dans la distribution de faveurs
qui termina les troubles, l'office de secrétaire dont nous le
trouvons pourvu au mois de février 1466, lorsqu'il va rejoindre
Louis XI à Pont-Audemer * .
Jean Le Clerc fut d'abord attaché au comité des finances qui
travaillait sous les yeux du roi et l'accompagnait dans ses voya-
ges. 11 y a trace de son séjour à Orléans en mars 1466 et à
Chartres en juillet 1467. Il eut à surveiller dans cette dernière
ville l'exécution d'une grâce faite par le roi à un prince de la
maison de Foix ^. En 1468, il fut envoyé à Paris pour recueillir
les pièces et papiers qui devaient servir de texte aux délibérations
des États généraux convoqués à Tours '\ Peut-être eut- il une
commission du même genre dans l'instruction du procès crimi-
nel intenté peu de temps après à Charles de Melun. Les pour-
suites contre Charles de Melun étaient l'effet d'une vengeance
personnelle d'Antoine de Chabannes, quoique notre auteur
cheiche à en déverser l'odieux sur le cardinal Balue. Nous avons
vu qu'il avait une connaissance toute particulière de cette affaire
par un document qu'il rapporte.
En 1469, cent livres furent allouées à Jean Le Clerc pour un
voyage de Montilz-lez-Tours en Flandre et en Hollande ^, sans
doute auprès de Charles le Téméraire, qui passa les mois de
juillet et d'août de cette année à visiter ses bonnes villes de
1. CWessns, p. 246.
2. Voici la cédule qui constate ce fait. Elle est au Cabiuet des titres de la Biblio-
thèque impér. : «Je, Jehan Le Clerc, notait e et secrétaire du roy nostre sire, cerliffie
à tous qu'il apartient que le jour d'uy, en ma présence, a esté baillé et délivré con-
tent, pour et ou nom de maistre Nicolas Arlant, conseiller dudit seigneur et trésorier
du Languedoc, à messire Jehan de Foix, viconte de Nerbonne, la soninae de 275 1. 1.
en 200 escuz d'or, que le roy nostre sire luy avoit donnée et fait bailler ce dit jour
comptant, pour lui aidier à soy deffraier de la despence qu'il a faicte en ceste ville de
Chartres. En tesmoing de ce, j'ay signé ceste présente certifficacion de mon seing ma-
nuel, le 2" jour de juillet l'an 1467. J. Le Clerc. »
*3. « A Jehan Le Clerc, notaire et secrétaire du roy, 16 1. 10 s. pour aller à Paris tou-
chant aucunes matières qui se doivent traictier en l'assemblée des trois estais qui se
tient à Tours. » Extraits de la cliambrc des comptes recueillis par Gaignières , ms
11. 772-2, t. H, à la BJbl. imp.
4. ma., fol. 472.
I. (Qiialrième sMe) 17
25(1
Flandre et de HoUande ', sans doute aussi pour lui parler dit
cardinal Balue qui venait d'être arrêté à sou tour et mis en
accusation. Il faut que dans cette mission, et dans les autres qui
lui avaient été confiées, Jean Le Clerc ait fait preuve de diligence
et de capacité, car nous le voyons à son retour installé auprès
du roi comme l'agent préféré et indispensable. Le 20 septembre
1469, Briçonnet, banquier de Louis XI à Tours, écrivait a
M. Bourré du Plessis, tréî«orier de France : « Toujours sauray
« des nouvelles par Mgr. De la Forest, et par maistre Jehan Le
« Clerc qui fait continuelle résidence '. » Cette assertion est
pleinement confirmée par les documents, et encore plus pour les
années 1470 et 1471 que pour 1469. Sans parler des nombreuses
ordonnances au bas desquelles figure le nom de Jean Le Clerc %
on voit par les registres des Comptes qu'il était le compagnon
dont le roi usait le plus volontiers pour faire ses promenades
d'Amboise à Tours et de Tours au Plessis. Dans ces excursions,
Jean Le Clerc tenait la bourse et fournissait aux largesses de tout
genre que le libéral monarque répandait sur son chemin. Un
jour il donne le pour-boire à des maçons que le roi était allé
voir travailler à Amboise "' j une autre fois il récompense magni-
fiquement des courriers qui avaient apporté de bonnes nou-
velles ^ ; ou bien c'est une église à laquelle Louis XI veut laisser
un souvenir de sa visite " ; de pauvres petits pèlerins qui implo-
rent sa charité "^ ; une fille sans fortune à qui il fait son cadeau de
noces *; une femme dont le mari a été brûlé, et qui vient devant
lui déplorer son malheur " ; des paysans qui veulent bien prêter
1. Itinéraire du duc de Bourgogne, parmi les preuves au Commines de Lenglet-Ou-
fresnoy, t. H, p- 194.
2. Lettre originale dans Gaignières, ms. 373, fol. 87.
3. Ordonn. des rois de France , t. xvn , p. 266, 280, 308, 320, 330, 347, 366,
386, 60i.
4. Arcli. de l'Eaap., K. registre 294, 26 mai 1470.
5. Bibl. imp., suppl. franc., n. 1499, foi. 214 et 231.
6. Quinze escus devant l'iniaige de Nostre-Daiiie du Carme à Tours. 28 déc. 1469.
(Archives imp., r. c.) Un escu pour faire dire une haute messe en l'église de N. D. de
Bonnes Nouvelles à Orléans. (Ms. de la Bibl. impér., suppl. fr., 1866-2, fol. 18.) Treize
écus à S. Martin deCandes. (Suppl. fr., 1499, fol. 231, 4 juillet 1470.) •
7. Un ducat à cinq pauvres enffans pellerins allans à Saint-Micliiel , estans sur le
chemin devant Saincte-Katherine. (Arcli. de l'Emp., r. c. 26 mai 1470.)
8. Arch. de l'Emp., reg. cité, 26 mai, donné quinze escuz.
9. Ms. Suppl. Ir., 1499, fol. 231, 4 juillet 1470.
251
ieurs chiens pour une partie de chasse ' ; un vieux malelol que
le roi accosle pour le faire parler de l'état de sa marine "'. Avec
Louis XT, il fallait sans cesse avoir l'argent à la main; c'était
l'aliment de sa conduite privée comme le ressort de sa politique;
toutes les idées qui lui venaient, sérieuses ou bouffonnes, se
traduisaient aussitôt p^ir de la dépense. Il apprend un jour que
plusieurs des gentilshommes de sa maison n'avaient pas d'ar-
mures ; incontinent il envoyé Jean Le Clerc acheter des écritoires
pour les pendre à la ceinture de ces chevaliers pacifiques ^.
Quelque plaisir que le roi trouvât en la compagnie de son
secrétaire, il ne laissait pas néanmoins que de l'employer de
temps en temps à des commissions assez lointaines. Au mois de
janvier 1 470, il l'envoya d'Amboise porter une lettre à l'abbé de
Fontdouce, près de Cognac ^. A peine était-il revenu de ce voyage
qu'il le fit remettre en chemin pour offrir, de sa part, un cierge
de cent quarante-quatre livres devant la statue de Notre-Dame
de Selles en Poitou. Cette offrande faite , Jehan Le Clerc devait
porter à Angoulême et à Poitiers des lettres adressées aux lieu-
tenants-du roi dans ces villes, avec des instructions écrites et
orales pour faire crier le ban et arrière-ban par tout le pays ^ .
Louis XI voulait que la noblesse de l'Ouest fût réunie en armes
pour le mois de mars, s'attendant à ce que le beau temps amène-
rait du nouveau.
De grandes affaires où notre lettré eut beaucoup de besogne
signalèrent effectivement l'année 1470. Elles commencèrent par
l'arrivée du comte de Warwick, qui, chassé de son pays, vint se
jeter à refuge sur la côte de Normandie. Le roi, qui voulait con-
certer avec ce seigneur le renversement de la maison d'York ,
l'accueillit dans son infortune et ouvrit table d'hôte pour lui et
pour sa suite à Gran ville, à Barfleur, à la Hogue. Son intention
était de lui fournir prompteraent de l'argent et des armes pour
1. Ibid.,M. 241, 16sept. 1470 :« Dix escus d'or pour donner aux bonnes gens qui
admenèrent leurs mastins audit seigneur pour cliasser an lieu de Chasteaux-i'Ermi-
tagc. «
2. Ibid., fol. 238, sept. 1470 : « Huit livres cinq sous baillés du sien à ung marinier
à Avranclies, auquel ledit seigneur demanda d'aucunes choses de la mer. «
3. Ibid., fol. 238 : « A M' Jehan Le Clerc 27 s. 6 d. pour avoir achecté plu-
sieurs escriploueres pour donner à aucuns des gentiiz hommes de son hostel, pour
icelles porter en lieu de ce qu'ilz n'avoient point de harnoiz. »
4. Ms. de îa Bibl. imp., suppl. fr., 2J4.
5. Ibid.
17.
252
le renvoyer en Angleterre y prendre sa revanche de la révolu-
tion qu il avait manqué d'accomplir une première fois. Le tréso
rier Bourré et l'amiral de France, qui avaient charge de faire les
fournitures/ ne purent s'en acquitter sitôt que le roi ne perdît pa-
tience. Pour accélérer les choses , il partit lui-même et vint ,
sous prétexte d'un pèlerinage au mont Saint-Michel, rôder aux
abords du Cotentin. Comme il ne vouliiit pas tiop se mettre à
découvert, Jean Le Clerc fut Thomme dont il se servit pour se
mettre en rapport direct avec ses agents, et hâter des préparatifs
dont la lenteur le torturait. Il ne tarda pas d'apprendre par lui
que la cause du retard apporté au départ des Anglais était la
présence d'une flottille bourguignonne dans les eaux de la Man-
che, et que, pour peu que ce retard se prolongeât, tout l'argent
amassé pour l'expédition serait mangé sur le continent ' . Jean
Le Clerc lui ayant rendu ces nouvelles à Avranches, il eut bien-
tôt pris son parti de faire armer tout ce qu'il y avait de na-
vires disponibles dans les ports de Normandie pour donner la
conduite à l'escadre de Warwick. Le prétexte allégué pour justi-
iier cet armement fut la nécessité de défendre l'embouchure de
la Seine, où des actes de piraterie s'étaient commis jusque dans
les ports d'Harfleur et de Honîleur. Le roi écrivit dans ce sens à
Dammartin, en lui donnant à entendre que l'armée qu'il com-
mandait pourrait devenir nécessaire à la défense de la Nor-
1. Minute d'une lettre de Bourré à Luuis XI, dans te ms. de Gaignière» 374, fol. 5 :
« Sire, j'ay receu les lectres qu'il vous a pieu de m'escripre par raaistre Jehan Le Clerc,
et ay oy ce qu'il m'a dit de par vous. Et au regart de l'argent que j'ay, je le bailleré
tout à M. de Varvubic, ainsi qu'il vous a pieu me mander. A ce que dictes que m'aviez
mande que je le lui baillasse, je vous asseure, Sire, que jamais n'en eii leclres de vous
jusques à lundi derrain, que la Ilote desBourgoignonsestoit jà devant Barfleu et à la
Hogue, pour quoy M. de Warvuhic n'estoit délibéré de paitir. Et pour ce que vous
me commandastes de bouche et par instruction signée de vostre main, de entrer en
ses navires, aussi que depuis le m'avez escript, et pareillement que M. le gouverneur
de Rouxiîlon m'a dit que telle estoit vostre entencion, j'ay dissimulé le plus que ay
peu, combien que à l'afivée dudit maistre Jehan Le Clerc il en avoit jà eu plus de
12200 escus, ainsi que avoit esté advisé par vos gens, pour le mieulx, penssant qu'il
s'en diist aler ; mes qui eust [»enci! que la flote des Bourgoignons s'en fust retournée,
je croy qu'ils n'eussent pas esté d'opinion qu'il eust tant eu; car en effect, autant eu
aroit, autant en de'^pendroit; et s'il l'eust eu si tost que lui et aucuns qui sont icy le
vouloient, il y a bien grant temps qu'il n'en y eust pas ung escu, et eussiez esté à re-
commancer Sire , depuis ces lectres faictes, raaistre Jehan Le Clerc est revenu de
Barileu, qui vous dira l'oppinion de voz gens qui y sont, et qu'ilz m'ont fait savoir,
«ur ce que leur aviez escript de l'argent. •>
253
maïidie, et qu'il s allcMidit bienlôl u se voir appelé duii moment
à l'autre. Cette lettre, expédiée d'Avranches le l" août 1470,
est imprimée dans le Cabinet de Louis XI ; elle fut écrite de la
main de Jean Le Clerc.
Le duc de Bourgogne ne prit pas le change sur les dispositions
du roi : charmé d'avoir une occasion de rupture qu'il cherchait
depuis longtemps, il fit saisir sur le marché d'Anvers, dont la
foire se tenait en ce moment, toutes les denrées apportées par
des marchands français. Louis XI , au lieu de s'emporter sur
cette provocation, temporisa pour lui donner la tournure d'un
gros procès qu'il lit instruire dans les règles. Il convoqua par
devers lui les notables de toutes les villes marchandes pour
s'adresser à leur sensibilité, et faire naître par eux le cri public
que le duc de Bourgogne avait manqué à sa foi et ne méritait
plus que le roi lui gardât l'observation du traité de Péronne.
Jean Le Clerc fut envoyé, au mois de septembre, à Rouen et à
Caen porter « aux bourgeois et habitans desdictes villes lettres
closes de par le roy, à ce qu'ils fissent venir en la ville de Toins
devers ledit seigneur deux des plus notables de leurs marchands,
pour savoir leur opinion sur le fait des foires d'Anvers * . »
La guerre qui sortit de là permit aux Français de recouvrer
Amiens par un coup de main heureux. La joie de cette conquête
ou plutôt la craiute de la perdre lit de nouveau abandonner au
roi le séjour de la Touraine. Il vint à Noyon surveiller ses géné-
raux, comme il était venu à Avranches surveiller les agents de
l'expédition anglaise. C'est alors qu'il donna à son secrétairt
cette commission dont il est parlé dans le manuscrit de Clairam-
bault. Il est certain que Jean Le Clerc était à Coinpiègue le
10 février 1471 2. Le duc de Guyenne y était aussi, car il fut
de ce voyage. Là commencèrent sans doute les relations qui de-
vinrent plus tard si funestes au secrétaire du roi.
La série des registres des comptes, interrompue depuis le
milieu de 1 47 1 , ne permet plus de suivre d'aussi près les pas et les
démarches de notre auteur. Nous apprenons par un extrait qu'à
la fin de l'hiver 1474 il voyagea en Picardie pour percevoir un
emprunt de plusieurs milliers de livres tournois qui avait été
contracté par Louis XI, tant sur Antoine de Chabannes qui rési-
1. Ms. (le la Bibl. iini)., Siippl. Ir., n 1499, loi. 190.
2. Ordonn. des mis de trame, t. XV II, p. 386.
254
dait alors eu son château de Dammartin, que sur les habitants
des villes de Senlis, Beauvais, Compiègne, Laon et Meaux'.
Eniin il arriva le 2 décembre 1475 à cette place de clerc ordi-
naire en la chambre des comptes, qui était l'objet de l'ambition
des secrétaires du roi. Elle était fructueuse. Outre les exemp-
tions de dîmes, d'octrois et de péages qu'elle entraînait avec soi,
outre un fixe de 125 livres qui y était attaché, outre les livrai-
sons de gants . de manteaux et de bois à brûler, qui commen-
çaient dès lors à se faire en espèces, mille profits quotidiens
naissaient des transactions soumises à renregistrement de la
cour. Ainsi, sur les mutations des propriétés roturières en Nor-
mandie, les clercs des comptes avaient leur droit appelé stipes
et nobis ; ils avaient leur Champagne sur la vt'nte des offices de
prévôté en cette province; presque toutes les adjudications de
receltes affermées leur rapportaient également, etc., etc. Tout
cela formait une augmentation de traitement qu'on appelait « le
fief des gens de comptes, » et dout les parties prenantes savaient
seules le produit '.
De ces beaux émoluments, Jean Le Clerc ne toucha pas autant
qu'il aurait voulu; car comme il entrait dans sou onzième mois
d'exercice, sa destitution survint. Les causes de cette disgrâce
ont été suffisamment expliquées ci-dessus; il ne me reste qu'à
en dire les conséquences, qui ne furent pas aussi graves que le
pauvre homme aurait pu le craindre d'abord.
Le duc de Nemours, malgré l'envie qu'il aurait eue de se sauver
en perdant le comte de Dammartin, n'articula pas contie lui la
preuve d'une trahison consommée, mais seulement de ces griefs
qui annoncent un homme ébranlé momentanément dans son
devoir. Le roi , trèsirrité au premier abord , fut porté par la
réflexion à mettre tout cela en oubli, eu égard surtout aux
grands services qu'Antoine de Chabannes lui avait rendus aus-
sitôt après la mort du duc de Guyenne. Son courroux contre
.Jean Le Clerc fut également passager. Il ne lui rendit pas sa
place de la chambre des comptes, parce que Jacques Coictier
n'était pas un homme qu'on pût dessaisir de ce qu'il tenait;
mais il le réintégra dans son office de secrétaire, et y joignit,
aux termes d'une ordonnance de Charles VTIl, « la charge de sa
I. Ms. Gîiignière^ 772-'i, fol. filO-
*2Ô5
chambre, argenterie, eseuyerie et payement de sa garde', -
c'est-à-dire que Jean Le Clerc eut le maniement des fonds des-
tinés à l'entretien de Ihabillement et de l'ameublement du roi ,
à celui de ses chevaux et à la solde des Écossais qui composaient
sa garde du corps. Il continua en outre à être chargé, comme
par le passé, de commissions et d'ambassades; mais plus à son
honneur qu'à son profit, car le même document ajoute que,
" desditz voiaiges, ambassades et autres charges, il n'eut jamais
« laxacion ne récompense. » Le roi lui faisait ainsi payer par
des services gratuits un retour de conliance qui fut d'ailleurs
aussi complet que possible, à en juger par une de ces commis-
sions dont nous avons le titre ^. Ce sont des lettres patentes
adressées à Jean Le Clerc le 19 janvier 1477, lendemain du jour
où Louis XI apprit la mort de Charles le Téméraire. Elles inves-
tissent ledit Le Clerc de pouvoirs suffisants pour se présenter dans
les villes de Paris, Senlis, Compiègne, Laon, Beauvais, Langres
et Chartres, ainsi qu'au marché de IVleaux. Quoique ces localités
soient affranchies des tailles et contributions affectées au paye-
ment des gens de guerre, toutefois, vu la gravité des circons-
tances, il aura à tirer d'elles, sous couleur de prêt, diverses cotes
«élevant à la somme de 9,(500 écus d'or. En cas de refus, il
exercera la contrainte et, les sergents royaux appelés, fera pro-
céder immédiatement à la saisie chez les plus riches des récalci-
trants.
Ce voyage tant soit peu proconsulaire, joint au contre-seing
de plusieurs ordonnances rendues dans le cours de l'année 1 480,
sont les seuls témoignages sur Jean Le Clerc pendant la vieil-
lesse de Louis XL Comme la promotion de Jacques Coictier à la
présidence des comptes ne lui fit pas ravoir son bureau de
clerc, objet toujours présent de ses regrets, il se mit en mouve-
ment aussitôt que le roi eut les yeux fermés, se promettant bien
d'être plus heureux sous son successeur. Effectivement , il ma-
nœuvra si bien, qu'il fit passer pour intrus, contre son propre
droit, le dernier clerc des comptes nommé par Louis XI, et
qu'il amena le grand conseil à statuer sur cette contestation \
1. Bibl. imp., Cabinet des titres.
2. Docum. inéd. sur l'iiist. de France, Mélanges, t. I, p. 710.
3. Arcli. del'Emp.jK. 76 : « Le 22* jour de mars 1484 (1485) à Evreux, Cliaries VJli
«ojjfifma l'appointement l'ait par M. le chancelier et le grand conseil touchant l'ol-
256
La nature de l appointement n'est pas spéciliée, mais on peut con-
jecturer quel il était, tant d'après une ordonnance du 14 mai
1491 *, que d'après le tableau d'inscription des clercs aux
comptes que nous avons déjà cité. En effet , l'ordonnance de
1491 attribue à Jean Le Clerc la qualité de clerc ordinaire, tt
constate que depuis le 30 septembre 1484 il reçut les gages de
cet office; d'un autre côté, le tableau d'inscription le repré-
sente comme réintégré au même office seulement le 16 juin
1496. Que faut-il inférer de cette contradiction apparente, sinon
que, pour apaiser le débat, le grand conseil avait fait plier les
règlements de la cour et constitué dès le 30 septembre 1484, en
faveur de Jean Le Clerc, une charge de clerc en sus du nombre
voulu, charge tout à fait transitoire, que sa mort ou celle de
son compétiteur devait éteindre.
J'achève de faire sortir de l'ordonnance du 14 mai 1491 tout
ce qu'elle renferme d'intéressant potir la vie de Jean Le Clerc.
Elle intervint sur une requête de l'infatigable pétitionnaire, qui,
non content de se voir réintégré en dépit des lois et règlements,
voulut encore rentrer dans les huit années de traitement que sa
destitution lui avait fait perdre. C'était là, non pas un acte de jus-
lice, puisqu'il réclamait de l'argent qu'il n'avait pas gagné, mais
une pure faveur, que le roi voulut bien lui accorder à condition
qu'il produirait un certificat du trésor comme quoi, depuis sa
destitution sous le feu roi jusqu'à sa rentrée à la chambre des
comptes, il n'avait effectivement rien louché des gages et pro-
fits attachés à l'office de clerc. Nicole Gilles, qui était algrs se-
crétaire des trésoriers de France, donna l'attestation demandée.
Il Qst curieux de voir réunis dans le même acte les noms de ces
deux personnages, tous deux fonctionnaires d'un ordre élevé dans
l'administration des finances, tous deux littérateurs dans le genre
historique. C'est pourquoi je rapporte la teneur de cet écrit,
inséré dans l'ordonnance en question :
Je Nicole Gilles, notaire et secrétaire et clerc du trésor du roy nostre
sire à Paris, certifie à tous que, depuis !e septiesme jour d'octobre 1476
jusques au premier jour d'octobre 1484, lesditz jours excludz, n'a esté fait
ou baillé à maistre Jehan Le Clerc, clerc des comptes ordinaire dudit sei-
fice de clerc ordinaire des comptes, que maistre Gi!es Cointin et Jean Le Clerc coulos-
toient. » Mémorial S, fol. 123.
I. Bil)!. imp.jCabiiiel des litres.
257
iiiieiir, aucune lettre de debentur dudict trésor^ pour cstre paie des gaiges
et (Iroiz de son dit ottice de clerc desditz comptes, du temps dessus dit,
pour oe que, durant icelluy temps, le roy Loys, que Dieu absoille, Tavoit
(lescliar^é et desappoincté de son dicl ofGce, comme ;ippert par les livres et
registres dudit trésor. En tesmoing de ce, j'ay signé ceste présente cerliffi-
cacion de mon seing manuel, le 17* jour dejuing l'an 1491. Ainsi signé :
Gilles.
J'ai déjà parlé de la réintégration officielle de Jean Le Clerc,
qui eut lieu le 16 juin 1496. Elle arriva par vacance d'une
place qui n'était pas celle de son compétiteur, sans doute parce
qu'on voulut faire cesser le plus tôt possible l'abus consacré par
l'appointement de 1484 : autrement il ne serait rentré en posses-
sion de son titre qu'en août 1501, car c'est alors seulement que
mourut ce compétiteur, qui avait été, comme lui, secrétaire de
Louis XI et qui s'appelait Gilles Gourtin.
Les derniers faits qui se placent dans la vie de Jean Le Clerc
sont, en 1498, un voyage à l\îontpellier, où son administration
l'envoya pour apurer les comptes du Languedoc * ; en 1499, une
commission qui lui fut décernée en compagnie de quelques au-
tres personnages des comptes pour arbitrer sur un différend
survenu entre le contrôleur général des finances et son délégué '";
enfin le remaniement de la Chronique de Louis XI, qui, d'après
le pas.sage relatif au divorce de Louis XII, et la souscription
tinale du Ms. de Clairambault, n a pu être fait qu'entre les an
nées 1499 et 1502. Or de 1499 à 1502 il survint dans la maison
de Dammartin des choses si graves, qu'il est impossible que,
d'une manière ou d'une autre, elles n'aient point influé sur ce
travail.
Pendant que Louis XH préparait les moyens de faire casser
sou mariage, il eut avis que Jean de Chabannes gardait des
lettres de Louis XI à son père, qui constataient la violence faite à
lui Louis XII, n'étant alors que duc d'Oriéans, pour épouser la
princesse Jeanne de France, contrefaite et malsaine. Il écrivit à
Jean de Chabannes pour avoir communication de ces pièces.
Jean de Chabannes, marié, comme nous l'avons vu, à Suzanne de
1. Bibl. imp .Cabinet des titres. «Jean LeClerc, comme aiMlileur des comptes du roi
en Languedoc, signe un mandat sin' le gienetier de Pont-S. -Esprit payable à G. Bon-
dillion, pour un voyage de S, -Esprit en ceste ville de Montpellier. » 5 juillet 1498.
2. Dissertation sur la Chambre des comptes, par Michel Lecliantenr, [i. l'25.
258
Bourbon , avait pour son malheur une belle-mère impérieuse, et
qui ne manquait aucune occasion de mettre le trouble dans son
intérieur. Déjà ils étaient en contestation pour la dot promise
à Suzanne de Bourbon, et dont la mère retenait par devers
elle le plus qu'elle pouvait. 11 ne faut pas oublier que cette dif-
ficile personne était fille bâtarde de Louis XI : à ce titre, le
divorce du nouveau roi ne lui plaisait pas; elle y voyait un
outrage à la mémoire de sou père, et un affreux malheur pour
une sœur qui était la bonté et la vertu mêmes. Informée que
son gendre était requis de livrer les fameuses lettres, elle lui
écrivit de n'en rien faire, et que s'il. le faisait, il s'en repentirait.
Pour lui faire pièce, le comte de Dammartin envoya au roi,
sous la même enveloppe, et les lettres qu'il lui demandait, et
celle où sa belle-mère lui faisait si bien laleçon. Là-dessus grande
colère de madame l'amirale. Elle alla disant partout que son gen-
dre était un faussaire qui avait fabriqué ces lettres pour la perdre
et faire le bon serviteur en déshonorant le feu roi. Puis elle fei-
gnit de se radoucir, et alla l'été suivant demeurer quelque temps
au château de Saint-Fa rgeau, oii sa fille avait coutume de passer
la belle saison avec son mari. Ceci se passait en 1499. Soit pen-
dant, soit après cette visite, le comte de Dammartin fut pris un
soir de convulsions affreuses. Une grande maladie s'ensuivit,
dont il ne releva jamais; car, après avoir langui pendant deux
ans, il mourut. Or on prétend qu'avant qu'il rendit l'àme, un
de ses domestiques se jeta à ses pieds et lui confessa qu'il l'avait
empoisonné, à la suggestion de sa belle-mère. Le moribond aurait
pardonné le crime, mais après avoir fait instrumenter par un
notaire la déposition de l'assassin \
Tel est le conte que l'on faisait au seizième siècle et où il
est possible qu'il y ait bien des choses controuvées; mais néan
moins il ne saurait mentir à l'égard de cette longue maladie à
laquelle succomba Jean de Chabannes , et l'époque de la rédac-
tion de la Chronique se trouve ainsi cadrer avec celle de la ma-
ladie. Jean de Chabannes n'avait plus d'enfant; nul doute que,
se sentant mourir, il n'ait voulu , avant de quitter ce monde ,
préserver de l'oubli la mémoire de son père, dont il prévoyait
que personne ne se soucierait plus guère après lui. Pour cela il
I Ménjoire nuiiiiiscrit sur An(oino et .Uan de Cliabanucs, îliM. imp , lis. Bé
8-Ki7.
259
s'adressa à uti nncien familier du comte de Dammartin, dont
rinstruction et la part qu'il avait prise aux affaires semblaient
lui garantir l'aptitude. Le travail répondit-il à ses vues? put-il
seulement lui être soumis? C'est ce qu'il est impossible de dire.
Nous n'avons pas la date de son décès; nous savons seulement
que sa femme était veuve en 1503; elle pourrait l'avoir été dès
1502, avant que Jean Lebourj? eût achevé sa transcription. Il est
certain d'autre part que l'ouvrage de Jean Le Clerc porte la
marque de la précipitation. Quoique l'on ne s'improvise pas
historien à soixante ans passes, beaucoup de traits d'esprit qui
distinguent ses annotations, certains passages plus soignés que
les autres et où le récit prend un véritable intérêt, donnent à
penser qu'il était capable de mieux faire, s'il se fût recueilli da-
vantage; mais l'envie de ce moribond qu'il fallait contenter à
toute force l'aura obligé d'aller un train de poste, sans choisir
les moments d'une mémoire qui n'était peut-être plus bien pré-
sente.
Jean Le Clerc mourut à la lin de 1510, ûgé par conséquent
de soixante-dix ou soixante-onze ans. Son lils, nommé Jean
comme lui, le remplaça le 31 décembre de la même année dans
les fonctions de clerc et correcteur des comptes, qu'il conserva
jusqu'en 1532.
Extraits du manuscrit.
Les extraits qui suivent se composent uniquement de pas-
sages inédits. Il eût été inutile de reproduire ce que Lenglet
Dufresnoy et Tristan Lhermite ont déjà publié; mais lorsque des
récits importants ont été par trop abrégés dans le Cabinet de
Louis XI, j'ai cru devoir les rendre avec toutes leurs circons-
tances et dans leur langage original.
Poiirsuitos contre Antoine de Chabannes.
Au mois d'octobre ensuivant (i46i), w. roy s'en alla au pays dt?
ïhouraine, et list mettre hors de prison du chasteau de Loches le duc
d'Alençon. Puis se partit de Thouraine et son alla en voyaige à Saint-
260
Sauveur de Redoii en Bretagne, ou le duc le receut grandement. Et,
après ce, le roy s'en alla à Bourdeaulx, où il traicta le mariage de
Magdaleine de France, sa seur, avec Gaston de Foiz, aisné filz du
conte de Foiz, prince et héritier présomptif du royaulme de Na-
varre.
Auquel lieu de Bordeaulx se trouva le conte de Dampmartin en
ung jour de vendredi aoré i, et se getta à genoulx devant le roy. en luy
suppliant qu'il luy pleust le laisser vivre du sien en son royaulme. Et
le roi luy comença à dire : « Comment, conte de Dampmartin , vous
osez vous trouver devant moy, veu que vous avez eu charge de mon
père de prendre mes gens 1 « Et le dit conte luy dist : « Sire, sçay
mon 2, car il estoit mon seigneur et maistre. Et prens Dieu à tesmoing
se bien et loyaument ne vous ay servy du temps que vous estiez dau-
phin ; et n'est point encorez ma voulenté morte envers vous. » Mais le
roy luy fist response de deux choses l'une, c'est assavoir lequel il ay-
moit mieuix, justice ou miséricorde? Et il luy respondit : « Sire,
j'ayme mieulx justice 3. » Et alors le roy dit : « Je vous bannis de mon
royaulme. » Et pour s'en aller le roy lui donna douze cens escus, qui
luy furent délivrés par les mains de monseigneur de Cominges, qui
l'avoit fait entrer en la chambre du roy.
Et après que le dit conte eut ouy la response du roy, il s'en alla es
Allemaignes, où il fut grant espace de temps et jusquez à ce que ung
nommé maistre Jehan Vigier, nepveu dudit conte, qui depuis fut es-
vesque de Lavaur par le moyen dudit conte 'i. Et envoya le dit Vigier
1. c'est-à-dire le vendredi saint, 16 avril 1462.
2. Comme on a dit aussi à savoir mon; locutions équivalentes à en vérité.
3. Cela est rapporté un peu différemment dans l'arrêt de réhabilitation du comte de
Dammartiii (13 août 1468) : « Dictus de Chabannes certioratus de sno facto... eriiu
nos Burdigale, tune existentes, se transtulerat, ac post(|uam apud nos se bene et dé-
bite e\cusaverat de et super eo quod sibi pruîdicUis de Meloduno et alii sui malevoli
torcionarie et inique imposueranl, nos, scientes dictam accusationem contra ipsum
de Chabannes, odio plus quam aliter factam fuisse, sibi très oblationes fieri fecera-
mus; quarum prima erat, si dicius àa Chabannes alicubi extra regiium nostrum
ire veliet, quod nos de boc contenti essemus, absque aliter in personam suam alteii-
tari faciendo; et secunda ipsarum oblationum cxistebat, si ipse dt» Chabannes in
nostro magno consilio justitiam subire et in ea se fonere veliet, quod ci rationem
(ieri laceremus, atqne in suis justificationibus et defensionibus audiretur; et tertia
liujiis modi oblationum talis fuerat, quod, si dictus de Chabannes, in dicta nostra
parlamenli curia venire praediligebat, nos contenti cramus quod in ea sibi ratio (ieret.
Quam ultimam oblationem idem de Chabannes .. acceptaverat. « Lenglet-Dufrcs-
poy, Preuves à Commines, t. il, p. 338.
4. La phrase est ainsi inachevée dans le Ms. (in voit, d'après l'arrêt de condamna-
'261
uDg sauf-conduit audit coule pour soy venir rendre en la Consiergerie
pour estre purifié des charges à lui imposées, à cause qu'il estoit desja
cryé à ban par le royaulme, à la requeste de ses haigneux et malveil-
lans. Et aussi la pluspart de ses arays auxquelx il avoit fiance et qui luy
pouvoient ayder, luy mandèrent qu'il devoit venir pour soy justifier, et
qu'ilz lui ayderoient à soubstenir son bon droit. Lesquelx entendant ^ le
neu de la matière, lui mandoient qu'il n'y avoit point de cas eu luy
pourquoy il deust mourir, et qu'il ne s'en justifiast bien par bonne jus-
lice. Et quant le dit conte sceut les nouvelles, comme soy pensant es-
tre pur et innocent de tous crimes, espérant que justice et raison luy
seroit faite, se vint rendre en la Consiergerie du palais à Paris, non
obstant que ce fust estre le gré d'aucuns de ses amys, pour ce qu'ils
savoient que ses ennemys avoient grant auctorité envers le roy, les-
quelx injustement l'avoient accusé.
Et demanda le dit conte, pour commissaire à le mener en la ditte
Consiergerie, le lieutenant du bailly de Lyon; ce qui fut fait; et passa
par Thoucy 2. Auquel lieu il manda à aller vers luy Loys du Solier et
Voyau, auxquelz il parla de ses affaires, et leur chargea qu'ilz se ren-
dissent le lendemain au giste vers luy, à Saint-Mathuriu de Larchant;
ce qu'ilz firent.
Tentatives des fils de Jacques Cœur pour faire abolir la condamnation
de leur père 3.
En la ditte année mil THF LXII'i, le conte de Dampmartin se ren-
dit prisonnier de sa volunté en la Conciergerie du palais à Paris. Et
après qu'il eust esté assez longuement, fut mené en la bastide Saint-
Anthoine. Et lui estant en icelle , l'archevesque de Bourges , fils de
Jacques Cueur, et ses frères, cuidèrent trouver moyen de faire abolir la
sentence donnée contre ledit Jacques Cueur, par le roy Charles sep-
tiesme tenant son lyt de justice, et son grant conseil. Et de ce faire re-
quirent lesdits Cueurs monseigneur du Lo, Waste de Montepedon, lors
lion du 20 août 1463, que Jean Vigiur assistait Antoine de Cbabannes, comme avocat,
devant le parlement. Lenglet-Dufresnoy, ibidem, p. 332.
1. Entendaient dans le Ms.
2. Toucy dans l'Auxerrois, seigneurie que Cbabannes avait eue de la conCscation de
Jacques Cœur.
3. On ^e rappellera qu'Antoine de Cbabannes fut le plus acbarné des persécuteurs
de Jacques Cœur, et que la plupart de ses richesses lui venatient de la confiscation de
cet illustre financier.
4. Il y a, 1463 par erreur, dans le Ms.
26-2
l>ailly de Rouen, Charles de Meleun, et plusieurs auHres grans person-
nages ; lesquieulx conspirèrent entre eulx de partir et diviser les biens
dudit conte de Dannpmartin. Laquelle sentence le roy ne voulut estre
abolie, pour ce que justement elle avoit esté donnée contre ledit Cueur ;
et aussi que les faitzdu roy Charles septiesme, père du roy Loys, avoient
esté si bien approuvés par grande et meure délibération de son conseil,
où estoient les présidents de Torrette et de Nanterre, et plusieurs au-
tres grans et saiges conseilliers du royaulme; et qu^ilz disoient qu'ilz
estoient d'oppinion que, par forme de droit, on ne pouroit aller contre
ladite sentence ; et encore estoient d'oppinion la plus grande partie des
plus saiges du royaulme, que ledit Jacques Cueur devoit perdre le corps
et les biens. Et si remonstrèrent au roy lesditz présidens que s'il abolis-
soit laditte sentence qui estoit juste et raisonnable, qu'il fauldroit que
les sentences qui seroient données de là en avant par luy et les autres
roys, ses subcesseurs, pourroient estre après leurs descès déclairés de
nulle effect et valleur, et que cela touchoit totallement à sa majesté
royalle touchant les arrestz qui par son grant conseil pourroient estre
donnez contre ceulx qui auroient forfait contre luy.
Et aussi vouloient iceulx Cueurs faire vuyder le fraudeleux appel
qu'ilz avoient par avant intergetté pour raison de laditte sentence contre
eulx donnée, jaeoit ce qu'ilz avoient eu trestous de leur franche volunté
ledit arrest pour aggréable. Et ce qui les mouvoit ad ce faire estoit pour
ce quilz avoient le procès de leur père entre lez mains, duquel ilz avoient
osté plusieurs cayers, où estoient les principalles charges qui estoient
contre ledit Jacques Cueur. Mais après que le procès eut esté veu, fut
trouvé en icelluy aucuns cayers couppés. Et estoit la mynutte en l'ostel
de Gueteville, qui avoit esté greffier du grant conseil. En laquelle my-
nutte y avoit plusieurs choses au désavantaige dudit Cueur, qui n'es-
toient en la grosse de son procès : parquoy ledit procès demoura en
Testât quil estoit. Et en oultre furent trouvées unes lettres que ledit
Jacques Cueur escripvoit au roy, luy estant à Rome, par lesquelles il
confessoittous les cas à luy imposés, requérant au roy par icelles lettres
quil luy voulsist faire grâce et pardon ; ce qu'il ne voulut accorder, en
ensuivant l'oppinion de tout son conseil, pour ce qu'il avoit mérité
une plus grant pugnition. Mais le roy, de grâce espécialle et à la re-
queste de monseigneur de Rourbon, du conte de Dampmartin et autres
seigneurs, donna des biens dudit Jacques Cueur à ses enfants, comme
la Chaussée, la maison de Rourges et autres héritaiges.
263
Inlurmalion sur le mariage de Lourdin de Saligny ■ .
En la ditte année mil quatre cent soixante-deux, le roy estant à Poi-
tiers, décerna commission à messire Charles do Meleun , bailly de
Sens, pour soy informer se messire Lourdin de Salligny avoit espousé
la contesse de Sancerre au lieu de Bonny sur Loyre, et de faire infor-
macion touchant laditte matière. Pour laquelle information furent in-
terrogués certaines personnes cy après nommées :
C'est assavoir EstienneMarrilier, marchant, demourantenla ville de
Sancerre, aagéde quatre-vingts ans ou environ, comme sur le contenu
des dittes lettres royaulx données à Poitiers le XVII" jour de décembre
l'an mil IIIP LXII, dist et depposa que cinquante troys avoit ou envi-
ron, es jours des rovaisons qiji sont avant l'Ascencion, qu'il fut présent
ou chasteau de Sancerre, que feu messire Lourdin de Salligny espousa la
contesse duditlieu, nommée Marguerite, fille du conte Jehan 2, et fu-
rent bénists par le prestre de Saint- Martin dudit lieu. Et après les dit-
tes espousailles faictes, le duc de Berry 3, le conte Dauphin et ses troys
frères, enfans de la dite contesse, allèrent assiéger le dit Lourdin de
Salligny qui estoit lors ou dit chasteau dudit Sancerre, pour ce qu'ils
disoient qu'il n' estoit pas assez grant personnaige pour avoir une telle
contesse; et tellement que icelluy Lourdin de Salligny fut contraint de
rendre la ditte place et s'en aller. Lequel depuys entretint par manière
de concubinaige, et durant ledit mariaige, Jehanne, fille de messire
Blanchet Bracque, lors dame de Chastillon sur Loing'^.
Jehan Ysambert, vigneron, Estienne Godin, cordonnier, Jehan
Chaurge, tanneur, André Dargent, Estienne Passeron, bouchier, Es-
tienne Visart, notaire, Estienne Pitat, sergent, frère Anthoine, prieur
de Saint-Tybault, tous demourans lors audit Sancerre, depposèrent
touchant le dit mariaige comme fist le dit Estienne Marrilier ; mais ne
savoient riens que le dit de Salligny eust entretenu durant le dit ma-
1. Histoire de famille pour les Cbabannes, car l'arrière-petit-fiis de ce Lourdin
de Saligny fut le gendre de Jean, comte de Dammartin, pour qui fut exécuté le Ms.
de Clairambault. Histoire généal. de la maison de France, t. VII, p. I4l et 151.
2. Le dernier de la race des comtes de Sancerre, qui descendaient des comtes de
Champagne.
3. Oncle du roi Ciiarles VI.
4. De cette union sortit Catlierine de Saligny, qui porta dans la maison deColigny
les terres de .Saligny, Lamothe-Saint-Jean etCliâtillon, et dont le petit-fils, Jacques de
Coligny, épousa la fille de Jean de Cliabannes.
264
riaige laditte Jehanne Bracque, excepté ledit Estienne Pitat , qui
l'atesta.
Guillaume Perdriau, Guillemette, vefve de Jehan Pommier, messire
Pierre Boutonnet et Jehan Hacquineau, tous demourans à Bonny sur
Loyre, attestèrent que ou dit temps, et par la dite informaeion faitte,
que ledit Lourdin de Salligny espousa audit lieu laditte Jehanne Brac-
que, fille dudit messire Blanchet Bracque, chevalier, seigneur dudit
Chastillon sur Loing, donc ilz eurent une fille nommée Katherine , qui
depuis fut conjoincte par loy de mariage au seigneur d'Andelot, non-
obstant que vesquit pour lors laditte contesse de Sancerre , première
femme dudit Lourdin de Salligny.
Maistre Jean Bourgois i fut commissiooné à faire ceste informaeion
de par le roy.
Digression snr le mariage de Loiiis d'Orléans.
En l'année mil quatre ceut soixante-trois, àung mardi, quinziesme
jour de may, le roy vint et arriva en la ville de Paris, qui venoit de
Nogent-le-Roy, où illec la royne s'estoit délivrée d'une fille, laquelle
depuis le roy contraignit Loys, duc d'Orléans, à force et soubz ledan-
gier de sa personne, de la prandre par forme de mariage, pour estre sa
femme ; ce que jamais ne se peult faire pour ce qu'il n'y donna point de
consentement. Et en parla le roy à plusieurs notables gens de ceste
matère, lesquelz la trouvèrent estrange, pour ce qu'ilz congnoissoient
qu'elle n'estoit capable d'avoir lignée. Et n'osoient parler nés ung,
pour ce que le roy menassoit que tous ceulx qui vouidroient aller au
contraire dudit mariage ne seroient point asseurez de leurs vies en ce
royaulme.
Condamnation d'Antoine de Cliabannes.
En laditte année mil quatre cens soixante-trois, vingtiesme jour
d'aoust, fut donné certain arrest contre Anthoine de Ghabannes, conte
de Dampmartin, qui estoit détenu prisonnier en la bastide de Saint-
Anthoine 2, à la requeste de ses baigneurs et malveillans, par faulx,
mauvais et sinistres rappors, donc estoit inventeur principal messire
1. Ce personnage étant bailli de Nemours en 1472, a souscrit l'acte de fondation
de la collégiale instituée à Saint-Fargeau par Antoine de Cliabannes. Gallia chris-
tiana, t. XII, pr. col. 205.
2. Erreur; il avait été transféré de la Conciergerie au Louvre. H fut mis à la Bastille
seulement après sa condamnation. Voir l'arrêt de réhabilitation, I. c.
265
Charles de Meleuû avec ses adhérans, vaâsal dudit conte de Damp-
martin à cause de sa terre de Nantouillet, prétendans la confiscation
des corps et biens dudit conte.
Lequel arrest fut donné pour ce qu'il fut recellé par ledit de Me-
leun une depposition d'enqueste faicte en la cité d'Ast par maistre
Pierre Doriolle, conseillier de la court de parlement, d'un nommé
messire Regnauit du Dresnay, chevallier ; laquelle depposition signée
et scellée dudit conseillier, avoit esté baillée par le roy audit de Me-
leun pour joindre au procès dudit de Chabannes ; ce qu'il ne fist*;
mais par lui veue laditte depposition et enqueste, en laquelle gisoit la
purification dudit conte, sollicita à toute dilligence l'expédition dudit
arreât sans y joindre la ditte enqueste, pour ce [que], comme dist est,
elle parloit au prouffit de la purification dudit conte.
Et après ledit arrest donné audit moys d'aoust mil quatre cent
soixante-trois, le roy donna au seigneur du Lau, qui couchoit ordinai-
rement avecques luy, la seigneurie de Blancaffort en Guienne, appar-
tenant audit conte de Darapmartin , et à Waste de Montepedon la
baronnie de Rochefort et Aurière en Auvergne, que ieelluy conte avoit
achetée du sire du Beuil, conte de Sancerre, la somme de dix mille
escus. Et aussi fisttant l'archevesque de Bourges^, ses frères et alliez,
envers le roy, qu'ilz eurent commission pour les mettre en possession
des biens de Saint-Fergeau, Saint-Morise et pais de Puisaye 3 ; lesquelles
lettres s'adressèrent à monseigneur de Montgascon, qui se transporta
audit Saint-Fergeau pour mettre à exécution sa ditte commission.
Auquel lieu faisoit sa résidence la contesse de Dampmartin, qui avoit
avec elle son fils Jehan de Chabannes, aagé de dix-huit moys ou envi-
ron, que le duc Jehan de Bourbon avoit fait tenir en son nom. Et fut
contrainte par ledit de Montgascon issir et départir dudit Saint-Fer-
geau, sans ce qu'il voulsist permettre ne souffrir qu'elle emportast
aucune chose de ses biens, non pas tant seulement ung drappeau pour
en envelopper son filz. Et luy convint en emprunter à la ville. Et de
là s'en alla à Dampmartin où elle trouva ledit de Meleun qui joissoit
et possédoit de tous les biens de la conté, sans en vouloir aucune chose
bailler pour vivre à la contesse ne à son filz. Et se n'eust esté ung la-
boureur de la contrée, nommé Anthoine Lefort, qui luy aida à nour-
rir, elleeust eu beaucop à souffrir. Et luy tint plusieurs grans rigueurs
1. Ces faits sont rapportés plus au long dans l'arrêt de la réhabilitation d'Antoine
de Chabannes, 1. c.
2. Jean Cœur, fils aîné de Jacques Cœur.
3. Ces biens étaient de ceux dont leur père avait été spolié.
l. {Quatrième série.) Ig
266
ledit de Meleuu, espérant faire le mariage du filz du conte de Damp-
martin, qui n'avoit que deux ans, à la fille dudit de Meleun ; mais le
conte ne la contesse ne voulurent aucunement entendre, pour ce
qu'ilz veoient le mariage non estre sortable, et n'estoit que leur vassal
à cause de la terre de Nantouillet, qui est tenue en fief à cause de la-
ditte conté de Dampmartin.
Incidence sur le pape Paul II.
En ce temps et ou dit an (1464), vingt-huitiesme jour du moys
d'aoust ' , après le trespas du pape Pius^ fut eslu en pape, deuxiesme de
ce nom, Paul. Ledit pape approuva la feste de la présentacion de la
vierge Marie. Il ne donnoit pas de legiers pardons ne aultres choses^
disant qu'il valloit mieulx petit donner et bien fermement observer,
que d'en baillier si grant multitude. Il fist faire ung grant et sump-
tueux palais à Saint-Marc qu'il laissa imparfait, car il mourust plus
tost qu'il ne cuidoit, et tint la papalité sept ans.
Récit de l'évasion d'Antoine de Chabannes.
En icelle année mil quatre cent soixante-quatre, le quinziesrae jour
d'octobre, fut pratiqué l'eschappement du conte de Dampmartin, luy
estant en la bastide Saint- Anlhoine, par le moyen de la contesse sa
femme et d'aucuns de ses serviteurs. Et fut ledit conte adverty de Ta-
lée du duc de Berry en Bretaigne 2 ; par quoy il envoya quérir Guiuot
Vigier, son nepveu, qui estoit à Dampmartin avec la contesse sa
femme. Et après qu'il fut par devers icelluy conte, il [!'] envoya par
devers le duc de Nemours, pour savoir amples nouvelles de ce que icel-
luy conte avoit affaire.
Et en cet instant, qui fut l'an mil quatre cent soixante-quatre, laditte
contesse de Dampmartin envoya quesrir le bastard Vigier, frère bas-
tard dudit Guynot, nepveu d'icelluy conte de Dampmartin, etluy dist
telles paroles ou semblables : « Bastard, mon amy, je suis esbahye, veu
que monseigneur a nourri tant de gens de bien, qu'il n'y a quelque
1. La date du 28 août indique probablement le jour où on eut connaissance en
France de la mort du pape Pie II, arrivée le 16 du même mois. L'élection de Paul II
est du 30 août.
2. Non pas que la fuite du prince eût déjà été effectuée , elle n'eut lieu qu'au mois
de mars 1465; mais on sait que la ligue du Bien public, dont cette fuite fut le signal,
fut complotée plusieurs mois avant qu'elle éclatât.
267
ung qui se essaiast de le getter dehors de la captivité où il est par riti-
justice et tort qu'on luy fait, veu que je sçay bien que une femme de
Paris a bien trouvé moyen de tyrer hors du Louvre monseigneur de
Ponts. » Alors lebastard respondit : «Le Louvre et la bastide, ce sont
deux. » Sur quoy elle dist audit bastard : « Si cet homme peult ungne
foys sortir dehors, c'est la ressource de toute sa lignée et des vostres.»
Et ledit bastard luy dist : « Mon corps ne mes biens ne seront point es-
pergnez à le mettre hors. » Et exprima lors en son couraige les moyens
comment il [1'] en pourroit faire sortir.
Et ce fait, fut conclud par ledit bastard Vigier et Guinot Vigier,
après ce qu'il fut retourné de devers le duc de Nemours, et Jehan de
Harmes, de trouver les moyens de le bouter dehors, se faire se povoit.
Et pour ce faire, le bastard alla en la bastide où estoit ledit conte. Le-
quel conte mena icelluy bastard en sa chambre; auquel lieu ledit bas-
tard dist à icelluy conte ce que sa femme la contesse luy avoit dit; de
quoi il fut bien joieulx, disant que c'estoit une bonne femme , mais de
luy qu'il n'avoit point d'envye de sortir, pour ce qu'il ne faisoit nulle
doubte que le roy ne le fist mettre dehors, à cause qu'il penssoit qu'il
ne avoit point mis en oubly les services qu'il avoit faits à feu son père
et à luy. Mais par les dessusdits luy furent faictes tant de remons-
trances, qu'il se accorda, et leur donna par propices oreilles à entendre
touchant son eschapperaent.
Et alors appelia Voyaui et le mena sur le hault des murs de la bas-
tide, et là estant, en parlant de plusieurs moyens par lesquieulx il
pourroit sortir, sy fut dit par Voyau audit conte les oppinions qu'a-
voient délibéré ung chacun de ses secrétaires, touchant sa sortie; mais
l'oppinion dudit bastard et de Harmes estoit qu'il failloit avoir des ly-
mes sourdes pour lymer cinq ou six barreaulx du treilliz de fer d'une
fenestre. Et eulx estans en ce propos , Voyau regarda à la main destre
ung huys ouvert ou plus hault estaige de la bastide, et entra dedans pour
regarder une grant fenestre où il n'y avoit ne fer ne bois, qui estoit toute
ouverte, laquelle il monstra au conte en luy distant : « Monseigneur,
Dieu est pour vous. » Et après cela descendirent et s'en allèrent en la
basse court, où ils demandèrent à ceulx de la maison une ligne pour
peschier es fossez de laditte bastide ; et avoit ledit Voyau du plomb et
1. Voyau d'Imonville , écuyer, l'un des rares serviteurs qui étaient restés fidèles
au comte de Dammartin. Il alla, au péril de sa vie, sonder les dispositions des favoris
de Louis XI à l'endroit de son maître, lorsque le nouveau roi vint de Brabaat en
France en 1461. Voir l'extrait du Ms. de Clairambauit publié par Lenglet-Dufresnoy,
Commines, t. II, p. 312.
18.
268
«ng bout de chandelle; et aflin qu'on ne s'en apperceust de ce qu'ils
vouloyent faire, le conte demanda du fourmage, faignant de vouloir
prandre du poisson. Et quant ilz furent en la fenestre sur le bort du
fossé, le conte dit à Voyau qu'il ne craingnoit qu'ung paillardeau de la
bastide, lequel il fit appeler, et affin qu'il ne se doubtast de leur fait,
l'envoya à Saincte-Geneviefve dire au prieur qu'il luy prioit qu'il luy
envoyast sa Bible pour lire.
Et cependant que icelluy serviteur estoit allé quérir icelle Bible ,
ilz mesurèrent quelle haulteur il y avoit de la fenestre jusques au fons
des fossez de la bastide ; et quant ils eurent prins la mesure, ledit
conte envoya quérir ledit bastard Vigier, lequel estoit prévost du
Thour en Champaigne, et lui demanda son oppinion comment ils por-
roient sortir. A. quoy il fist responce que ce seroit en plain mydi s'iî
vouloit. Et le conte lui demanda : « Bastard, comment se pourroit-il
faire ? » A quoy il luy respondit : « Monseigneur, vous estez bien servy
et traicté du cappitaine, car il laisse aller et venir tous ceulx qu'il
vous phiist, sans aulcune chose leur demander; et si y a des gens de
Lymosin en ceste ville, que je congnois bien, qui nous feront du ser-
vice ; et Jean de Harmes et moy turons bien le portier et sa femme et
d'autres qui nous pourroient nuyre ; et ce fait monterons à cheval et
nous en yrons. » Lequel conte dist qu'il ne se consentiroit jamais à faire
ledit murtre, car en Dieu gisoit tout son espérance, et que, en ce fai-
sant, le mettroit contre luy; et aussi qu'il n'avoit pas ung blanc pour
achepter des chevaulx, si non troys escus qu'il bailla audit bastard
Vigier pour acheter ung cheval. Et alors ledit bastard luy commença
à dire qu'il auroit encorez cent escus à son commandement, de quoy
il le remercya. Il fut conclud entre eulx qu'il s'en yroit à Reins, près
dudit Thour, pour faire faire un cordaige nécessaire poiir laditte yssue;
ce que fist ledit bastard.
Et ledit cordaige fait, où il y avoit trente-trois toises, l'apporta à
Dampmartin, et le fist savoir au conte, lequel luy manda qu'il luy
apportast ; ce qu'il fist. Et l'avoit icelluy Bastard envelopé tout autour
de son corps desoubz sa chemise, avecquez ung ehevrel et six con-
gninsi, pour double que on se apperceust de rien. Et lequel cordaige
fut caché soubz une grant pierre dessoubz des retraictz, et y fut l'es-
pace de certain temps, durant lequel temps furent prinses diverses op-
pinions entre Guinot Vigier et le bastard et Jehan de Harmes. Mais
leur conclusion fut par eulx arrestée que le conte sortiroit par laditte
1. Un chevreuil et six lapins.
1
•201)
fenestre qu'ilz avoient trouvée, au moyen dudit eordaige. Et aussi fut
par eulx advisé que ledit Guynot iroit eu court pour savoir des nou-
velles; ce qu'il fist. Et lui bailla le dit bastard vingt-huit escus pour
faire ses despens. Et en chemin trouva ung gentilhomme nommé Guyot
Duchesnoy, maistre d'ostel de monseigneurleducde Berry, qui depuis
fut au roy, qui luy demanda des nouvelles ; et luy conta son cas. Le-
quel Duchesnoy dist audit bastard qu'il s'en retournast, et qu'il dlst au
conte qu'il sortist de ladite bastide si faire se povoit , pour ce que le
roy envoioit à Paris Charles de Meleun, annemy cappital dudit conte ,
pour luy faire injustement trancher la teste, pour ce que ledit de Me-
leun ne mettoit point de différence entre les justes et les criminaulx ;
et aussi que le due de Berry mandoit au conte qu'il avoit espérance
de soy trouver bien bref devant Paris à toute une grant puissance de
gens; et que alors il mettroit peine de faire raison et justice à tous les
bons serviteurs de son feu père.
Et les dittes nouvelles sceues par ledit Guinot Vigier, fist diligence
de s'en retourner devers ledit conte de Darapmartin; et quant il y fut
arrivé, fut ordonné par ledit conte que ledit Guinot Vigier et le bastard
iroient à Dampmartin, où ilz trouveroient ledit Voyau, pour adviser
ensemble entre eux à quel jour ilz pourroient faire sortir ledit conte de
la bastide, ce qu'ilz firent ; et aussi quel chemin le conte et eulx tien-
droient après laditte sortie. Mais les ungs estaient d'oppinion qu'il
s'en devoit tirer en Flandres, et les autres en Bourgoigne. Par quoy le-
dit conte fist ung mémoire signé de sa main, pour savoir l'oppinion du-
dit Voyau , quel chemin il auroit à tenir. Lequel Voyau fut d'oppinion
d'aller passer au pont de Charenton, en disant que quant ils auroient
passé ledit pont, qu'ils ne craindroient plus personne.
Et après s'en viendrent lesditz bastard et Voyau à Paris, sans ce
que personne en sceust riens, et se logèrent auprès de Saint- Anthoine,
en la rue de la bastide. Et ainsi qu'ilz entrèrent en laditte ville, sur-
vint une neige si espesse qu'on ne congnoissoit pas l'un l'autre. Et en
allant par eulx en leurs logys, trouvèrent le lieutenant du cappitaine de
la ditte bastide , lequel ne les congnut point ; donc ilz furent bien
joieulx, et disoient que c'estoit chose miraculeuse.
Et le jeudi, douziesme jour de mars mil quatre cent soixante-qu^re^,
s'en allèrent les dessus ditz par devers ledit conte en laditte bastide,
et parlèrent à luy. Et ce fait, vint ledit bastard en la ville, qui acheta
ung cheval pour ledit conte, qui estoit de poil bayard, très-bon , mais
1. c'est-à-dire 1465, selon le comput actuel.
270
il alloit dur; et ung autre pour Jehan de Harmes, qui estoit varlet de
chambre dudit conte. Et jQst faire pour ledit conte des chausses four-
rées, une jaquette fourrée et des houzeaulx fourrez, pour ce qu'il
avait jà longtemps qu'il n'avoit monté à cheval. Et conclurent [quant]
le jour de laditte sortie se feroit, quidevoit estre le samedi ensieuvaut,
vtille des brandons. Et pour ce faire furent entreprins par lesditz Gui-
nof, bastard et Voyau plusieurs conclusions et signés, lesquelz ils dé-
voient baillier audit conte et ledit conte à eulx ; et aussi que ledit
Voyau iroit avec le bastard au pont de Cliarenton, pour savoir com-
ment ilz pourroient avoir passaige. Et s'en allèrent loger pour yssir
hors de Paris aux forsbours de la porte Saint-Denis, à l'Escu de France.
Duquel logis se partirent lesditz bastard et Voyau avec ung page
nommé Guyot Aquest, et s'en allèrent audit pont de Charenton. Au-
quel lieu ne trouvèrent en leurs logeis que une jeune femme à laquelle
ilz demandèrent où estoit l'oste, qui leur respondit que la nuyt passée
leur varlet les avoit desrobés, et son mary estoit allé après, et ne sa-
voit où ; toutefois luy firent aprester à disner.
Et durant le temps que l'ostesse apparailloit ledit disner, fut regardé
entre ledit bastard et Voyau ce qui estoit à faire entre eulx, et con-
clurent que ledit bastard s'en retourneroit aux forbours dudit Saint-
Denys, et ledit Voyau demourroit audit pont. Et dist audit bastard
qu'après ce qu'il auroit trouvé les moyens de l'ouverture dudit pont
et fait ses diligences , qu'il s'en iroit après luy ausdits forsbours de
Saint-Denis.
Alors ledit bastard s'en alla et ledit Voyau demoura, qui besoigna
si bien que toute la nuyt ledit pont de Charenton fut ouvert. Et laissa
icelluy Voyau audit Charenton ledit Guyot Acquest, qui estoit page
dudit Guyot ; et dist à laditte hostesse que certains commissaires dé-
voient venir et qu'elle gardast bien ledit page de dormir, affin que à
l'eure que lesdits commissaires passeroient par là, que ledit page feust
prest de monter à cheval. Et ce fait^ ledit Voyau s'en alla ausdits fors-
bours Saint-Denis, où il trouva le bastard qui l'atendoit pour faire faire
et mener à bonne fin leurs entreprinses. Et conclurent audit logis qu'il
estoit temps de besongner pour parfaire et mener affin leur ditte en-
treprinse, et se partirent dudit logis, requérans à leur hoste qu'il leur
monstrast le chemin pour aller à Louvres en Parisis ; ce qu'il fist vou-
1 entiers.
Et après qu'il fut parti de leur avoir monstre ledit chemin, iceulx
tournèrent tout court par desoubz Montfaucon, et allèrent jusques à
Saint-Anthoine des Champs et jusques à ung lieu où l'on mettoit W&
271
ordures de la ville de Paris. Auquel lieu il y avoit ung graut fossé ou
ledit Guinot, bastard et Voyau laissèrent leurs chevaulx, et s'en allè-
rent à la porte Saint- Anthoine près les fossez de laditte bastide, et fu-
rent une espace de temps couchés sur le bort desditz fossez, regardans
droit à la fenestre par où le conte devoit sortir, pour veoir s'ilz ver-
roient point de la clarté. Et ne furent guerez là, que Jehan de Harmes
qui estoit natif de Beauvoys, qui estoit bon, hardi homme d'armes,
autant que nul pour ce temps se peust trouver,, lequel ouvrit une grant
voerrière. Et lesditz bastard et Voyau se levèrent lors debout ou milieu
du chemin, affin que ledit Jehan de Harmes les peult veoir etapperce-
voir; ce qu'il fist. Et après ce, referma laditte voerrière, et ne demoura
guères après qu'il ne rouvrist laditte fenestre de rechief, et fist le signe
qui estoit conclud entre eulx ; et incontinant qu'ilz apparceurent ledit
signe, icelluy Jehan de Harmes referma laditte fenestre; et ledit bas-
tard et Voyau s'en allèrent à l'entour de la bastide. Auquel bastard
Voyau demanda s'il avoit point pourveu d'une sentyne^ ; et il fist res-
ponce que non. Et eulx estans sur les fossés virent une sentyne qui estoit
de l'autre costédes fossez de laditte ville, enchaînée et fermée d'une
serreure lyée à ung gros pyeu.
Et durant lequel temps il neigeoit, gresloit et faisoit grant froit ; et
nonobstant ledit Voyau se despouilla tout nud et se getta dedans les-
dits fossez pour recouvrer laditte sentyne, et tellement fist hocher et
branler ledit pieu, qu'il l'arracha; et luy estant près d'avoir icelle sen-
tyne, survint quelque ung des serviteurs du chasteau à une voirière
du portail de la bastide pour puyser de l'eau; donc ledit Voyau eut
grant paour, pour ce qu'il faisoit cler de lune, et se cacha dessoubz le
bout de laditte sentyne , affln qu'on ne le peust appercevoir.
Et tantost après que laditte voirierre fut fermée, Voyau poussa de-
vant lui la sentyne jusques à l'eau vive, tant qu'il ne povoit plus pran-
dre fons, parquoy il se getta sur le bort de laditte sentyne, et fist tant
qu'il passa icelle du costé où estoit ledit bastard Vigier, qui se mist de-
dans icelle sentyne avec les habillements dudit Voyau qui se rabilia;
et avoient deux grandes javelines dedans laditte sentyne, et menèrent
icelle dedans les fossez de laditte bastide par une brèche par où l'eaue
des fossez de la ville entroit dedans ceulx de la bastide. Et après ce,
menèrent laditte sentyne dessoubz le pont de la basse-court, où il se
tindrent ung peu de temps jusques ad ce que ledit de Harmes ouvrist
1. Un bateau.
272
la fenestre (qui estoit la troisiesrae foys), et regarda en bas et les
vit.
Et tantost après ledit de Harmes getta une grant corde par laditte
fenestre, donc l'un des boutz tumba en la sentyne qui estoit au pied de
la tour. Et ce faisant, ledit bastard et Voyau se recommandèrent de
bon cueur à monseigneur saint Nicolas ; et la corde gettée, ledit
conte descendit par laditte corde ayant ung baston entre ses jambes;
et si tost qu'il fut descendu en la sentyne, ledit de Harmes getta par la-
ditte fenestre ung pacquet d'abillements dedans laditte sentyne, et
puis après descendit par autres cordes que icelluy de Harmes avoitfait
des couvertures et draps de lyt où couchoit ledit conte ; et eulx descen-
duz, s'en allèrent tous dehors par laditte sentyne jusques là où estoit
Guynot Vigier, assés près, qui gardoit les chevaulx. Lequel conte
arrivé, ledit Guyot et autres firent dilligence de monter à cheval et
s'en allèrent droit au pont de Charenton, où Voyau trouva ledit page
qu'il y avoit laissé, et demanda sa boete à l'ostesse, et passèrent par le-
dit pont, qu'ils trouvèrent tout ouvert.
Et aussi, avant que ledit Voyau partist dudit pont de Charenton, il
avoit tant fait que le musnier dudit pont luy avoit promis passer la
rivière de Seyne. Auquel lieu ledit conte alla, mais il ne sceut pas
trouver ledit musnier, et estoit en sa loge endormy de l'autre part de
la rivière. Et quant ilz virent qu'ilz ne povoient eschapper en cette
manière, Hz menèrent avec eulx le^filz du musnier, qui par deux foys
appella sondit père ; mais ledit conte le fist cesser en luy disant qu'il
les menast jusqu'à Corbeil, et luy donnèrent de l'argent; ce que flst
ledit filz. Et tant chevauchèrent qu'ilz approchèrent dudit Corbeil,
parquoy renvoièrent ledit guide, en luy disant par ledit conte que,
s'il trouvoit aucuns chevaucheurs ou autres qui luy demandassent s'il
avoit personne veu, qu'il dist que non; ce que le filz dudit musnier
leur promist faire.
Et ledit conte et sa compaignye arrivez es forsbours dudit Corbeil,
du costé du chastel, trouvèrent les portes closes ; mais si bien leur ad-
vint, qu'ilz trouvèrent ung jeune clerc qui alloit à matines, qui estoit
à la porte, auquel ilz demandèrent si les portes ouvreroyent bien
tost ; et en ce disant, le clerc regarda à icelle porte s'elle estoit fermée à
clef, et trouva que non ; par quoy ouvrit la porte, et ce fait, passa le-
dit conte et ses gens parmy la ville jusques a l'autre porte, laquelle ilz
trouvèrent fermée. Et à ceste cause descendit ledit Voyau et alla à
celluy qui avoit les clefz, et luy dist que c'estoit mal fait à luy qu'il
lï'avoit plus matin ouvert lesditez portes. Toutefoys ledit Voyau luy
273
donna six blancs, et incontinant il alla ouvrir laditte porte. Et eulx
issuz de la ville, tirèrent leur chemin , et allèrent passer pardevant la
raaiaderie dudit Corbeil ; et auprès d'icelle raaladerie avoit nne croix
devant laquelle le conte descendit, et luy descendu se myst à deux ge-
noulx devant icelle croix et fist grant révérance et honneur à laditte
croix, rendant grâces à Dieu et à sa benoiste mère de sa délivrance.
Et ce fait, remonta à cheval avec sa ditte compagnie, c'est assavoir
luy, Guynot Vigler, le bastard Vigier, Voyau d'Ymonville, Le Goujat,
Guiot Acquest et Jehan de Harmes, qui estoit en somme sept chevaulx,
et s'en allèrent disner au Vaudoéi. Et sur le chemin ledit conte se
resjouissoit et chantoit à haulte voix, de grant joye qu'il avoit, ensem-
ble tous ceutx de sa compaignye.
Et après qu'il eut repeu legièrement audit Vaudoé, conclurent en-
semble d'eux détracquer et départir par divers chemins, pour eulx rendre
tous auprès de Nemours, et illec attendre l'un l'autre; ce qu'ilz firent.
Et illec trouvèrent ledit conte qui s'en alla avec sa dite compaignie au
giste à Ferrières 2, où ledit conte fut congnu. Auquel lieu de Ferrières
il reposa bien peu, et donna cent soubz pour faire recouvrir Notre-
Dame de Bethlehem ; et dès deux heures après mynuyt ou plus tost,
se partit et sa compaignie, et s'en alla à Bonny sur Loyre, distant du-
dit Ferrières de quinze lieues ou plus. Auquel lieu de Bonny sembla-
blement furent cougneuz, et leur fist on bonne chiere.
Et après laditte repeue faitte, ledit conte de Dampraartin passa la
livière de Loyre audit Bonny, et s'en allèrent au giste à Lezé^. Auquel
lieu de Lezé ledit conte trouva ceulx qui s'ensuyt : c'est assavoir, ung
nommé Grant Jehan Tavernat, jeune homme qui portoit des lettres du
duc de Bourgoigne au duc de Berry ; ung nommé Pierre Pastron, qui
portoit lettres du conte d'Armignac au conte de Charroloys; ung
nommé Anthoine de Jantes, qui portoit lettres de monseigneur du
Mayne à monseigneur de Nemours; ung nommé Nicolas Boucher, na-
tif de Bretaigne, au conte de Charroloys; ung nommé Martin Bénédi-
cité, qui portoit lettres de lacontesse de Dampmartin audit conte, pour
ce qu'il le cuidoit trouver en la bastide à Paris, qui fut la cause pour
quoy il alloit après, et aussi que par plusieurs autres foys il luy avoit porté
des lettres touchant son empeschement ; ung nommé Durant Mavieulx,
qui portoit lettres de monseigneur d'Alebret au conte de Charroloys ;
1. Le VaufJoué, aujourd'hui dans l'arrondissement de Fontainebleau.
2. Près de Moutargis.
3. Cgnigez Léré, qui est la prenaière ville du Berry, quand on a passé la Loire à
Bonny.
274
ung nommé Carbonnel, qui portoit lettres du duc de Berry au conte
de Charroloysi. Desquels dessusditz Pierre Pastron, Nicolas Boucher,
Durant Mavieulx et Carbonnel, qui portoient lettres audit conte de
Charroloys, furent envolées lesdittes lettres pour ledit conte 2 par un cor-
delier auquel il bailla de l'argent pour ce faire, et se servit d'eulx en
son affaire ; et des autres, qui portoient lettres aux autres seigneurs,
furent envolées par ung autre cordelier à qui ledit conte pareillement
bailla de l'argent 3. Tous lesquelz dessus ditz nommez furent fort
joyeulx d'avoir trouvé ledit conte pour ce qu'il tenoit le party du duc
de Berry, et le servirent en son affaire.
Et scey ces choses estre vrayes pour ce que, quant le conte de Damp-
martin fut retourné en la bonne grâce du roy, il en fut assermenté, et
estoye présent quant il nomma au roy les dessus ditz qui lui avoient
fait service après son eschappement.
Vengeance du comte de Dammartin contre la famille Cœur.
Et duquel lieu de Lezé ledit conte de Dampmartin s'enpartit au
matin dès deux heures, et fist chevaucher devant, pour descouvrir le
pais, ung page assez entendu pour aller à Sancerre savoir des nouvelles,
pour ce que [la ditte villeestoità] monseigneur Du Beuil, chevalier très-
vertueulx de bonne renommée, conte dudit Sancerre, qui estoit amy du
conte de Dampmartin, et estoit homme de bon renon. Ce nonobstant le
roy luy avoitosté l'offlce d'amiral de France, pour le donner au seigneur
de Montauban; donc ledit conte Du Beuil estoit très-mal content;
et à ceste cause tenoit laditte ville de Sancerre le parti du duc de
Berry.
Et ledit conte estant audit Sancerre, dist audit Voyau qu'il allastjus-
ques aux barrières de la ville pour parler à un nommé Thibergault,
alors gouverneur de laditte conté, pour ce que ledit conte le congnois-
soit;et à l'eure n'y trouva ledit Thibergault; parquoy ledit Voyau,
voyant qu'il ne trouvoit point ce qu'il sarchoit, requist à plusieurs
gens de bien estans à la porte dudit Sancerre qu'on luy dist nouvelles
dudit seigneur du Beuil, conte dudit Sancerre. A laquelle porte estoit
ung nommé maistre Jehan Girard, lequel sortist de ladite ville et alla
l.Tous ces personnages étaient les commissionnaires des conspirateurs du Bien
public.
2. C'est-à-dire Antoine de Chabannes,
3. J'ai corrigé cette phrase inintelligible dans le Ms. en substituant desquels à
lesquels dans le premier membre, et des mitres à les autres dans le second.
275
avec ledit Voyau jusques à la maladerie de Sancerre où esloit ledit
conte de Dampmartin, et lequel conte dist audit Girard qu'il lui prioit
qu'il retournast en la ville et qu'il luy fist venir Thibergault, s'il le
veoit ; ce. qu'il list.
Et eulx estans à laditte maladerie et ainsy qu'ilz parloient ensemble,
virent venir ung chevaucheur, bien monté sur ung cheval de poil gris;
auquel fut demandé par ledit Voyau donc il venoit; et il luy respondit
qu'il venoit de Montargis. Et ledit conte estant assés loing de ses dits
gens, distà iceulx : « Sachiez donc il vient. » Et il respondit audit Guy-
not Acquest qu'il venoit de Gyen, puis dist qu'il venoit de Saint-Fer-
geau. Donc ledit Voyau luy dist qu'il estoit contraire en ses paroUes;
parquoy ledit conte voyant sa variation, comme se congnoissoit en plus
granl matière queicelle,s'aprouchadudithommeet luy demanda à qui il
estoit. Lequel luy respondit qu'il estoit à l'archevesque de Bourges. Et
devés savoir que à ceste cause ledit conte, rempli de ire et de mautallent,
donna des espérons à son cheval et ala contre ledit homme, et telle-
ment le heurta que il le tumba par terre. Et icelluy tumbé, ledit bas-
tard descendit et print la boete qui estoit à l'arçon de sa selle, et icelle
bailla audit conte, qui en fist ouverture. Et ce pendant icelluy bastard
releva icelluy homme tumbé, et en le relevant mist sa main en sa
bource, en laquelle trouva deux pièces d'or et ung signet pesant quatre
escus ou environ.
En faisant lesquellez chosez par ledit bastard, ledit homme tumbé
leregardoiti piteusement; parquoy ledit Voyau lui demanda qui le
mouvoit à faire si mauvaise chère. Lequel respondit que c' estoit pour
ce que ledit bastard luy avoit osté deux pièces d'or ensemble ung si-
gnet d'or qu'il avoit en sa bource, donc il signoit en la court de l'offi-
cial dudit Bourges. Icelluy serviteur dist et déclaira que par l'ordon-
nance dudit archevesque il avoit esté à Saint-Fergeau, devers Geuffroy
Cueur, qui estoit audit lieu, pour lui nottiffier et dire qu'il gardast
bien la place dudit Saint-Fergeau, pour celle émocion qui estoit es-
meue par le duc de Berry et les seigneurs de France contre le roy ; et
que, pour quelque rescription qui faicte luy fust, il ne mist personne en
ladicte place, ne ne saillist d'icelle, sinon qu'il veist le signet d'or de
son frère l'archevesque, qui estoit le signet que ledit bastard lui avoit
osté. Et ce fait, après plusieurs autres parolles, ledit conte, ses gens
et le serviteur dudit archevesque allèrent disner en la ville dudit San-
cerre.
1 . Regardant dans le Ms.
276
Et après le disner demanda à eeulx de laditte ville qu'on iuy bailiast
quelques gens pour l'aceompaigner. Au moyen de quoy eeulx de laditte
ville Iuy baillèrent deux francs archiers, dont l'un avoit nom Christo-
fle Barbarin , desquelz il fut receu à bonne chère ; et s'en partit ledit
conte dudit Sancerre, et avec Iuy mena ledit raaistre Jehan Girard, les
dessus ditz qu'il avoit trouvez audit Liroye^, et passa par le pont Saint-
Tybault et par les faulxbours de la ville de Cosne 2. Auquel lieu il
trouva trois archiers qui estoient à messire Philebert de Thorcy ; et
s'en alla jusques auprès dudit Saint-Fergeau, auquel lieu fist troys ara-
busches.
Et ce fait, icelluy conte descendit en l'ostel d'un nommé Bichereau,
près dudit Saint-Fergeau, et mena avec Iuy ledit serviteur, et Iuy fist
escripre des lettres adressans à Geuffroy Gueur, qui furent baillées à
l'un des ditz francs'archiers, avec le plaquet dudit archevesque.
Lesquellez lettres receuespar ledit Geuffroy Cueur, avec ledit pla-
quet, incontinant follement issit hors de laditte place de Saint-Fergeau
avecques ung nommé Bernard, son maistre d'ostel, et ung nommé Di-
menche Brimon, son serviteur, et allèrent jusques à la croix de Vau-
vert. A laquelle croix ledit Bernard alla devant, vers la maison dudit
Bichereau, et ledit Dimenche vers le boulin. Et en aprouchant par le-
dit Bernard à l'ostel dudit Bichereau, dès ce que le dit conte les vit,
il n'eut aucune passience qu'il ne suyvist ledit Bernard vigoureuse-
ment jusques ad ce qui l'eust attaint. En laquelle attainte Iuy donna
plusieurs coups d'espée, et fut chassé jusques à laditte croix de Vau-
vert.
Et en ce faisant, ledit conte vit traverser ledit Voyau du Beau-Ches-
ne, lequel lieu est constitué en Puisaye. Auquel Voyau ledit conte de-
manda donc il venoit; lequel Iuy respondit qui venoit de là où il l'a-
voit envoyé. Et ledit conte Iuy dist : « Nous avons perdu nostre
homme, » et ledit Voyau respondit : « Vous n'avés rien perdu ; regar-
dés derrière vous, vous verres qu'on le vous amène. » Et ledit
conte Iuy demanda s'il savoit bien ce que c'estoit; il Iuy respondit
que oy.
Alprs ledit conte ne bougea et attendit ledit Geuffroy Cueur à laditte
Croix, et sitost que ledit Cueur congnut ledit conte de Dampmartin,
requist à eeulx qui le raenoient qu'ilz le laissassent descendre ; ce qu'ilz
firent. Et quantleditGeuffroy Cueur s'aproucha dudit conte, se mistà deux
genoulx devant Iuy, Iuy requérant mercy. Lequel conte icelluy releva
1 . c'est toujours Lérc.
2. Rosne dans le Ms.
277
et le print par dessoubz lesbras^ et luy dist: « N'aiez peur; » et le mena
à pied jusques à la porte de la ville dudit Saint-Fergeau, laquelle ilz
trouvèrent fermée. Et estoit sus le portai de laditte porte^la femme de
Jehan Cueur-de-Roy, natif de Bretaigne, boulengier , messire Jehan
Marehaiz prestre, et Jehan le Fèvre. Laquelle femme congnut ledit conte
à son parler; pourquoy elle descendit en bas et ouvrit la porte. Et le-
dit des Marehaiz et Fèvre s'en fouyrent, voyant ledit conte ; et laditte
porte ouverte, entra dedans laditte ville, menant toujours ledit Cueur,
et alla jusquez à la porte du chastel de Saint-Fergeau avec ses gens. Et
eulx estans devant la porte dudit chastel, ledit Voyau vit Estienne
Dassigny qui avoit ouvert une des voirières du portai dudit chastel ; et
derrière icelluy Dassigny avoit deux ou troys grosses arbalestes beii-
dées ; pour laquelle cause ledit Voyau se couvrit de son cheval et dist
audit conte qu'il se couvrist dudit Cueur ; ce qu'il fist; et dist à icelluy
Cueur : « Faictes bien tost ouvrir la porte, ou, par la Vierge Marie, je
vous feray pendre à ceste barrière. » Et incontinant ledit Geuffroy
Cueur crya à ses gens : « Ouvrez la porte, car il n'est pas temps de
fermer l'estable quant les chevaulx sont perduz. »
En laquelle place ledit conte entra, et n'y avoit aucuns biens meu-
bles, synon ung pou de vins venuz du cru de Ferreuse, dont ledit
conte avoit fait planter la vigne. Et le reste des autrez biens ledit Cueur,
peu de temps avant, avoit fait mener audit Bourges.
Et ce fait, bailla ledit conte son prisonnier en garde à Guynot Vi-
gier, et puis, sur la nuyt, ledit Voyau s'en alla en laditte ville par de-
vers ung nommé Thienon Gillet qui avoit en garde les clefs de laditte
ville, et luy ordona fermer les portes de laditte ville et mettre guect et
garde sur les murailles d'icelle, et print les clefs et les apporta audit
chastel. Et en soy départant dudit Gillet, icelluy dist audit Voyau que,
se ledit conte de Dampmartin estoit dilligent, il recouvreroit bien Saint-
Moricei. Lequel Voyau s'en alla audit chastel, et trouva ledit conte qui
luy demanda donc il venoit; lequel Voyau luy dist qu'il venoit de qué-
rir les clefs de la ville et qu'il avoit sceu de bonnes nouvelles, qui es-
toient tellez que, si ledit conte faisoit diligence, il recouvreroit Saint-
Morice, pour ce que audit lieu n'y avoit que ung nommé le Carme
et le prieur de Pluraarché2, « et n'avés que à prandre Geuffroy Cueur,
le mettre sur une muUe et le mener. » Ce qu'il pleut audit conte; et
ordonna à icelluy Voyau soy lever dès deux heures après mynuyt, et
1. Saint-Maurice-sur-Tholon, aujourd'hui dans le département de l'Yonne.
2. Nom défiguré par l'écrivain du Ms. On lit plus loin Planmarché.
278
aussi ordonna audit Jehan de Harmes qu'il allast parler à luy ; ce qu'il
fist 5 et luy ordonna qu'il allast dire audit Guynot qu'il ne fust endormy,
et qu'il fust prest à deux heures après mynuyt avec son prisonnier.
Lequel Guynot en obtempérant audit conte fut prest, ensemble sondit
prisonnier, à ladite heure, et aussi la muUe et chevaulx. Et montèrent
à cheval et s'en allèrent audit Saint-Morise. Et du lieu de Fontaine, le-
dit conte envoya Jehan de Harmes devant jusques à Saint-Morise et
luy dist qu'il chevauchast fort, car ceulx dudit lieu congnoistroient son
cheval; parquoy incontinantsans difficulté lemettroient dedanz, pour
l'amitié qu'ilz lui portoient à cause qu'il les avoit tousjours bien traic-
tés ; ce qu'il fist. Ledit Voyau et luy estant près dudit Saint-Morise, son
cheval commença fort à cryer, parquoy le guet qui estoit sus le por-
tail de la bassecourt vit icelluy Voyau et le congneut, et tantost des-
cendit en bas et ouvrit la porte, en disant par eulx que ledit conte ve-
noit après.
Lesquelles portes ouvertes, il entra dedans laditte basse-court où il
ne trouva à qui parler, et s'en alla à la porte du chasteau, laquelle il vit
ouverte, et estoit à chacun des costés ledit Carme et le prieur de Plan-
marché. Lequel Carme ledit Voyau print par les cheveulx et le tint jus-
ques ad ce que ledit conte et ses gens fussent venuz dedans ledit
chasteau, auquel lieu ledit conte fit bonne chère toute la journée.
Et le lendemain ledit conte de Dampmartin s'en retourna à Saint-
Fergeau et laissa ledit prisonnier en garde au dit bastard Vigier, en-
semble la place dudit Saint-Morise. Et dudit Saint-Fergeau ledit conte
s'en alla à Moulins en Bourbonnoys ; et lui estant audit lieu, manda
ausdiz Guynot, bastard et Voyau, qu'ilz luy menassent ledit prisonnier
jusquez oultre la rivière de Loyre; ce qu'ilz firent. Et passèrent entre
Cosne et la rivière de Loyre. Et ainsi qu'ilz passoient , avoit à Cosne
des francs archiers qui saillirent sur eulx, et ledit Voyau, Jehan de
Harmes et autres chargèrent sus lesdits francs archiers et passèrent
pardessus la rivière, et enmenoirent ledit Geuffroy Cueur au port Saint-
Thybault, et Guynot le bastard, Jehan de Harmes et autres de leur
compaignye portoient le faiz et recueillirent lesditz francs archiers ,
tant qu'ilz arrivèrent audit port et se saulvèrent. Et quant ilz furent
tous passez , ilz chargèrent ledit Geuffroy Cueur et l'enmenoirent une
partie de la nuit à Montigny i, en l'ostel de Jean de la Granche, ancien
annemy dudit conte.
Et le lendemain au matin, quant ilz furent partis dudit Montigny,
1. Aujourd'liui dans l'arrondissement de Sancerie.
279
••
rencontrèrent plusieurs geutilzhommes de la maison de monseigneur
de Bourbon qui venoieut quérir ledit Geuffroy Cueur, pour ce que ledit
conte de Dampmartin les en avoit advertiz qu'ilz se trouvassent audit
lieu, et le menèrent à Hesnay-le-Chasteau i, et de là s'en retournèrent
à Moulins, et laissèrent ledit Cueur en garde à Patris Foucart, Escos-
soys, qui estoit pour lors cappitaine dudit Hesnay, jusquez ad ce que
aultrement monseigneur de Bourbon et ledit conte de Dampmartin en
eussent ordonné. Lequel monseigneur de Bourbon et le conte de Damp-
martin depuis baillèrent ledit Cueur à Jehan de Ferrières l'aisné, qui
pour lors estoit bailly de Beaujoletz , qui le tint une espace de temps
audit Hesnay, tant que ledit Geuffroy Cueur eschappa, et ne scet-on
comment, sinon qu'il fut grant bruit que ledit Ferrièïes en avoit eu de
l'argent, tellement qu'il en fut noté, et en dyminua grandement de son
honneur.
1. On écrit aujourd'hui Aisnay. C'est un bourg de l'arrondissement de Montluçon
(Allier).
{La suite des Extraits à une autre livraison.)
J. QUICHERAT.
280
BIBLIOGRAPHIE.
HiSTOiBE de la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste , en
1204; par A. Poignant. Paris , Sagnier et Bray. 1854, in-S» de 230 p.
« Retracer les vicissitudes de la lutte qui , dans les premières années
du treizième siècle, a eu lieu entre la France et l'Angleterre pour la pos-
session de la Normandie, et étudier comment s'est opérée la réunion dé-
finitive de cette belle et riche province à la France , » tel est l'objet de l'ou-
vrage de M. Poignant. Sans aucune prétention scientifique, l'auteur a ra-
conté d'une manière élégante et facile les principaux événements qui firent
rentrer la Normandie dans le domaine des rois de France. Pour découvrir
la vérité, il a, en juge impartial, consulté les auteurs originaux et contrôlé
les uns par leg autres les témoignages des historiens français et des histo-
riens anglais.
Ces mérites reconnus , nous ne pouvons dissimuler les taches qui dépa-
rent V Histoire de la conquête de la Normandie. L'auteur s'est privé de
ressources bien précieuses en ne mettant pas à contribution les documents
diplomatiques récemment publiés par la Commission des archives d'An-
gleterre, par M. Stapleton et par la Société des antiquaires de Normandie.
Il a aussi , sur quelques points , accordé trop de confiance aux ouvrages
de seconde main. De là, des inexactitudes, principalement dans le chapi-
tre où il a tracé un tab/eau de la Normandie au moment de la conquête
par Philippe-Auguste.
L. D.
L. VOLKMAR, tribunali Boruss. supr. advocatus, Pabœmia etregulx
juris Romanorum, Germanorum , Franco-Gallorum, Britannorum.
Berlin, 1854. Allgem. deutsche Verlags-Anstalt. In-16 de vi et 513 p.
On ne saurait contester l'utilité d'un recueil complet des maximes gé-
nérales du droit romain, germanique, français et anglais, résumées dans
ces aphorismes, qui les revêtent souvent d'une forme originale et piquante.
Un semblable travail, fait avec critique, fournirait de bons matériaux pour
l'étude des législations comparées et pour l'histoire du droit. La compilation
de M. Volkmar ne remplira pas ce but : on pourrait même lui reprocher
de nombreuses inexactitudes , des omissions plus nombreuses encore , l'ab-
sence de commentaires, si l'auteur ne nous avertissait qu'il a écrit son
livre pour sa satisfaction personnelle.
Ce petit volume est divisé en quatre parties : 1" Parœmia Romanorum
(p. 1-333). Règles de droit extraites du Corpus juris , et brocards em-
pruntés aux glossateurs; l'auteur a négligé des textes plus anciens qui au-
raient pu lui fournir des axiomes importants à noter (Cf. Gaïus,III,
§ 180, IV, § 140, etc.). —-Parœmia Germanorum (p. 335-367), Recueil
281
d'axiomes empruntés à Eisenhart et de proverbes qui n'ont pas toujours
trait au droit (Ex. : « à 10 ans, enfant; à 20 ans, jeune hommme »).
3° Parœmia Franco-Gallorum {p. 371-495) ; les Institutes coutiimières de
Loysel ont fait tous les frais de cette partie. 4" Parœmia Britannorum
(p. 499-513), réimpression de la Table of légal maxims , qui se trouve
dans l'ouvrage de Warren , intitulé : ^ particular introduction ta Law
studies.
Ad. t.
Revue de V Anjou et de Maine-et-Loire , publiée sous les auspices du
Conseil général du département et du conseil municipal d'Jngers, par
MM. Paul Marchegay, A. Lemarchand et L. Cosnier. Angers, Cosnier et
Lachèse. 1852 et 1853.
Nous demandons pardon à nos lecteurs de ne pas leur avoir fait con-
naître plus tôt une revue qui termine déjà sa troisième année d'existence,
et qui a pris un rang très-honorable parmi les recueils consacrés à l'étude
consciencieuse de nos antiquités nationales.
La Revue d'Anjou est comme une bibliothèque historique de la pro-
vince, et on y trouve, non-seulement les travaux de la génération ac-
tuelle, mais encore des études médites et savantes faites par les auteurs
qui l'ont précédée.
L'histoire générale y a pour interprète Barthélémy Roger, savant béné-
dictin de l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers. Son Histoire d'Anjou, bien
supérieure à tout ce qui avait été fait jusqu'à lui, n'est point cependant
exempte de défauts; ainsi, tout en rejetant les origines fabuleuses d'Angers,
il nous donne la liste des rois de la Gaule, qu'il fait remonter quelques
siècles avant la prise de Troie. Nous ne voulons point relever avec trop
de sévérité quelques erreurs géographiques, comme quand il met Pont-
levoye dans le voisinage du Mans au lieu de Pontlieu , ou quand il prend
le Port-Cordon pour Saint-Mars-la-Pille; mais nous lui reprochons d'avoir
rompu le fil des événements pour nous donner d'un seul trait les mono-
graphies de toutes les institutions ou corporations, à mesure que la date
de leur fondation l'amène à parler d'elles. Quoi qu'il en soit, nous n'en
sommes pas moins très-reconnaissants aux éditeurs de la Revue d'avoir
enrichi leur recueil d'un travail aussi important (527 pages), et qui , resté
inédit et même inconnu pendant près de deux siècles , n'en est pas moins
l'ouvrage le plus complet et le plus consciencieux qui ait été fait sur cette
province.
Les Recherches sur le Fieil-Baugé par M. Marchegay prouvent ce que
peut faire la patience dans les investigations, unie à l'érudition. Grâce à
notre confrère, outre la fondation de l'importante forteresse de Baugé au
commencement du onzième siècle, et la célèbre victoire sur les Anglais de
l'an 1421, nous connaîtrons la succession des seigneurs de Baugé, les fon-
dations de ses églises, et ces querelles interminables du clergé régulier et
\. [Quatrième série.) 19
•282
séculier auxquelles, dans ces temps anciens/s'intéressait la population touî
entière.
Parmi les autres travaux sur l'histoire civile , nous avons remarqué la
longue étude sur saiut Louis en Anjou, par M. Lemarchand. Le résumé de
l'histoire des diverses constructions du château d'Angers est puisé aux
bonnes sources. M. Paye, conseiller à la cour impériale de Poitiers, a dis-
cuté avec talent l'origine des droits des comtes d'Anjou sur la Saintonge ,
et s'est attaché à prouver, par le témoignage d'Adémar, auteur contempo-
rain, que cette province fut inféodée par Guillaume le Grand, duc d'Aqui-
taine, au comte Foulques Nerra. Il termine par l'exposé des faits les plus
saillants de l'histoire de la Saintonge pendant tout le temps qu'elle fut sous
la domination de Foulques Nerra et de ses successeurs. Sous le titre de la
Fronde en Anjou , M. Eugène Berger a fait le tableau animé des troubles
qui agitèrent l'Anjou pendant les premières années du règne de Louis XIV.
Nous y voyons apparaître le sévère Urbain de Maillé-Brézé, gouver-
neur royaliste de l'Anjou; Henri Arnaud, évêque d'Angers, invariable-
ment dévoué à la cause royale et sollicitant le pardon de son peuple; le
duc de Rohan-Chabot , gouverneur de la province, levant l'étendard de la
révolte et entraînant avec lui la population angevine, qui bientôt est obli-
gée de se rendre à discrétion. Nous aurons à citer encore les documents
communiqués et annotés par M. Marchegay sur la sédition de la Tricoterie
en 1461, causée par l'annonce de nouveaux impôts que voulait lever
Louis XI, et ceux qui concernent l'entrée solennelle de Jeanne de Laval à
Angers et les mystères et festins qui l'accompagnèrent. M. le procureur gé-
néral Métivier a fait connaître dans un travail très-substantiel le nombre (31)
et les attributions des anciennes juridictions qui régissaient la ville d'An-
gers. Nous avons été surpris de rencontrer dans la Revue d'Anjou l'article
intitulé la Chappelle Sainte-Émerance ; l'auteur jtravestit l'histoire en
roman , et son coloris prétentieux rend plus évident encore le défaut de
réalité des faits qu'il raconte.
L'histoire ecclésiastique occupe une grande place dans la, Revue d'Anjou
et a donné lieu à des travaux remarquables. Les notices sur le prieuré de
l'Évière-lez-Angers et la communauté de Notre-Dame des Gardes portent
avec elles le cachet de la vérité; on voit qu'elles ont été écrites dans le
silence du cloître. Non moins claire est l'histoire du prieuré et de la pa-
roisse du château de Saumur par Dom Huynes, mais on y reconnaît l'éru-
dition du bénédictin. Les écrivains modernes de la Revue ont su se tenir à
cette hauteur, et nous n'aurons qu'à citer les noms de MM. Marchegay et
Quicberat pour le persuader à nos lecteurs. Celui-ci , que ses études sur le
quinzième siècle avaient amené à visiter la chapelle où Louis XI fit de fré-
quents pèlerinages, a fait l'histoire complète des îles de Béhuart. La dona-
tion de ces îles aux moines de Saint-Nicolas d'Angers, l'agrandissement
successif de leur propriété, l'épisode du danger couru dans un bateau par
le comte Foulques qui , par reconnaissance , concède à un des amis de
283
îabbaye le péage depuis longtemps sollicité, les donations des divers bras
de la Loire qui avoisinent l'île, telles sont les diverses phases qui sont
retracées sous nos yeux. Un naufrage auquel Louis XI échappa en 1442 en
se vouant à Notre-Dame de Béhuard, fut l'origine de sa vénération pour ce
sanctuaire. Il achète l'île en 1431 aux religieux de Saint-Nicolas et fonde
dans la modeste chapelle un chapitre royal qui ne lui survit pas.
M. Marchegay, de son côté , nous a fait connaître, par un titre de 996 ,
la date de construction de l'église de Saint-Michel-la-Pallud , à Angers ,
aujourd'hui détruite. Une charte de 1110, traduite et commentée, expose,
dans un récit naïf et plein d'intérêt, les contestations qui s'élèvent entre
les religieuses du Ronceray et les moines de Saint-Serge pour l'enterre-
ment d'un personnage nommé Bernier Mantel. Mais le travail le plus
remarquable de notre confrère est l'histoire de l'abbaye de Nyoiseau, fait
avec le soin consciencieux que nous lui connaissons.
Les écussons angevins du musée de Versailles ont fourni l'occasion à
M. Bougler de donner quelques notes intéressantes sur plusieurs familles
de l'Anjou, qui se sont illustrées aux croisades ; seulement l'historien a
élargi son cadre en y faisant entrer toutes les maisons de diverses origines
qui ont aujourd'hui des représentants dans son pays. La vie de François
de Scepeaux, sire de la Vieille-Ville, et celle de Jean II, duc d'Alençon,
prince d'une valeur incontestable mais d'un esprit inquiet et turbulent, ont
fourni la matière de deux études pleines d'intérêt. M. Léopold Delisle a
écrit, avec ce luxe de citations auquel il nous a accoutumés, un résumé
très-complet de la vie de Guillaume Longue-Épée, fils de Geoffroi III le
Bel, comte d'Anjou. Enfin, nous terminerons notre revue des mono-
graphies des grands hommes par l'indication de trois lettres patentes du
roi René, qui prouvent combien il était digne de ce surnom de Bon qui lui
a été donné par ses sujets de l'Anjou et de la Provence. La première offre
le charmant et naïf tableau de la remise d'une rente de onze sous au
pauvre pêcheur Enquetin , moyennant la redevance annuelle d'une platée
d'ablettes. Dans la seconde, le roi René assigne une pension à Nicolas
W^yart, savant médecin, afin qu'il soigne les malades d'Angers et des
environs; enfin, dans la dernière, il fait aux fermiers de ses péages, en
Anjou, une remise proportionnelle aux pertes qu'ils ont subies. Ces trois
pièces ont été exhumées des archives de Paris et d'Angers par M, Mar-
chegay.
Nous devrons aussi appeler l'attention des érudits sur vingt-neuf chartes
en langue vulgaire antérieures à 1275, publiées d'après les originaux par
notre confrère. Un glossaire et une table des noms de personnes et de
lieux complètent ce travail.
L'instruction publique, en Anjou, n'a point été mise de côté. Nous avons
remarqué surtout l'histoire de V Académie des protestants à Sanmur, si
florissante au dix-septième siècle, publiée par M. Marchegay d'après la
notice du bénédictin Dom Jarno et divers documents inédits. L'article de
19-
•284
M. Boreau sur le premier jardin des plantes d'Angers et les progrès de lu
botanique en Anjou, nous a également intéressé. M. le président de Beau-
regard a résumé en quelques pages substantielles la courte existence de la
première société littéraire d'Angers. Il nous montre à côté de l'élite des
savants de la province, d'illustres associés, tels que Réaumur, Louis
Racine, Florian, Marmontel et Voltaire. Enfin, nous avons lu avec émo-
tion l'bistoire du collège de Beau préau tracée par la plume reconnaissante
de M. le chanoine Bernier. On sent, en lisant ces pages, combien dut être
grande l'influence exercée en Anjou par un établissement aussi riche en
talents et en dévouements.
Il nous serait difficile d'analyser tous les travaux de biographies aux-
quels ont donné lieu dans ce recueil les littérateurs angevins ; nous nous
contenterons de signaler les plus remarquables. A leur tête comme im-
portance est le discours historique et critique sur les écrivains de l'histoire
d'Anjou par Pierre Rangeard , écrivain du siècle dernier. Il y passe en
revue non-seulement les historiens proprement dits , mais encore les
sources de l'histoire du pays, les anciennes chroniques, les légendes des
saints, les cartulaires et les chartes. La biographie de Claude Ménard a
été écrite par M. Marchegay d'après les notes de Toussaint Grille, ce mo-
deste savant qui consacra sa vie à sauver les nombreux et magnifiques
documents de l'histoire d'Anjou, rachetés à sa mort par la munificence
éclairée du conseil municipal d'Angers et du conseil général de Maine-et-
Loire. Le défaut d'espace nous permet seulement de citer les études
consciencieuses faites sur Lazare et Antoine de Bayf, Jean Bodin , Jean
le Masie, Jacques Bruneau sieur de Tartifume, Volney, et surtout la notice
d'un savant conseiller à la cour de cassation, M. Taillandier, sur Charles
Loyson. L'intérêt qui s'attache à tout ce qui concerne madame de Sévigné
fait lire avec plaisir la pièce, publiée par M. de Falloux, dans laquelle elle
apparaît comme bienfaitrice de la paroisse de Grugé.
L'époque plus moderne de la révolution française a été aussi explorée
avec succès. L'interrogatoire d'un jeune Vendéen fournit des données cu-
rieuses sur l'organisation des armées vendéennes. On devra le rapprocher
d'un tableau plein d'intérêt, tracé par M. Poitou, du rôle joué par les repré-
sentants du peuple en mission dans l'Anjou, pendant les années 1793 et
1794. Les documents relatifs à la déportation en Espagne des prêtres an-
gevins en 1792, publiés par M. Marchegay, attachent et font frémir. Enfin,
le rapport du préfet de Maine-et-Loire, M. INardon, aux membres com-
posant le conseil général en l'an XI, nous console un peu de ces horreurs,
en nous faisant voir les essais tentés par l'administration pour cicatriser
les plaies causées par la guerre civile à peiue éteinte.
La Revue d'Anjou ne semblerait point complète, si l'on n'y lisait quelques
notices archéologiques. M. le président de Beauregard y a inséré un
tableau complet des monuments celtiques qui abondent dans le départe-
ment de Maine-et-Loire. De plus , il a esquissé en quelques pages l'his-
285
toire de l'hôtel si remarquable de la rue du Figuier, à Angers, construit
par Jean de l'Espine pour Martin René de Pencé, maire d'Angers, en
1511, dont on retrouve les armoiries sculptées sur un des pendentifs du
vestibule d'entrée. Enfin, nous rattachons à celte branche de l'histoire les
lettres écrites par Lazare de Bayf, ambassadeur de France à Venise, dans
lesquelles il raconte ses essais infructueux pour attirer en France l'illustre
Michel-Ange Buonarotti , ou, à son défaut , un habile architecte nommé
Faustus. Du reste, la science archéologique est largement représentée par
le bulletin de M. deSoland, qui est maintenant annexé à la Revue de
l'Anjou.
Ce recueil termine maintenant sa troisième année d'existence, et nous
pouvons lui prédire de longs succès, si, fidèle à son but, alliant l'intérêt à
la critique et à' la conscience dans les tr.ivaux, il continue à suivre la voie
dans laquelle il s'est acquis le concours du conseil général de Maine-et-
Loire, et les sympathies d'un public éclairé.
A. S.
MÈuoiJXES du président Hénault écrits par lui-même, recueillis et
mis en ordre par son arrière-neveu, M. le baron de Vigan.
L'histoire intime de la société française au dix-huitième siècle, déjà étu-
diée dans de célèbres mémoires, vient de s'enrichir d'une page nouvelle qui
ne nous ménage pas les détails sur les hommes et sur les choses de la
régence et de Louis XV; elle est l'œuvre du président Hénault. La figure
de cet homme célèbre commence à tant soit peu s'effacer ; et si V Abrégé
chronologique n'existait pas, on peut dire qu'elle serait tout à fait oubliée,
car des chansons et de médiocres pièces de théâtre ne suffisent pas pour
éterniser un nom. Il était temps que ces mémoires fussent mis au jour
pour nous rappeler la vie du courtisan et de l'homme de lettres, vie qui
s'écoula paisiblement, quoique mêlée à tous les événements du siècle,
tantôt au milieu de jolies femmes en des soupers fins chantés par Voltaire,
tantôt sur le siège du magistrat parmi les célébrités des parlements. Le
président n'avait pas reçu en partage le feu sacré du génie, ce n'était pas
même un homme de talent dans toute la force du mot , mais un esprit
heureux et conciliant qui consacra son existence à étudier l'art de plaire,
comme il l'avoue lui-même je ne sais où ; et l'on peut dire qu'il réussit
parfaitement, car ce fut avant tout un grand homme de société, poste où
l'on n'arrive ordinairement que par la séduction des formes, par la facilité
d'élocution, avec cet esprit naturel et particulier que le monde exige, et
surtout par une attention continuelle qui prescrit de ne rien négliger de
ce qui peut concilier l'affection de tous. Mais il faut dire aussi que les
événements le servirent à merveille. Élevé au collège des Quatre-Nations ,
il y connut les rejetons des meilleures familles, qui, parvenus plus tard aux
premières places, le protégèrent jusqu'à sa mort : « Je me suis trouvé,
dit-il , dans l'intimité avec les hommes les plus considérables de moi\
286
temps, ce qui a pu faire dire et ce qui a fait dire , en effet, que je recher-
chais la faveur. On aurait pu se contenter de remarquer, si on avait voulu^
que j'avais fait d'assez bons choix dans ma jeunesse. Ce que j'atteste, c'est
que je n'ai jamais fait de mai à personne ; que le peu de crédit que j'avais
n'a jamais, par ma volonté, tourné à mon profit ; que je ne l'ai employé
qu'au profit de mes parents, de mes amis et de mes connaissances. » Dans
ses mémoires il nous divulgue beaucoup d'anecdotes sur ces amis et con-
naissances dont il vient de parler, et c'est ce qu'on lit avec le plus de plai-
sir. Nous avons, plus haut, dit un mot de ses chansons : ce furent, en
effet, ces œuvres futiles qui fondèrent une réputation que l'Histoire de
France a ensuite confirmée et entretenue jusqu'à nous ; elles couraient toute
la ville, après avoir séjourné dans les salons et les boudoirs ; les vers en
sont faciles , et l'esprit n'y manque point. Les œuvres dramatiques du
président sont, entre autres, les tragédies de Cornélie vestale et de Marins,
qui furent représentées sans le moindre succès, quoique assez bien écrites.
On sait que Hénault fut, en récompense de ses travaux, admis à succéder
comme académicien au trop fameux cardinal Dubois; il avait alors trente-
huit ans; ce fut presque un demi-siècle plus tard qu'il commença le livre
dont il est question, c'est-à-dire dans sa vieillesse et peu de temps avant
sa mort; malgré cela, sa mémoire est assez fraîche et l'on croirait qu'il
vient d'assister à tout ce qu'il raconte. Nous n'aurions qu'à nous louer
de ce livre si l'éditeur avait fait preuve des qualités nécessaires à tous
ceux qui entreprennent de pareils travaux. Nous permettra -t-on de dire
ce que nous exigeons de l'éditeur consciencieux ? Nous voulons à chaque
nom d'homme et de lieu trouver une notice succincte; à chaque événement,
le récit des faits auxquels l'auteur fait allusion et leurs accidents s'il les a
omis ; nous voulons enfin que le texte soit correct et qu'il ne s'y rencontre
aucune erreur. Que si l'on parle d'un homme qui satisfasse à toutes ces
conditions, nous citerons M. de Monmerqué , qui fouille les collections,
compulse les originaux, rétablit tout ce qui est défectueux, et nous donne
les lettres de madame de Sévigné avec des notes qui les rendent aussi
faciles à comprendre que si elles eussent été écrites hier. Mais M. de
Vigan , loin de fournir cette clef si nécessaire à intéresser le lecteur , en
lui épargnant de pénibles recherches, lui a donné de nouvelles peines soit
en écorchant une multitude de noms, soit en en oubliant d'autres , soit en
attribuant au même nom trois ou quatre formes différentes. En vérité ,
M. de Vigan aurait pu mieux s'y prendre. Les Mémoires du président
Hénault sont fort intéressants ; mais ils sont à rééditer, les notes y man-
quent et le texte est fautif.
Louis Lacour.
287
ATHÈNES aux seizième^ dix-septième et dix-huitième siècles^ d'après
des documents inédits tirés des grandes archives impériales de Fenise,
des archives des ministères des affaires étrangères, de la guerre et de
la marine de Paris, des' bibliothèques impériales de Paris et de Fienney
des bibliothèques de Saint- Marc à Denise, et du musée Britannique à
Londres, etc., etc. ; par le comte de Laborde, membre de l'Institut. 2 vol.
in-8°, avec plans et gravures. Paris, chez Jules Renouard , 1854.
11 y a trois villes dans le monde dont on ne se lassera jamais de parler
et qui auront toujours le privilège par leur destinée de fixer plus que toutes
les autres l'intérêt général. En dehors des circonstances d'un ordre supé-
rieur qui ont fait des villes de Jérusalem, de Rome et d'Athènes le théâtre
d'événements dont l'influence s'est fait sentir dans le monde entier, des
raisons particulières, et en quelque sorte nationales, appellent d'une
manière spéciale l'attention de la France sur leur histoire et sur leur
avenir. Jérusalem a été quelque temps le siège d'un royaume entièrement
français dans sa constitution, dans sa langue et dans ses mœurs -, Rome
semble aux Français comme une seconde patrie; Athènes, ainsi que Jéru-
salem, a été le centre où une société française s'est établie, s'est longtemps
maintenue, et a fait espérer un moment qu'une race nouvelle allait pénétrer,
pour les rajeunir, les populations d'Orient.
L'histoire des événements à la suite desquels cette période, si différente
de tout ce qui avait précédé et si longtemps méconnue, est venue .s'ajouter
à l'histoire de la ville de Minerve, n'est pas le sujet dont s'occupe aujour-
d'hui M. de Laborde. Retirée de l'oubli et éclairée dans son ensemble par
l'universelle érudition de du Cange, complétée à beaucoup d'égards par les
estimables travaux de Buchon , l'histoire de la Morée au moyen âge, qui
trouvera de précieux renseignements dans les publications de M. de La-
borde, reste encore inachevée. Les deux beaux volumes que nous avons
sous les yeux, enrichis de cartes, de plans, de fac-similés et de photogra-
phies, sont destinés à rappeler seulement le sort qu'ont éprouvé les monu-
ments et la ville d'Athènes elle-même, sous la domination des Turcs, de-
puis l'an 1456, où Mahomet II s'empara de l'Attique, jusqu'en 1687, où
Morosini enleva le pays aux Ottomans, qui devaient y replacer le croissant
en 1715.
M. de Laborde s'attache surtout à exposer, en les jugeant , les travaux
des voyageurs et des savants qui ont signalé , expliqué , décrit ou dessiné
pendant cette période de plus de deux siècles les monuments de l'anti-
quité couvrant encore le sol classique de la ville d'Athènes. Son livre est
en quelque sorte, et suivant l'ordre chronologique . l'histoire pittoresque
de ces monuments, au moyen des relations, des études et des monogra-
phies qui en ont été données, et en même temps l'histoire des hdmmes et
des événements qui ont eu quelque part à leur illustration, à leur codscj'-
vation ou à leur dégradation.
Cette revue, à la fois descriptive et historique, archéologique et esthé-
288
tique, a souvent d'ailleurs le mérite d'une véritable exhumation. M. de La-
borde, en effet, a choisi de préférence ses informations dans les sources
inédites ou négligées. Chacun des noms de voyageurs, de missionnaires,
de critiques, d'ambassadeurs ou de généraux qui tour à tour l'occupent,
a été de sa part l'objet de recherches suivies. Il a dans ce but exploré
avec une attentive curiosité les archives publiques et les archives privées
aussi bien que les documents déjà publiés, et sa persévérance a eu quel-
quefois la bonne fortune de faire de véritables découvertes jusque dans les
livres imprimés. Telle est l'heureuse trouvaille de l'État présent de la
ville d'Athènes, relation du jésuite français Babin, publiée en 1674, re-
cherchée pendant longtemps, et toujours vainement, dans les plus grandes
bibliothèques d'Europe, retrouvée enfin dans une collection privée à Paris
en 1854, et assurée aujourd'hui à la science par sa réimpression, au milieu
des appendices A' Athènes.
Dans la longue et intéressante étude à laquelle il se livre, et où l'on voit
les monuments de l'Attique attirer successivement l'attention des voyageurs
et des savants, c'est surtout les noms et les actions de la France que
M. de Laborde met en relief plus volontiers et avec plus de développements.
C'est aussi la voie où nous voudrions entrer avec lui^ et où nous aimerions
à nous arrêter, si les limites de ce bulletin nous le permettaient. Nous en
indiquerons au moins les faits principaux qu'ont éclairés ses recherches.
Au début, M. de Laborde remarque, avec beaucoup de justesse, com-
bien les ravages des Turcs dans les mers de l'Archipel d'une part, et d'au-
tre part la direction trop méridionale suivie par les pèlerins allant en
terre sainte, avaient contribué dès le quatorzième siècle à éloigner les voya-
geurs des ports de la Morée, à plus forte raison des poris de l'Attique, en
faisant oublier presque entièrement Athènes du monde latin. Mais dès
l'époque où les relations pacifiques de la chrétienté avec la Porte, inaugu-
rées par François ler^ ralenties et reprises ensuite, deviennent régulières et
permanentes, on voit les ambassadeurs français à Constantinople, soit
par curiosité, soit dans un but politique, commencer à visiter les pro-
vinces de l'empire turc, s'arrêter particulièrement en Grèce, une de leurs
stations naturelles, et rendre ainsi à la ville d'Athènes la place qui lui ap-
partenait dans les souvenirs et l'intérêt de l'Europe civilisée. Depuis cette
époque , datant seulement des premières années du dix-septième siècle et
à partir de l'ambassade de Louis desHayes, il n'est pas une de nos mis-
sions au Levant qui, avec des résultats diplomatiques d'une tout autre
importance, n'apporte à la science des connaissances nouvelles sur quel-
ques-uns des monuments antiques existant encore en Turquie, et particu-
lièrement dans les provinces helléniques. Constatons avec satisfaction ce
résultat à l'honneur de notre pays, malgré sa tardive manifestation , parce
que les autres nations de l'Europe, à l'exception des Vénitiens, nos aînés,
en étaient encore à cette époque à solliciter les bons offices de la France
pour obtenir des relations directes avec la cour de Constantinople. Bientôt
289
la grande ambassade du marquis de Noinlel , qui tint à montrer en Orient
la puissance de la France en voyageant avec apparat, accompagné de sa-
vants et d'artistes choisis, révéla les notions les plus sûres et les plus abon-
dantes sur les monuments les plus célèbres de l'art grec. Dès ce moment
la direction fut donnée, et l'usage établi : le Pirée devint la relâche obligée
de nos voyageurs et de nos agents, et bientôt de tous les voyageurs en
Orient. Les rapports avec la Porte, ouverts par la France à l'Angleterre, fa-
cilités ensuite aux autres puissances, rendirent de plus en plus possibles,
malgré raille périls aujourd'hui inconnus , les voyages au Levant, et con-
tribuèrent à répandre ainsi en Europe la connaissance des arts de l'anti-
quité, et, à sa suite, l'amour et la recherche des médailles, des inscriptions
et des statues. L'Angleterre adopta ces goûts dispendieux avec son enthou-
siasme ou sa grandeur habituelle, et l'on put croire un moment , à voir les
travaux prescrits en Grèce par le comte d'Arundel, précurseur de lord
Elgin, que le noble seigneur, comme les critiques ouïes jaloux lui en at-
tribuèrent la pensée, voulait transporter la ville d'Athènes en Angleterre.
Au milieu de ces actes d'une exagération si fatale aux productions de
l'art antique, mais qu'il est bien difficile de ne pas excuser, on retrouve
avec plaisir les pauvres capucins français d'Athènes, mettant leurs soins
et leur amour -propre à étudier les vieux monuments de la ville et à
préserver de la destruction le précieux édifice choragique de Lysicrate,
longtemps appelé la Lanterne de Démosthène , en le renfermant dans les
murs de leur couvent, où il a traversé intact jusqu'à nos jours les boule-
versements et les ravages des Turcs et des chrétiens. C'est au zèle de ces
laborieux missionnaires que l'on est aussi redevable du premier plan
connu de la ville d'Athènes.
A ces noms, aux noms de des Hayes , de Nointel, d'Arundel , du père
Babin, se mêlent ou succèdent ceux de d'Arvieux, de Galland , de Carrey,
de San-Gallo, d'André Thevet, de Zygomalas,lde Guillet, de Vernon, de
Spon, à qui M. de Laborde rend une estime bien méritée, enfin le nom
de Wheler, parti pour la Grèce en 1682, et resté ainsi le dernier voyageur
célèbre à qui il a été donné d'admirer dans leur intégrité les frontons
du Parthénon, la merveille d'Athènes et de l'antiquité. Peu après cette épo-
que, la guerre se ranime entre Venise et Constantinople. Morosini, ayant
battu les Turcs dans les îles et dans la Morée, entreprend, en 1687, la con-
quête de l'Attique. Les événements de cette campagne occupent la plus
grande partie du second volume de M. de Laborde et terminent l'ouvrage
di Athènes du quinzième au dix-septième siècle.
En arrivant à la fin de cette histoire, et rapprochant par la pensée tous
les dangers , toutes les dévastations qu'ont soufferts les monuments d'A-
thènes, soit de la part des Turcs, soit de la part des chrétiens, on est
amené à reconnaître qu'à tout prendre , les Turcs ont occasionné aux mo-
numents de l'Attique moins de dégâts peut-être que les chrétiens. Nous
disons peut-être, car où trouver aujourd'hui le détail des désastres de
290
toutes sortes qu'a dû accumuler pendant trois cents ans un peuple icono-
claste et plein de fanatisme dans les villes chrétiennes de la Morée et de
l'Attique tour à tour assiégées , saccagées , reprises et incendiées, dans le
délire de la victoire ou la rage de la vengeance? Nous avons, au contraire,
le compte exact, et par malheur trop considérable, des pertes que l'Europe
civilisée a occasionnées à la Grèce par suite des nécessités de la guerre
et du goût exagéré de ses antiquités, qui s'était répandu parmi ses savants
et ses voyageurs opulents. Mais les monuments antiques auraient-ils eu
moins à souffrir encore de la part des Turcs, qu'on ne saurait tirer de ce
fait accidentel et fortuit la moindre conséquence en faveur de la civilisa-
tion des fils d'Osman; bien moins peut-on y voir le résultat d'une pensée de
protection des beaux-arts. C'est là un ordre d'idées qui est tout à fait
éloigné de leurs préoccupations et étranger à leur gouvernement. La spolia-
tion et la ruine, telles ont été jusqu'à ces derniers règnes , qui le niera ?
l'essence, la nature et la vie même du régime turc, partout où il s'est
établi : témoin ces larges plaies qui dévorent encore comme des cancers les
plus belles provinces de son empire, en Syrie , dans les îles , en Morée, en
Asie Mineure , aux portes mêmes de Constantinople. Là où un Turc a mis
le pied, l'herbe met sept ans à repousser ; M. de Laborde connaît aussi
bien que nous ce triste proverbe, que tout l'Orient répète au voyageur et
que tout atteste autour de lui. La dévastation des villes et l'épuisement du
sol ne sont-ils pas les monuments les plus manifestes et les plus irrécusa-
bles de l'administration turque jusques aux temps réparateurs de Mah-
moud et de son fils ? Ignore-t-on que, pendant trois cents ans, les Turcs, et
à leur exemple les Grecs, on n'en disconvient pas, n'ont vu dans les monu-
ments antiques que des carrières de pierre à bâtir, et que s'ils n'ont pas
tout renversé de fond en comble, c'est que l'œuvre de destruction leur eût
demandé trop d'effort ?
Qu'on nous permette d'insister sur ces observations et sur ces faits,
parce qu'ils tiennent une grande place dans l'histoire de l'Athènes mo-
derne, et qu'ils sont présentés dans le livre de M. de Laborde d'une façon
regrettable à beaucoup d'égards.
Lors de la campagne de 1688, les Turcs , réfugiés au haut de l'Acropole,
avaient transporté des armes et de la poudre dans le temple. Il était d'une
très-bonne guerre de bombarder et de faire sauter le monument. Par mal-
heur c'était le Parthénon-, mais qui voudrait aujourd'hui faire un crime au
généralissime vénitien de n'avoir pas suspendu son attaque et compro-
mis peut-être l'issue de l'expédition entière dont il avait la responsabilité,
pour sauver l'auguste édifice.'' Vainement objecterait-on l'exemple récent
d'un siège célèbre, où tous les ménagements de l'art ont été employés pour
épargner la ville. Les situations n'ont rien de semblable; l'obligation où se
trouvait Morosini sera bien mieux comprise, si on la compare aux circons-
tances mêmes où nous nous trouvons actuellement. La ville qu'assiègent en
ce moment nos armées, renfermât- elle les plus précieux monuments de
291
l'antiquité, croit-on que les travaux de l'attaque fussent en quoi que ce soit
modifiés? La conduite de Morosini trouve donc sa justification dans la si-
tuation où était placé le généralissime, et c'est perpétuer une sévérité histo-
rique, qui va jusqu'à l'injustice, que de faire avec insistance peser sur
son nom le souvenir déplorable de la destruction du Parthénon. C'est avec
peine que l'on voit un esprit élevé entretenir ainsi dans le monde des arts
et de la science une idée fausse et un sentiment contraire à l'équité, qualité
qu'il ne faut pas négliger même en histoire. Aussi voudrions-nous effacer
du livre de M. de Laborde ce projet de médaille destinée à conserver la mé-
moire de l'explosion du Parthénon sous les bombes vénitiennes. Le|texte,
dans lequel l'auteur reconnaît l'impérieuse obligation de la guerre, a beau
servir de correctif à la médaille ; l'image est là et fait tache, à notre avis,
dans ce sérieux et bel ouvrage.
Ne nous arrêtons pas plus longtemps sur l'épisode final de l'histoire d'A-
thènes au dix-septième siècle , et ajoutons un mot en terminant à ce que
nous avons dit de l'ensemble du livre de M. de Laborde. Ce n'est pas
seulement une œuvre de science , c'est en même temps une histoire instruc-
tive et d'une lecture extrêmement agréable. On n'a qu'à négliger momen-
tanément les notes placées au bas des pages, pour suivre dans le texte une
narration intéressante des relations et des guerres de l'Europe chrétienne
contre les Turcs pendant les deux cents ans où l'expansion de l'empire de
Mahomet II inquiétait l'Europe, qu'alarme aujourd'hui son délabrement.
Ces notes sont à elles seules un travail considérable, et d'une valeur parti-
culière. Extraits de dépêches officielles, dissertations archéologiques, no-
tices historiques et Httéraires, M. de Laborde a réuni dans ses annotations
et ses appendices des documents et des notions qui ajoutent un prix nou-
veau à son histoire, en complétant quelques-uns des points importants sur
lesquels il n'avait pu suffisamment s'arrêter dans le corps de l'ouvrage.
On lira surtout avec intérêt les rapports de Morosini au sénat de Venise
pendant son expédition d'Athènes, les détails ignorés jusqu'ici sur la fa-
mille de Kœnigsmarker, général de l'armée de terre vénitienne, les recher-
ches sur les inscriptions inexpliquées et probablement runiques des lions
de l'arsenal de Venise, provenant d'Athènes, etc. On s'associe aux craintes
et à la légitime satisfaction de M. de Laborde dans le récit des négocia-
tions qui l'ont rendu possesseur en 1840 de la tête de la Victoire sans ailes,
un des débris les plus parfaits de la sculpture antique, et l'unique tête in-
tacte qui ait été sauvée du Parthénon. M-L.
LIVRES NOUVEAUX.
Novembre — Décembre 1854.
116. Paléographie des Chartes et des manuscrits du onzième au dix-hui-
tième siècle ; par Alphonse Chassant. 4« édition , revue , corrigée et aug-
292
mentée, etc. In-12 de 7 feuilles, plus 9 pi. in-4''. — A Paris, chez Dumou-
lin (8 fr.).
117. Des influences bysantines. Lettre à M. Vitet, par Félix de Verneilh.
In-4» de 6 feuilles, plus 3 planches. — A Paris , chez Victor Didron , 1855
(5fr.).
118. Essai sur l'architecture militaire au moyen âge, par M. Viollet-le-
Duc. Grand in-8° de 15 feuilles 1/4, illustré de 153 gravures sur bois. — A
Paris, chezBance, rue Bonaparte, 13 (25 fr.)-
Extrait du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du onzième au seizième
siècle.
119. Études sur les poètes dans leurs relations avec les cours, et, par
extension, sur les bouffons, les nains, les abbés, etc.; par Montalant-Bou-
gleux. Tome 1er. in-so de 20 feuilles 1/4. Impr. de Montalant-Bougleux , à
Versailles.
120. Das Asylrecht. — Le droit d'asile dans son développement his-
torique; par Aug. Bulmerincq. Dorpat. Karow, 1853. 165 p. gr. in-8°.
(3 fr. 25 c).
121. Patrologiae cursus completus , sive Bibliotheca universalis, etc. Sé-
ries secunda, accurante J. B. Migne.
Patrologiae tomus CLXII. S. Ivo Carnot. episc. Petrus Chrysolanus Mediol. Archiep.
Richardus Card. Lambertus Atrebat., Galo Paris., Godefridus Ambian., episcopi. An-
selmus scholas. et can. Laudun. B. Robertus de Arbrisseilo. Seherus Calmosiac, abb.
Joannes mon. S. Audoeni, etc. In-S" de 51 feuilles. — 8 fr.
Tomus CLXIII. Paschalisll, Gelasius II, Calixtus II, romani pontifices. Conon S. R.
£. card. Radulfus Rem., Radulfus Cantuar., archiep. Guiilelmus de Campeliis Calai.,
Theogerus Meten., ErnulfusRoff., Marbodus Redon., episcopi. Placidusincertœ sedis
episcop., etc. Tomus unicus. ln-8° de 47 feuilles 1/2. — 8 fr.
Tomi CLXIV et CLXV. S. Bruno Astensis, abbas Montis Casini et episcopus Signien-
sium. Oddo Astensis monachus benedictinus. Deux volumes, ensemble de 82 feuil-
les. — 14 fr.
Tomi CLXYII à CLXX. R. D. D. aupertus abbas monasterii S. Heriberli Tuitiensis.
Quatre volumes, ensemble de 204 feuilles. — 32 fr.
Imp. de Migne, au Petit-Montrouge. — Au Petit-Montrouge, rue d'Amboise, près la
barrière d'Enfer.
122. Lateinische Hymnen. — Hymnes latines du moyen âge, publiées
d'après les manuscrits et expliquées par le docteur Mone. Tome IL Chants
en l'honneur de Marie. Fribourg, Herder. Grand in-S» de 479 pages (7 fr.).
123. Lettres de Jean Calvin, recueillies pour la première fois et publiées
d'après les manuscrits originaux, par Jules Bonnet. Lettres françaises. Deux
volumes in-8'', ensemble de 68 feuilles 1/2, plus un fac-similé. — A Paris,
chez Meyrueis, rue Tronchet, 2 (12 fr.).
124. loseph Ibn Zadik , philosophe juif du douzième siècle, par le doc-
teur Béer (en allemand). Leipzig, Hunger.61 p. gr. in-8o. (75 c).
125. Notice nécrologique sur la vie et les travaux de M. J. B. A. U. Du-
293
clialais , élève de l'école des Chartes, etc.; par C, F.Vergnaud-RomagDesi.
Ia-8° d'un quart de feuille. Imp. de Pagnerre, à Orléans.
Avec la liste des publications de Jean-Baptisle-Âdolphe Ursin Duciialais, né à Beau-
gency (Loiret) le 17 janvier 1815, mort à Mer (Loir.et-Cher), le 21 août 1854.
126. Topographie ecclésiastique de la France; par M. J. Desnoyers.
r» partie. In-8° de 9 feuilles 3/4. Imp. de Lahure, à Paris.
Extrait de l'Annuaire de la Société de l'histoire de France.
127. Grammaire de la langue d'oil, ou Grammaire des dialectes français
aux douzième et treizième siècles; par J. F. Burguy. Tome II. Berlin,
Schneider. 416 p. gr. in-8°. (8 fr.).
128. Les Galants du temps jadis. Essais littéraires sur le moyen âge; par
Alexandre Raymond. In-16 de 3 feuilles 3/4. Imp. d'Arbieu, à Poissy.— A
Paris, chez Coulon-Pineau, Palais-Royal. 1855.
129. Maistre Pierre Patelin. Texte revu sur les manuscrits et les plus an-
ciennes éditions, avec une introduction et des notes ; par F. Génin. Grand
in-S" de 23 feuilles 1/2. — A Paris, chez Chamerot,r. du Jardinet, 13. Car-
tonné (20 fr.).
130. Ronsard , considéré comme imitateur d'Homère et de Pindare.
Thèse; par Gandar. In-S" de 13 feuilles 3/4. Imp. de Blanc, à Metz.
131. Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des Membres de l'Aca-
démie royale de peinture et de sculpture , publiés d'après les manuscrits
conservés à l'École impériale des Beaux-Arts, par MM. L. Dussieux, E.
Soulié, Ph. de Cliennevières, Paul Mantz, A. de Montaiglon, sous les auspi-
ces du ministre de l'intérieur. Tome II. In-8° de 33 feuilles. — A Paris, chez
Dumoulin. Prix des deux volumes, 15 fr.
132. Les Archives de la France, ou Histoire des archives de l'empire,
des archives des ministères, des départements , des communes, des hôpi-
taux, des greffes, des notaires, etc., contenant l'inventaire d'une partie de
ces dépôts, partHenri Bordier, ancien archiviste aux archives de l'em-
pire, etc. In-80 de 26 feuilles 1/4. — A Paris, chez Dumoulin (8 fr.).
133. Histoire des troupes étrangères au service de France, depuis leur
origine jusqu'à nos jours, et de tous les régiments levés dans les pays con-
quis sous la première république et sous l'empire; par Eugène Fieffé.
Deux volumes in-8", ensemble de 54 feuilles, plus 24 pi. coloriées. — A
Paris, chez Dumaine (20 fr,).
134. Notice historique sur le cardinal Jean de Rochetaillée; par
M. l'abbé Christophe. In-8« d'une feuille 1/2. Imp. de Vingtrinier, à Lyon.
135. Du nom de Jeanne d'Arc. Examen d'une opinion de M. Vallet de
Viriville, par Renard (Athanase). In-S» d'une feuille 1/4. — A Paris, chez
Garnier frères.
136. Notice sur des lettres de créance émanées de Louis XII, concer-
nant Rigaud d'Aurelle, Tristan, Salazar et Florimond Robertet, ses con-
294
temporains; par M. de Sartiges d'Angles. In-8° d'une demi-feuille. Imp. de
Ïhibaud-Landriot, à Clermont-Ferrand.
137. Essai sur la vie d'Antoine du Prat, chancelier de France, archevê-
que de Sens, cardinal à latere^ etc.; par le marquis du Prat. In-8° de 11
feuilles 1/2. — A Versailles, chez Dagneau jeune.
138. La Noue. Notice sur sa vie et ses écrits. Thèse; par C. Seguer, de
Montbéliard (Doubs). In-S" de 2 feuilles 1/2, Imp. de madame veuve Decker,
à Colmar.
139. Montaigne, magistrat; par Alph, Grûn. Iu-8° de 3 feuilles. Imp. de
Dubuisson, à Paris.
140. Histoire des luttes et rivalités politiques entre les puissances mari-
times et la France durant la seconde moitié du dix-septième siècle; par le
baron Sirtema de Grovestins. Tomes III à VIII. Six volumes in-S", ensem-
ble de 198 feuilles 3/4. — A Paris, chez Amyot, rue de la Paix , 6.
141. Portraits historiques , par Pierre Clément. In-8» de 34 feuilles , ou
in-12 de 22 feuilles 2/3. — A Paris, chez Didier, (1855). 7 fr. et 3 fr. 50 c.
Suger. — Sully. — Le président de Novion. — Le comte de Grignan. — Le garde des
sceaux d'Argenson. — Jean Law. — Machault d'Arnouville — Les frères Paris. —
L'abbé Terray. — Leduc deGaëte — Le comte MoUien.
142. Monuments religieux de Cambrai avant et depuis 1789; par A.
Bruyelle. In-S" de 17 feuilles 1/4 , plus 9 gravures. Imp. de Prignet , à Va-
lenciennes.
143. Le Château de Roissac sous ses seigneurs, suivi d'aperçus histori-
ques sur Salles et Genté, Gensac, Ambleville, Saint-Fort, Angeac, Ars,
Bourg, Angles, Bouteville, .larnac-Charente^ Bessac, et d'une légende du
treizième siècle; par P. Lacroix. In-8° de 4 feuilles 1/2. Imp. de Durosier,
à Cognac. — A Cognac, chez Gérard (1 fr. 25 c.)
144. Notice historique sur Hauterive (Drôme); par A. Lacroix. In-18
d'une feuille. — A Valence, chez Marc Aurel.
145. Notice historique sur Loriol (Drôme); par M. l'abbé A. Vincent. In-
12 de 3 feuilles. — A Valence, chez Marc Aurel.
146. Histoire de l'abbaye de Saint-Claude, depuis sa fondation jusqu'à
son érection en évêché ; par M. l'abbé de Ferroul-Montgaillard. Tome I*"".
In-8'' de 24 feuilles 1/2, plus 6 lithogr. Imp. de Gauthier, à Lons-le-
Saulnier.
147. Cartulaire général de l'Yonne. Recueil de documents authentiques
pour servir à l'histoire des pays qui forment ce département. Publié par la
Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, sous la direction
de M. Maximilien Quantin, archiviste du département, etc. Tome P*^. In-4»
de 84 feuilles 1/2, ^Xxxs 2 fac-similé. — A Paris, chez Durand (17 fr.).
148. Histoire de l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre, ornée de plu-
295
sieurs plans et vues de labbaye; par V . B. Henry, etc. In-S» de 38 feuilles,
plus 7 pi.— Auxerre, chez Gallot (1853).
149. Mémoires historiques sur la ville de Seignelay, avecles principales
pièces justificatives; par M. Waast Barthélemi-Henry. Tome II. In-8° de
23 feuilles 1/4. — A Auxerre, chez Gallot-Fournier (1853).
150. Troyes depuis le cinquième siècle jusqu'au dix-huitième. Notes de
J. B. Breyer, trésorier et chanoine de l'église papale et collégiale de Saint-
Urbain, et de Hugot, chanoine de l'église collégiale de Saint-Étienne; re-
cueillies et mises en ordre par Michel Sémilliard , avocat à Troyes. In-4° de
3 feuilles 1/2. — A Troyes, chez Varlot père, antiquaire, éditeur.
151. Deutsche Rechtsalterthiimer. — Antiquités du droit germanique;
par J. Grimm. 2" édition. Gœttingue, Dieterich. 991 p. gr. in-S" (16 fr.).
152. De Codice saec. XV Erlangensi inedito cui promptuarium juris maxi-
mam partem asaxonicis romanisque fontibus repetitum inest. Scrips. G. Ph.
Gengler. Erlangae, .Tunge, 44 p. gr. in-8°.
153. Essai sur la RigsmaaI-Saga et sur les trois classes de la société ger-
manique; par M. de Ring. In-12 de 5 feuilles 1/6. — A Paris , chez Benja-
min Duprat (3 fr. 50 c).
154. Mùnchen. — Munie et ses environs, principalement au point de vue
historique; parle professeur Sœltl. Avec plans de 1300, 1613, 1707 et 1837.
— Munie, Franz. 301 p. gr. in-8°avec grav. et pi. (9 fr. 35 c).
155. Tableaux d'histoire de la Suisse au dix-huitième siècle, 1715-1803 ;
par Charles Monnard. In-18 de 13 feuilles. Imp. de Meyrueis, àParis ; chez
Meyrueis (4 fr.).
156. Procès du comte d'Egmont, et pièces justiflcatives, d'après les ma-
nuscrits originaux trouvés à Mons ; par M. de Bavay. 1 vol. in-8'' de 350 p.
Bruxelles, 1854 (5 fr. 50 c).
157. L'Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth avec in-
trod. et notes, et la Chronique galloise de Brut Tysylio; trad. allemande;
publ. par San Marte (Schulz). Halle, Anton, lxxvi et 636 p. gr. in-S»
(14fr. 50 c.).
158. Ingulph's Chronicle. — La chronique de Croyland d'Ingulfe, avec
les continuations de Pierre de Blois et d'autres écrivains. Traduite et an-
notée par H. F. Riley. Lond., Bohn. 546 p. in-8o (6 fr.).
159. Thomas Morus et son époque; par W. Jos. Walter. Traduit libre-
ment de l'anglais par Aug. Savagner. Suivi d'une analyse de l'Utopie de
Thomas Morus. 2« édition. In-8'' de 23 feuilles 1/2, plus 4 vignettes. — A
Tours , chez Mame.
160. Der Aufstand. — L'insurrection de Constantinople sous Justi-
nien I"; par le prof. Schmidt. Zurich , Meyer. 96 p. gr. in-S" et plan de
Constantinople (2 fr.).
161. Die Feldzùge. — Les campagnes de Robert Guiscard contre l'em-
296
pire byzantin; décrites d'après les sources par Ch. Scliwartz. Fulde, Mill-
ier. 70 p. gr. in-4° (1 fr. 35 c.)-
162. Geschichte. — Histoire de l'empire ottoman en Europe ; par J. W.
Zinkeiseu. T. H. 1453-1574. Gotha, Perthes. 973 p. gr. in-S" (15 fr. 50 c).
163. Storia documentata di Venezia. — Histoire diplomatique de Ve-
nise; par S. Romanin. ï. I. Venise, Naratovich. 1853. 23 feuilles gr. in-8°
(7 fr.).
L'ouvrage aura 10 volumes.
164. Le Relazioni. — Relations des ambassadeurs vénitiens au sénat
pendant le seizième siècle ; publiées par Eug. Alberi. Vol. 8. Florence,
1853. 478 p. gr. in-8°.
Les relations de France publiées dans ce volume prennent les pages 409 à 470.
165. Storia di Trento. — Histoire de Trente depuis les temps les plus
anciens jusqu'en 1802-, par Th. Gar , prof, et bibl. T. I. Trente, Monauni.
1853. 32 feuilles gr. in-8° (9 fr.).
L'ouvrage aura 4 volumes, dont le dernier consacré aux diplômes.
166. Statuti inediti. — Statuts inédits de la ville de Pise aux 12*, 13" et
14* siècles; publ. par Fr. Bonaini. T. I. Florence, 1853.60 feuilles gr.
in-4'' (24 fr.).
L'ouvrage aura 4 volumes.
167. Geschichte. — Histoire de l'origine et de la consolidation des États
de l'Église; par Sam. Sugenheim. Mémoire couronné par l'Acad. roy. de
Gœttingue. Leipzig, Brockhaus. 447 p. gr. in-8° (10 fr.).
168. Die Canarischen Insein. — Les Canaries, leur passéet leur avenir;
par J. de Minutoli. Berlin, 268 p. gr. in-8 (8 fr.).
CHRONIQUE.
Janvier — Février 1855.
^- Dans ses dernières séances , la Société de l'École des chartes a reçu au
nombre de ses membres MM. Chazaud, Servois , Bertrandy, Lacour et
Casati.
— Le 17 février, M. Fortoul , ministre de l'instruction publique et des
cultes, a été élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres ,
en remplacement de M. Raoul-Rochette.
— Notre confrère M. Chatel vient d'être nommé archiviste du dépar-
tement du Calvados.
— Notre confrère M. Fanjoux vient d'être nommé sous-préfet de Rocroy.
ADOLPHE DUCHALAIS
La Société impériale de l'École des Chartes doit un hommage
et un témoignage de sympathie à la mémoire d'un homme qui
a été l'un de ses membres les plus distingués, et l'un de ses vice-
présidents : en me confiant la mission d'accomplir ce doulou-
reux devoir, mes honorables confrères ont pensé que les rela-
tions intimes que j'ai entretenues avec Duchalais me mettaient à
même de répondre plus complètement à leurs intentions. Enlevé
à une époque de la vie où généralement on commence à peine
à compter dans la république des lettres, notre confrère avait
déjà beaucoup produit; j'essayerai de rappeler ce que la science
doit à ses travaux.
Des circonstances indépendantes de ma volonté m'ont em-
pêché de satisfaire aussi vite que je l'aurais souhaité aux vœux
de mes amis et à mon entraînement personnel. Ces lignes,
quoique tardives, trouveront, j'en suis sûr, de l'écho chez les
nombreux amis de Duchalais : quant aux autres savants , je me
féliciterai de pouvoir recommandera leurs études et à leur sou-
venir les ouvrages nombreux et intéressants que notre regretta-
ble confrère a laissés.
Jean-Baptiste-Ursiu-Adolphe Duchalais naquit à Baugenci,
le 11 janvier 1814; il appartenait à une famille de bonne et
vieille bourgeoisie.
Dès son enfance, Duchalais aima les livres et l'étude : il se
sentait invinciblement entraîné vers tout ce qui se rattachait
aux arts et aux sciences historiques. Au collège d'Orléans , il
se distingua par sa facilité à apprendre la mythologie, l'his-
toire et aussi la géologie, cette archéologie du globe. Parmi les
condisciples de Duchalais il n'en était pas un qui , dans ces
matières, eût osé lui disputer la supériorité. Je dois ajou-
I. {Quatrième série.) 20
298
ter que l'étude de la langue grecque fut alors assez négligée
par notre confrère ; mais, plus tard , il eut le courage de s'y
remettre, à une époque où les jeunes gens en oublient avec une
si complète insouciance le peu de mots restés dans leur mé-
moire.
Dès qu'il eut obtenu le diplôme de bachelier, Duchalais fut
envoyé à Paris pour suivre les cours de l'école de droit : son
père le destinait au notariat.
Mais M. Duchalais avait compté sans la vocation bien arrêtée
de son fils ; celui-ci se souciait peu de devenir officier ministé-
riel dans une petite ville , il lui fallait les musées , les biblio-
thèques, les grandes collections de tout genre que l'on ne
trouve qu'à Paris. Le droit était pour lui une étude ingrate, et
si vif était son goût pour les études scientifiques, qu'il préféra
longtemps une existence gênée, à Paris, à une position qui lui
eût assuré une vie aisée, au milieu des dossiers et du papier
timbré, dans sa ville natale.
Et cependant, il l'aimait cette ville natale! Il saisissait toutes
les occasions d'y venir passer quelque temps; il en étudiait les
annales avec prédilection , et chaque pierre du vieux donjon de
Baugenci lui était précieuse.
Il y avait peu de temps que Duchalais était établi à Paris,
sous prétexte d'étudier le droit, lorsque je le connus; notre
vocation commune pour l'archéologie nous attira l'un vers
l'autre, et l'amitié vint bientôt cimenter des relations qui, aprèà
treize années, ne m'ont rendu que plus vif le regret de les voir
cesser brusquement. Aujourd'hui encore, je ne puis sans émo-
tion me rappeler ces longues heures d'autrefois où , pleins d'ar-
deur pour la science que nous tentions d'aborder, nous devisions
ensemble de nos études favorites.
L'analyse de tous les travaux de notre cher camarade m'en-
traînerait au delà des bornes de cette notice. Je m'attacherai
seulement à quelques-uns d'entre eux, qui me serviront à indiquer
la marche ascendante suivie par lui dans ses études.
Après avoir essayé sa plume dans des notices sur quelques
monuments qui l'avaient particulièrement frappé, l'église d'Ar-
cueil et les donjons de Baugenci et de Montlhéry , Duchalais
s'occupa spécialement de l'étude des monnaies mérovingiennes ;
il y avait alors peu de temps que l'illustre Lelewel avait démontré
toute l'importance de cette série monétaire. Je ne parlerai pas
299
de la sagacité avec laquelle notre confrère déchiffrait ces petites
pièces d'un travail si négligé, traduisait des légendes obscures,
rapprochait des types pour les éclaircir les uns par les autres.
Une mémoire imperturbable, un coup dœil sûr, lui permettaient
de donner la solution d'une foule de problèmes, et plus d'une fois
des preuves matérielles vinrent ultérieurement lui donner raison.
Le premier mémoire numismatique de Duchalais fut « l'attri-
« bution à la Canourgue et à Bannassac des monnaies mérovin-
« giennes portant pour légendes BANNACIACO et GAVALE-
« TANO BAN. » Dans ce travail, où il rectifiait des attributions
fautives faites à Bagneux , Bagnols et Javouls, Duchalais , dès
1838, posait des principes qui sont restés acquis à la science.
Deux ans après, il faisait faire un nouveau pas à la numisma-
tique en établissant le poids de Vaureus romain dans la Gaule :
de nombreuses pesées et une étude consciencieuse lui avaient
démontré que, depuis le règne de Majorien jusqu'à celui de
Maurice, le sou d'or pesait 84 grains et le triens 28, ce
qui était conforme aux prescriptions du code Théodosien ; il
avait en outre constaté que depuis Maurice , et en Occident, le
sou avait pesé 72 grains et le triens 24, et il avait été ainsi amené,
en quelque sorte mathématiquement, à rapporter au règne de Mau-
rice la révolution monétaire qui donna naissance au système
franc proprement dit, et produisit les solidi francici mentionnés
par Marculfe. — J'insiste sur cette découverte, qui n'est pas
assez connue, bien qu'elle soit l'objet d'un mémoire publié dans
la Revue numismatique de 1840; à notre époque, où tant de
personnes ne se font pas conscience de prendre ce qu'elles trou-
vent à leur gré, et de s'en emparer comme de leur propre bien, il
est juste de noter avec soin les noms de ceux à qui revient légi-
timement la priorité. Dernièrement , M. Ch. Lenormant , si
compétent en pareille matière, donnait aux recherches de Du-
chalais sur ['aureus romain dans la Gaule des éloges dont ses
confrères et ses amis ont le droit d'être fiers.
Je réunirai à la fin de cette notice la liste des ouvrages de
Duchalais ; il faudrait un volume pour les étudier tous en détail ;
je dois donc me contenter de parler ici d'une manière générale
de chacune des branches de l'archéologie entre lesquelles ils
peuvent se classer.
Dans la numismatique du moyen âge, notre confrère se mon-
tra encore plus perspicace que dans ses recherches sur les mon-
20.
300
naies antérieures au neuvième siècle; le champ était plus
vaste, les connaissances approfondies qu'il possédait sur l'his-
toire contribuaient à lui faciliter l'interprétation des types et
des légendes. Ce fut Duchalais qui, le premier, commença à dis-
tinguer dans les monnaies carlovingiennes celles qui émanaient
du pouvoir royal et celles qui étaient émises par les premiers
ateliers féodaux ; il donna ainsi à l'étude de ces monnaies une
valeur nouvelle , et ouvrit une large voie à ceux qui veulent
trouver la solution de problèmes historiques restés indéchiffra-
bles jusqu'à présent ; il posa nettement la loi de la dégénérescence
des types; il fixa des points de départ qui sont et resteront des
jalons précieux.
Elève de l'Ecole des Chartes depuis 1840 , et archiviste paléo-
graphe, Duchalais avait été attaché aux travaux historiques
dirigés par M. Augustin Thierry; il était auxiliaire de l'Institut,
membre de la Société des Antiquaires de France , et affilié à un
grand nombre de sociétés savantes de la province et de l'étran-
ger, lorsqu'il entra au Cabinet des médailles de la Bibliothèque
royale. Là était sa véritable place ; là il se trouvait au centre
de ses études, au milieu de collaborateurs dont les noms font
autorité dans le monde scientifique. Duchalais avait alors une
réputation personnelle qui lui permettait de figurer dans cette
réunion d'hommes dont la science égale la courtoisie : il pou-
vait espérer que bientôt le dernier admis aurait le droit de figu-
rer sur le même rang que les plus anciens.
Dès ce moment, et sans abandonner les monnaies des Méro-
vingiens, des Carlovingiens ainsi que celles des barons de la
féodalité, notre ami reconnut qu'il devait s'attaquer franchement
à l'antiquité ; il publia plusieurs mémoires que les maîtres tels que
Mionnet et Eckhel n'auraient pas désavoués ; il entreprit un
ouvrage auquel l'Institut a décerné le prix en 1846, et qui a sa
place dans toutes les bibliothèques des savants, je veux par-
ler de la « Description des médailles gauloises du cabinet de
France. »
Il fallait du courage pour aborder un pareil travail , dans
lequel tout était à faire , un travail qui concernait exclusivement
une classe de monuments monétaires généralement dédaignés
jusqu'alors à cause de leur fabrique barbare. Duchalais avait
compris que là se trouvaient les plus anciennes archives de notre
nation; il y consacra ses longues veilles, et eut le mérite de
301
rendre la roule praticable. Nous nous écrivions souvent pour
nous communiquer nos appréciations, et, je dois l'avouer, dans
cet échange de pensées, je recevais bien plus que je ne donnais.
Je ne puis m'empêcher de rappeler ici une longue lettre qu'il
m'adressa quelques mois avant la maladie qui nous l'enleva ;
c'est un véritable mémoire inédit que je me reprocherais de
garder pour moi seul aujourd'hui.
« Mon cher camarade ,
« Vous me demandez mon opinion sur les quadrilatères que vous
remarquez principalement sur les statères gaulois que vous attribuez
à la confédération armoricaine ; à mon avis, ce ne sont ni des phalères
ni des bricoles de phalères; j'y vois un anathema ou ex-voto d'une
victoire remportée. Voici mes raisons :
« L'aurige gaulois ne tient pas un stimulus à la main, mais une branche
chargée de baies; or, sur les statères macédoniens, comme sur un grand
nombre de monnaies dont les types rappellent les triomphes remportés
dans des jeux publics , l'aurige porte une palme qui est certainement
l'équivalent du rameau chargé de baies. Cette palme ou ce rameau sont
regardés par tous les antiquaires comme un objet de consécration ; j'ai
ouï parler par Longpérier d'un vase du Louvre sur lequel on voit un
personnage tenant de chaque main une palme à laquelle pendent, par
deux liens très-courts, il est vrai, deux objets quadrilatéraux. M. Raoul-
Rochette, dans son traité sur la peinture murale des anciens, donne une
planche représentant un arbre aux branches duquel pendent de petits
tableaux, sur quelques-uns sont figurés des dessins; on donne à ces
petits tableaux le nom d'anathemata ; je crois donc que ce sont des
anathemata que nous devons voir sur le vase du Louvre, comme sur vos
monnaies gauloises.
« Rappelez-vous que Mionnet, le premier qui a eu occasion de parler
de ces objets, les a appelés des tableaux; que M. Lambert y a vu le
péplum, semblable au péplum panathénaïque , le péplum de la Mi-
nerve gauloise ; enfin , qu'à mon tour, j'ai proposé , quoique très-
timidement , d'y reconnaître un linge sacré , un symbole analogue à
la vitta. Je crois fermement que j'étais dans le vrai , ainsi que
M. Hucher et vous , lorsque vous y reconnaissiez un vexillum , et voici
pourquoi :
« La peinture publiée par M. Raoul-Rochette représente indubitable-
ment des tableaux appendus à un arbre, en guise d' anathemata; le
30-2
péplum pauathénaique était une autre sorte à'anathema, tissé par les
jeunes filles d'Athènes et porté au Parthénon , en grande cérémonie ,
dans les fêtes des Panathénées ; il représentait les victoires de Pallas sur
les Géants. Ce qui a fait croire à M. Lambert que sur les monnaies
gauloises il s'agissait d'un objet analogue consacré à une Minerve gau-
loise , c'est qu'à propos de la guerre des ïnsubriens d'Italie contre les
Romains, ces Gaulois, pour exciter l'ardeur de leurs soldats, faisaient
porter devant l'armée un péplum nommé les Immobiles , qu'ils conser-
vaient dans le temple de Minerve pour ne le faire sortir que dans les
grandes occasions, lorsqu'il y avait une guerre nationale. C'était leur
chape de saint Martin, leur oriflamme; c'est de Polybe, qu'il ne cite
pas, je crois, que M. Lambert a tiré ce fait important.
« Si j'ai dit à mon tour que ce symbole était analogue à la viifa, c'est
que je savais que la vitta était un objet de consécration , et que j'y
voyais une sorte d'ex-voto; ainsi à Crotone, et ailleurs encore, la vitta
orne le trépied d'Apollon. Sur les vases peints, la Victoire l'offre au
vainqueur, en ceint son front, ou l'attache à la colonne élevée sur les
tombeaux; en Eubée, elle est appendue aux cornes du taureau, sym-
bole parlant du nom de cette île; enfin, pour ne pas multiplier fasti-
dieusement les exemples, je vous rappellerai les monnaies de Sicile et
d'Élide sur lesquelles Nice tient à la main , soit une vitta seule ^ soit une
vitta attachée à une palme.
« Je n'ai pas eu le loisir de lire tous les passages que M. Raoul-Rochette
consacre à ces anathemata; je ne puis donc vous dire s'il admet seule-
ment qu'un ex-voto de ce genre fût exclusivement un tableau. Comme
il m'est impossible de voir dans le péplum panathénaïque autre chose
qu'un objet de cette nature , je crois fermement qu'il y avait des ex-voto
de tous genres, vitta, tableaux , statues (plus particulièrement appelées
agalmata) et tapisseries.
« L'anathema des statères gaulois est donc pour moi une tapisserie ,
un linge sacré, un péplum , un vexillum, comme vous le voudrez; ce
qui me le démontre, ce sont les franges dont la partie inférieure est
quelquefois ornée.
« J'aborde maintenant une autre série de preuves que je crois pou-
voir invoquer à l'appui de mon opinion , et que j'estime être d'une cer-
taine importance.
« Vous savez que de tous les peuples de l'antiquité, les Siciliens étaient
ceux qui attachaient le plus de prix aux palmes cueillies aux jeux
isthmiques, olympiques et pythiques; leurs médailles suffiraient pour
en faire foi , si les odes de Pindare n'étaient là pour l'attester. Or, sur
303
les tétradrachmes de presque toutes leurs villes, on voit un bige ou un
quadrige dont le conducteur est couronné par la Victoire; quelquefois
même Nice prend sa place dans le char. Je vous citerai particulière-
ment trois pièces qui ont attiré votre attention lors de votre dernière
visite au Cabinet.
« Un magnifique médaillon d'Agrigente, qui fait l'ornement de la
collection de France , représente un char attelé de quatre chevaux ,
précédé par un aigle étreignant un serpent dans ses serres ; Homère
nous a appris que cet emblème était un signe de victoire. Un autre té-
tradrachme offre le même quadrige, dont l'aurige est couronné par la
Victoire; enfin, sur un troisième, on ne voit ni l'aigle du premier ni la
Victoire du second , mais un quadrilatère auquel s'attache un ruban ,
et sur lequel est écrit en toutes lettres AKPArANTiiNON ; seulement
l'espace ayant fait défaut , les trois dernières lettres sont placées dans le
champ de la médaille.
« Eh bien ! ne faut-il pas reconnaître ici l'équivalent de la Victoire
couronnant le vainqueur agrigentin , l'équivalent de l'aigle déchirant
le serpent, l'équivalent enfin de notre symbole gaulois ?
« TransportODS-nous maintenant à Syracuse; nous y trouvons, devant
le char de triomphe, la Victoire elle-même tenant un quadrilatère ana-
logue, attaché par deux liens, et sur lequel on lit EYAINHÏ02. Évé-
nète était un célèbre graveur, l'émule de Cimon, et tous deux ont signé
plusieurs médailles syracusaines ; mais que vient faire, me direz-vous,
le nom du graveur sur Xanathema? — Voici ma réponse; vous me direz
ce que vous en pensez.
« Les graveurs de l'antiquité , à l'exception d'Évantos de Cydonia,
ont soigneusement dissimulé leurs signatures sur les monnaies; ainsi un
graveur massaliote cachait son nom ATPI dans les favoris de la tète
du dieu local (Apollon); Cimon et Événète mettaient eux-mêmes leurs
signatures dans des ornements secondaires, tels que la chevelure de Pro-
serpine ou d'Aréthuse , sur un des dauphins qui accompagnent cette
magnifique tête, sur le bandeau qui ceint son front, etc. Je crois que
si Événète, ayant gravé un anathema , mit son nom dessus , il avait de
bonnes raisons : en grec , eO aivvi signifie heureuse louange. En écrivant
son nom de manière à ce que les trois dernières lettres fussent dans le
champ, il faisait un jeu de mots comme on en trouve si fréquemment
sur les monnaies grecques.
« A Damastium d'Épire, dont le nom fait allusion à celui de la Vic-
toire, oa|xaa), vaincre, nous trouvons encore un quadrilatère, comme
l'un des types principaux; dans cet objet, dont on a déjà donné les
304
explications les plus invraiiàemblables, je vois un anaihema; quelque-
fois on y lit le nom d'un magistrat, KH<1>I; les caractères en sont trop
gros pour que l'on doive y voir le nom d'un graveur. »
Dùchalais devait rendre de grands services à la numismatique
gauloise , et je lis encore dans une de ses lettres ce passage
que je cite avec un certaiu orgueil, et qui résume la marche qu'il
comptait suivre :
« C'est à l'aide des monuments de la Grèce que je tâche d'élucider les
obscurités de nos médailles nationales. Je ne sais ce que vous en pen-
serez, mais je crois que nos pères n'étaient pas, comme on le suppose
généralement, et comme l'ont dit les Romains, leurs vainqueurs, étran-
gers au mouvement de la civilisation. Je me confie d'autant plus volon-
tiers à vous, que vous avez dernièrement démontré que Pythagore leur
devait une partie de ses doctrines, sinon sa doctrine tout entière. Je
crois fermement que les emprunts ont été réciproques, et, faisant
amende honorable, j'avoue maintenant qu'à une certaine époque que je
crois pouvoir fixer vers l'an 60 ou 70 avant notre ère, les Gaulois sa-
vaient, en copiant les types grecs et romains, les approprier à leurs
mythes. »
Espérons que les nombreuses notes et les manuscrits de
Dùchalais, confiés à des mains amies, pourront être mis en
état de voir le jour ; ce sera un service rendu à la science, et
un digne hommage à sa mémoire.
Quelques mots encore et je termine.
Dùchalais était bon ami , confrère obligeant et savant mo-
deste; ferme dans la discussion, il ne cédait que lorsqu'il
était convaincu. Je n'ai connu chez personne la probité litté-
raire plus développée que chez lui. C'était un noble carac-
tère.
Passionné pour l'étude, il a travaillé jusqu'au jour où la ma-
ladie est venue paralyser un zèle jusqu'alors infatigable; il est
mort près de sa mère, le 20 août 1854, dans les sentiments d'un
vrai chrétien.
A. de Barthélémy.
305
LISTE DES OUVRAGES DE J. B. U. A. DUCHALAIS.
ABCHÉOLOGIE.
1 . Observations sur les cachets des médecins oculistes , à propos
de cinq pierres sigillaires. (Mém. des antiq. de France, nouvelle série,
t. VIII.)
2. Note sur une tète de bronze antique, attribuée à Marcus Cœlius
Caldus, et restituée à Lépide. (Ib.,t. Xi.)
3. Recherches sur les antiquités gauloises et gallo-romaines de Suè-
vres. (Bull, de la Soc. arch. de l'Orléanais.)
4. Explication de quelques bas-reliefs de la cathédrale de Paris.
(Mém. des antiq. de Fr., t. VI.)
5. Explication d'un bas-relief de la cathédrale de Parme. (Ib.,
t. XII.)
6. Le rat employé comme symbole au moyen âge. (Bibl. de l'Ecole
des Chartes, t, IX et X.)
7. Etudes sur l'iconologie du moyen âge: chasteté et luxure; no-
blesse et vilenie. (Ib., t. X.)
8. Mémoire archéologique sur la tour deBaugenci. (Bull, de la Soc.
bibliophile-historique, 1836-37; reproduit dans la Mosaïquede l'Ouest
et du Centre.)
9. Études archéologiques sur le département de la Meuse. (Rev. de
la Meuse.)
10. Mémoire archéologique sur la tour de Montlhéry.
11. Mémoire sur Arcueil, bas-relief de l'église. — Sceaux, imp. de
Dépée.
12. Notice sur le diptyque de l'office des fous, envoyée à la Société
archéologique de Sens. (Ce mémoire est encore inédit.)
Duchalais avait réuni des notes considérables pour un travail sur
Varbre paradision.
Je ne citerai pas dans cette nomenclature les nombreux articles de
critique et de compte rendu qu'il a publiés dans un grand nombre
de Revues, mais principalement dans la Revue numismatique et dans la
Bibliothèque de l'École des Chartes.
Histoire.
13. Dissertation sur une charte inédite de l'an 1138, relative à
l'histoire des vicomtes de Melun. (Bibl. de l'École des Chartes, t. VI et
306
Vil.) — Dans ce travail qui concerne une charte scellée avec une mon-
naie, on trouve une bonne classification des pièces des comtes de
Champagne.
14. Recherches historiques sur la ville et le canton de Baugenci.
(Aun. de Baugenci de 1845.) — Ce travail , ainsi que le mémoire ar-
chéologique sur le donjon de la même ville, devait être refondu dans
une histoire générale.
Numismatique.
Je ne puis noter les nombreux articles du Dictionnaire de l'histoire
de France^ publié sous la direction de M. Le Bas , qui sont dus à la
plume de Duchalais : il y a mis un bon résumé de la numismatique
nationale, depuis l'époque gauloise. — Notons ici que notre confrère avait
l'intention de recueillir les documents nécessaires pour la rédaction d'un
catalogue général et raisonné des monnaies mérovingiennes.
15. Mémoire sur Apollon Sauroctone. (Rev. archéologique.) Ce mé-
moire contient des renseignements importants sur la numismatique
gauloise des Rémi.
16. Observations sur quelques points de numismatique gauloise.
(Rev. numismatique, 1847.)
17. Le type du Douisien est-il d'origine celtique? Les types moné-
taires des Gaulois ont-ils eu quelque influence sur les types monétaires
du moyen âge? (Ib., 1848.)
18. Des médailles des Sotiates. (Ib., 1846.)
19. Description des médailles gauloises du cabinet de France ; 1 vol.
in-8°. Paris, 1846. FirminDidot. (Couronné par l'Académie des ins-
criptions et bel les- lettres.)
20. Monnaies gauloises trouvées à Basoches en Dunois. (Rev. num.,
1840.)
21. Restitution à la Mauritanie de deux médailles d'Auguste et
d' Agrippa attribuées à l'Espagne. (Rev. num., 1842.)
22. Restitution à Éphèse et à l'Egypte de cinq monnaies autrefois
classées à Arsinoé de Cyrénaïque et à Éleusa de Cilicie. (Ib., 1848.)
23. Restitution à Ptolémaïs de Pamphylie et à Ptolémée, roi d'Epire,
de deux pièces de bronze attribuées à Ptolémaïs de Cyrénaïque. — Mé-
daille inédite de Ptolémaïs de Galilée. (Ib., 1848.)
24. Restitution à Olbasa de Pisidie, à Jérusalem et aux contrées
occidentales de la haute Asie, de trois monnaies coloniales attribuées à
Océa de Syl-tique. (Ib., 1849.)
307
25. Observations sur les monnaies de Cardia. — Restitution à La-
rissa de Thessalie et à la Cyrénaïque de quelques médailles attribuées
à Cardia. (Ib., 1849 et 1850.)
26. Monnaies inédites de la Cyrénaïque. — Attribution à cette con-
trée de quelques médailles laissées parmi les incertaines. (Ib., 1850 et
1851.)
27. Mémoire sur les monnaies antiques frappées dans la Numidie
«t dans la Mauritanie. (Mémoire des ant. de France , nouvelle série ,
t. IX.)
28. Restitution à la Chersonèse Taurique d'une médaille attribuée
aux îles de Clides. (Rev. num., 1851.)
29. Restitution à Corinthe d'une médaille de bronze attribuée à Eriza
de Carie. (Ib., 1851.)
30. Recherches sur quelques points de l'histoire numismatique de la
ville de Cnide. (Méra. des ant. de France, t. X.)
31. Observations sur quelques médailles de l'Élide. (Rev. num.,
1852.)
32. Monnaies de Cyrène au type de l'abeille. (Ib., ib.)
33. Monnaies frappées en commun par les villes de Phères, Atrax,
Argissa, Castanea et des Athamans. (Ib., 1853.)
34. Octavie représentée en Victoire sur un denier et un aureus des
familles Mussidia et Numonia. (Ib., ib.)
35. Petit bronze de Maurice-Tibère frappé à Carthage. (Ib., ib.)
36. Poids de Vaurens romain dans la Gaule. (Rev. num., 1840.)
37. Attribution à la Canourgue et à Bannassac de monnaies méro-
vingiennes portant pour légendes BANNACIAGO et GAVALETANO
BAN. (Bull, delà Soc. bibliophile-historique, 1836-1837.)
38. Études numismatiques sur le département de la Meuse; restitu-
tion à Sorcy , en Barrois, d'un triens mérovingien attribué à Saucourt.
(Rev. de la Meuse, 1841.)
39. Note sur un triens mérovingien frappé à Dourdan. (Bull, de la
Soc. arch. de l'Orléanais, 1851.)
40. Restitution à Baugé et Loudun de deux monnaies mérovingien-
nes attribuées à Baugenci, à Baugi et à Laon. (Rev. num., 1839.)
41. Observation sur quelques monnaies mérovingiennes. (Ib., 1842
et 1845.)
42. Triens de Lyon. (Ib., 1850.)
43. Triens du Gévaudan. (Ib., ib.)
44 . Observations sur quelques monnaies mérovingiennes publiées
en Belgique et en Russie. (Ib., 1854.)
308
45. Triens de la Frise. (Ib., 1854.)
46. Un mot sur le type du portail. (Ib., 1840.)
47. Attribution à Baugenci d'une monnaie carlovingienne inédite.
(Ib., 1839.)
48. Obole inédite de Thibaut le Tricheur, frappée à Baugenci. (Ib.,
1846.)
49. Observations sur quelques monnaies des dixième et onzième
siècles, frappées àSenlis, Chinon, Orléans, Étampes, le Mans et Ca-
teau-Cambrésis. (Ib., 1840.)
50. Notice sur la maille d'or de Baugenci. (Ib., 1838.)
51. Monnaies lorraines au douzième siècle : restitution à Thierry,
duc de Lorraine, de monnaies de Neuf-Chateau, attribuées par M. Ro-
bert aux évêques de Toul. (Ib., 1845.)
52. Monnaies de Rethel et de Mézières. (Ib., 1851.)
53. Observations sur le type des monnaies de Morlas. (Ib., 1840.)
54. Observations sur quelques monnaies frappées à Orange pendant
le moyeu âge. (Ib., 1844.)
55. Monnaie inédite du Bourbonnais et de Souvigni. (Ib., 1852.)
56. Mémoire sur une monnaie d'un roi de Naples. (Mém. de la Soc.
desant. de France, t. XII.)
57. Observations sur quelques jetons relatifs à l'histoire du Blésois.
(Rev. uum., 1847.)
58. Jeton de Blanche de France. (Ib., 1851.)
59. Méreau de l'église Saint-Nicolas de Maintenon. (Ib., 1851.)
-»•♦♦•*—
L'ÉVÉQUE DE MENDE
ET LES
SEIGNEURS DU TOURNEE.
Les pièces suivantes, que nous croyons inédites, nous ont paru of-
frir un certain intérêt : le texte que nous en donnons a été copié, sur
l'original pour la première, et sur deux vidimus, l'un de 1249, l'autre
de 1271, pour la seconde.
Nous les devons l'une et l'autre à l'obligeance de M. le comte de
Châteauneuf de Randon, qui a bien voulu nous permettre de puiser
dans les précieuses archives de sa famille.
La première pièce est un traité de paix intervenu entre l'évêque de
Mende et le seigneur du Tournel, en 1249, à la suite d'une de ces
guerres privées si communes avant les règlements de saint Louis sur
l'asseurement et la Quarantaine le Roy.
La seconde, intercalée dans la première , est le procès- verbal de la
prestation de foi et hommage à l'évêque de Mende, par Odilon Guérin,
seigneur de Châteauneuf, pour le château du Tournel , en 1209. Cette
pièce, outre la curieuse formule de serment qui la termine, et les dé-
tails circonstanciés qu'elle donne sur les obligations qu'entraînait la
vassalité au treizième siècle, contient encore des indications qui per-
mettent de préciser davantage certains faits rapportés inexactement
par les auteurs du Gallia christiana. Par exemple, le départ de Guil-
laume, évêque de Mende, pour la Terre Sainte, ne doit pas être fixé à
la date de 1223, puisqu'en 1209 ses diocésains le croyaient déjà outre
mer; et si à cette date de 1223 il a résigné ses fonctions, il esta
croire que ce n'est pas uniquement à cause de son départ pour la Terre
Sainte, puisque déjà, en 1209, il avait conservé, quoique absent, son
évêché, dont il s'était contenté de confier l'administration à son vicaire
Guillaume de Peyre, archidiacre de Mende.
Voici l'analyse de ces deux pièces dans l'ordre même où elles se pré-
sentent.
310
Traité de "paix, de 1249.
En 1249, le 13 août, l'élu de Mende, au nom de l'évêque de
cette ville, et Guigue ou Gui, seigneur du Tourne), tant en son nom
que pour Odilon, son fils, et Guérin de Châteauneuf, fils deGuérin
d'Apchier i , s'accordent pour traiter de la paix par-devant Guillaume
Pons, notaire public à Beaucaire , aux conditions suivantes :
I. Les deux parties se pardonnent réciproquement le mal qu'elles
se sont fait, sauf à faire régler à l'amiable par des arbitres nommés de
concert certaines questions réservées.
II. Guigue reconnaît tenir en fief de relu de Mende : 1° les château
et mandement de Chapieu, pour lesquels il se reconnaît l'homme de
l'évêque , auquel il promet de prêter serment de foi et hommage ;
2° les château et mandement du Tournel, aux conditions spécifiées dans
un acte de 1209 reproduit textuellement et dont nous donnons plus
loin l'analyse ; 3» les châteaux et mandements de Montmirat et de
Montgeloux , aux mêmes conditions que le château du Tournel.
III. Dix personnes de chaque châtellenie ou mandement promettent
avec serment à l'élu de Mende d'observer et de faire observer ce traité,
et s'engagent, en cas d'infraction de la part de Guigue, à prendre
parti contre lui, malgré le serment de fidélité qu'elles lui ont prêté.
IV. Le château ou les châteaux que le seigneur du Tournel n'aura
pas remis à l'évêque, dans les cas spécifiés par l'acte de 1209, tombe-
ront en commise, et l'évêque pourra les saisir d'autorité.
V. Guigue et les siens promettent avec serment de rester fidèles à
ce traité.
VI. Plusieurs amis ou parents de Guigue se rendent cautions de sa
fidélité et promettent leur secours à l'évêque en cas d'infraction de la
part de Guigue ou des siens.
VII. Les hommes de Chanac Vilar et Mende (selon toute apparence
vassaux de l'évêque ) seront exempts de tout péage sur les routes de
Guigue dans l'évêché de Mende.
VIII. Guigue s'engage à satisfaire ses créanciers de Mende d'a-
près le jugement de l'élu, qui, alors, lui rendra le château de
Chapieu.
IX. Il s'engage encore à s'expliquer, devant l'élu , sur toutes les
1. c'est probablement le même dont on trouve une courte biographie dans Ray-
nouard. Choix despoésies des troubadours, tom. v, p. liis.
311
questions personnelles élevées contre lui^ soit par l'élu lui-même, soit
par d'autres.
X. GuiguC; et le doyen du Puy, pour Guérin de Châteauneuf, jure-
ront, avec dix chevaliers, de travailler de bonne foi à remettre l'élu en
possession du château de Castelboe.
XI. Guigue rendra à l'élu et à Randon le château de Montmirat
qu'ils garderont jusqu'à parfait accord entre R. d'Anduse et Guigue.
L'acte est alors signé, et les ratifications, c'est-à-dire les serments,
reçues par le notaire ; on prend note de l'exception faite en faveur de
l'élu, qui promet sans prêter serment; enfin, le notaire signe lui-même
pour donner à l'acte toute son authenticité.
Voici maintenant l'analyse de la seconde pièce :
Prestation de serment de foi et hommage par Odilon Guérin, seigneur
du Tournel, à Vévêque de Mende (5 juillet 1209).
Odilon Guérin reconnaît à l'évêque et à l'église de Mende la régale
et tous les biens et droits qui en dépendent dans tout l'évêché de Gé-
vaudan. Par suite, il prête, comme ses prédécesseurs i, le serment de
foi et hommage entre les mains de Guillaume de Peyre, archidiacre de
Mende, vicaire de Mende.
Ce serment impose au seigneur du Tournel et à ses successeurs les
obligations suivantes :
I. A tout changement, soit d'évêque, soit de vassal, les châteaux
tenus en fief de l'évêque lui seront rendus à première réquisition, à lui
ou à son mandataire.
II. Si l'église ou l'évêque de Mende a procès ou guerre, le seigneur
du Tournel lui doit rendre le château qui serait le plus utile pour venir
à bout de ses ennemis , sans être pour cela dégagé de l'obligation de
lui porter secours autant qu'il pourra.
III. Même obligation encore si l'un des hommes du seigneur du
Tournel devient l'ennemi de l'évêque ou de l'église de Mende.
IV. Dans les châteaux ainsi remis entre ses mains , l'église ne se
doit entremettre ni de daims, ni de justice, fors de batailles de trahi-
son, à moins toutefois que le seigneur du Tournel ne fasse pas justice
du mal qui a été commis.
1. Et en effet il existe aux archives de la Lozère un acte contenant la prestation
d'un serment de ce genre par un seigneur du Tournel , en 1134. Cet acte, en langue
vulgaire, a été publié, mais d'une façon peu correcte, dans les Documents histori-
ques sur le Gévaiidan, par M. G. de Burdin, archiviste de la lx)zère. 2 vol. in-8".
312
V. Si le seigneur du Tournel appelle un vassal de Téglise, ou est ap-
pelé par lui pour trahison, c'est à l'évêque que revient le droit de con-
naître de l'affaire et de confisquer les biens du coupable.
VI. L'église ne doit, à titre de seigneurie, tenir ou forcer absolument
que les châteaux forts, et ce, sans dommage ni perte pour le seigneur
du Tournel, et sans rien demander dans les autres terres qui appar-
tiennent audit seigneur.
VIL Armand de Peyre, prévôt, et Guillaume de Peyre, archidiacre
de Mende, vicaire de l'évêque Guillaume, du consentement exprès
des chanoines et du chapitre de Mende, promettent au seigneur du
Tournel que l'église le garantira de toute attaque et de toute réclama-
tion au sujet de ce qu'il tient d'elle et de l'évêque , ainsi que de toute
guerre ou tort que lui ferait homme de l'évêché ou étranger à l'évêché.
Suit la formule assez curieuse du serment prêté par Odilon Guérin.
Pour la pièce de 1209, nous donnons en note les variantes que four-
nit le vidimus de 1271.
Anuo dominice incarnationis m" ce" xl" viiii'', m* indictione,
idibus augusti , régnante Ludovico rege Francorum , super di-
scordia sive giierra que fuerat inler dominum 0. electum Mima-
tensem. ex una parte, nomine suo et nomine episcopi Mimatensis,
et dominum Guigonem de Tornello, ex altéra, idem dominas
electus et dominus Guigo de Tornello, intendentes paci et con-
cordie, ad invicem, in formam infra scriptam convenerunt. Et
est sciendum quod tam dominus electus, pro se et hominibus
et valitoribus suis, quam dominus Guigo, pro se et 0. filio suo
et hominibus et valitoribus suis , facturi firmum teneri , pacem
et concordiam faciunt in perpetuum tenendam et inviolabiliter
observandam , rémittentes sibi , ad invicem , uterque pro se et
hominibus et valitoribus suis , alteri pro se et hominibus
et valitoribus ejus, et omne odium, omnem discordiam, omnia
dampna , quocumque modo contigerint, usque modo, ob dictam
guerram, vel occasione dicte guerre , libérantes alter alterum,
pro se et hominibus et valitoribus suis , ab omni petitione et
obligatione, quibus alter alteri teuebatur, et a dampnis, rancuris
et injuriis sibi ad invicem, usque in hune diem, qualitercumque
illatis, salvis eisdem domino electo et domino Guigoni de Tor-
nello et domino decano Podiensi , pro ipso et pro Garino de
Castro Novo, filio quondam dominiGarini de Apcherio, quibus-
dam questionibus realibus ad invicem compçtenlibas, percompo-
;M3
sitores amicabiles terminandis, inquisita a scientibus veritate.
0. quidem dominas electus, et dominus Guigo, et dominus de-
canus, pro se et Garino filio quondam dicti domini de Apcherio ,
pacem faciunt, pro se et hominibus et valitoribus suis, in for-
mam superius nominatani , et se ad invicem liberaverunt et
aboliverunt de omnibus dampnis , petitionibus et gravaminibus
et obligationibus sibi ad invicem usque ad hune diem qualiter-
cumque illatis, et ab omnibus petitionibus, rancuris et demanda-
mentis , et omnibus obligationibus et quasi obligationibus, qui-
bus ad invicem tenebantur. Omnibus peractis , dominus Guigo
de Tornello recognovit et professas fuit domino electo , nomine
episcopi et ecclesie Mimatensis , se tenere ad feudum , ab eodem
domino electo, nomine episcopi ecclesie Mimatensis, et ab
eadem ecclesia, castrum de Capione, et castra sive fortalicias
factas modo et in posterum faciendas in mandamento dicti
castri de Capione. Recognovit etiam se esse hominem, pro dicto
Castro et pertinenciis suis , dicti domini electi , nomine episcopi
dicte ecclesie Mimatensis, et ejusdem ecclesie Mimatensis, et
se debere jurare fidelitatem et bomagium facere, pro dicto
Castro et pertinenciis suis, ecclesie Mimatensi et electo sive
episcopo Mimatensi, nomine episcopi Mimatensis qui pro tem-
pore fuerit. Recognovit etiam dicto electo, nomine episcopi dicte
ecclesie , se debere reddere dictum castrum et fortalicias factas
et faciendas in mandamento dicti castri, dicto domino electo
et successoribus suis ad omnem somesiam sive requisitionem...,,
scilicet quociens fuerit requisitus a domino electo, vel per ipsum
dominum electum , vel per successores ejusdem , viva voce vel
per patentes litteras sigillo pendenti sigillatas vel successo-
rum, vel per certum nuncium ipsius electi vel successorura
ejusdem , castra, inquam , et fortalicias factas et faciendas, mu-
nienda et muniendas a dicto domino electo vel successoribus
ejus , pro eorum omnimoda voluntate.
Item recognovit dicto domino electo , nomine episcopi eccle-
sie Mimatensis, se tenere ab eodem et successoribus suis, ad
feudum , castrum de Tornello et forcias et fortalicias factas et
faciendas in ejusdem castri mandamento, in forma que conti-
netur in quadam carta sigillata cum quadam bulla plombea,
cujus ténor talis est :
Dominice incarnacionis anno m" cc° viiii", indictione vu*,
I. (Quatrième série.) 31 ,
314
quinta die intrante mense julii (Philippe rege Francorum *) ,
Guillelmo ii° Mimatensi episcopo. Connoguda' causa sia^ (a
totz homes) , que eu ^ Odil '' Garis , davaii Deu et davan l'altar
de madona Sancta Maria, e davan las reliquias del glorios
raartir^ saing Privât, en lagleisa® de Meinde, en la presencia'
del Capitol (e de gran partida dels baros e dels chastelas de
l'evesquat), e del prebost de Monmiraut^, que i era da^ part lo
dig rei de Fransa , conosc et confes que li gleisa ^ ^ de Meinde deu
aver e ha^* la regalia e las^^ razos e las '* segnorias*^ que
perteno a la regalia, en tôt l'evesquat de Gavalda, si que, per
nom de regalia ^\ mei ancessor e tug l'altre (baro) ancessor
d'aquels, que ara y ^^ son, e nos meseys avem, sai en reires, fag
homenest efezeltat *", absagramen ^ ^, ai'evesqueGuillelm monse-
nor ^ ^, que cresem ^^ que sia oltra mar; e aoras eu^ Odil " Garis
sobredigz ^^ , per reconoisensa "' de la sobredicha regalia, faz ^^
homenest e jure fezeltat'** (ab sagramen), per nom de l'evesque,
et de la dicha gleisa ^, a te Guillelm de Peyra, archadyaque^^
de Meinde, que tenes aora lo loc de l'evesque e la^* vicaria de
tôt l'evesquat, per voluntat e per mandament ^^ del sobredig
evesque, e promet que eu ^ ti reda^", per la sobredicha segno-
ria ^^, lo chastel delTornel (els altres chastels que son bastit ei
mandament delïornel), zo^^ esa saber : Tornamira, el chastel
de Baiet^**, e Cubeyra, e Cerver^**, e Valescura, et la metat
delein^\ et Montorser ^^; e generalment ^ ^ totas las forsas que
i son 0^"* i serion per adenan^^ bastidas, conosc que dei""^ redre^%
ad evesque mudan, o a segnor ^* mudan dans la mia part.
Tots ^^ aques"*" davandig chastels o forzas''^ que ara son bastit ^
o que serau, et tots- los altres chastels, e las forsas que (eu ai,
ni per adenant auria en tôt l'evesquat, e) aoras non ténia ^^ de.
* Les mots entre parenthèses ont été omis dans le vidimus de 1 27 1 .
1. Conoguda. — 2. Sya — 3. Heu. — *. Odjls.
5. Martyr. — 6. Gleysa — 7. Presensa. ^ 8. Montmirau.
9. De. — 10. Ligleysa — il. A. — 12. Elias.
13. senhorias 14. De la regalia. — 15. 1. — 16. Fedeltat.
17. Sacreraens. — 18. Monsenher. — 19. Crezem. — 20. Sobredigs.
21. Reconoysensa. — 22. Fas. — 23. Archidyaque. — 24. Ella.
25. Mandamen. — 26. Renda. — 27. Senhoria. — 28. So.
29. Baet. — 30. Servier. — 31. Delleng. — 32. Montorsier.
33. Generalmen. — 34. E. — 35. Adenant. — 36. Dey..
37. Rendre. — 38. Senhor. — 39. Toslz. — 40. Aquels.
41. Forsas — 42. Tenba.
315
segnor*' , conosc que dei tener de la gleisa ", e redre ^^ d'aital**
maneira*"*, que quan l'evesques que (i) venria'"' novels, volria
recebre lo Tornel o un des altres chastels , o poscha far, e quant
auria aquel receubut*'^, o hom per el, e pois'^^ redut*" a me,
o ad aquels que après me teno los chastels e las altras forzas'"
pot en altre somonre^' el o hom per el, e det lo li redre ^', eu'
o aquels que après me venrau ; e atressi com es de sobre dig ,
pos aquel aura l'evesques a me o als meus redut *" , pot en altre
somonre ^* e recebre, el o hom per el ; e en aisi ^^ cou d'aquest es
dig, deu ^' somoure e recebre e redre tots los altres chastels
sobre digs, que son o serau'^* baslit en tota ma terra, que ad
ora ^^ non tenc de sengnor, a la muda del segnor '* delà gleisa ''y
0 daus la mia part segnor ^^ mudan. E si la gleisa® avia plags
o guerra ab negun home, que no volgues penre ^' sa razon ^',
deg l'en valer eu', o aquil *** que après me venrau , et se valer
no il Yolia, dei ^^ li redre a l'evesque, o ad aquel qu'il mandaria,
aquel chastel que séria plus profoitables ®' a destregner "* los
enimics ^* de la gleisa^, e per tôt aquo eu' no séria escorts**
que non aiudes a la gleisa ® a bona fe segon mom poder ; e per
sens covinents l'igleisa ® deu mi valer e mantener de tôt home ,
que no volgues penre mon dreg , e quant eu ' fronteiramen ''^11
valria de plag o de guerra, poyria l'evesque o il seu, tornar els
chastels que eu' ai®", ni auria, que de segnor ^^ altre non ten-
gues , sas *' recebre las forzas ®*, e sas dan, e sans messio de me
0 de mes homes. Atressi promet e conosc , que si alcus hom ,
chavalliers o altre , qui que fos , de tota ma terra , fraignia ® '
paz, e eu ' nol volia o^** nol podia destrengner ^^ ad emendar'^
lo forfag, aquel chastel que fos plus aisies'^' ad aquel a forsar
e destrengner^', dei"* redre a l'evesque perla paz'*, e als'*
pasers ; se y 11 ' ® y eron tug o ' ® parts, e se negu non iavia, redria ' '
43. Senher. — 44. Daytal.
45. Maneyra.— 46." Vienra. — 47. Receput. — 48. Poys.
49. Rendut — 50. Forsas — 51. En semonre attio 52. Aysi.
53. Deu hom semonze. — 54. Seriau — 55. Que a ora non teing de senhor.
56. Senhor. — 57. Penra. — 58. Razo. — 59. Aquel. Dans le texte de 1249, il y
avait d'abord « aquel » qui a été corrigé en «. aqvil » de la même main.
60. Dey. — 61. Profeytables. — 62. Destreinhcr. — 63. Enemics. — 64. Escortz.
65. Fronteyramen. — 66. Ay. — 67. Sans. — 68. Forsas.
69. Franhia pas — 70. E. — 71; Destrenher. — 72. Hesmendar.
73. Aysiez. — 74. Pas. — 75. Al. — 76. II. — 77. Rendut.
21.
31G
lo chastel a l'evesque e ad aquels per cui le pais '' ^ adonc sic
governaria, tro aquel o aquil fosso ^® ad adobamen *" vengut
o lur agues le ^* paz '''* fag lo mal que ad aquel temps poyria
far*'; e tan*' quan aquel chastel tenrio, non** fario dau ni
messio a me nil** als meus; e en tots aques*^ digs covinens,
voil que sia a tots homes certa quels mazes , en ques forsas non
ha, ni per adenan non*^ serio, els quais eu* ay alo, reteing
francs, que il ** gleisa ^, per la segnoria^'' dels chastels, no
poscha ren querre ni demandar , si per aventura chastels o
forsa no si baslia, laquai *** tenria de la gleisa ^, ella ^'^ reconnois-
seria, ellaredria asegnor'** mudan de sai o de lài (aisi)'",con es
de sobres "^ digeescrig; atreissi^* els chastels que li gleisa tenria
segon los ^^ davandigs covinens, nos deu eutremetre ** ^ de clams ,
ni justicias^®, fora bataillas "^ de tracio. Se li mei ** home, fosso
chavalier o altre, s'encolppavo'"',eeu' nonomenavaaisi *°" com
devria, quar l'encolpameusdemes homes devo ^"' venir davan^"*
me e eu dec o menar a rado, e se non o fasia, l'evesques, comma
segner ^® mager, o poiria ^ "^ adoncs menar e destrengner ' ' davan
se. Pero las terras ellas fazendas del trachor remenrau a me,
mas s'ieu' encolpava altre chastella, d'equels^"'' que teno los
chastels de la gleisa **, o altre me, aquo que deu venir davan
l'evesque per menar e per destrengner '^ a rado, o per aver a son
ops las terras et las fazendas d'aquel que séria trachor prohatz
davan sa cort, per paraula e per batalla ^''^; ni deu tener ni forzar
li gleisa^"® neguna mayso , per non de segnoria^', mas aquellas
del chastel on séria la forsa , ses tota mession * ''^ e ses * "* tôt dan
meu , de me e ^"^ de mes homes; ni pot ni deu ren demander,
per nom de segnoria ' ^ ", dels chastels , en cui terradors o men-
daraens serio, els homes, ni en las aigas ^ ' % ni els bocs ^ ' ^, ni els
paschers ^ ' % ni els molis " *, ni en las altras terras laoradas ^ ^ ^ o
78. Per cui adoncs li pas si governaria. — 79. Fosson. — 80. Adobramen.
81, Li 82. Lur poyria far. — 83. Tant quant — 84. No.
8b. Ne. — 86. Aquests. — 87. No. — 88. QueyI. — 89. Loqual.
90. E la reconoysecia e la tenria. — 91. De say o de lay. — 92. Sobre.
93. Atressi. — 94. Las. — 95. Entrametre. — 96. Ni de justicias.
97. Batalhas. — 98. Meu homes. — 99. Sencolpava. — 100. Aysi. — 101. Deu.
102. Davan 103. Poyria. — 104. D'aquels. — 105. Batalha.
106. La gleysa. — 107. Messio. — 108. Sans. — 109. O.
110. La senhoria. — 111. E las aygas — 112. Bases. — 113. Paschiers.
114. Molins. — 115. Lamadas ehermas. —
317
ehermas, que eu ay, o li meu " ', en tots ' ♦ Mos tcrradors de mes
cbastels, e els mandamens.
Daus l'autra * ** part eu ^ Aremans * ' ' de Peyra prebost, e eu *
Guilhelms de Peira arehediaques^^" de Meinde, tenens la vicaria
de l'evesquat, per nom e per mandamen de monsenher^^' En
Guillem l'evesque, ab voluntat e ab cossentimen espres dels
chanonis'^^, e ôel* c/iapitol de la gîeisa, prometem a te , Odil
Gari, que jamais '^^ l'evesque, nil gleisa ® o negun hom del
mon , clergue ni laie ''^^ no do ni auctore lo menatge , ni negun
dels fieus que tu tes de la gleisa^, per so que tu aquels tengues
de la gleisa*', e tu d'aquel, se tu aiso'^'^ no volias, e li toa vo-
luntats * ^* ab aqueila ' ^^ de l'evesque e de la gleisa® nons'acordava
E se en ta terrUy on que sia, dans l'evesquat de Javalda , baslias
chastel o cbastels, de que bom ti * ^^ mogues guerra o rancura * ^"j
que non volgues penre ton dreg^^", li gleisa t'en deu valer e
mantener a bona fe, ab tôt son poder. E se negus hom de l'e-
vesquat o deforo l'evesquat te movia la guerra, nit fasia'^' ran-
cura , que non volgues penre ta rado , nos te prometen que
il gleisa ^ t'en valla ^^'"^ tos temps ab tôt son poder.
Li '^^ maneira de la feseltat es aitals : Eu Odils Garis, davan
lo cor Deu ' ^ *, jure sobre saings * ^ ^ evangelis tocatz ' '*, e sobre las
reliquias de mosegnor * ^^ saing Privât, qu'eu *^% d'aquesta hora
anans ''^^ serai tizels*"*" a monsegnor saing Privât, a la gleisa de
Meinde, e a mosegnor En Guillelm l'evesque , et a tots los altres
que après lui ^ ^ ' venrau, e al chapitol ^^^^eue serai en conceil ' '' ^
ni en fag per que perdo vida ni membre*'*'* ni syon près; lo
cossoil quem dirau^*'' per se o per lur messatge o per lur
letras , no manifestarai*"*" a lur dan , anan e venen los défendrai
els gardarai * " de tôt mon * *^ poder.
Aiso '"^ fon fag a Meinde, en la gleisa ** major, davan l'altar de
116. El meu.